A Madagascar, la malnutrition est associée à plus de 50% de la mortalité et de la morbidité chez les enfants âgés de moins de 5 ans (ONN, 2004). Elle est à la fois la cause et la conséquence de la pauvreté des pays où elle prédomine. Elle touche non seulement le secteur de la santé, mais aussi ceux de l’économie et de l’éducation et par conséquent, le développement du pays (PNN & PNAN Madagascar, 2005). D’après l’enquête démographique et de Santé réalisée de novembre 2003 à mars 2004 sur l’ensemble du territoire, 42,3% des enfants de moins de deux ans souffrent de malnutrition chronique, 13,9% de malnutrition aigue et 37,4% d’insuffisance pondérale (Instat et ORC Macro, 2005). Ces taux de malnutrition s’expliquent conjointement par l’inadéquation de l’apport alimentaire au niveau des ménages, le manque de soins, l’accès inadéquat aux services de santé, l’environnement insalubre et l’alimentation de complément inadaptée chez les jeunes enfants. Les causes profondes sont entre autres liées à la structure et à l’organisation politique, culturelle et socio-économique du pays. Afin de faire face à cette situation, le gouvernement malgache a adopté la Politique Nationale de Nutrition (PNN). Ses objectifs généraux sont de réduire de moitié la prévalence de la malnutrition chronique et de contribuer à la réduction de la mortalité des enfants de moins de 5 ans d’ici 2015 (PNN, 2004). Cette politique est traduite en un plan national d’action pour la nutrition (PNAN), comportant 14 stratégies. Parmi ces stratégies, il y a la promotion de l’allaitement maternel, de l’alimentation complémentaire, et la lutte contre les carences en micronutriments (TDCI , Avitaminose A, Anémie ferriprive). C’est dans ce contexte que le programme Nutrimad intervient dans différentes zones rurales et urbaines de Madagascar, depuis 1997, avec pour objectif principal l’amélioration de l’alimentation des groupes vulnérables à Madagascar avec des approches originales en matière d’alimentation des enfants de moins de 2 ans et des enfants d’âge scolaire. Il s’intéresse particulièrement à une région fréquemment touchée par les famines, l’Androy.
Présentation globale de la zone d’étude
Données géographiques, démographiques, culturelles et économiques
La région de l’Androy ou « pays des épines » est située à l’extrême sud de Madagascar. Délimitée par deux fleuves, le Mandrare à l’Est et le Menarandra à l’Ouest et par des contreforts montagneux au Nord et par une haute falaise au Sud, elle a une superficie de 19.540 km². Un arbuste appelé «Roy» (Mimosa delicatula) a donné son nom à la région et à ses habitants. Sa population, estimée à 600 000 habitants, se répartit essentiellement sur la zone cristalline au nord qui possède un régime de précipitations permettant une agriculture suffisante aux besoins de la population, et sur la zone littorale de 200 km au Sud, formée de sables blancs et roux et de nombreuses dunes.
Cette région est caractérisée par de faibles ressources hydrogéologiques, un sol ferrugineux peu fertile, des précipitations moyennes annuelles de 505 mm mal réparties dans l’année (Clim/DEM, 2007) et une température annuelle moyenne de 22,9°C. Des périodes de sécheresse aiguë y rendent l’agriculture difficile. Le climat est semi-aride tropical avec deux saisons bien marquées : un climat pluvieux de novembre à mars et un climat sec d’avril à novembre L’organisation des Antandroy ou «Hommes du pays des épines» se structure autour de valeurs dominantes : l’honneur, le courage, le respect des traditions et des règles claniques, le culte des ancêtres, l’attachement au troupeau, la construction de beaux tombeaux pour les anciens et le mépris pour le confort matériel. Au sein de la plupart des ménages, les hommes s’occupent du troupeau, des achats et des ventes pour le ménage, tandis que les femmes prennent les responsabilités quant aux soins des enfants, la cuisine et le travail aux champs.
Les zébus tiennent une place prépondérante dans la vie du peuple Antandroy, un signe extérieur de richesse, mais également une épargne utilisée en cas de crise. Ils sont très souvent sacrifiés lors d’évènements familiaux (funérailles, circoncision, mariage, …). Les croyances traditionnelles sont très ancrées dans le mode de vie de la population : nombreux interdits alimentaires, port de talismans pour éviter les démons, recours aux sorciers et aux médecines traditionnelles, pratique de la couvée (Goudet 2005) pendant les trois mois qui suivent la naissance des enfants.
