La majorité de la population rurale ne dispose pas de moyens financiers nécessaires pour améliorer leur production annuelle. Diverses approches ont été entreprises au fil des années en matière de financement rural avec l’intervention de différentes entités regroupées dans le Système Financier Décentralisé (SFD) (Cf. Annexe I), des banques et des autres structures d’appui (Cf. Annexe II). Le système bancaire spécialisé en microfinance a été introduit en 1977 (Cf. Annexe III) par la Bankin’ny Tantsaha Mpamokatra (BTM) à travers les crédits de masse [8]. Il ne touchait qu’une faible proportion étant donné que les banques ne présentent pas une répartition géographique assez étendue.
La constitution des Organisations Paysannes (OP) (Cf. Annexe IV) présente des avantages concernant l’accès au financement rural et les techniques de production dispensés par les organismes de développement rural. Pourtant, la plupart des paysans n’adhère pas à ces organisations. En 2003, environ 3 500 OP ont été recensées à Madagascar selon le MAEP, avec un effectif moyen de 7 à 30 membres par organisation [5]. Ainsi, le recours aux emprunts auprès des établissements de microcrédit (EMC) permet aux paysans se trouvant éloignés des banques et n’étant pas membres des OP, de financer leurs activités agricoles. Selon la Coordination Nationale de la MicroFinance (CNMF), la microfinance désigne l’activité de collecte d’épargne et de financement des petits producteurs ruraux et urbains et dont la population bénéficiaire est relativement pauvre ou tout au moins exclue du système bancaire classique [24].
Malgré la multiplication du nombre des EMC, actuellement au nombre de trente trois établissements (Cf. Annexe V), les investissements dans le secteur agricole restent très faibles, moins de 1% de la valeur de la production annuelle [26]. De plus, en 2010, le taux d’accès des ménages aux services des EMC n’atteint que les 17,5% au niveau national [22]. Cela peut être qualifié faible si au cours de la même année, environ 75,3% des ménages ruraux ont été classés pauvres [14]. Bien que les informations relatives à l’utilisation du crédit informel ne soient pas disponibles, on estime toutefois que plus d’un tiers des ménages ruraux prennent recours aux services des usuriers [26] (Cf. Annexe VI). Or, les taux d’intérêt de 1% à 9% par mois exigés par les EMC sont largement inférieurs à ceux pratiqués par les prêteurs traditionnels [25]. A travers ces chiffres, on peut déduire qu’il existe des facteurs qui expliquent le fait que les paysans préfèrent consulter les prestataires informels que d’accéder aux services financiers des EMC à leur disposition. La Première Agence de Microfinance (PAMF) figure parmi les dernières Institutions de MicroFinance (IMF) qui s’étaient constituées à Madagascar et dont les premières opérations de crédit datent de 2 006 [16]. Etant donnée sa récente implantation, elle devrait figurer parmi les établissements financiers présentant des produits innovants et convenant bien aux attentes des demandeurs de service. Cette nouvelle IMF devrait donc être en mesure de connaître les faiblesses et les échecs des anciennes institutions. La problématique de la présente étude tourne autour de la question suivante : « Quelle est la contribution de la PAMF à la résolution des problèmes rencontrés par les paysans vis-à-vis de l’utilisation du service crédit proposé par les EMC ? » .
Pour appréhender de plus près le sujet, une étude de cas est jugée utile. Parmi les agences rurales de la PAMF figure celle qui est implantée depuis Octobre 2008 [16] dans la Commune rurale d’Analavory, ce qui constituera également la zone d’étude. Cette Commune appartient à la Région Itasy dont l’importance de l’activité agricole n’est plus à démontrer.
MATERIELS ET METHODES
Le travail de recherche a été réalisé en passant par les deux points essentiels suivants :
– la délimitation de l’étude
– la détermination de la méthodologie de recherche.
Délimitation de l’étude
Elle consiste à bien cerner l’étude en question c’est-à-dire à définir le choix du thème, le choix de l’organisme d’accueil et enfin le choix de la zone d’étude.
