Contrôle des conditions aux frontières ouvertes d’un modèle de circulation côtière avec une méthode variationnelle d’assimilation de données

Ce travail de thèse est dédié à l’étude de la circulation marine en milieu côtier. Il existe bien sûr de multiples approches pour comprendre les mécanismes de ce milieu naturel, chacune s’inscrivant avec son degré de réalisme et son degré d’interprétation. D’une part, notre perception du milieu marin s’appuie sur son observation qui s’enrichit à travers le développement de techniques innovantes d’acquisition de données. D’autre part, l’activité du dynamicien s’est spécialisée aux fluides géophysiques pour représenter la circulation marine à partir d’une large gamme de mécanismes candidats sous diverses hypothèses d’échelle. Notre compréhension de la dynamique du milieu marin s’appuie alors sur son interprétation qui fait appel à l’application d’un modèle de circulation combinée à l’analyse des observations.

L’utilisation des observations dans un modèle de circulation marine, et notamment à travers des méthodes qualifiées d’assimilation de données, est une thématique de recherche particulièrement en vogue ces temps-ci. Depuis que les principaux états stationnaires du système océanique ont été élucidés, notre intérêt se porte dorénavant sur son évolution climatique et sur les régions qui le composent. Et parce qu’il est aux premières places dans le fonctionnement global de notre planète, le milieu marin bénéficie des mêmes attentions que l’atmosphère en termes de moyens technologiques déployés et d’objectifs de prévision. Les méthodes d’assimilation de données développées en météorologie sont alors appliquées avec un certain succès à l’océan global et à ses régions océaniques. Toutefois, le milieu côtier reste confidentiel puisqu’il a été très tôt sujet à une prévision opérationnelle pour appréhender les principaux facteurs de notre activité maritime que sont tempêtes et marées. Les techniques d’emboîtement de modèle ont fait leur preuve en la matière, et elles restent bien sûr d’actualité. C’est peut-être pourquoi peu d’études, comparativement à l’océan global, ont été engagées dans le développement de méthodes d’assimilation de données. Pourtant il apparaît aujourd’hui des velléités pour appliquer au milieu côtier des méthodes approuvées dans le contexte océanique.

L’océanographie côtière est en effet au centre des efforts de recherche de la part de nombreux acteurs de la communauté scientifique. Parce qu’il constitue basiquement l’interface entre le milieu terrestre et le milieu océanique, le domaine côtier reçoit la majorité des apports fluviaux et de la déposition atmosphérique. L’influence anthropique y est forte, avec un impact considérable sur l’écosystème marin. On observe ainsi une forte concentration de matière organique, qui donne lieu à des réactions chimiques avec la couche sédimentaire et qui active un cycle biogéochimique complexe. C’est pourquoi le système côtier joue un rôle fondamental, et toutefois mal connu, dans la quantification des flux de carbone globaux. Et de surcroît à travers le constat d’un niveau croissant de CO2 atmosphérique et de ses conséquences incertaines, l’évaluation de la part à attribuer au milieu océanique côtier passe par une meilleure compréhension des liens entre la circulation et les cycles biogéochimiques en son sein. Du point de vue du dynamicien, ces indéterminations se posent en termes de mécanisme et de magnitude du transfert de matière vers l’océan hauturier, de contrôle de la physique dans la structure de l’écosystème côtier, de réponses et rétroactions à la variabilité climatique. Pour les résoudre, un certain nombre d’informations sont mises en oeuvre pour participer in fine à la compréhension des caractéristiques de fonctionnement du système côtier. D’une part en terme d’observation, les moyens modernes et routiniers de télédétection (température de surface, élévation de surface et couleur de l’eau via satellites, courant de surface via radars HF) viennent s’ajouter aux moyens traditionnels de mesure in situ. D’autre part en matière de modélisation, des moyens sophistiqués sont développés pour une représentation de la circulation marine toujours plus réaliste, ainsi que pour le couplage de la dynamique avec des mécanismes biogéochimiques.

MODÉLISATION DE LA DYNAMIQUE CÔTIÈRE

Les régions côtières sont riches en phénomènes dynamiques qui interagissent à différentes échelles et obéissent à de multiples mécanismes. Un modèle est choisi pour décrire les mouvements en zone côtière, avec ses hypothèses et son fonctionnement algorithmique . Dans l’ensemble de ce travail, les forçages de la circulation côtière sont donnés par le vent en surface et par la circulation régionale aux frontières ouvertes latérales. Il s’agit alors de savoir d’une part dans quelle mesure le modèle choisi est représentatif des phénomènes liés au forçage atmosphérique . D’autre part, il s’agit de définir une manière de spécifier le forçage régional, ce qui revient à choisir un mode de traitement des conditions aux limites ouvertes du modèle .

