CONTRÔLE DE L’EXPRESSION GENIQUE AU NIVEAU POST-TRANSCRIPTIONNEL PAR NPM-ALK DANS LES LAGC ALK+

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LES LYMPHOMES ANAPLASIQUES A GRANDES CELLULES

PRESENTATION GENERALE

Les lymphomes sont des hémopathies malignes, issues de la transformation de cellules lymphoïdes en cellules cancéreuses, et caractérisées par un envahissement des ganglions du système lymphatique. On parle ainsi de pathologie « systémique », en référence à cet envahissement du système lymphatique.
Les lymphomes constituent près de 5% des cancers et représentent une part importante des hémopathies malignes. Parmi les lymphomes, on distingue généralement deux grandes familles : les Lymphomes Hodgkiniens (LH) qui représentent environ 20% des cas et, par opposition, les lymphomes dits Non Hodgkiniens (LNH) qui représentent donc les 80% restants.
Dans le travail de thèse exposé ci-dessous, nous nous sommes intéressés à un type particulier de LNH, les lymphomes anaplasiques à grandes cellules (LAGC). Ces derniers ont été identifiés en 1985 par Harald Stein et Karl Lennert en raison de plusieurs critères, notamment leur cytologie inhabituelle qualifiée « d’anaplasique », leur modèle de croissance sinusoïdal, lui aussi peu commun, ainsi que leur forte immuno-réactivité vis-à-vis de l’anticorps anti-Ki-1 (ou anti-CD30)1. Sur la base de ces (différents) critères, les premières classifications de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) rangeaient initialement ces lymphomes dans la catégorie des lymphomes à morphologie anaplasique, exprimant l’antigène CD30, et de phénotype dit T ou nul (c’est-à-dire non-B ou non-T)2,3. Depuis 2008 cependant, l’OMS les classe désormais dans la catégorie des lymphomes développés à partir de cellules T périphériques3,4.
On distingue finalement deux types de LAGC : les LAGC cutanés primitifs, qui se forment dans le tissu cutané, et les LAGC systémiques qui proviennent, eux, des ganglions du système lymphatique. Ces derniers peuvent disséminer vers les poumons, les os, la peau, le foie, le médiastin et les tissus mous.
Les LAGC systémiques sont encore subdivisés en deux sous-catégories5:
• Les LAGC dits ALK-négatifs (ALK-), dépourvus de l’expression de la tyrosine kinase oncogénique nommée Anaplastic Lymphoma Kinase (ALK)
• Les LAGC dits ALK-positifs (ALK+) qui, à l’inverse, expriment une protéine de fusion de type X-ALK suite à un évènement de translocation chromosomique impliquant le gène ALK.
C’est sur ces LAGC ALK-positifs que mon travail de thèse est centré.

MORPHOLOGIE ET PHENOTYPE

Généralités

Les LAGC ALK+ se caractérisent par une infiltration des ganglions lymphatiques au niveau paracortical par des nids de cellules cohésives. Si l’infiltration respecte initialement les follicules lymphoïdes, elle devient ensuite intrasinusoïdale, avec une distribution périvasculaire des cellules tumorales.
Au niveau cytologique, les LAGC ALK+ se caractérisent, comme leur nom l’indique, par la présence de cellules de grande taille, au cytoplasme abondant, dont le noyau excentré et réniforme est dit en forme de « fer à cheval », et qui présentent un nucléole proéminent16. Au sein d’une tumeur, les cellules qui présentent l’ensemble de ces caractéristiques sont qualifiées de « hallmark cells » (Figure 1)12.
Selon la classification de l’OMS de 2008, on peut classer, en fonction de la proportion de « hallmark cells » dans les tumeurs, les LAGC ALK+ selon cinq sous-types : une forme commune et quatre variants morphologiques17.

Sous-types morphologiques

La forme commune correspond en réalité au sous type initialement identifié par Stein et Lennert. Ce sous-type est composé quasi-exclusivement de « hallmark cells » et elle représente la forme la plus fréquemment retrouvée (60% des cas) (Figure 1)12,18.
Le variant lymphohistiocytaire présente, comme son nom le sous-entend, une proportion importante d’histiocytes en plus des « hallmark cells ». Ce variant est retrouvé dans près de 10% des cas (Figure 2B)19.
Le variant à petites cellules se caractérise, outre la présence de « hallmark cells », par la présence de cellules cancéreuses de plus petites tailles. Ce variant, moins fréquent que les précédents, est retrouvé dans 5 à 10% des cas (Figure 2A).
Le variant mixte présente les caractéristiques des trois sous-types mentionnés précédemment, et est retrouvé dans 15% des cas (Figure 2C).
Enfin, le variant « Hodgkin-like » présente des zones de sclérose nodulaires, qui sont généralement associées à la maladie de Hodgkin, d’où l’origine de son nom (variant 2D).

