Principe de fonctionnement d’un CPA (Chirped Pulse Amplifier)
L’amplification dans le CPA se décompose en trois étapes (fig. I.16) : étirement, amplification et compression. Les étapes d’étirement et de compression sont similaires : en effectuant plusieurs passages dans des réseaux de diffraction I.17, on introduit un chirp qui étire (respectivement comprime) l’impulsion à une durée de quelques dizaines de nanosecondes (étirement >10000 la durée initiale). On diminue (resp. augmente) l’intensité crête des impulsions. Les chirps introduits par ces deux systèmes sont de signes opposés, le changement de signe étant dû à un miroir sphérique qui introduit un grandissement unité négatif (-1) sur l’étireur. Le chirp introduit par une paire de réseaux s’écrit dans le cas général φ = −Dz où D est relié au facteur dispersif des réseaux et z est la distance algébrique qui les sépare. Quand z < 0, ce que l’on obtient grâce au miroir sphérique, φ > 0 on étire l’impulsion. Pour z > 0, on est dans le cas φ < 0. Si l’impulsion a été préalablement étirée, en général par un chirp de signe positif (étireur, milieu dispersif habituel, …), on comprime cette impulsion. Le cas z = 0 correspond à une ligne à dispersion nulle, notamment utilisée dans le dispositif de mise en forme.
Cas d’une impulsion à dérive de fréquence (situation de champ faible)
Nous avons vu précédemment dans le chapitre I, que pour compenser le terme de dispersion quadratique d’un milieu transparent non résonant, on utilise des impulsions qui présentent un chirp de signe opposé à celui du matériau, de sorte que les deux effets se compensent. On peut alors se demander si l’on peut transposer ce résultat au cas où une impulsion à dérive de fréquence interagit avec un milieu dispersif résonant. Nous allons voir que cette situation qui ne peut pas être décrite par le théorème de McCall&Hahn, conduit à une modification particulièrement importante du profil d’intensité de l’impulsion. Ce problème a déjà a été étudié par Grischkowsky et al. [23, 24] pour des impulsions longues en régime picoseconde. L’interprétation des résultats de ces études consiste à modéliser l’effet de remise en forme du champ qui se propage, comme résultant uniquement de l’interférence (hétérodynage) entre le champ incident et le champ rayonné considéré comme pratiquement constant. Dans notre cas, la présence de termes transitoires montre que le champ rayonné a une expression plus complexe et que le changement de forme temporelle dû à la propagation ne résulte pas d’un simple hétérodynage. Nous allons dériver une démonstration plus détaillée de l’interprétation donnée par Grischkowsky. Nous mettrons en évidence que le champ rayonné par les atomes joue un rôle essentiel dans ce phénomène, dont la description complète fait intervenir des interférences aussi bien au niveau atomique qu’au niveau optique.
Ajustements théoriques
Les courbes expérimentales sont reproduites avec un excellent accord par des courbes théoriques, dont les paramètres sont déterminés par une méthode d’ajustement des moindres carrés usuelle (figure III.7). Nous exposons ici la méthode que nous avons utilisé pour réaliser l’ajustement théorique des profils temporels expérimentaux.
1) A partir du spectre en intensité S(ω) ∝ exp (−ω2τ 20 /2) de la référence, nous déterminons la durée τ0 limitée par transformée de Fourier.
2) En utilisant cette valeur de τ0, et à partir du signal de corrélation d’intensité de l’impulsion initiale C(2)E1,E1 (τ ) ∝ exp (−2τ 2/(τ 20 + τ 2C)) = exp (−2τ 2/(τ 20 + 4φ20 /τ 20 )), nous pouvons extraire la valeur du chirp φ0 introduit par les éléments optiques. Il est essentiellement présent sur l’impulsion initiale (la référence est pratiquement limitée par transformée de Fourier).
3) On utilise le signal de corrélation issu du four lorsque seule la vapeur atomique affecte l’impulsion. L’ajustement théorique de ce signal (figure III.7-a) permet d’obtenir :
– la longueur d’onde centrale du laser λL,
– l’épaisseur optique α0L| fit du milieu traversé.
4) On utilise le signal de corrélation provenant du SLM seul, dans lequel on a programmé la phase φSLM. L’ajustement théorique de ce signal (figure III.7-b) permet d’obtenir :
– l’épaisseur optique eSLM| fit réellement introduite par le dispositif,
– λSLM la longueur d’onde centrale de fonctionnement du SLM (qui peut différer de quelques fractions de nanomètres de λL et de la longueur d’onde de la transition),
– la largeur et l’amplitude du trou spectral qui apparaît à cause des limitations intrinsèques du dispositif de mise en forme (cf III.4). Ce trou est modélisé par une gaussienne renversée.
