Contrôle de l’auto-organisation de la lumière dans un système photoréfractif

Phénomènes d’auto-organisation dans la nature

   Les exemples les plus évidents de systèmes auto-organisés sont issus de la physique et de la chimie. Le concept d’auto-organisation est également central dans les systèmes biologiques [24], que ce soit au niveau cellulaire ou social. On trouve encore de nombreux exemples de phénomènes auto-organisés dans d’autres disciplines, telles que l’économie [25] ou encore l’anthropologie. Un exemple simple est le modèle de Schelling [26] qui explique le phénomène d’auto-organisation spatial au sein des villes. Prenons l’exemple de deux populations aux dialectes différents cohabitant dans une ville. Chacun souhaite pouvoir parler son dialecte avec une certaine proportion de ses voisins. Si cette proportion n’est pas atteinte, une personne envisage de déménager dans un quartier où ces conditions seront satisfaites. Il y a rapidement émergence de structures macroscopiques : « quartiers », « ghettos », … Malgré le constat apparent du caractère universel de ces phénomènes dans la nature, leurs organisations, leurs compréhensions, leurs mécanismes sont longtemps restés inexpliqués. Ce n’est qu’au milieu du 20e siècle, lorsque le mathématicien britannique Alan Mathison Turing réalise des travaux de modélisation mathématique sur la formation de patterns dans un système chimique [1], que l’on a vu apparaître un intérêt croissant de la communauté scientifique pour ce type de phénomènes [27, 28]. Ces instabilités ne furent cependant observées expérimentalement en laboratoire que dans les années 90 [10, 29, 30] (Fig.1.1a). A. M. Turing en expliquait leurs formations dans son système chimique par le concept de réaction-diffusion des réactants possédant des coefficients de diffusion différents. Ainsi, sous certaines conditions, la diffusion provoquait la déstabilisation d’un vecteur d’onde transverse (instabilité de modulation) à l’origine de la formation des structures auto-organisées. La diffusion permettrait alors de véhiculer l’information de non-uniformité, de l’échelle cellulaire microscopique à l’échelle macroscopique. C’est un concept fondamental impliqué dans de nombreux processus chimiques et probablement biologiques.

L’effet Talbot

    La sélection d’un vecteur d’onde transverse particulier menant au pattern final, peut s’expliquer de manière qualitative à partir d’un phénomène connu sous le nom d’effet « d’auto-imagerie » de Talbot [62]. Si un objet périodique est traversé par une source de lumière cohérente, à des distances finies de l’objet (distances lT de Talbot), il est possible d’observer des images de l’objet lui-même. La première observation de ce phénomène fut réalisée par le mathématicien anglais H. F. Talbot. Ce résultat est une propriété de la diffraction de Fresnel [63]. En effet, un examen approfondi de l’intégrale de Fresnel montre qu’après une propagation libre sur une distance lT /4, une onde initialement modulée en phase est transformée en une onde modulée en amplitude. Après une propagation sur une distance lT /2, l’onde est à nouveau modulée en phase, mais en opposition de phase avec la modulation en z=0. Lorsque z = 3lT /4, l’onde est une nouvelle fois modulée en amplitude, mais avec une phase opposée. Finalement, après une distance totale lT , la modulation de phase initiale est rétablie. La figure 1.5b) illustre cette transformation pour une onde initialement modulée en phase (suite à la traversée d’un milieu non linéaire, Fig. 1.5a)) et notamment l’alternance des modulations de phase et d’amplitude ainsi que leurs signes.

Le modèle de transport par bandes

   Cette section présente le modèle de transport par bandes, dit modèle de Kukhtarev et al. [75]. Il présente l’avantage d’être simple et permet une description qualitative suffisante pour de nombreuses expériences. En réalité, le modèle de transport est beaucoup plus complexe en raison des différents dopants ou impuretés qui peuvent interagir dans les processus. Des pièges peuvent également être proches de la bande de conduction ou de valence (pièges peu profonds), suggérant des mécanismes de transitions d’ordres supérieurs [88, 89, 90, 91]. Les procédés décrits par le modèle sont illustrés sur la figure 1.8. Nous pouvons voir la bande interdite d’un matériau photoréfractif remplie avec des donneurs et accepteurs de concentrations respectivement notées Nd et Na. Donneurs et accepteurs sont des impuretés possédant des niveaux d’énergie électronique localisés dans la bande interdite du matériau. Les électrons sont excités optiquement des donneurs non ionisés de concentration Nd-Nd+, vers la bande de conduction où ils peuvent migrer suivant les différents  phénomènes de transport vus précédemment. Lorsqu’ils atteignent une région sombre, ils se recombinent avec des donneurs ionisés de concentration Nd+. Ceci amène naturellement à une accumulation d’électrons dans ces zones, induisant une modulation de la densité de charges (Fig. 1.7b).

« Patterns photoréfractifs »

