Contribution de l’industrie minière à l’économie nationale
Discussion
Perceptions du développement durable
Le cas de Kettara: Les entrevues réalisées avec les trois principaux groupes d’acteurs du développement d’un village minier ont permis de dégager leurs visions respectives de ce qu’est – ou devrait être – le développement minier durable. Plusieurs points de convergence se dégagent de l’analyse de contenu des entrevues. Certaines différences de perceptions demeurent toutefois, qui pourraient potentiellement être source de conflits.
> Dimension environnementale du développement durable:
Kettara est un exemple de mauvaise gestion, notamment parce que le site a été fermé sans aucune restauration. De grandes masses de rejets riches en sulfures, qui libèrent en s’oxydant des eaux acides fortement chargées en métaux, ont été disposées en surface sans aucun traitement, ce qui peut affecter gravement la santé du public (Boularbah et al, 2006a,b; El Khalil et al., 2008; Hakkou et al., 2008). À l’époque de l’exploitation de la mine de Kettara, ni les attentes de la communauté ni les normes de protection de l’environnement n’étaient aussi élevées qu’elles le sont aujourd’hui. Les gens de la compagnie minière interrogés dans le cadre de ce projet ont attribué les problèmes environnementaux liés à l’exploitation du site de Kettara à l’absence de lois, à l’époque, qui auraient défini les responsabilités de chaque partie. Ils se sont dits aujourd’hui plus conscients qu’il est important pour les compagnies minières d’utiliser les meilleures pratiques de gestion environnementale. Plusieurs auteurs ont mentionné que les entreprises minières acceptent de plus en plus cette responsabilité et affirment qu’elles peuvent protéger l’environnement pendant et après l’exploitation (Kapelus, 2002; Gond et Mullenbach, 2004; Hamann, 2004; Jenkins, 2006; Ratanajongkol et al., 2006; Esteves, 2008) notamment par le biais d’une gestion qui prend en compte tous les impacts de l’opération et qui cherche les meilleures solutions pour les minimiser, par l’élaboration d’un plan de fermeture de la mine qui vise à impliquer la population locale dans les différentes phases du cycle minier (Azapagic, 2004).
D’importants changements ont récemment été apportés au régime législatif du Maroc (Ministère de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, 2009). La nécessité de restaurer les sites a ainsi été incluse dans la politique environnementale (Adidi, 2009). On assiste donc depuis quelques années à la création d’un cadre réglementaire fondé sur les principes du développement durable. En effet, lors des entrevues avec les représentants du gouvernement, ces derniers ont déclaré que de nos jours, les entreprises minières doivent absolument se conformer à une série d’engagements, incluant la protection des eaux, du sol et de l’air de toute contamination. Cela dit, la mise en œuvre effective et complète du nouveau cadre réglementaire n’est pas encore terminée, si bien qu’il est encore difficile d’en évaluer les effets.
Les trois groupes consultés dans le cadre de cette étude (population, gouvernement, compagnie) avaient des perceptions très similaires des enjeux environnementaux du développement minier durable. Selon eux, la protection de l’environnement exige une planification minutieuse et l’engagement de toutes les parties. Ils ont insisté sur la nécessité d’adopter de meilleures pratiques de gestion dans un processus continu, intégré dans toutes les phases du projet minier.
Le risque de contamination des eaux suite à l’exploitation de la pyrrhotine a été soulevé à maintes reprises. Cette préoccupation semble légitime, puisque les eaux de ruissellement peuvent être contaminées par les produits utilisés au cours des traitements, tels le cyanure, les huiles ou les acides (Kitula, 2006). Qui plus est, ces eaux se rendent généralement dans les systèmes de drainage (Akcil et Koldas, 2006). Les opérations minières peuvent également affecter la qualité des eaux superficielles ou souterraines par l’accumulation de sédiments ou par la libération d’éléments toxiques contenus dans les rejets miniers (Younger, 2001). Les recherches de (Hakkou et al., 2006a) ont d’ailleurs montré que les eaux de ruissellement de la mine de Kettara sont contaminées aux métaux lourds, aux sulfates, à l’aluminium, et au magnésium.
