Terminologie de base liée au diagnostic/pronostic
Dans ce qui suit et pour des raisons de clarté, la terminologie de base liée au diagnostic/pronostic est introduite. La notion de défaut est centrale dans les opérations de surveillance des systèmes industriels. Elle se définit comme étant l’écart entre la caractéristique observée sur le dispositif et celle théorique attendue. Cet écart est idéalement nul en l’absence de défaut. Il convient de préciser que les défauts peuvent apparaître au niveau des capteurs, des actionneurs ou au niveau du système lui-même. Ces défauts apparaissent suite à la naissance et à l’évolution dynamique d’une dégradation dans un système. Une dégradation est un processus d’altération causée par des changements dans les propriétés structurelles inhérentes d’un système, affectant les performances présentes et futures de manière irréversible. Une défaillance correspond à une cessation de l’aptitude d’une entité à accomplir des fonctions requises. Une défaillance partielle correspond à une dégradation de l’aptitude d’un système à accomplir des fonctions requises, par opposition à une défaillance complète représentée par une cessation de l’aptitude d’un système à accomplir l’ensemble des fonctions requises [4].Une défaillance implique obligatoirement l’apparition d’un défaut au préalable. Par contre, un défaut n’implique pas nécessairement une défaillance car le système peut-être exploité en assurant sa fonction principale.Une panne est l’inaptitude d’un système à accomplir une fonction requise. Une panne résulte toujours d’une défaillance. Un indicateur de défaillance est une quantité d’information pertinente permettant de détecter l’apparition d’une défaillance. Un système est dit dans un état de fonctionnement normal lorsque ses variables le caractérisant (variables d’état, variables de sortie, variables d’entrée, paramètres du système) demeurent au voisinage de leurs valeurs nominales.
Architecture du PHM
L’une des architectures développées les plus connues est appelée OSA/CBM (voir [13],[98], [143] et [159]). Cette architecture intègre la transversalité des domaines intervenant dans la discipline PHM. Elle établit un cadre de communication entre le système, le système de surveillance et les différents experts concernés au travers de la maintenance industrielle (voir [76]). Diverses architectures basées sur l’OSA/CBM ont été développées et appliquées à l’aérospatial, l’aéronautique, aux systèmes militaires, à l’électronique ou au nucléaire (voir [78], [99], [100], [149], [162] et [167]). Une vision globale de cette architecture PHM est donnée par la Figure I.1. La connaissance nécessaire à priori de cette architecture dépend des mécanismes des relations de cause à effet menant à la dégradation et de leurs influences sur l’apparition des défaillances. Le deuxième élément concerne l’acquisition de données d’entrée , de données de sortie , ainsi que potentiellement des données sensibles à l’évolution de l’état de santé ou de dégradation d’un système. L’étape suivante consiste à extraire des indicateurs de qualité de l’état de santé ou de dégradation, précurseurs de l’apparition de défaillances à partir des données acquises. Ces indicateurs peuvent être traités séparément ou encore être fusionnés 10 avec d’autres indicateurs, afin de concevoir de nouveaux indicateurs possédant certaines propriétés recherchées. L’étape de surveillance, de diagnostic et de pronostic consiste à fusionner intelligemment ces indicateurs, de sorte à obtenir une estimation de l’état global de santé ou de dégradation d’un système. Puis, deux stratégies peuvent être envisagées suivant l’état de santé du système.Dans le cas de présence de défaillances sur le système, un processus de diagnostic est alors mis en place afin de détecter, de localiser et d’identifier le ou les composants en défaillance. Dans le cas d’absence de défaillances, un processus de pronostic est mis en place en vue d’estimer le temps de vie restant suivant les conditions opérationnelles 11, à partir d’un horizon de temps d’observation donné sur un système.
Connaissance à priori des défaillances
La connaissance à priori des relations de causes à effets de la dégradation est regroupée sous forme de modèles causaux qualitatifs décrivant l’influence de la dégradation sur l’apparition de défaillances sur un système. La construction de ces modèles est basée sur des méthodes d’analyses fonctionnelles et structurelles. Certaines méthodes d’analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leurs criticités , fournissent une compréhension structurée des modes de défaillances, en analysant et en isolant les effets de chaque mode de défaillance, en se basant sur une logique inductive. D’autres méthodes à logique inductive comme l’arbre d’évènements, permettent, à partir d’une séquence logique d’occurrence d’évènements ou d’états, d’identifier les conséquences et potentiellement la probabilité d’occurrence de la naissance d’une défaillance.Enfin, un arbre de défaillance détaille les relations d’interactions entre chaque élément d’un système afin de mettre en évidence l’apparition d’une défaillance sur la base d’une logique déductive.