Choix du thème
La majorité des paysans malgaches est classée pauvre et nécessite des appuis financiers dans la réalisation de leurs activités [14]. Différentes interventions se sont succédées pour le financement du monde rural. Parmi lesquelles se distinguent les activités des banques, des EMC et des divers projets. Les projets se caractérisent par leur tendance à deviner les besoins des paysans. En se basant sur la théorie du bottom up selon laquelle la base de la population connait elle-même ses nécessités, les activités des banques et des EMC ont été alors retenues. En effet, les demandeurs de crédit auprès de ces établissements sont beaucoup plus libres d’utiliser les fonds selon leurs logiques de production. Cependant, les banques sont des institutions financières éloignées du milieu rural. Aussi, elles n’accordent que des montants élevés de crédit. A l’opposé, les EMC offrent des services de proximité par l’installation de leurs caisses ou agences en zone rurale. Les crédits qu’ils octroient à chaque membre ou client peuvent être à faible montant. L’action des EMC a été donc prise en compte puisque leurs services seraient les plus appropriés aux petits agriculteurs. C’est de cette manière que le thème global microcrédit a été choisi. Le stage pré-mémoire effectué à la fin de la quatrième année de la formation d’Ingéniorat a permis d’identifier différents problèmes concernant le domaine du microcrédit. Ils se manifestent tant au niveau de la gestion interne des EMC qu’au niveau des demandeurs de crédit. La majorité de la population malgache étant rurale [14], l’étude a plutôt été orientée du côté des paysans demandeurs de crédit. Ces derniers connaissent des contraintes relatives à l’utilisation des EMC. Les IMF se multiplient de plus en plus dernièrement. Il serait nécessaire de voir si elles améliorent leurs services en considérant les difficultés des paysans à recourir à leurs offres de crédit. Le thème spécifique « contribution d’une IMF à l’accès des ménages agricoles au crédit » a été ainsi choisi.
Choix et présentation de l’institution financière d’accueil
Les IMF implantées à Madagascar peuvent être classées juridiquement en 2 grands groupes : les mutualistes et les non-mutualistes (Cf. Annexe VII). Les IMF non mutualistes se distinguent par le fait que les clients sont beaucoup plus indépendants de l’institution : ils peuvent recourir à des emprunts sans forcément en être membres. La PAMF est une IMF nonmutualiste et elle a été choisie d’autant plus qu’elle figure parmi les plus récentes qui s’étaient constituées. Il serait donc intéressant d’appréhender ses approches et méthodes de travail agissant sur la motivation des paysans à l’utiliser. Le siège de la PAMF se situe dans la capitale, à Antsahavola, et elle dispose actuellement de 11 agences réparties dans les régions de Madagascar et dont 8 sont des agences rurales (Cf. Annexe VIII). En tant que Société Anonyme, le capital de cette IMF a été fourni par un actionnaire unique (l’Aga Khan). Comme mission, elle s’est proposée de :
➤ lutter contre la pauvreté ;
➤ diminuer la vulnérabilité des populations les plus pauvres en les aidant à devenir autonomes ;
➤ atténuer l’exclusion sociale et économique .
Choix et présentation de la zone d’étude
La Commune rurale d’Analavory (CRA) a été retenue pour l’étude de cas. Une agence de la PAMF a été installée au niveau de cette Commune en fin Octobre 2008. Depuis, elle a servi les habitants de ses différents Fokontany. De plus, cette zone détient des conditions agroclimatiques favorables à d’innombrables cultures (riz, vivrières, maraîchères, industrielles et fruits [10] (Cf. Annexe IX). Le sol volcanique y est très fertile et possède une aptitude culturale élevée. De même, le relief est assez aéré avec des plaines et de larges vallées. Quant au climat, il est du type tropical d’altitude avec une période de pluie par année. Les précipitations annuelles oscillent entre 800mm et 1000mm et la température moyenne annuelle varie entre 7° et 26,7° .
Le système de crédit n’est pas nouveau pour la Commune rurale Analavory
Une historique de crédit remontant bien avant l’année 1990
La BTM de Miarinarivo était le premier établissement financier qui intervenait dans la région Itasy avant 1990. Celle-ci couvrait une très faible partie de la population d’Analavory du fait qu’elle se trouvait à 22km de la Commune [10]. Le crédit formel s’est développé à Analavoryavec l’installation successive de deux caisses de la CECAM au niveau de deux Fokontany de cette localité, en 1994 et 1995. Ces dates correspondent effectivement à la phase d’émergence des IMF à Madagascar. En effet, entre 1990 et 1996, de nombreuses IMF mutualistes et non mutualistes se sont créées. CECAM et OTIV constituaient les deux plus grands réseaux de ce temps, tant en termes de volume d’activités que de couverture géographique [24]. La CRA en a certainement bénéficié à travers les caisses CECAM du Fokontany Analavory et du Fokontany Ankonabe.
Plus tard, en Octobre 2008, la PAMF a ouvert une agence à Analavory. Depuis, la population de cette Commune a connu deux IMF de types différents puisque la PAMF fait partie des IMF non mutualistes. De plus, les IMF implantées dans cette localité ne se limitent pas uniquement aux produits de crédit. Les paysans intéressés peuvent également y faire des placements.
Une évolution positive des indicateurs d’accès au crédit par rapport aux tendances d’évolution nationale
Les graphes évolutifs des quatre indicateurs d’accès au crédit montrent tout de suite que la CRA a dépassé le stade de démarrage en matière de crédit rural. Cela est matérialisé par desindicateurs dont les valeurs excèdent la moyenne au niveau national.