Marqueurs immunophénotypiques

En raison de l’existence de ces différents variants morphologiques, la mise en évidence de marqueurs phénotypiques spécifiques des LAGC ALK+ s’est avérée capitale pour permettre leur diagnostic. Les principaux marqueurs phénotypiques sont listés de façon non exhaustive ci-dessous (Tableau 3).
L’expression du marqueur ALK est, sans surprise, l’un des éléments majeurs du diagnostic des LAGC ALK+ et repose, pour sa détection, sur l’utilisation de l’anticorps ALK 1 en immunohistochimie (IHC). Les caractéristiques du marqueur ALK seront développées dans la suite de cette introduction (Figure 3D).
La forte immunoréactivité de ces lymphomes vis-à-vis de l’antigène CD30 a joué un rôle historique dans la caractérisation des LAGC. Ce marqueur est en effet fortement exprimé au niveau de l’appareil de Golgi15. Néanmoins, cet antigène est loin d’être spécifique des LAGC, car il s’agit en fait de l’un des marqueurs généraux de l’activation des lymphocytes T ; ce marqueur est en outre également retrouvé dans les lymphocytes de type « Natural Killer » (NK) ainsi que dans les cellules de Reed-Sternberg (caractéristiques des LH). Néanmoins, l’utilisation de ce marqueur reste pertinente car elle permet de distinguer le variant morphologique à petite cellules, dont le marquage CD30 apparaît plus faible, des autres formes (Figure 3A et 3B)18,20.
De plus, et c’est l’une des raisons pour laquelle ces lymphomes sont classés parmi les lymphomes T périphériques, les LAGC ALK+ peuvent exprimer plusieurs marqueurs spécifiques du lignage T, en particulier les marqueurs CD3, CD4 ou CD8, CD2, CD5, CD7 et le T-Cell Receptor (TCR). Plus précisément, on dit de ces lymphomes qu’ils sont de phénotypes « T ou nul », selon les antigènes de surface T qu’ils expriment : on parle ainsi de phénotype T, mature ou incomplet, lorsque la totalité ou au moins 5 de ces 6 antigènes sont exprimés. A l’inverse, on évoque un phénotype nul lorsque moins de 5 de ces antigènes sont présents21,22.
Enfin, d’autres marqueurs immunophénoypiques sont fréquemment retrouvés exprimés dans les LAGC ALK+, tels que l’antigène épithélial membranaire (EMA), ainsi que des molécules évoquant le caractère cytotoxique de la cellule d’origine comme le granzyme B, la granulysine, la perforine ou encore le T-Cell restricted antigen-1 (TIA-1) (Figure 3C)3,23.

Les partenaires de fusion de ALK

La nucléophosmine (NPM)

Comme mentionné plus haut, la translocation chromosomique t(2 ;5)(p23 ;q35) retrouvée dans la majorité des cas de LAGC ALK+ (75%) implique le gène codant la nucléophosmine, situé sur le chromosome 5. Cet évènement de translocation chromosomique réciproque équilibré entraîne ainsi l’expression constitutive de la protéine chimère oncogénique NPM-ALK, d’un poids moléculaire avoisinant 80 kD24,37.
NPM sauvage est une protéine multifonctionnelle et ubiquitaire de 38 kD dont les rôles dans la cellule sont variés, allant du transport nucléo-cytoplasmique des protéines néo-synthétisées à une implication dans la réparation de l’ADN, en passant par la biogenèse des ribosomes, la régulation du cycle cellulaire ou encore la régulation de la transcription38. Lors de la fusion du gène NPM avec le gène ALK, NPM contribue à l’oncogénicité de deux manières distinctes : 1) il permet l’expression constitutive de la protéine chimérique issue de cette fusion, le gène de fusion se retrouvant ainsi placé sous le contrôle du promoteur ubiquitaire de NPM ; 2) il apporte un domaine d’oligomérisation qui permet à la protéine hybride NPM-ALK de s’oligomériser de manière constitutive et en absence de ligand, ce qui induit de facto une activation constitutive de la protéine, par transautophosphorylation du domaine à activité tyrosine kinase de ALK (Figure 5)27,39. L’une des particularités qui distingue NPM-ALK des autres protéines de type X-ALK, est sa localisation sub-cellulaire : dans la mesure où NPM-ALK porte le signal de localisation cellulaire (NLS) de NPM, l’expression de NPM-ALK est retrouvée au niveau du noyau, du nucléole, et du cytoplasme. Cependant, la localisation subcellulaire des protéines de type X-ALK ne semble avoir qu’un impact mineur sur l’oncogénicité de ces dernières39,40. Enfin, relevons que, depuis sa mise en évidence historique dans les LAGC, l’expression anormale de NPM-ALK a également été mise en cause dans les lymphomes B diffus à grandes cellules (DLBCL)27.

Autres partenaires de fusion de ALK

D’autres protéines chimères issues de translocations chromosomiques impliquant ALK ont également été mises en causes dans la cancérogenèse des LAGC ; ces différents partenaires de fusion de ALK sont listés dans le Tableau 4. Concernant ces partenaires de fusion et les protéines chimères qu’ils génèrent, il est intéressant de constater l’existence de plusieurs propriétés communes avec le prototype NPM-ALK. Tous ces partenaires de fusion sont effectivement placés sous le contrôle de promoteurs constitutivement actifs, et portent dans leur portion amino-terminale un domaine d’oligomérisation, conservé après translocation : ceci induit une expression et une activation constitutive de la protéine chimère de type X-ALK, selon un mécanisme similaire à celui précédemment décrit pour NPM-ALK40,41

La voie de la phospholipase C

NPM-ALK contrôle la prolifération cellulaire en interagissant directement avec la PLC. L’amarrage de cette protéine sur NPM-ALK au niveau de la tyrosine Y664 induit l’hydrolyse du phosphatidylinositol en inositol trisphosphate (IP3) et en diacylglycérol (DAG). Ces signaux permettent l’activation de la protéine kinase C (PKC), soit directement par le DAG, soit indirectement suite à une libération du calcium contenu dans les compartiments intracellulaires, médiée par l’IP3. Remarquons que la PKC, peut permettre l’activation des MAPK Erk1 et 2 de manière indépendante de la GTPase Ras66,67.

La voie de la tyrosine kinase SRC

SRC proto-oncogene, non-receptor tyrosine kinase (SRC) est elle aussi une tyrosine kinase régulant les processus de migration, de croissance et de prolifération cellulaire. Dans les LAGC ALK+, SRC peut se lier directement au résidu tyrosine Y418 de NPM-ALK, ce qui permet son activation et la phosphorylation de la GTPase Ras, et donc l’activation Ras-dépendante de la voie des MAPK27,67.