Traitement des données
Une fois les données collectées, un traitement est réalisé en vue d’extraire des indicateurs 17 pertinents. Il est possible d’utiliser, soit directement les données brutes pré-traitées, soit d’extraire d’autres indicateurs de l’état de santé. Pour ce faire, cette section présentera différents types de traitements existant dans la littérature.Une étape de pré-traitement est en général considérée afin de mettre en forme les données acquises. La mise en forme permet de traiter les données acquises 18 en diminuant l’effet du bruit, en corrigeant les inconsistances et en réduisant leur taille, etc. Se référer à [73] pour plus de détails. Puis, des indicateurs de l’état de santé sont extraits. Dans le cas de données de type valeurs, l’extraction d’indicateurs consiste à traduire les données constituant l’espace d’observation, dans d’autres espaces possédant des propriétés mathématiques spécifiques recherchées.Le but est de faciliter la détection et l’isolation de nouveaux indicateurs plus spécifiques de l’état de santé. Parmi les approches existantes dans la littérature pour les données de type forme d’onde, on pourra citer l’analyse du domaine temporel et/ou du domaine fréquentiel d’un signal.Chaque type d’analyse est à présent brièvement relaté. L’analyse au travers du domaine temporel [90] permet d’extraire, à partir des données, des indicateurs statistiques. Pour ce faire, des algorithmes de lissage de données, de calculs d’indicateurs de statistiques descriptives peuvent être utilisés. D’autres algorithmes de calculs pouvant être des distributions , des mesures temporelles, ou des moyennes à temps synchronisé , sont également couramment considérés.L’analyse au travers du domaine fréquentiel (voir [61] et [138]) possède l’avantage d’extraire des indicateurs présents dans les composantes fréquentielles de certaines données. Pour ce faire, la transformée de Fourier rapide, bien que couramment appliquée, ne permet pas de traiter des signaux de type impulsions, caractéristiques de l’évolution de défauts. Dans ce cas, certains algorithmes d’analyses du spectre de puissance, d’enveloppe, ou à structures de bandes 21 sont couramment utilisés. D’autres formes d’analyse comme la transformation Hilbert-Huang ou encore la décomposition en modes empiriques peuvent être aussi considérées. L’analyse au travers du domaine temporel-fréquentiel [109] permet de traiter les cas de signaux non stationnaires, caractérisant l’évolution de défauts dans le temps. Les indicateurs spécifiques d’un défaut sont localisés sur certaines composantes fréquentielles particulières évoluant dans le temps. Pour cela, des algorithmes [75] de calculs de la transformée de Fourier courte, de spectrogramme, de distributions 22 sont utilisés. La transformation en ondelette peut également être considérée. Elle est basée sur le principe d’analyse multi-échelles d’un signal . Différentes formes de transformations par ondelettes permettent d’extraire ces indicateurs par une mesure de similarité entre le signal et la forme de transformation par ondelette considérée. Dans le cas de données multi-dimensionnelles [86], l’extraction d’indicateurs sera réalisée par une analyse en composantes principales. Cette analyse est basée sur une transformation orthogonale permettant de réduire la dimension d’un ensemble de signaux mesurés par un nouvel espace réduit de dimension inférieure, orientée par des composantes principales . Plusieurs transformations sont utilisées afin de maximiser les variances pour chacune des composantes principales
Les trois principales approches du pronostic
Les différentes approches pour le pronostic peuvent être regroupées en trois catégories ; à savoir, les méthodes basées sur l’expertise, les techniques guidées par les données et celles fondées sur les modèles. Comme il a été noté auparavant, le pronostic consiste à estimer le temps de vie restant d’un système avant qu’une défaillance n’apparaisse. L’évolution de la dégradation par rapport aux conditions opérationnelles, la manière dont elle influence le comportement du système,et la possibilité de mesurer directement ou indirectement l’état de dégradation ou l’image de ses effets, sont des connaissances clés pour le pronostic. Plus grandes sont ces connaissances, meilleure sera la performance de la prédiction du temps de vie restant.Le choix d’une approche de pronostic est basé principalement sur le type de connaissance disponible sur le système. La Figure I.6 illustre la classification des approches de pronostic par rapport à leur domaine d’applicabilité, à leur complexité, à leur précision et à leur coût. Dans le cas où une connaissance experte est majoritairement disponible sur un système,au travers de l’observation et de la réalisation d’études empiriques, alors le pronostic basé sur l’expérience de l’expert est considéré. Ce type de pronostic est basé sur la formalisation des mécanismes physiques de détérioration, en utilisant des modèles dont les paramètres sont ajustés, à partir du retour d’expérience de l’expert et de sa connaissance du système.
