Contribution de l’éducation physique au collégial
La fin de l’adolescence constitue une étape importante dans le développement, puisqu’à cet âge les jeunes passent par plusieurs étapes de changements majeurs, tant physiques que psychologiques, et franchissent une étape cruciale de leur vie, celle du passage à l’âge adulte (Gauthier, 2008; Amett, 2014). Plus spécifiquement selon Gauthier (2008), cette étape de leur vie est marquée par l’expérimentation, l’acquisition et l’exercice d’une plus grande autonomie, l’établissement de nouvelles relations avec les pairs, les premières expériences amoureuses, les interrogations liées à la sexualité et parfois, pour certains, l’acceptation de l’orientation sexuelle. Globalement, c’est à cet âge qu’il y a formation de l’identité propre et que les jeunes font face à une multitude de choix, notamment sur le plan de l’orientation professionnelle.
Cette même étude de Gauthier (2008), nous indique qu’au niveau académique, les étudiants du collégial sont confrontés à des exigences accrues, une compétition plus relevée par rapport à celle vécue au secondaire et la majorité d’entre eux combine également travail à temps partiel et études, tout en ayant à répondre à des critères de performance plus élevés.
Selon le bulletin présenté par ParticipAction (ParticipAction, 2015), seulement 9% des jeunes âgés de 5 à 17 ans font les 60 minutes d’activité physique intense dont ils ont besoin chaque jour. Buckworth et Nigg (2004), dans une étude réalisée chez des collégiens américains, rapportent que ces derniers consacrent plus de 30 heures par semaine à des activités sédentaires réparties de cette façon: 10,5 heures passées devant la télévision, 6 heures devant l’ordinateur et 13,25 heures d’études. Fait intéressant, les mêmes auteurs ont rapporté une corrélation significative entre l’âge des collégiens et les activités sédentaires: plus vieux sont les étudiants, plus de temps ils passent devant l’ordinateur.
Dans le même ordre d’idées, une enquête canadienne sur les mesures de santé réalisée de 2012 à 2013 (Statistique Canada, 2015) rapporte que les jeunes adultes canadiens âgés de 18 à 39 ans étaient sédentaires pendant 9 heures et 36 minutes par jour. Face à ce constat, il devient pertinent de se soucier des impacts des cours d’éducation physique au niveau collégial et des mesures d’accompagnement mises en place afin de soutenir les élèves en difficulté et favoriser un mode de vie physiquement actif à long terme. De tels chiffres confirment l’importance de se préoccuper de la pertinence des programmes d’éducation physique lors du passage aux études supérieures, ainsi que des aspects à considérer pour améliorer l’impact des programmes.
À cet égard, Kahn et ses collègues (2002) émettent des réserves quant à l’efficacité des programmes d’intervention en éducation physique au niveau universitaire américain. Dans cette synthèse, on rapporte une augmentation constante de l’activité physique et de la capacité aérobie, mais les effets sont la majeure partie du temps mesurés sur une courte période. À plus long terme, on observe une baisse de l’activité physique vers les niveaux initiaux. Concernant les recherches effectuées sur la pratique d’activité physique en milieu collégial, on note plusieurs lacunes, tant dans la conception que dans l’exécution des études. Kahn et al (2002) citent aussi le manque d’études de type intervention.
À la lumière de ces résultats, on ne rapporte pas suffisamment de preuves disponibles pour évaluer l’efficacité des interventions des cours d’éducation physique au niveau collégial afin d’accroître les comportements d’activité physique.
Développer un modèle d’intervention axé sur un modèle théorique
Depuis plusieurs années, de nombreux chercheurs issus majoritairement du domaine de la psychologie ont utilisé les théories comportementales afin de mieux cibler les variables qui influencent ou prédisent les comportements de santé, dont la pratique d’activités physiques (Abraham et al., 2009).
Les théories comportementales impliquent la présence de variables d’influences, appelées « déterminants» des comportements. Les déterminants sont influencés par la suite, par des interventions qui visent à favoriser l’adoption du comportement visé. Au cours des dernières décennies, plusieurs théories comportementales ont permis de concevoir des modèles d’interventions visant le changement de comportements en santé. Elles fournissent aussi un cadre d’intervention qui aide les acteurs du milieu à développer des approches efficaces sur le plan de l’adoption et du maintien des comportements sains.
En ce sens, plusieurs évidences permettent de conclure que les interventions construites à l’aide d’un cadre théorique sont plus efficaces, comparativement aux interventions qui ne sont pas basées sur un modèle théorique précis (Glanz & Bishop, 2010; Noar & Zimmerman, 2005). Les théories comportementales les plus fréquemment citées dans la littérature sont : le modèle de croyance à la santé (Rosenstock, 1974), la théorie de l’action raisonnée (Ajzen & Fishbein, 1980), la théorie du comportement planifié (Ajzen & Madden, 1986), la théorie sociale cognitive (Bandura, 1986) et le modèle transthéorique (Prochaska & DiClemente, 1983).
Le Tableau 3 présente les principales théories qui ont fait l’objet d’interventions visant à modifier la pratique d’activités physiques auprès de diverses populations. Comme indiqué dans ce tableau, ce sont les construits de la théorie du comportement planifié (TCP) et de l’action raisonnée combinés qui ont fait l’objet du plus grand nombre de recherches dans la promotion de l’activité physique avec près de 30% d’ utilisation totale.