DESCRIPTION DU MODÈLE 

La compréhension et la prédiction de la circulation côtière nécessitent le développement de modèles théoriques appropriés. Ils sont naturellement basés sur les principes fondamentaux décrivant la mécanique des fluides, soit la conservation de la masse et la conservation de la quantité de mouvement. Si l’approche lagrangienne semble être la mieux adaptée pour la traduction des mouvements de la circulation côtière, la conventionnelle approche eulérienne est conservée. Il s’agit ensuite de faire appel à des méthodes numériques afin de discrétiser les équations du mouvement sur une grille à trois dimensions, puis de calculer l’évolution temporelle de chaque variable à chaque point de grille. On utilise pour cela un code numérique existant : OPA, modèle de circulation générale dédié à l’étude des bassins océaniques hauturiers. Le choix de ce modèle a été motivé par l’existence de son modèle adjoint.

Comment spécifier les conditions aux frontières ouvertes ? 

Si les contraintes intérieures sont supposées être distribuées linéairement, les termes d’advection de quantité de mouvement constituent les seules non linéarités du modèle. Ces termes d’advection deviennent négligeables lorsque leur ratio avec la force de Coriolis est petit, c’est-à-dire pour de petits nombres de Rossby. Ils pourraient aussi être négligés devant les termes de forçage, mais aucun des deux cas n’est validé en ce qui concerne la dynamique des courants côtiers. Toutefois, ces termes non linéaires ont pour effet de transférer la quantité de mouvement d’une région à une autre sans modifier globalement son intensité. L’effet de l’advection ne se traduit donc pas par une modification notoire des caractéristiques importantes de la dynamique, telles que les échelles spatiales ou temporelles (Csanady 1982, section 1.8). Dans le cadre d’études de processus, le modèle sera considéré faiblement affecté par ses non linéarités. En conséquence, on s’appuie essentiellement dans ce travail sur une décomposition théorique de la dynamique en deux modes pour la mise en place des expériences et la compréhension des résultats. Un mode barotrope qui rend compte des mouvements de la colonne d’eau et un mode barocline qui rend compte des mouvements internes. Ces deux modes sont liés par les termes d’advection, on se permet donc de passer outre ce lien non linéaire sans pour autant l’éteindre dans le code.

TRAITEMENT DE LA RÉPONSE AU FORÇAGE DU VENT

On s’intéresse maintenant aux états d’équilibre de la circulation dans un bassin forcé par le vent, et comment ces états sont atteints. En réponse à un forçage de vent, un fluide tournant et homogène atteint un état d’équilibre dynamique – appelé l’équilibre géostrophique – différent de l’état de repos. C’est par une approche analytique que sont décrits les structures stationnaires correspondantes – issues de Csanady (1982)- et les mécanismes d’ajustement à ces structures de circulation – issus de Crépon (1971). Il s’agit alors d’évaluer la représentativité du modèle OPA face à ces processus côtiers : est-ce que ces états d’équilibre existent dans les solutions admissibles du modèle ? Si oui, comment peuvent-ils être générés et quels sont les paramètres qui influencent la solution du modèle ?

PROCESSUS D’AJUSTEMENT AU CHAMP DE VENT

L’équilibre géostrophique
La tension de vent exercée à la surface de la mer représente le forçage majeur de la circulation côtière. Si cette force pariétale n’affecte directement que la couche de surface, par friction interne, elle agit en fait sur toute la colonne d’eau à travers la contrainte normale qu’exercent les variations de la pression en surface. Ces variations de pression sont équivalentes à l’élévation de la surface libre par rapport au niveau marin moyen engendrée par la présence d’une côte ou encore par les cisaillements de la tension de vent.

Les structures de circulation dans un état stationnaire sont de deux types. En absence de forçage, les lignes de courant suivent les isobathes. La colonne d’eau est guidée par la topographie en accord avec la conservation de la vorticité potentielle. En présence de forçage, les lignes de courant sont déviées dans le sens (resp. sens inverse) du gradient topographique avec un rotationnel de vent positif (resp. négatif). La circulation s’effectue alors en travers des isobathes. L’ajustement à ces derniers états stationnaires est réalisé par le passage d’une onde de Rossby topographique.