La voie PI3K/Akt

NPM-ALK induit également l’activation de la Phosphatydil-inositol 3 Kinase (PI3K) ce qui conduit à l’activation par phosphorylation de la sérine/thréonine kinase Akt ; cette dernière favorise à son tour la survie cellulaire (Figure 8). Akt peut en effet inhiber l’apoptose à plusieurs niveaux : en empêchant le clivage de la pro-caspase 9, en bloquant l’action inhibitrice de BAD (BCL-2-associated agonist of cell death) sur le facteur anti-apoptotique BCL-XL, mais aussi en prévenant de concert la dégradation de la protéine antiapoptotique MCL-1 et celle de CDC25a (un régulateur positif du cycle cellulaire) par phosphorylation inhibitrice de la Glycogen Synthase Kinase 3β (GSK-3β)68,69.
Akt peut aussi phosphoryler le facteur de transcription Forkhead Box O3a (FOXO3a), ce qui conduit à sa séquestration dans le cytoplasme et l’empêche d’activer la transcription de gènes comme BIM (Bcl-2-like protein 11) ou p27, connus pour promouvoir l’apoptose et l’arrêt du cycle cellulaire respectivement70.

Signalisation en aval de CD30

Comme évoqué plus haut, l’activité tyrosine kinase de NPM-ALK conduit à une surexpression du marqueur CD30 dans les LAGC ALK+. Si les effets de l’engagement du CD30 par son ligand CD30L demeurent cependant controversés71, des études récentes montrent cependant que l’invalidation du gène CD30 induit un arrêt du cycle cellulaire en phase G1/S ; de plus, le traitement de lignées de LAGC ALK+ par un anticorps anti-CD30 chimérique (SNG-30) induit la mort de ces cellules par apoptose (Figure 9)72,73. Ces résultats suggèrent que le CD30 pourrait constituer une cible thérapeutique dans les LAGC ALK+, et un anticorps anti CD-30 (brentuximab) couplé à la vedotine a obtenu une AMM en ce sens.

LES MEMBRES DE LA FAMILLE BCL-2 DANS LES LAGC ALK+

Les facteurs appartenant à la famille B-cell lymphoma (nommée en référence à la protéine Bcl-2 qui en est le prototype) sont des protéines conservées au cours de l’évolution. Elles sont caractérisées par la présence de Bcl-2 Homology domains (domaines BH), et sont principalement connues pour leur rôle clé dans la régulation du processus d’apoptose, une forme de mort cellulaire programmée.

Généralités

Les protéines membres de la famille Bcl-2, codées par 25 gènes au total, se répartissent en 2 catégories : les facteurs pro-apoptotiques (Bax, Bak…) et, à l’opposé, les facteurs anti-apoptototiques (Bcl-2, Mcl-1…). L’équilibre entre ces deux catégories de facteurs (expression, activité) représente un véritable « checkpoint apoptotique » et constitue un élément clé dans la régulation de la voie apoptotique intrinsèque, dite mitochondriale, en intervenant au niveau de la membrane externe de la mitochondrie. Par conséquent, dans un contexte tumoral, les membres de cette famille peuvent être considérés comme ayant un effet suppresseur de tumeur, comme c’est le cas pour les pro-apoptotiques Bax et Bak, ou à l’inverse comme des oncogènes majeurs qui favorisent la survie des cellules tumorales : c’est par exemple le cas de Bcl-2, qui est surexprimé dans plus d’un cancer sur deux, et qui tire précisément son nom d’une variété de lymphome74,75.
Tous les membres de cette famille ont en commun de posséder un ou plusieurs domaines BH (BH1, BH2, BH3 and BH4), qui sont les déterminants clés de leurs fonctions. Ainsi, les facteurs anti-apoptotiques possèdent en général les domaines BH1 et BH2 (Bcl-2 possèdent les 4 types de domaines) ; tandis que tous les facteurs pro-apoptotiques (Bax, Bak…) ont en commun de porter au minimum le domaine BH3, qui leur confère la faculté de se dimériser avec les autres protéines de la famille Bcl-2.
En conditions normales, les protéines anti-apoptotiques telles que Bcl-2, Bcl-xL et Mcl-1, localisées à la surface de la mitochondrie, peuvent séquestrer les facteurs pro-apoptotiques tels que Bax et Bak en formant des hétérodimères avec ces derniers, empêchant l’interaction de ces facteurs pro-apoptotiques entre eux. En présence d’un stimulus apoptotique, Bcl-2, Bcl-XL ou Mcl-1 peuvent se retrouver à leurs tours séquestrées par des protéines dites « à domaine BH3 seul » comme Bim et Bad, et Bax ou Bak sont alors libres de dimériser pour former des pores à la surface de la mitochondrie. Cette perméabilisation de la membrane mitochondriale permet le relargage du cytochrome C dans le cytoplasme, ce qui est un signal conduisant à l’activation des caspases, et entrainant la mort cellulaire par apoptose (Figure 10)74.