Un autre problème important lié à l’exploitation minière est le drainage minier acide (Baborowski et Bozau, 2006), qui survient lorsque des minéraux sulfuriques sont exposés à l’oxygène et à l’humidité, produisant ainsi de l’acide sulfurique (Lee et al, 2002). Le processus peut par ailleurs être accéléré par la présence de bactéries (Hakkou et al., 2006a). L’impact environnemental du drainage minier acide peut être important, des conditions acides pouvant causer une diminution de la biodiversité (Rios et al, 2008). Selon (Hakkou et al., 2006b) les rejets miniers du site abandonné de Kettara, caractérisés par un pH acide et par des concentrations élevées en métaux peuvent contaminer à la fois les eaux de surface par lixiviation et ruissellement et les eaux souterraines par infiltration.
Au cours des entrevues, les gens de Kettara ont déclaré que la mine avait des effets considérable sur les sols et que l’exploitation a généré des produits toxiques qui ont gravement affecté la fertilité des terres. En effet, l’exploitation minière peut en effet causer des dommages aux sols, notamment par la salinisation, l’acidification, la pollution ou la perte de structure (Wang et al., 2007). La contamination du sol affecte directement la végétation (Razo et al., 2004). À Kettara, la population du village attribue l’absence de végétation aux impacts de l’exploitation de la mine. En effet, les déchets générés à la suite de l’exploitation ont eu pour effet à long terme la réduction de la productivité globale des terres (Smith et al., 1991). Boularbah et al. (2006) indiquent d’ailleurs que la dissémination de polluants métalliques provenant des résidus miniers par voies hydrique et éolienne entraîne une contamination des sols, des eaux de surface et des plantes. La concentration en métaux lourds et l’acidité élevées inhibent la croissance végétale (El Khalil et al., 2008). La population de Kettara souffre encore à ce jour de la poussière provenant des rejets du site non restauré, qui peuvent contenir des substances toxiques telles que des métaux lourds. Cela constitue un danger pour la population et peut causer des maladies. Par exemple, de nombreux habitants du village ont développé la silicose. Devinck et Rosental (2009) soulignent d’ailleurs que les mineurs contractent souvent cette maladie professionnelle après la fermeture d’une mine. Stephens et Ahern (2001) considèrent que l’exploitation minière cause proportionnellement plus de décès que les autres activités industrielles.
La communauté de Kettara souhaite que les questions environnementales soient sur la liste des priorités du gouvernement. Elle envisage une exploitation durable des ressources minières, dans laquelle l’industrie intègre les considérations environnementales sans laisser derrière des dommages à l’environnement. Dans le cas contraire, les gens de Kettara attribuent la responsabilité de réparer les dommages à la compagnie minière.
Les principales perceptions de la dimension environnementale du développement minier durable
par les trois groupes d’acteurs ayant participé au projet sont résumés dans le tableau 2.
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Table des matières
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
ACRONYMES
RÉSUMÉ
REMERCIEMENTS
1. INTRODUCTION
1.1. Le secteur minier au Maroc
1.1.1. Contribution de l’industrie minière à l’économie nationale
1.1.2. Réformes du secteur minier marocain
1.2. Impacts de l’exploitation minière
1.3. Impacts des fermetures de mines
2. Cadre théorique
2.1. Le développement durable
2.1.1. Les trois piliers du développement durable
2.1.2. Développement durable dans le secteur minier
2.2. La responsabilité sociale de l’entreprise (RSE)
2.2.1. Enjeux de RSE dans le secteur minier
3. Objectifs de recherche
4. Aire d’étude
5. Méthodologie
5.1. Collecte des données
5.2. Analyse des données
6. Résultats
6.1. Le village de Kettara pendant l’exploitation minière
6.1.1. Kettara : naissance d’un village minier
6.1.2. Conditions de travail et sécurité
6.1.3. Retombées socio-économiques de l’exploitation
6.1.4. Impacts sur l’environnement
6.2. Après l’exploitation: les effets de la fermeture
6.2.1. Les conséquences socio-économiques
6.2.2. Les impacts sur l’environnement et la santé
6.3. Perceptions du développement durable
6.3.1. La population de Kettara
6.3.2. La compagnie
6.3.3. Les gouvernements
7. Discussion
7.1. Perceptions du développement durable
7.1.1. Le cas de Kettara
7.1.2. Perspectives de développement minier durable
7.2. Responsabilités des principaux acteurs du développement minier
7.2.1. Compagnies minières
7.2.2. Gouvernements
7.2.3. Population locales
8. Conclusion
8.1. Vers un développement minier durable
8.2. Responsabilité sociale de l’entreprise dans le secteur minier
8.3. Limites de la recherche et perspectives
RÉFÉRENCES
Annexe 1 : Guide d’entrevue
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