5) L’ajustement de la courbe III.7-c est obtenu en imposant, dans le calcul de la propagation à travers le SLM et le four, tous les paramètres avec leurs valeurs déterminées précédemment.
La durée de 250 fs (FWHM) de l’impulsion issue du SLM est supérieure à la durée limitée par transformée de Fourier de 124 fs (FWHM) déterminée par la méthode précédente. Cette durée correspond à un chirp de 4890 fs2. Nous obtenons une épaisseur optique de α0L|fit =21000 (III.7-a), en bon accord avec la valeur de l’épaisseur optique de α0L|théo = 20700 qui correspond à la température du four (T =160◦C). Par ailleurs la valeur eSLM|fit = 19200 est en accord avec la valeur programmée eSLM = 18750. Soulignons la précision des paramètres d’ajustement déterminés indépendamment et qui une fois combinés permettent de décrire en détail l’impulsion compensée ainsi que les défauts présents autour du pic central (figure III.7-c).
Résultats sur le profil spectral à plus haute résolution
Quand on se place dans le domaine spectral avec une résolution suffisante, on peut comprendre à la fois la bonne qualité de la compensation mais également ses limitations. Tout d’abord on peut se rendre compte de manière assez immédiate que la phase spectrale programmée est globalement bien reproduite par la phase obtenue, comme le montre la figure III.13 (voir aussi figure III.18 et III.15). En particulier, la première oscillation du sinus, qui correspond à une variation de la phase de 2π, est reproduite fidèlement. Ceci est obtenu grâce à la haute résolution du façonneur d’impulsions. C’est un point particulièrement important car de cette manière la plupart de l’énergie spectrale de l’impulsion initiale voit sa phase convenablement choisie.
Effets de la résolution
Nous avons donc vu qu’il est possible de compenser la dispersion résonnante introduite par la vapeur atomique, ce qui n’est pas réalisable par des dispositifs habituels et nécessite l’utilisation d’un façonneur d’impulsions d’impulsion haute résolution. Pour compléter cette étude, nous avons simulé différentes résolutions spectrales du SLM en regroupant les pixels, c’est-à-dire que l’on a appliqué la même phase sur 2, 5 ou 8 pixels. Ainsi on reproduit le comportement de SLM comptant respectivement 320, 128 ou 80 pixels sur 38 nm environ. La phase appliquée est la phase totale (pas de phase plate à résonance). Il apparaît que dans notre cas, la compensation nécessite un minimum de 128 pixels pour obtenir une impulsion restaurée suffisamment fidèle à l’impulsion initiale. Nous remarquons un saut qualitatif (figure III.22) entre une résolution de 80 et de 128 pixels. Une telle résolution est en effet nécessaire pour reproduire convenablement la première oscillation de la phase spectrale, et une résolution de 0,48 nm (80 pixels) ne peut en aucun cas être utilisée pour cette application. Par ailleurs, une autre tendance intéressante se dégage de ces résultats. On constate qu’il existe en effet peu de différences entre les profils obtenus avec une résolution de 320 ou 640 pixels. Cela semble indiquer qu’il n’est pas nécessaire d’augmenter la résolution du système pour obtenir de meilleurs résultats. On comprend aisément que l’augmentation de résolution est sans effet sur la qualité de la première oscillation lorsque celle-ci est déjà bien reproduite par une résolution inférieure. En revanche, on pourrait s’attendre à ce qu’une augmentation de résolution améliore les résultats au voisinage immédiat de la résonance en limitant le phénomène de sous échantillonage. Cependant une résolution plus grande conduit inévitablement à l’apparition d’un plus grand nombre de trous liés aux sauts de phase qui sont toujours présents. C’est l’apparition de ces trous qui contrecarre les bénéfices liés à l’augmentation de la résolution.