Situation nutritionnelle des femmes en âge de procréer et des jeunes enfants dans l’Androy
Des pénuries alimentaires et un manque de connaissances nutritionnelles des mères, ayant des conséquences négatives sur les pratiques alimentaires des jeunes enfants, se sont installés dans l’Androy.
Situation nutritionnelle des femmes en âge de procréer
La situation nutritionnelle des femmes en âge de procréer est très mauvaise, particulièrement pendant la période de soudure. En effet, entre la période de récolte 2005 et la période de soudure 2006-2007 la proportion des femmes ayant un indice de masse corporel (IMC) inférieur à 18,5 est passé de 21,1% (Goudet, 2005) à 54,5% (Landais et al., 2007).
Situation nutritionnelle des jeunes enfants
L’état nutritionnel des jeunes enfants est également critique. Selon les données d’enquêtes récentes réalisées pendant deux périodes différentes dans deux communes rurales (Goudet, 2005 ; Landais et al, 2007), une faible différence de prévalence de retard de croissance chez les enfants de moins de deux ans entre les deux enquêtes (24,9 % et 27,2 %) et une augmentation significative de la prévalence de la malnutrition aiguë (<-2ET) de 6,4% à 23,3% ont été observées .
Pratiques alimentaires des femmes en âge de procréer et des jeunes enfants dans l’Androy
Pratiques alimentaires des femmes en âge de procréer
Les pratiques alimentaires sont très éloignées des recommandations internationales et varient selon les périodes de l’année. En période faste, deux types de plats familiaux traditionnels sont fréquemment consommés : un plat de maïs préparé avec du niébé et un plat de manioc préparé avec de la dolique d’Egypte (Dolichos lablab). Pendant la période de soudure, où l’insuffisance alimentaire prédomine, les femmes ont recours aux aliments de disette, notamment le kobokoboke et le lilagne . Ce sont des aliments de lest du fait que leurs apports en nutriments et en énergie ne peuvent couvrir les besoins journaliers du groupe cible (Denizeau, 2007).
Pratiques alimentaires des jeunes enfants
L’apport alimentaire est souvent influencé par les habitudes de la famille et des parents. L’alimentation est généralement de faible densité énergétique et pauvre en micronutriments. En effet, il s’agit du konoke, du vary sosoa, du maïs pilé finement (Rakotomanana, 2006). De plus, pendant la période de soudure, les enfants de moins de 2 ans ne consomment que du vary sosoa ou des pastèques immatures ou matures (Landais et al., 2007).
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CADRE GENERAL DE L’ETUDE
1. Présentation globale de la zone d’étude
1.1. Données géographique, démographique, culturelle et économique
1.2. Situation nutritionnelle des femmes en âge de procréer et des jeunes enfants dans l’Androy
1.3. Pratiques alimentaires des femmes en âge de procréer et des jeunes enfants dans l’Androy
2. Le projet Nutrimad Androy
2.1. Historique
2.2. Objectifs
2.3. Activités
3. Besoins nutritionnels des femmes en âge de procréer et des jeunes enfants
Partie 1 : CONTRIBUTION A LA VALIDATION DES MODALITES DE TRANSFERT D’ALIMENTS FORTIFIES AUX GROUPES CIBLES
I. INTRODUCTION
II. METHODOLOGIE
1. Vérification de la constance de la bonne utilisation du Bo Salama
1.1. Echantillonnage et organisation de l’étude
1.2. Observation des modes de préparation et des caractéristiques des plats améliorés
2. Elaboration d’un complément alimentaire destiné aux femmes en âge de procréer
2.1. Caractérisation des véhicules alimentaires utilisables
2.1.1. Confirmation des types de plats traditionnels utilisables comme véhicules
2.1.2. Mesures des quantités de plats traditionnels consommés
2.1.3. Détermination de la teneur en matière sèche des échantillons de plats traditionnels