Expression dans les LAGC ALK+ et cas particulier de Bcl-2

Dans les LAGC ALK+, plusieurs études suggèrent que l’expression de ALK affecte le profil d’expression des membres de la famille Bcl-2, et la balance des facteurs pro/anti-apoptotiques. Des travaux ont ainsi montré que Mcl-1, un membre anti-apoptotique de la famille Bcl-2 (et fonctionnellement redondant avec la protéine éponyme) était surexprimé dans les LAGC ALK+ et constituait à la fois l’un des principaux oncogènes en aval de NPM-ALK ainsi qu’une cible thérapeutique potentielle de grande d’importance76. Des travaux réalisés dans notre équipe ont en outre permis de mettre en évidence que dans ces cellules, NPM-ALK induisait la surexpression de Mcl-1 en réprimant l’expression de miR-29a, un régulateur négatif de l’expression de Mcl-177.
D’un point de vue plus général, des travaux réalisés sur des échantillons de patients ainsi que sur des lignées cellulaires indiquent cependant que par comparaison avec les LAGC ALK-, les LAGC ALK+ expriment plus fortement certains membres pro-apoptotiques de la famille Bcl-2, tels que Bax ou Bcl-xS, et plus faiblement des facteurs anti-apoptotiques comme Bcl-xL, issu du même gène BCL2L1 que Bcl-xS mais provenant d’un épissage alternatif (Figure 11)78. Enfin, une observation encore plus frappante (réalisée notamment par notre équipe) est l’apparente absence d’expression de Bcl-2 dans la majorité des LAGC ALK+. Ceci s’illustre en particulier par une absence de détection de la protéine par immunohistochimie, spécifiquement dans les échantillons de patients atteints de LAGC ALK+, par opposition aux LAGC ALK-(Figure 12)78–80. Cette tendance générale, en particulier le profil d’expression de Bcl-2, pourrait permettre d’expliquer le pronostic plus favorable ainsi que la plus grande chimio-sensibilité des LAGC ALK+, dans la mesure où plusieurs études ont permis d’établir 1) que des taux élevés de Bcl-2 corrélaient avec l’agressivité et 2) qu’ils pourraient être à l’origine de moins bonnes réponses aux traitements75,81.
Cette observation surprenante, qui suggère que l’expression de l’oncogène NPM-ALK est paradoxalement responsable de la répression de celle de l’oncogène Bcl-2, constitue la pierre angulaire de mon travail de thèse : ce travail en explore à la fois les conséquences dans le contexte des nouvelles thérapies ciblant ALK, ainsi que les mécanismes moléculaires potentiellement impliqués.

CONTRÔLE DE L’EXPRESSION GENIQUE AU NIVEAU POST-TRANSCRIPTIONNEL PAR NPM-ALK DANS LES LAGC ALK+

Selon le dogme classique de la biologie moléculaire, l’ARN messager (ARNm) constitue l’intermédiaire qui permet la transition de l’information contenue dans l’ADN (au niveau des gènes) vers sa traduction en protéine. Cependant, la mise en évidence de nombreuses autres fonctions des ARN, notamment la découverte du rôle central des ARN dits « non codants » dans la cellule, ont replacé cette molécule au cœur d’une vision globale plus complexe de la biologie moléculaire. La place centrale occupée par les ARNm dans la transmission de l’information génique est ainsi apparue comme le théâtre d’un niveau de régulation supplémentaire de l’expression génique, faisant entre autres intervenir de multiples autres types d’ARN non codants (dont par exemple les miARN pour l’interférence à l’ARN). On parle ainsi de régulation post-transcriptionnelle, pour décrire les mécanismes de contrôle de l’expression génique intervenant entre la transcription et la traduction. Ces régulations englobent les étapes suivantes : la maturation des pré-ARNm, l’export nucléo-cytoplasmique des ARNm matures ainsi que la vérification de leur intégrité, le contrôle de leur demi-vie, de leur traductibilité et le contrôle de leur localisation subcellulaire (qui est étroitement liée à toutes les régulations mentionnées précédemment) (Figure 13)82. Dans la suite de ce manuscrit, le propos sera focalisé sur les mécanismes abordés au cours de ma thèse, c’est-à-dire les mécanismes impliqués dans la régulation de la demi-vie et de la traductibilité des ARNm : l’interférence ARN et la régulation par les protéines de liaison aux motifs riches en adénine et uridine (« AU-Rich Elements », ARE-binding protein ou ARE-BP).

L’INTERFERENCE A L’ARN ET LES MICROARN (miARN)

Biogenèse des miARN

Les miARNs sont des petits ARN non codants, de 22 nucléotides de long en moyenne, que l’on retrouve chez les plantes, les animaux, chez certains virus ainsi que chez la levure. Initialement découverts chez Caenorhabditis Elegans83, ils jouent en général un rôle de régulateurs post-transcriptionnels de l’expression génique de par leur incorporation au sein du complexe RISC (RNA-induced silencing complex) : ils permettent de recruter celui-ci au niveau des régions 3’UTR d’ARNm cibles, dont ils induisent alors l’inhibition traductionnelle et/ou la dégradation.
Les gènes codants les miARNs sont généralement transcrits par l’ARN polymérase II sous forme de longs transcrits primaires (miARN primaires ou pri-miARN), qui s’apparentent aux ARNm puisqu’ils comportent une coiffe, sont polyadénylés, et peuvent atteindre plusieurs kilobases84,85. Ces pri-miARN adoptent très vite une structure secondaire en tige-boucle qui héberge le ou les miARN mature(s). Les pri-miRs sont ensuite pris en charge dans le noyau par un complexe « microprocesseur » composé entre autres des facteurs Drosha (une RNAse III) et de DiGeorge syndrom critical region 8 (DGCR8), une protéine de liaison aux ARN (RNA-BP) liant les ARN doubles brins. Le microprocesseur réalise le clivage de la structure tige boucle et permet la formation des pre-microARNs ou pre-miRs (d’environ 70 nucléotides). Ces pre-miRs sont ensuite exportés dans le cytoplasme par l’intermédiaire de l’exportine 586. Dans le cytoplasme, les pre-miRs sont pris en charge par un deuxième complexe protéique comportant le facteur Dicer (une autre RNAse III) qui permet la libération d’un duplex d’ARN « brin guide » / « brin passager » d’une taille comprise entre 19 et 24 nucléotides87. Ce duplex est 201 ensuite chargé au sein d’un complexe nommé pre-RISC (pre-RNA induced silencing complex) composé notamment de deux protéines aux fonctions cruciales : la protéine GW182 et une protéine de la famille des protéines Argonautes (Ago1, Ago2…)88. Après maturation, le brin passager est libéré du complexe puis dégradé, et le brin dit « guide » est lui intégré dans le complexe miRISC (microRNA induced silencing complex) mature (Figure 14)89,90.