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Table des matières
INTRODUCTION
I Dispositif expérimental
I.1 Oscillateur Titane-Saphir Femtoseconde
I.1.1 Propagation dans un milieu dispersif transparent
I.1.2 Effet Kerr
I.1.3 Fonctionnement de l’oscillateur
I.2 Caractérisation des impulsions courtes
I.2.1 Corrélation interférométrique du premier ordre
I.2.2 Corrélation intensimétrique du deuxième ordre
I.2.3 XFROG
I.2.4 Autres méthodes de caractérisation
I.3 Amplificateur régénératif
I.3.1 Principe de fonctionnement d’un CPA (Chirped Pulse Amplifier)
I.4 Dispositif de mise en forme
I.4.1 Principe de fonctionnement du façonneur d’impulsions : ligne 4f et SLM (Spatial Light Modulator)
I.4.1.1 Etalement spatial du spectre
I.4.1.2 Calcul du spectre dans le plan de Fourier
I.4.1.3 Mise en forme en phase et amplitude
I.4.2 Influence des pixels et des gaps
I.4.3 Géométrie de la ligne 4-f
I.5 Production de vapeur atomique – constitution du four
I.5.1 Vapeur atomique
I.5.1.1 Pression de vapeur saturante
I.5.1.2 Fraction de dimère
I.5.2 Constitution du four
II Propagation dans un système à deux niveaux
II.1 Equations de propagation
II.1.1 Equation sur le champ électrique
II.1.2 Equation sur le système quantique – Expression de la polarisation
II.1.2.1 Expression générale
II.1.2.2 Largeur Doppler négligeable
II.1.2.3 Prise en compte de la largeur Doppler
II.2 Etude expérimentale et théorique de cas simples
II.2.1 Cas d’une impulsion limitée par transformée de Fourier résonante
II.2.1.1 Situation de champ fort – Théorème de l’aire
II.2.1.2 Situation de champ faible
II.2.1.2.1 Fonction réponse
II.2.1.2.2 Interprétation spectrale
II.2.2 Cas d’une impulsion à dérive de fréquence (situation de champ faible)
II.2.2.1 Remarque préliminaire
II.2.2.2 Champ rayonné par le système
II.2.2.3 Champ transmis
II.2.2.4 Impulsion à dérive de fréquence en champ faible : Expérience
II.2.2.4.1 Etude avec l’épaisseur optique α0L
II.2.2.4.2 Etude avec la longueur d’onde λL
II.2.2.4.3 Variation avec φ0
II.2.2.5 Propagation d’impulsion à dérive de fréquence dans une vapeur de sodium
II.3 Conclusion
III Compensation de la dispersion résonante
III.1 Principe de la compensation
III.2 Expérience
III.3 Résultats expérimentaux
III.3.1 Résultats sur le profil temporel d’intensité
III.3.2 Ajustements théoriques
III.3.3 Mesures par XFROG -Détermination de la phase spectrale
III.4 Limitations et alternative
III.4.1 Résultats sur le profil spectral à plus haute résolution
III.4.2 Limitation principale : Pixellisation et Diffraction
III.4.3 Autres limitations
III.4.4 Alternative : Compensation par une phase plate à résonance
III.4.4.1 Principe
III.4.4.2 Résultats et comparaison des deux méthodes
III.5 Effets de la résolution
III.6 Conclusion et Perspectives
IV Propagation dans un système atomique piloté par un champ fort. Cas de systèmes à deux et trois niveaux
IV.1 Système à 3 niveaux en Ξ
IV.1.1 Description du système dans la base stationnaire
IV.1.2 Base adiabatique
IV.1.3 Sonde faible et résonante
IV.1.4 Comportement initial des populations à l’entrée Z = 0
IV.1.5 Effets sur la propagation
IV.1.6 Etude spectrale
IV.1.7 Déplacement lumineux transitoires dans un système à 3 niveaux en Ξ : Conclusion
IV.2 Système à 2 niveaux sous excitation « bichromatique »
IV.2.1 Système étudié
IV.2.2 Article
IV.2.3 Excitation « bichromatique » : Montage expérimental et résultats
IV.2.3.1 Montage expérimental
IV.2.3.2 Résultats (Spectres)
IV.2.3.2.1 Fréquence image
IV.2.3.2.2 Dissymétrie
IV.2.3.2.3 Dépendance avec la puissance du champ fort
IV.3 Conclusion
V Propagation dans un système atomique piloté par un champ fort. Cas d’un système à deux niveaux dégénérés
V.1 Modèle théorique
V.1.1 Schéma d’excitation
V.1.2 Description dans la base stationnaire
V.1.3 Description dans la base adiabatique
V.2 Dispositif expérimental
V.2.1 Détermination de la variation de phase relative entre le champ fort et le champ faible
V.3 Résultats théoriques et expérimentaux
V.3.1 Energie de l’impulsion transmise : variation avec la phase φ
V.3.2 Energie de l’impulsion transmise : évolution avec l’intensité du champ fort
V.3.2.1 Effet du spin orbite
V.3.2.2 Rôle du recouvrement temporel des impulsions
V.4 Profil temporel de l’impulsion
V.5 Conclusion
CONCLUSION
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