2.2. Mise au point du complément alimentaire
2.2.1. Tests d’évaluation sensorielle en vue de déterminer les quantités d’ingrédients
2.2.2. Détermination du nom, du prix de vente, et de l’emballage
2.3. Evaluation des modalités de transfert
2.3.1. Auprès des animateurs et coordinateurs Nutrimad
2.3.2. Auprès des femmes en âge de procréer
III. RESULTATS ET DISCUSSIONS
1. Constance de la bonne utilisation du Bo Salama
1.1. Modes de préparation observés
1.2. Caractéristiques des plats traditionnels
1.2.1. Consistance avant et après ajout du complément alimentaire
1.2.2. Teneurs en matière sèche des plats améliorés
2. Elaboration et validation du complément alimentaire pour les femmes en âge de procréer
2.1. Caractéristiques des plats traditionnels utilisés
2.1.1. Plats consommés par trimestre
2.1.2. Quantités consommées
2.1.3. Teneurs en matière sèche
2.2. Caractéristiques du complément alimentaire
2.2.1. Quantité d’ingrédients à incorporer
2.2.2. Nom
2.2.3. Emballage
2.2.4. Prix acceptable
2.3. Validation des modalités de transfert définies
2.3.1. Auprès des animateurs et coordinateurs Nutrimad Androy
2.3.2. Auprès des femmes en âge de procréer de l’Androy
IV. CONCLUSION
Partie 2 : SUIVI-EVALUATION DE LA STRATEGIE NUTRIMAD DANS DES SITES OBSERVATOIRES DE L’ANDROY
I. INTRODUCTION
II. METHODOLOGIE
1. Caractéristiques générales du dispositif de suivi-évaluation
2. Protocole des enquêtes de suivi-évaluation
2.1. Type d’enquêtes et population cible
2.2. Organisation générale des enquêtes T2 et T3
2.2.1. Préparation de l’enquête
2.2.2. Durée et déroulement des enquêtes
2.3. Données relevées
2.3.1. Questionnaire
2.3.2. Mesures anthropométriques du couple mère-enfant
2.4. Traitement des données
2.4.1. Codification, vérification, et saisie des données
2.4.2. Logiciels utilisés
2.4.3. Scores et indices utilisés
2.4.4. Analyses statistiques des données
III. RESULTATS ET DISCUSSIONS
1. Caractéristiques des populations cibles
1.1. Caractéristiques socioprofessionnelles des mères
1.2. Caractéristiques socioéconomiques et conditions de vie des ménages
2. Niveau d’adhésion à la stratégie Nutrimad Androy
2.1. Conseils reçus en nutrition et hygiène
2.2. Connaissances générales des mères en nutrition et hygiène
2.2.1. Connaissances en hygiène, soins et suivi de l’enfant
2.2.2. Connaissances en nutrition
2.3. Niveau d’utilisation de la Koba Aina
2.3.1. Connaissances sur la Koba Aina et ses modalités d’utilisation
2.3.2. Intention d’utilisation
2.3.3. Achat et consommation
2.4. Niveau d’utilisation du Bo Salama
2.4.1. Connaissances sur le Bo Salama et ses modalités d’utilisation
2.4.2. Intention d’utilisation
2.4.3. Achat et consommation
2.5. Estimation du niveau de pénétration de la stratégie Nutrimad
2.6. Identification des facteurs influant sur le niveau de pénétration de la stratégie
3. Evolution des pratiques d’hygiène et de soins : grossesse, vaccination, santé et hygiène
3.1. Suivi de la grossesse et modalité d’accouchement
3.2. Statut vaccinal de l’enfant
3.3. Soins portés à l’enfant et pratiques d’hygiène
4. Evolution des pratiques alimentaires
4.1. Qualité de l’allaitement à la naissance
4.2. Pratiques d’allaitement
4.3. Alimentation de complément
4.3.1. Consommation de bouillies, de plats spéciaux et des plats familiaux
4.3.2. Consommation de boissons et goûters
4.3.3. Variété et diversité alimentaire
4.4. Indice de qualité des pratiques alimentaire
5. Evolution de l’état nutritionnel et sanitaire des enfants et des mères
5.1. Etat sanitaire des enfants
5.2. Etat nutritionnel des enfants
5.3. Etat nutritionnel des mères
IV. CONCLUSION
Partie 3 : CARACTERISTIQUES NUTRITIONNELLES DE L’AMBATRY (Cajanus cajan indica) COMME EXCIPIENT DE COMPLEMENT ALIMENTAIRE POUR LES FEMMES EN AGE DE PROCREER
CONCLUSION GENERALE