Mécanisme de l’interférence à l’ARN

Comme évoqué plus haut, les miARN jouent le rôle d’ARN guides et permettent, par complémentarité de base, d’acheminer le complexe miRISC vers un ARNm cible dont ils diminueront la stabilité et affecterons la traduction. L’effet final des miARN dépend de plusieurs critères, notamment de l’accessibilité des sites de liaison sur l’ARNm ciblé, ainsi que de la qualité de l’appariement (parfait ou non) entre le miARN et l’ARNm. Un appariement parfait résulte effectivement en un clivage endonucléolytique de l’ARNm par le complexe miRISC : on parle alors d’un « effet siRNA » (short interfering RNA). A l’inverse, un appariement imparfait, ce qui semble constituer la majorité des cas chez les mammifères, induit en premier lieu une inhibition traductionnelle, puis est généralement suivi par une dégradation secondaire de l’ARNm cible (Figure 15). La spécificité d’action d’un miARN dépend ainsi d’une région « seed », de 6 à 8 nucléotides de long, responsable de la reconnaissance des transcrits cibles par appariement avec des sites le plus souvent localisés dans la région 3’UTR (3’ UnTranslated Region) des ARNm cibles89,91–94.
L’étape d’inhibition traductionnelle semble pouvoir intervenir à différentes étapes du processus de traduction. Elle peut être réalisée par interférence avec l’étape d’initiation de la traduction : la protéine de la famille Ago, au sein du complexe RISC, peut effectivement entrer en compétition avec de nombreux facteurs d’initiation de la traduction, comme par exemple eIF4E. Les protéines Ago sont également capables d’inhiber la formation de la structure secondaire « en boucle fermée » de l’ARNm cible, ce qui réduit l’efficacité de leur traduction95. Certaines études mentionnent également une inhibition de la reconnaissance de la coiffe par le ribosome. L’interférence ARN semble également pouvoir intervenir durant les étapes suivantes de la traduction, notamment par interaction du miRISC avec divers facteurs d’élongation, inhibition du recrutement de ribosomes, induction de la dissociation des sous-unités ribosomales, voire entrainer une terminaison prématurée de la traduction, alors qualifiée d’abortive96–98.
Une fois la traduction stoppée, l’interférence ARN peut donc aussi conduire à la dégradation de l’ARNm cible. Le complexe miRISC peut en effet, par l’intermédiaire de la protéine GW182, contacter des enzymes de déadénylation et/ou de décoiffage au niveau de l’ARNm qui sera alors exposé à l’action d’exonucléases cytoplasmiques et pris en charge par les systèmes de dégradation de l’ARN (dégradation dans le sens 3’-5’ par l’exosome, ou dans le sens 5‘-3’exonucléase XRN1 etc…)99.
De plus, comme nous l’indiquions plus haut, le complexe miRISC peut directement réaliser le clivage endonucléolytique de l’ARNm cible et générer des extrémités 5’ et 3’ non protégées au sein de l’ARNm cible, qui seront rapidement prises en charge et dégradés par les systèmes mentionnés ci-dessus. Comme évoqué plus haut, cet « effet siRNA » semble nécessiter un appariement parfait entre l’ARN interférent et l’ARNm cible, mais aussi requérir spécifiquement la présence, au sein du complexe RISC, de la protéine Argonaute 2 (Ago2) qui, dans la famille des protéines Ago, semble seule capable de réaliser ce clivage endonucléolytique100.
Notons enfin que les microARNs fonctionnent en étroite relation avec des structures particulières, les P-bodies (Processing-bodies,) qui sont des lieux de dégradation des ARNm. Ces structures contiennent en effet la plupart des protéines nécessaires au processus de dégradation des ARNm ; mais également des protéines impliquées dans le processus d’interférence à l’ARN comme GW182, ou les protéines Argonautes101,102.

REGULATION POST-TRANSCRIPTIONNELLE MEDIEE PAR LES PROTEINES DE LIAISON AUX MOTIFS ARE (ARE-BP)

AU-rich Elements (ARE) et ARE-mediated decay (AMD)

Décrits pour la première fois en 1986 par Shaw et Kamen, les motifs (éléments) riches en Adénine et Uridine (ARE) ont initialement été qualifiés de motifs de « déstabilisation », après avoir observé la dégradation de l’ARNm de la-Globine de lapin suite à sa fusion à l’ARE de l’ARNm codant la cytokine Granulocyte Macrophage Colony Stimulating Factor (GM-CSF)108. La dégradation médiée par les motifs ARE (AMD) consiste, comme l’interférence à l’ARN, en une étape de déadénylation et de décoiffage, suivie d’une prise en charge et dégradation de l’ARNm ARE par la machinerie générale de dégradation des ARN. Ces différentes étapes font intervenir des protéines de liaison aux ARNm ARE (ARE-BPs) capables, en interagissant avec leur transcrit cible, de perturber l’interaction entre la protéine de liaison à la queue polyA (PABP) et/ou les protéines de la coiffe. Comme dans le cas de l’interférence à l’ARN, le recrutement d’un facteur de déadénylation, la Poly(A)-specific RiboNuclease (PARN) permet ensuite généralement la dégradation dans le sens 3’-5’ par l’exosome, ou dans le sens 5’-3’ par des ribonucléases telles que XRN1 (Figure 16)109–111. Pour établir un parallèle supplémentaire avec l’interférence à l’ARN, notons que les ARE-BP déstabilisatrices semblent, à l’instar du complexe RISC, coopérer avec les P-bodies : c’est particulièrement le cas des ARE-BP TTP (TriTetraProlin) et BRF1 (Butyrate Response Factor 1), capables d’acheminer les ARNm ARE vers ces structures112.
On sait aujourd’hui que 5 à 8% des ARNm portent ce type de motifs, le plus souvent au niveau de leur extrémité 3’ Non Traduite (3’ NT), et qu’il s’agit pour la plupart d’ARNm issus de gènes dits
« adaptatifs » ou « environnementaux », c’est-à-dire des gènes devant être exprimés de façon transitoire tels que les gènes codant les cytokines, les facteurs de croissance, les facteurs de transcription, de gènes impliqués dans les processus de réponses au stress ou encore certaines enzymes du métabolisme113,114. Les séquences ARE sont également fréquemment retrouvées sur des transcrits issus d’oncogènes tels que c-fos, c-myc ou c-jun115.
On distingue plusieurs classes d’ARNm ARE en fonction de la présence et, le cas échéant, de l’organisation d’un motif pentamérique AUUUA initial. Une première classe (classe I) d’ARE correspond ainsi à une localisation « isolée » à l’intérieur ou à proximité d’une région riche en U116. A l’inverse, une seconde classe (classe II) d’ARE correspond à des motifs possédants plusieurs pentamères AUUUA intriqués, et situés à l’intérieur ou à proximité de ces mêmes régions riches en U. Cette classe II est elle-même subdivisée en plusieurs sous-catégories, en fonction de l’organisation de ces pentamères. Enfin, la troisième et dernière classe d’ARE (classe III) est moins clairement définie ; et se caractérise principalement par l’absence de pentamère AUUUA113,114,117.