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Table des matières
Notations
Introduction générale
I Généralités sur le pronostic
I.1 Introduction
I.2 Terminologie de base liée au diagnostic/pronostic
I.3 « Prognostic and Health Management » (PHM)
I.3.1 Architecture du PHM
I.3.2 Impact de la stratégie PHM
I.4 Description des étapes de l’architecture PHM
I.4.1 Connaissance à priori des défaillances
I.4.2 Acquisition de données
I.4.3 Traitement des données
I.4.4 Diagnostic et pronostic
I.4.4.1 Concepts de diagnostic et de pronostic
I.4.4.2 Définition du concept de pronostic
I.4.4.3 Causalité et diagnostic/pronostic
I.4.4.4 Les trois principales approches du pronostic
I.4.4.5 Métriques de la performance du pronostic
I.4.4.6 Pronostic de niveau composant et de niveau système
I.4.5 Aide à la décision
I.5 Pronostic et maintenance intelligente
I.5.1 Performance globale d’un système
I.5.2 Vision globale de l’évolution des stratégies de maintenance
I.5.3 Émergence de la maintenance intelligente
I.6 Challenges liés au PHM
I.7 Conclusion
II Concept et modèles pour le pronostic et procédé d’application
II.1 Introduction
II.2 Concept de pronostic
II.2.1 Notion de système
II.2.1.1 Définition
II.2.1.2 Entrée du système
II.2.2 Notion d’accessibilité
II.2.2.1 Espaces accessibles
II.2.2.2 Construction numérique des espaces accessibles
II.2.3 Concepts de base liés au diagnostic et au pronostic
II.2.3.1 Défaut, panne, tâche et performance
II.2.3.2 États de fonctionnement normal et défaillant
II.2.3.3 Disponibilité
II.2.4 Définitions des concepts
II.2.4.1 Découpage de l’horizon de temps
II.2.4.2 Diagnostic
II.2.4.3 Diagnostic prédictif
II.2.4.4 Pronostic
II.2.4.5 Estimation du temps de vie restant
II.3 Modélisation du comportement de la dégradation
II.3.1 Modèles de dégradation macroscopiques
II.3.2 Modèles de dégradation multi-échelles
II.3.2.1 Notion de multi-échelles
II.3.2.2 Mécanismes de dégradation
II.3.2.3 Classification des mécanismes de dégradation
II.3.2.4 Choix d’un modèle de dégradation
II.3.2.5 Exemple d’un modèle de loi unifiée de dégradation isotropique
II.3.2.6 Implémentation des modèles par les éléments finis
II.3.3 Discussion
II.4 Système électromécanique considéré
II.4.1 Motivation du choix de l’application considérée
II.4.2 Modèle de comportement du système
II.4.2.1 Système composé d’une batterie
II.4.2.2 Système composé de deux batteries
II.4.3 Valeurs numériques associées aux paramètres du modèle
II.5 Conclusion
III Pronostic à base d’observateurs : comparaison de méthodes
III.1 Introduction
III.2 Hypothèses de travail
III.3 Méthodologie du pronostic
III.3.1 Synthèse de trois observateurs à entrée inconnue
III.3.1.1 Observateur linéaire à entrée inconnue
III.3.1.2 Observateur à grand gain
III.3.1.3 Observateur à mode glissant
III.3.2 Technique d’identification
III.3.3 Évaluation des performances
III.4 Application à l’oscillateur électromécanique
III.4.1 Observateur linéaire
III.4.1.1 Synthèse
III.4.1.2 Résultats de simulation
III.4.2 Observateur à grand gain et à entrée inconnue
III.4.2.1 Synthèse
III.4.2.2 Résultats de simulation
III.4.3 Observateur à mode glissant
III.4.3.1 Synthèse
III.4.3.2 Résultats de simulation
III.4.4 Dérivée numérique : outil et problème
III.4.5 Estimation des paramètres de la dynamique lente
III.4.6 Prédictions du temps de vie restant
III.5 Vecteur de dégradation d’ordre supérieur
III.5.1 Synthèse de l’observateur
III.5.2 Prédictions obtenues du temps de vie restant
III.5.3 Remarque
III.6 Conclusion
IV Pronostic par utilisation de modèles incertains
IV.1 Introduction
IV.2 Description de la méthodologie
IV.2.1 Résumé de l’approche
IV.2.2 Synthèse d’observateur
IV.2.2.1 Lemme technique
IV.2.2.2 Positionnement du problème
IV.2.2.3 Synthèse de l’observateur
IV.2.3 Encadrement de l’entrée inconnue
IV.2.4 Estimation du temps de vie restant
IV.2.4.1 Système soumis à une commande connue
IV.2.4.2 Système soumis à une commande admissible
IV.2.5 Critères de performances de la méthodologie de pronostic
IV.3 Application à l’oscillateur électromécanique
IV.3.1 L’observateur par intervalle
IV.3.1.1 Synthèse
IV.3.1.2 Résultats de simulation
IV.3.2 Estimation des paramètres
IV.3.3 Prédictions du temps de vie restant
IV.4 Conclusion
Conclusion générale et perspectives
Liste des publications
Références bibliographiques
Index des illustrations
Index des tableaux
A Modélisation du système électromécanique
B Stratégie de calcul d’espaces accessibles
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