Le nombre de clients ou membres (Nc/m)
De 2005 à 2008, le nombre de nouveaux clients/membres a faiblement évolué à Analavory. Les statistiques avancent environ 150 nouveaux adhérents par an (Cf. Annexe XX). Ainsi, le nombre total de clients/membres de la CECAM augmente chaque année selon un rythme constant. Par rapport aux nouveaux membres, le taux de croissance annuel est d’une moyenne de 2,6% (Cf. Annexe XX). Le taux d’évolution a même été négatif en 2007 avec un effectif de nouveaux clients/membres passant de 150 (2006) à 143 (2007).
Le montant de crédit déboursé (Mcd)
Pour le cas d’Analavory, cet indicateur est nettement supérieur à l’état moyen par Commune. Son écart avec l’indicateur au niveau national s’intensifie chaque année selon un rythme non proportionnel à l’évolution du Nc/m. A titre d’exemple, il a été vu plus haut que le nombre de nouveaux clients/membres a diminué en 2007. Cependant, au cours de cette année, le Mcd a presque doublé. Ce phénomène peut résulter d’une augmentation du montant de crédit individuellement octroyé à chaque membre. Il se peut également qu’un membre réalise plusieurs cycles de crédit en une seule année et cela a sûrement des répercussions sur le Mcd au niveau de CRA. D’ailleurs, le graphique 8 ci-après l’explique très bien.
La valeur moyenne du crédit reçu par un membre passe de Ar 500 000 à Ar 850 000 de 2005 à 2008. Les besoins en crédit des bénéficiaires deviennent plus importants à mesure que leurs activités s’améliorent. De plus, un des principes des IMF lors des octrois est de tester d’abord au premier cycle de crédit la moralité et la capacité de remboursement des demandeurs en leur accordant un montant pas trop élevé. Ensuite, lorsque la confiance s’établit, le montant accordé au deuxième emprunt devient plus important et ainsi de suite.
Le taux de remboursement (Tr)
Le taux de remboursement des crédits au niveau de la CRA est toujours supérieur à celui au niveau national si on se réfère aux statistiques entre 2005 et 2008. Les paysans de cette Commune semblent ne pas avoir beaucoup de difficulté à s’acquitter de leur dette envers les IMF. On pourrait en déduire que les crédits ont quelque part amélioré les revenus des bénéficiaires, leur permettant ainsi cette faculté de remboursement. Il n’est pas étonnant de voir un Tr au niveau communal supérieur au Tr à l’échelle nationale. En effet, le risque de non remboursement augmente avec le nombre d’emprunteurs. Il est généralement plus difficile de maîtriser le recouvrement sur une plus vaste étendue.
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Table des matières
INTRODUCTION
1 MATERIELS ET METHODES
1.1 Délimitation de l’étude
1.1.1 Choix du thème
1.1.2 Choix et présentation de l’institution financière d’accueil
1.1.3 Choix et présentation de la zone d’étude
1.1.3.1 Localisation administrative
1.1.3.2 Localisation géographique
1.2 Méthodologie de recherche
1.2.1 Démarche générale
1.2.2 Recherches bibliographiques et webiographiques
1.2.3 Etudes préliminaires
1.2.3.1 Elaboration du protocole de recherche
1.2.3.2 Elaboration du questionnaire de recherche et du guide d’entretien
1.2.3.3 Enquête informelle
1.2.3.4 Entretiens avec les personnes ressources
1.2.4 Enquête formelle
1.2.4.1 Echantillonnage
1.2.4.2 Enquête auprès des ménages agricoles
1.2.5 Méthodes d’analyse de données
1.2.5.1 Saisie des données
1.2.5.2 Apurement des données
1.2.5.3 Traitement des données
1.2.5.4 Outils de traitement utilisés
1.2.6 Démarches de vérification spécifiques à chaque hypothèse
1.2.6.1 Démarche de vérification de l’hypothèse 1 : « Le système de crédit agricole n’est pas nouveau pour les habitants de la Commune Analavory.»