Les principales ARE-BP et leur rôle dans la régulation post-transcriptionnelle de l’expression génique

La régulation de l’expression génique impliquant les motifs ARE dépend avant tout des ARE-BP s’y associant. Certaines ARE-BP favorisent ainsi l’aspect déstabilisateur des motifs ARE porté par l’ARNm tandis qu’à l’inverse d’autres ARE-BP ont plutôt pour effet de l’inhiber : on parle alors de « protection contre la dégradation » ou de « stabilisation » des ARNm cibles. Les ARE-BP peuvent également influencer le devenir des ARNm en affectant leur localisation subcellulaire, par exemple en relocalisant ces derniers au niveau des P-Bodies (comme évoqué plus haut) mais aussi les granules de stress ou encore les polysomes112. Si la majorité des ARE-BP sont décrites pour leur effet déstabilisateur sur leur ARNm cibles, comme c’est le cas pour K-homology-type slicing regulatory protein (KSRP)118, TTP119 ou BRF1120, d’autres sont d’avantage décrites pour leur rôle protecteur : c’est en particulier le cas de la protéine HuR ; appartenant à la famille ELAV/Hu121. Le cas de la protéine AUF1 est plus ambivalent, semblant osciller entre stabilisation et déstabilisation selon les transcrits et le contexte cellulaire122–124. De manière intéressante, dans les LAGC ALK+, il a été montré que l’activité d’AUF1 pouvait être directement modulée par NPM-ALK via phosphorylation sur résidu tyrosine. Cette phosphorylation induit une augmentation de la stabilité de ses transcrits cibles (comme c-Myc, Cycline D1, A1, B2…)125. Enfin, d’autres AU-BPs telles que TIA-1 ou encore TIAR, semblent plutôt impliquées dans la régulation de la traduction de leur transcrits cibles.
Enfin remarquons que la plupart des ARE-BP partagent des transcrits cibles communs : elles sont donc susceptibles de réguler ces transcrits en agissant de manière compétitive ou synergique. Ishimaru et al. ont par exemple montré que, dans un modèle leucémique, la nucléoline et AUF1 entraient en compétition pour respectivement stabiliser ou induire la dégradation du transcrit Bcl-2 (qui est également connu pour être stabilisé par l’ARE-BP HuR)126. Ce type de régulation coordonnée de groupes entiers d’ARNm, eux-mêmes souvent impliqués dans un même processus cellulaire, est à l’origine du concept « d’opéron d’ARN » voire, à un niveau d’organisation supérieur, au concept de « régulon d’ARN » lorsque ces ARNm appartiennent individuellement à de multiples opérons127.

Cas de l’ARE-BP HuR dans les LAGC ALK+

Au cours de ma thèse, je me suis particulièrement intéressé à l’ARE-BP Hu antigen R (HuR), et notamment à son rôle dans la régulation post-transcriptionnelle de l’expression de Bcl-2 dans les LAGC ALK+.

Structure

HuR, également nommée Embryonic Lethal Vision 1 (Elav-Like 1) est le seul membre de la famille des protéines Hu à être exprimé de façon ubiquitaire128. L’architecture de cette protéine se compose de trois domaines de reconnaissances de l’ARN (RRM) ainsi que d’une région charnière riche en acides aminés basiques, Hinge ou HuR Nucleocytoplasmic shuttling sequence (HNS) (Figure 17)129. Les RRM 1 et 2 de HuR sont principalement impliqués dans la reconnaissance des transcrits cibles de HuR, tandis que le RRM 3 serait permettrait l’oligomérisation de HuR (requise pour exercer sa fonction après interaction avec son transcrit cible) et son interaction avec d’autres protéines partenaires130,131. La région Hinge quant à elle serait, impliqué dans la stabilisation des complexes HuR/ARNm, en plus de son rôle explicite dans le trafic nucléocytoplasmique de HuR131,132.