Malgré sa contribution dans le développement des connaissances théoriques en matière des comportements de santé, Sniehotta et al. (2014) remettent en question la validité de la théorie du comportement planifié, plus particulièrement dans son opérationnalisation pour bâtir l’intervention. Par exemple, la théorie assume que les facteurs externe pouvant influencer le comportement sont médiées par la TPB, cependant, il existe des preuves cohérentes que l’âge, le statut socioéconomique, la santé physique, la santé mentale et les caractéristiques de l’environnement prédisent objectivement la pratique d’activités physiques lorsque les prédicteurs TPB sont contrôlés. En réponse aux critiques de Sniehotta, l’auteur-fondateur de la théorie Ajzen (2014) constate que la valeur prédictive de la TCP comporte ses limites, mais que la plupart des études non concluantes ont démontré des lacunes méthodologiques dans la conception et la collecte d’informations par exemple, s’assurer que les croyances à influencé sont accessible et faire en sorte que les sujets possèdes les connaissances et les habiletés nécessaires pour agir sur ceux-ci. Il apparait donc souhaitable de se pencher de plus près sur les composantes de ces théories pour optimiser nos stratégies d’intervention.
Interventions basées sur la Tep dans le domaine de l’activité physique La Tep comporte des avantages dans un contexte ou les intervenants désirant développer des interventions visant le changement de comportement. En ce sens, une revue systématique a été réalisée par Hardeman et al. (2002), portant sur 24 études ayant utilisé la Tep comme modèle d’intervention. Il critique la façon dont la Tep est utilisée. Il avance que la Tep est utilisée fréquemment afin de mesurer les processus, les variables de résultats ainsi que pour prédire les intentions et le comportement, mais moins fréquemment dans le but de développer des interventions qui visent le changement de comportement. À cela, il ajoute que les composantes spécifiques de la théorie doivent être mieux ciblées et mesurées. De plus, il fait allusion aux méthodes utilisées qui ne sont pas élaborées selon le cadre de la Tep. Suite à ses critiques, Hardeman (2002) émet quelques recommandations pour les futures recherches.
L’une d’entre elles est de bien identifier les composantes de la Tep qui sont ciblées, pour ensuite mesurer les effets des interventions sur les changements de ces composantes, afin de déterminer si les méthodes de changement de comportement ont un impact sur les intentions, et par conséquent les comportements.
On peut observer que depuis la parution de la revue systématique de Hardeman, plusieurs études ont utilisé la Tep comme base d’intervention. Le tableau 5 (p.36) fait état des études de type intervention ayant utilisé la Tep comme modèle théorique. On y remarque que la majeure partie des interventions ont été menées auprès d’hommes et de femmes d’âge adulte.
La durée des interventions varie entre 2 semaines et 12 mois. De façon sommaire, les techniques de changement de comportement appliquées aux interventions utilisant la TCP touchent majoritairement la sensibilisation et le développement d’attitudes favorables face au comportement visé. Malgré cet accent sur le développement d’attitudes favorables, il semble qu’une attention particulière devrait être portée aux techniques qui influenceraient les croyances de contrôle (Courneya & McAuley, 1995; Hagger, Chatzisarantis, & Biddle, 2002; Lemoyne, 2012). Cependant, on en connait bien peu quant à l’utilisation de ces techniques et leurs impacts sur la pratique d’activités physiques, plus particulièrement dans un contexte d’accompagnement aux étudiants en éducation physique de niveau collégial. Par exemple, on suggère que l’utilisation de techniques adéquates pourrait favoriser la prise en charge des étudiants en difficultés en ciblant les besoins, en identifiant les barrières susceptibles de causer l’échec et aider à motiver les étudiants par une approche plus personnalisée.
Pour répondre à cette question, une étude récente de Lemoyne et Valois (2014) a démontré que les variables ayant le plus d’influence sur la pratique d’activités physiques des jeunes collégiens étaient non seulement les attitudes, mais la perception de contrôle. De tels résultats justifient le besoin de développer des interventions permettant d’agir sur les perceptions de contrôle.
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Table des matières
RÉSUMÉ
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
REMERCIEMENTS
1. INTRODUCTION
2. PROBLÉMATIQUE
Déclin de la pratique d’activités physiques chez les 17 à 25 ans
Contribution de l’éducation au collégial
Bâtir des interventions pour le maintien de la pratique d’activités physiques
3. CADRE THÉORIQUE
Développer un modèle d’ intervention axé sur un modèle théorique
Cadre théorique de l’étude: la théorie du comportement planifié
Comportement
Intentions
Attitudes
Précurseurs des attitudes: croyances comportementales
Normes subjectives
Précurseurs des normes subjectives: croyances normatives
Contrôle perçu
Précurseurs du contrôle perçu: croyances de contrôle
Interventions basées sur la TCP dans le domaine de l’activité physique
Pertinence de développer un modèle d’intervention
Techniques visant à modifier les croyances de contrôle
Objectifs et hypothèses de l’étude
4. MÉTHODOLOGIE
Participants et procédures de collecte de données
Description du devis général de l’étude
Instrument de mesure: questionnaire
Le comportement: la pratique d’activités physiques (auto rapportée)
Mesure des variables de la TCP
Mesure de l’intention
Mesure des précurseurs de l’intention
Mesure de l’attitude
Mesure des croyances comportementales
Mesure des normes sociales
Mesure des croyances normatives
Mesure du contrôle perçu
Mesure des croyances de contrôle
Analyses statistiques
5. RÉSULTATS
Statistiques descriptives
Changements observés au terme de la session: valeurs initiales et changements spécifiques relatifs aux construits de la TCP
Croyances comportementales
Croyances normatives
Facteurs facilitants
Barrières/facteurs contraignants
Attitudes
Normes subjectives
Perception de contrôle
Les intentions
Évolution des variables de la TCP : analyse des mesures répétées
6. DISCUSSION
Forces de l’étude
Limites de l’étude
Recommandations pratiques et perspectives futures
CONCLUSION
RÉFÉRENCES
ANNEXES A
ANNEXES B
ANNEXES C
ANNEXES D
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