Le système d’équations résolu par le modèle s’avère particulièrement approprié pour la prise en compte de ces effets topographiques. Il existe en effet une grande similitude entre ce genre de processus côtier et les processus de grande échelle prenant compte des variations du paramètre de Coriolis. Le terme lié à la topographie qui apparaît dans la relation (1.41) peut être effet assimilé à un effet « bêta topographique ». Il en résulte une bonne représentativité de la circulation stationnaire vérifiée par une relation analogue à l’équilibre de Sverdrup, ainsi qu’aux processus d’ajustement proches de ceux de l’océan global (ondes de Rossby planétaires). Il reste cependant un problème majeur dans la modélisation des effets topographiques : celui de la précision dans la discrétisation de la bathymétrie. L’utilisation de coordonnées géocentriques s’avère incompatible pour prendre en compte des pentes de fond supérieures à celles résolues par l’échantillonnage de la grille Δz fond / Δs – ces dernières étant de l’ordre de quelques pour cent. C’est pourquoi une modification dans la définition de la grille a été envisagée afin d’améliorer la représentativité du modèle. Elle est basée sur la mise en place de «partial cells » proposée par Pacanowski et Gnanadesikan (1998) : à partir d’un système de coordonnées géocentriques, il s’agit d’ajuster la hauteur de la dernière cellule active au niveau réel du fond. L’implémentation de ce type de modification est immédiate pour le traitement du mode barotrope ; il reste toutefois à imposer la conservation de l’énergie cinétique totale par un calcul approprié du gradient de pression hydrostatique au fond du bassin. Cette amélioration possible a été laissée de côté dans l’utilisation du code et de son adjoint.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. MODÉLISATION DE LA DYNAMIQUE CÔTIÈRE
I.1. DESCRIPTION DU MODÈLE
I.1.1 EQUATIONS RESOLUES
I.1.2 QUELQUES DETAILS SUR LA MISE EN ŒUVRE NUMERIQUE
I.2. TRAITEMENT DE LA RÉPONSE AU FORÇAGE DU VENT
I.2.1 PROCESSUS D’AJUSTEMENT AU CHAMP DE VENT
I.2.2 REPRESENTATIVITE DU MODELE
I.3 TRAITEMENT DU FORÇAGE RÉGIONAL
I.3.1 POSITION DU PROBLEME
I.3.2 TOUR D’HORIZON DES METHODES DE TRAITEMENT
II. INVERSION DE DONNÉES GÉOPHYSIQUES
II.1. DE L’INVERSION À L’ASSIMILATION
II.1.1 FORMULATION D’UN PROBLEME INVERSE, POINT DE VUE DETERMINISTE
II.1.2 FORMULATION D’UN PROBLEME INVERSE, POINT DE VUE STATISTIQUE
II.1.3 APPLICATIONS AUX SYSTEMES GEOPHYSIQUES
II.2. L’APPROCHE 4DVAR INCRÉMENTALE
II.2.1 FORMULATION DU PROBLEME VARIATIONNEL
II.2.2 ORGANISATION DU CODE
III. POSITION, IMPLÉMENTATION ET VALIDATION DU CONTRÔLE DES CONDITIONS FRONTIÈRES
III.1. TRAITEMENT DU PROBLÈME DE CONTRÔLE FRONTIÈRE
III.1.1 CONTROLE FRONTIERE DE LA DYNAMIQUE BAROTROPE
III.1.2 CONTROLE FRONTIERE DE LA DYNAMIQUE BAROCLINE EN EQUILIBRE GEOSTROPHIQUE
III.1.3 IMPLEMENTATION DU CONTROLE FRONTIERE
III.2. VALIDATION SUR DES EXPÉRIENCES JUMELLES D’IDENTIFICATION
III.2.1 FORÇAGE A LA FRONTIERE OUVERTE D’UN MODELE BIDIMENTIONNEL
III.2.2 DEVELOPPEMENT D’UN JET COTIER DANS UN CANAL SEMI-INFINI
III.2.3 SEPARATION D’UN COURANT COTIER INCIDENT A UN TALUS
IV. APPLICATION AU GOLFE DU LION
IV.1 MORPHOLOGIE ET FORÇAGES
IV.2 LES MOYENS D’OBSERVATION DEPLOYES
IV.3 SENSIBILITE DES RESEAUX D’OBSERVATION AUX VARIATIONS BAROTROPES DE LA CIRCULATION REGIONALE
IV.3 CONTROLE DE L’INFLUENCE DE LA CIRCULATION REGIONALE A PARTIR D’UN RESEAU D’OBSERVATION FIXE : PROSPECTIVES
CONCLUSION
RÉFÉRENCES

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