Fonctions

HuR est une protéine majoritairement nucléaire capable d’être exportée vers le cytoplasme. Elle est ainsi impliquée dans différentes étapes, nucléaires comme cytoplasmiques, du processus d’expression génique : l’épissage alternatif, la polyadénylation des transcrits néosynthétisés, la stabilisation des ARN et la maturation des miARN. Dans ce manuscrit, nous nous intéresserons de façon privilégiée à son rôle cytoplasmique dans la stabilisation/déstabilisation des ARNm.
L’export nucléaire de HuR est induit par son association avec les protéines nucléaires pp32 et APRIL qui, grâce à des motifs d’exports nucléaires (NES), sont reconnues et prises en charge par la protéine d’export CRM1. A l’inverse, l’import de HuR se fait grâce à son association avec les transportines 1 et 2133–135.
La délocalisation de HuR au cytoplasme dépend d’une grande variété de stimuli externes, tels que les cytokines, les facteurs de croissance, les médiateurs de l’inflammation et hormones, les UV, l’hypoxie, le stress oxydatif ou encore la carence en nutriments. Tous ces stimuli vont déclencher l’activation de multiples voies de signalisation et aboutir à des modifications post-traductionnelles de HuR à l’origine de ce changement de localisation subcellulaire. Ces modifications peuvent consister en des ubiquitinations, des méthylations mais surtout de phosphorylations, à la fois sur sérine/thréonine mais aussi sur des résidus tyrosine129. Selon la nature de ces modifications et les résidus ainsi modifiés, les effets peuvent dépasser le cadre du seul changement de localisation subcellulaire, et impacter directement la stabilité de la protéine HuR elle-même (ubiquitination déstabilisatrice sur la lysine 182), voire moduler son affinité pour ses transcrits cibles (phosphorylation sur la sérine 318 augmentant l’affinité pour les transcrits Cyclin D1, Cyclin A et Cox-2) ainsi que ses fonctions (stabilisation, et augmentation de la traductibilité de l’ARNm C/EBP).
De manière remarquable, les séquences riches en ARE reconnues par HuR sont également les cibles de miARN. La stabilité/traduction des cibles de HuR pourrait ainsi dépendre d’un dialogue de nature « coopérative » ou « compétitive » entre cette ARE-BP et des miARN (Figure 18)136,137. Cette hypothèse est étayée par de nombreuses données, comme par exemple le rôle « compétiteur » de HuR dans la levée de la répression traductionnelle de l’ARNm CAT1 exercée par miR-122 en réponse à un stress cellulaire. A l’inverse, d’autres travaux montrent que HuR favorise le recrutement de miARN au niveau des régions 3’UTR de certains ARNm (comme par exemple let7 au niveau de l’ARNm c-Myc), participant ainsi de manière active à l’inhibition de leur expression. HuR est ainsi considéré comme un facteur clé modulant l’activité des microRNA136.

Modulations par NPM-ALK de l’activité et de l’affinité de HuR pour ses cibles dans les  LAGC

HuR, dont l’expression est ubiquitaire, est surexprimée dans la majorité des cancers, dans lesquels des études à grande échelle ont par ailleurs montré que sa proportion cytoplasmique était plus élevée que dans les cellules normales. De manière cohérente avec son rôle de protéine impliquée dans divers processus de réponses aux stress, la surexpression et l’accumulation cytoplasmique de HuR dans les cancers favorisent le processus tumoral, en stabilisant notamment des transcrits issus de gènes codant pour des protéines pro-oncogéniques telles que la déacétylase SIRT1, Mcl-1, VEGF, COX-2 ou encore Bcl-2136,138.
Dans les LAGC ALK+, mon équipe a montré que NPM-ALK était capable de phosphoryler HuR sur résidus tyrosines et que cette phosphorylation augmentait son affinité pour ses gènes cibles, notamment le facteur de transcription C/EBP facteur ayant un rôle majeur dans la cancérogenèse des LAGC ALK+. Cette interaction accrue entre HuR et C/ EBP favorise à la fois la stabilité et la traduction de cet ARNm et in fine le processus tumoral (Figure 19)139. Des travaux complémentaires non publiés, obtenues dans des lignées cellulaires humaines, et un modèle murin de xénogreffes, confirment par ailleurs que la phosphorylation ALK-dépendante de HuR sur résidus tyrosines est nécessaire au maintien du phénotype tumoral dans les LAGC ALK+.

TRAITEMENT DES LYMPHOMES ANAPLASIQUES A GRANDES CELLULES

Il n’existe à ce jour pas de réel consensus international, européen ou même national quant au traitement des LAGC. Le choix du protocole thérapeutique le plus adapté est généralement réalisé suite à la mesure du volume tumoral, par tomoscintigraphie par émission de positons (TEP ; PET Scan). Plusieurs possibilités s’offrent alors au clinicien ; et les principales options thérapeutiques disponibles seront détaillées dans ce chapitre.