a. Etat des lieux
b. Identification des indicateurs relatifs à l’accès des ménages ruraux au crédit
c. Evolutions des nombres de clients ou membres (Nc/m) et des montants de crédit déboursé (Mcd)
d. Evolutions des taux de remboursement (Tr)
e. Evolutions des taux de pénétration des ménages en microfinance (Tp)
1.2.6.2 Démarche de vérification de l’hypothèse 2 : « L’éloignement des établissements de microcrédit par rapport au lieu d’habitation du paysan constitue le premier facteur déterminant sa décision d’accéder au crédit formel »
a. Détermination des facteurs susceptibles d’affecter la motivation des ménages agricoles à contracter des prêts auprès des établissements de microcrédit
b. Analyse des points de vue des intéressés
c. Analyse économétrique des facteurs susceptibles d’avoir des effets sur la décision des ménages agricoles vis-à-vis de l’utilisation du crédit formel
1.2.6.3 Démarche de vérification de l’hypothèse 3 : « La PAMF apporte des solutions à tous les facteurs qui démotivent les paysans à recourir aux emprunts formels. »
a. Détermination de la contribution de la PAMF en chiffres
b. Analyse des points de vue des clients de la PAMF
c. Etude des spécificités de la PAMF par une analyse comparative avec la CECAM Analavory
1.2.7 Limites de l’étude
1.2.8 Chronogramme
2 RESULTATS
2.1 Résultat 1 : Les expériences de la Commune rurale d’Analavory en matière de crédit agricole avant l’arrivée de la PAMF
2.1.1 Les établissements de microcrédit implantés dans la Commune rurale Analavory
2.1.2 L’accès au crédit à Analavory face à la situation nationale
2.2 Résultat 2 : Les problèmes rencontrés par les paysans concernant l’utilisation des services formels de crédit
2.2.1 Les opinions des intéressés
2.2.1.1 Analyse des premières réponses des enquêtés
2.2.1.2 L’importance de chaque facteur selon les différents avis des enquêtés
2.2.2 Modélisation des facteurs susceptibles d’influencer la motivation des paysans à réaliser un emprunt formel
2.2.2.1 Les facteurs corrélés positivement avec la motivation
a. Le degré de connaissance des taux d’intérêt usuels des établissements de microcrédit
b. La superficie totale cultivée
c. La valeur des garanties matérielles
d. Le nombre d’usuriers connus
2.2.2.2 Les facteurs ayant des influences négatives sur la motivation
a. Le nombre de types de sensibilisation et de séance d’information vus, entendus, ou assistés
b. La destination de la production
c. La durée du trajet allant jusqu’à l’établissement de microcrédit le plus proche
2.3 Résultat 3 : Les interventions de la PAMF face aux contraintes des ménages agricoles à l’accès au crédit
2.3.1 Les contributions de la PAMF en chiffres
2.3.2 Perceptions des clients relatives aux solutions apportées par la PAMF
2.3.3 Analyse comparative entre CECAM et PAMF
3 DISCUSSIONS ET RECOMMANDATIONS
3.1 Discussions
3.1.1 Discussion 1 : Le système de crédit n’est pas nouveau pour la Commune rurale Analavory
3.1.1.1 Une historique de crédit remontant bien avant l’année 1990
3.1.1.2 Une évolution positive des indicateurs d’accès au crédit par rapport aux tendances d’évolution nationale
a. Le nombre de clients ou membres (Nc/m)
b. Le montant de crédit déboursé (Mcd)
c. Le taux de remboursement (Tr)
d. Le taux de pénétration des ménages en microfinance(Tp)
3.1.2 Discussion 2 : L’éloignement des établissements de microcrédit par rapport au lieu d’habitation du paysan constitue le premier facteur déterminant sa décision d’accéder au crédit formel
3.1.2.1 Les points de vue des enquêtés concernant les blocages à l’usage de l’emprunt formel
a. Les répliques spontanées des ménages
b. Les fréquences d’énonciation de chaque facteur
3.1.2.2 Les variables significativement liées à la motivation des ménages enquêtés
a. Le nombre de types de sensibilisation et de séance d’information vus, entendus ou assistés
b. La destination de la production
c. Le nombre d’usuriers connus
3.1.3 Discussion 3 : La PAMF apporte des solutions à tous les facteurs qui démotivent les paysans à recourir aux emprunts auprès des établissements de microcrédit
3.1.3.1 La contribution de la PAMF en quantité
3.1.3.2 Les correspondances des points de vue des clients avec les facteurs susceptibles d’influencer la motivation
3.1.3.3 Les correspondances des interventions selon les spécificités de la PAMF avec les facteurs de blocage à l’accès au crédit
3.2 Recommandations
3.2.1 Par rapport aux expériences de la Commune rurale Analavory en matière de crédit
3.2.2 Par rapport aux facteurs influençant la motivation des paysans à accéder au crédit formel
3.2.2.1 Adoption du type de remboursement à échéance unique pour les ménages les plus pauvres
3.2.2.2 Sécurisation foncière pour la résolution du problème de garantie
3.2.3 Par rapport aux interventions de la PAMF
3.2.3.1 Importance de la résolution du problème lié au remboursement
3.2.3.2 Nécessité de sessions informatives
3.2.3.3 Elargissement de la zone de couverture par l’installation de nouvelles agences
CONCLUSION