   En plus des réponses « holographique » et « solitonique » vues dans la section 1.2.3, une propriété importante de certains cristaux photoréfractifs est la possibilité de couplage, de transfert d’énergie entre deux faisceaux cohérents, mieux connu sous le nom de mélange à deux ou quatre ondes. Ce mécanisme a conduit à de nombreuses applications dans le contexte général du traitement optique de l’image, principalement les conjugateurs de phase auto-pompés [106], l’amplification d’images [107], l’interférométrie [108, 109], les réseaux optiques neuronaux [110], mais également la formation de patterns. En effet, le mélange d’ondes, combiné à la réponse lente des matériaux photoréfractifs et leur forte non linéarité pour de faibles puissances laser, ont fait des cristaux photoréfractifs de bons candidats pour l’investigation et la caractérisation de la formation de structures lumineuses transverses. On doit ainsi, en 1993, la première observation de patterns dans un cristal photoréfractif à Tokuyuki Honda [44]. Il rapportait l’observation d’instabilités transverses sur le profil d’un faisceau laser circulant dans un cristal photoréfractif de Niobate de Potassium (KNbO3). La configuration choisie était une boucle à simple rétro-action optique (Fig. 1.3b), en utilisant comme miroir la surface réfléchissante arrière du cristal, ou bien le phénomène de conjugaison de phase auto-pompé, réalisé à l’aide d’un second cristal photoréfractif de Titanate de Baryum (BaTiO3). Ont suivi d’autres expériences, détaillées dans la partie suivante, basées sur le même système et dans le but de contrôler les structures formées [17, 21, 22]. Nous avons vu qu’un simple faisceau laser entrant dans un milieu non linéaire (Fig.1.3a) peut subir des structurations transverses complexes, dues au phénomène d’instabilité de modulation : c’est la formation de patterns de type filamentation, observés par exemple dans un cristal photoréfractif de SBN [2] (Fig. 1.2b). Enfin, des patterns photoréfractifs ont également été observés dans une cavité de type anneau (Fig. 1.3d, 1.2d)) [40, 111].

Les moyens de contrôle

   On doit à Ott, Grebogi et Yorke [112, 113], les travaux pionniers sur le contrôle et la stabilisation de systèmes. Ils étudièrent la stabilisation d’orbitespériodiques apparaissant dans un attracteur chaotique et montrèrent qu’il fallait appliquer prudemment dans leur système de petites et discrètes perturbations afin de stabiliser ce dernier. Il existe principalement deux approches complémentaires pour le contrôle de patterns en optique. Dans la première, la structure géométrique du système est modifiée telle que, par exemple, des solutions non hexagonales sont adoptées par le système. Une seconde approche consiste à stabiliser ces solutions additionnelles qui sont généralement instables en faveur d’une solution préférée. Différentes techniques, plus ou moins invasives d’un point de vue du contrôle, ont été étudiées. Une des plus efficaces et des plus utilisées consiste en la manipulation, le choix ou encore la stabilisation de patterns en utilisant un filtrage spatial [21, 22]. En effet, l’optique fournissant un accès unique au domaine des fréquences spatiales (espace de Fourier), l’utilisation de techniques agissant sur la phase des faisceaux peut être facilement implémentée. Des filtres spatiaux (masques d’amplitude) sont placés dans le plan de Fourier d’une lentille située dans la boucle de rétro-action du système. Ils forcent ainsi ce dernier vers la solution imposée par la géométrie du filtre (Fig. 1.10).

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Table des matières

Introduction Générale
1 Contexte et Motivations 
1.1 Structures spatiales auto-organisées
1.1.1 Phénomènes d’auto-organisation dans la nature
1.1.2 Mécanismes de formation de patterns
1.1.3 Patterns en optique
1.1.4 Notions sur les structures localisées
1.2 Effet photoréfractif 
1.2.1 Le modèle de transport par bandes
1.2.2 L’effet électro-optique
1.2.3 Quelques applications
1.2.4 L’effet photoréfractif vs l’effet Kerr
1.2.5 Structures lumineuses et photoréfractivité
1.3 Position du problème
1.3.1 Les moyens de contrôle
1.3.2 Notre approche
2 Patterns photoréfractifs : de la théorie à l’expérience 
2.1 Approche théorique
2.1.1 Compétition entre les différents réseaux
2.1.2 Mise en équations
2.1.3 Analyse de stabilité linéaire
2.1.4 Analyse numérique du système non linéaire
2.1.5 Description de la méthode
2.1.6 Résultats
2.2 Le dispositif expérimental à simple rétro-action optique 
2.2.1 Description du montage
2.2.2 Résultats expérimentaux
2.2.3 Conclusion
3 Contrôle de patterns en milieu périodique discret 
3.1 Les milieux discrets pour l’optique
3.1.1 Les cristaux photoniques
3.1.2 Les lattices photoniques
3.1.3 Propagation de la lumière dans de telles structures
3.1.4 Contrôle de la lumière par la lumière
3.2 Approche théorique
3.2.1 Modification des équations de couplage
3.2.2 Analyse de stabilité linéaire
3.2.3 Simulations numériques
3.3 Observations expérimentales 
3.3.1 Descriptif du montage
3.3.2 Résultats et discussions
3.3.3 Conclusion
4 Effet d’une dérive transverse sur les patterns 
4.1 Les différentes dynamiques en présence d’advection
4.1.1 Le convectif et l’absolu
4.1.2 Quelques applications
4.1.3 Notion de bruit
4.2 Application d’une dérive à notre système 
4.2.1 Montage expérimental
4.2.2 Résultats expérimentaux
4.3 Mise en évidence des régimes convectif et absolu 
4.3.1 Les signatures des différents régimes
4.3.2 Etude spatio-temporelle
4.3.3 Etude des seuils associés aux différents régimes
5 …Vers les structures localisées 
5.1 Définitions, Applications et Propriétés 
5.1.1 Les solitons dissipatifs (DS)
5.1.2 Leurs applications
5.1.3 Conditions d’observation des DS
5.1.4 Le contrôle des solitons dissipatifs
5.1.5 Notre approche
5.2 Le montage expérimental
5.2.1 Bistabilité et ajout d’éclairage de fond
5.2.2 Le bras d’injection cohérent
5.2.3 Le bras d’injection incohérent
5.3 Résultats et discussions 
5.3.1 Identification d’une hysteresis dans le système
5.3.2 Injection cohérente
5.3.3 Injection incohérente
5.3.4 Conclusions et Discussions
6 Conclusions et Perspectives 
Annexes
CV, Publications
Bibliographie

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