LES CHIMIOTHERAPIES

Dans la très grande majorité des cas, c’est la chimiothérapie qui constitue l’option thérapeutique standard, du moins en 1ère intention. Chez les adultes, le protocole thérapeutique courant est celui des lymphomes agressifs, c’est-à-dire le protocole CHOP140,141. Celui-ci combine 4 types de drogues :
– Le Cyclophosphamide, un agent alkylant appartenant à la famille des moutardes azotées. Il agit en formant des liaisons covalentes avec l’ADN, et engendre ainsi la formation de ponts alkyles intra-brins ou inter-brins. Ces ponts ont pour principal effet d’inhiber la réplication de l’ADN lors de la mitose, ce qui conduit à la mort de la cellule par apoptose. L’efficacité de cette drogue dépend donc lourdement du cycle cellulaire, elle est virtuellement inefficace sur les cellules en G0.
– L’Hydroxydaunorubicine (doxorubicine ou adriamycine) est une anthracycline : elle agit donc comme un agent intercalant de l’ADN et inhibe l’action de la topoisomérase II, une enzyme impliquée dans le maintien d’une structure tridimensionnelle « ouverte » de l’ADN, qui est notamment requise lors de la réplication.
– La vincristine (Oncovin), un alcaloïde extrait de la pervenche de Madagascar qui agit comme un poison du fuseau mitotique. En se fixant sur des dimères de tubuline libres, la vincristine empêche effectivement la polymérisation des microtubules ce qui entraine un arrêt de la division cellulaire et déclenche l’entrée en apoptose.
– La Prednisone, qui est un anti-inflammatoire stéroïdien dérivé de la cortisone.
L’étoposide, un autre inhibiteur de topoisomérase II, est actuellement considéré comme supplément à ce protocole142.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. LES LYMPHOMES ANAPLASIQUES A GRANDES CELLULES (LAGC)
I.A PRESENTATION GENERALE
I.B ASPECTS CLINIQUES
I. B.1 Epidémiologie
I.B.2 Signes cliniques
I.B.3 Diagnostic
I.C MORPHOLOGIE ET PHENOTYPE
I.C.1 Généralités
I.C.2 Sous-types morphologiques
I.C.3 Marqueurs immunophénotypiques
I.D ASPECTS MOLECULAIRES
I.D.1 La kinase ALK
I.D.2 Les partenaires de fusion de ALK
I.D.2.a La nucléophosmine (NPM)
I.D.2.b Autres partenaires de fusion de ALK
I.E VOIES DE SIGNALISATION
I.E.1 La voie JAK/STAT
I.E.2 La voie des MAP kinases
I.E.3 La voie de la phospholipase C 
I.E.4 La voie de la tyrosine kinase SRC
I.E.5 La voie PI3K/Akt
I.E.6 Signalisation en aval de CD30
I.F. LES MEMBRES DE LA FAMILLE BCL-2 DANS LES LAGC ALK+
I.F.1 Généralités
I.F.2 Expression dans les LAGC ALK+ et cas particulier de Bcl-2
II. CONTRÔLE DE L’EXPRESSION GENIQUE AU NIVEAU POST-TRANSCRIPTIONNEL PAR NPM-ALK DANS LES LAGC ALK+
II.A L’INTERFERENCE A L’ARN ET LES MICROARN (miARN)
II.A.1 Biogenèse des miARN
II.A.2 Mécanisme de l’interférence à l’ARN
II.A.3 Rôle des miARN dans les LAGC ALK+
II.B REGULATION POST-TRANSCRIPTIONNELLE MEDIEE PAR LES PROTEINES DE LIAISON AUX MOTIFS ARE (ARE-BP)
II.B.1 AU-rich Elements (ARE) et ARE-mediated decay (AMD)
II.B.2 Les principales ARE-BP et leur rôle dans la régulation post-transcriptionnelle de l’expression génique
II.B.3 Cas de l’ARE-BP HuR dans les LAGC ALK+
II.B.3.a Structure
II.B.3.b Fonctions
II.B.3.c Modulation par NPM-ALK de l’activité et de l’affinité de HuR pour ses cibles dans les LAGC
III. TRAITEMENT DES LYMPHOMES ANAPLASIQUES A GRANDES CELLULES
III.A. LES CHIMIOTHERAPIES
III.B. CHIMIOTHERAPIES INTENSIVES ACCOMPAGNEES DE GREFFES DE CELLULES SOUCHES HEMATOPOÏETIQUES
III.C LE CRIZOTINIB : UNE THERAPIE CIBLANT ALK
III.C.1 Les thérapies ciblées dans les LAGC ALK+ : généralités
III.C.2 Le crizotinib : découverte, structure et mécanisme d’action
III.C.3 Utilisations actuelles et futures du crizotinib dans la prise en charge des LAGC ALK+
III.D MECANISMES DE RESISTANCE AU CRIZOTINIB
III.D.1 Mutations du domaine kinase de ALK
III.D.2 Amplification génique de ALK
III.D.3 Activation de voies de signalisation compensatrices
IV. L’AUTOPHAGIE : UN NOUVEL ENJEU THERAPEUTIQUE POUR LES LAGC ALK+
IV.A GENERALITES SUR L’AUTOPHAGIE
IV.A.1 La macro-autophagie
IV.A.2 Les principales étapes de l’autophagie et leur régulation
IV.A.2.a L’initiation.
IV.A.2.b La nucléation
IV.A.2.c L’élongation
IV.A.2.d Maturation et étape de fusion/dégradation
IV.B REGULATION DE L’AUTOPHAGIE
IV.B.1 Régulation de l’activité du complexe mTORC1
IV.B.2 Régulation du processus autophagique par mTORC1
IV.B.3 Régulation post-transcriptionnelle du processus autophagique par les ARE-BP et les miARN
IV.C ROLE DE L’AUTOPHAGIE DANS LES CANCERS
IV.C.1 L’autophagie dans les cancers : une arme à double tranchant
IV.C.1.a Fonction suppresseur de tumeur
IV.C.1.b Fonction pro-tumorale
IV.C.2 Régulations croisées entre autophagie et mort(s) cellulaire(s)
IV.C.2.a Régulation de l’apoptose par l’autophagie
IV.C.2.b Régulation de l’autophagie par l’apoptose
IV.C.2.c La membrane autophagosomale : une plateforme de signalisation requise pour la mort cellulaire
IV.C.2.d Régulation de la nécroptose par l’autophagie
IV.C.2.e Mort cellulaire par autophagie
IV.D MODULATION DE L’AUTOPHAGIE A VISEE THERAPEUTIQUE
IV.D.1 Différentes autophagies pour différents traitements anticancéreux
IV.D.1.a Rôle cytoprotecteur
IV.D.1.b Rôle cytotoxique
IV.D.1.c Rôle cytostatique
IV.D.1.d Rôle non protecteur
IV.D.2 Transition entre les différents rôles de l’autophagie
IV.D.3 Des outils pour moduler l’autophagie dans les cancers
IV.D.3.a Les agents inhibiteurs de l’autophagie
IV.D.3.b Les agents activateurs de l’autophagie
OBJECTIFS DE LA THESE
RESULTATS
I. ARTICLE
II. ROLE DE HUR DANS LA REGULATION POST-TRANSCRIPTIONNELLE DE L’EXPRESSION DE BCL-2 ET DE L’AUTOPHAGIE DANS LES LAGC ALK+
DISCUSSION GENERALE
MATERIEL & METHODES
BIBLIOGRAPHIE

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