Après bien un siècle d’étude et de lutte contre le paludisme, cette maladie demeure encore aujourd’hui l’érythrocytopathie la plus meurtrière pour laquelle le monde en général et l’Afrique en particulier paient un lourd tribut. Selon le rapport du « Roll Back Malaria » (2005), 300 à 500 millions d’épisodes cliniques sont dénombrés chaque année dans le monde. Le paludisme à Plasmodium falciparum tuerait 1,5 à 2,7 millions de personnes par an, et serait responsable de plus de 90% des cas cliniques et des décès qui surviennent en Afrique tropicale (Rapport OMS 2005). Ils concernent surtout les jeunes enfants africains dont beaucoup vivent dans les zones rurales reculées où l’accès aux soins est limité.
Le paludisme est dû à un protozoaire parasite : le Plasmodium transmis à l’homme par la piqûre d’un moustique femelle du genre Anopheles (famille des Culicidae). Il a été dénombré 123 espèces de Plasmodium. Parmi ces dernières on compte quatre espèces humaines : Plasmodium ovale (P.ovale), P. malariae, P vivax et P. falciparum. Cette dernière est la plus dangereuse, elle est responsable des formes encéphaliques potentiellement mortelles.
La lutte contre le paludisme est rendue difficile et coûteuse par l’évolution rapide des chimiorésistances. La chloroquinorésistance est devenue courante, à différents niveaux et dans presque tous les pays concernés. L’extension de la résistance à la chloroquine s’est accompagnée d’un accroissement de l’incidence du paludisme grave et des décès imputés au paludisme. Cette maladie suscite des efforts sans précèdent tant sur le plan de la prévention (exemple lutte antivectorielle) que dans le domaine de la recherche où toutes les cibles du parasite sont à l’étude.
Généralités sur le paludisme
Définition et historique
Définition
Le paludisme (du latin palus, paludis, marais), appelé aussi malaria (de l’italien mal’aria, mauvais air), est une érythrocytopathie due à un hématozoaire du genre Plasmodium. Il est transmis à l’homme par des moustiques du genre Anopheles. Il réalise une maladie fébrile hémolysante caractérisée par des fièvres intermittentes. Il existe quatre espèces plasmodiales mais la plus dangereuse est P. falciparum : il est responsable des formes encéphaliques potentiellement mortelles : le neuropaludisme. En fin 2004 (Rapport OMS 2005), 107 pays et territoires comptaient des zones où subsistait un risque de transmission du paludisme. Soit 3,2 milliards de la population mondiale vivaient dans des régions à risque.
Historique
Le paludisme est une maladie très ancienne, on rapporte l’existence de fièvres mortelles – que l’on pense être dues par le paludisme – depuis que l’écriture existe (soit vers 6000 ou 5500 av. J.- C.). Les textes védiques datant de 1600 av. J.-C., en Inde, et ceux d’Hippocrate, du Ve siècle av. J.-C., en font mention. (Desowitz et al., 1991). Partant des travaux du Dr Patrick Manson sur la filariose, Sir Ronald Ross, médecin et entomologiste britannique, a mis en évidence le vecteur responsable de la transmission du paludisme aux oiseaux en novembre 1897. Giovanni Batista Grassi, scientifique italien confirma ces études chez l’homme et découvrit les quatre espèces responsables de la maladie humaine (*).
Dynamique spatio-temporelle du paludisme
Les déterminants principaux qui expliquent l’épidémiologie du paludisme, son maintien, son extension, sa réémergence là où il semblait être maîtrisé et son retour en l’absence de stratégie de lutte efficace sont : les mécanismes climatiques (El Niño, La Niña ou ENSO), anthropiques (déforestation, surpâturage ou aménagements hydrauliques) et anthropologiques (urbanisation, conflits ou migrations) qui peuvent avoir un impact sur l’épidémiologie mondiale du paludisme.
Paludisme dans le monde
En fin 2004, 107 pays et territoires comptaient des zones où il y avait un risque de transmission du paludisme. Environ 3,2 milliards de personnes vivaient dans des régions à risque. L’Afrique reste la région la plus touchée par le paludisme, avec une proportion de 66% de population vivant dans des zones à risque. Cependant, de 2000 à nos jours avec le concours des partenaires, la mortalité et morbidité palustres ont connu une réduction considérable. En Europe, le paludisme a été éradiqué. Des réintroductions temporaires et des cas isolés peuvent subsister mais le principal catalyseur est le paludisme d’importation (Shapira et al., 1993; Sabatinelli et al., 1999) En Amérique, l’Amérique du nord vit sans le paludisme mais, ce n’est pas le cas pour l’Amérique centrale (P vivax surtout), et l’Amérique du Sud où prévalent d’importants foyers dus à P. falciparum et P. vivax. En Asie, le paludisme sévit modérément en Asie mineure (Turquie), péninsule indienne (P vivax surtout) et intensément en Birmanie, Chine du Sud, Thaïlande, Vietnam, Cambodge, Laos (P.falciparum).
Le paludisme au Sénégal
Au Sénégal, la question du paludisme a évolué globalement dans les mêmes termes. Cette infection est responsable, en milieu rural, d’environ 10% des décès chez les enfants de moins d’un an et de 20% des décès entre 1 et 9 ans. Parallèlement, plusieurs études sur différents sites sentinelles indiquent des chloroquinorésistances cliniques variant entre 15 et 45%. Compte tenu de ce nouveau contexte épidémiologique, le Sénégal a modifié en 2003 le traitement de première intention, en remplaçant la chloroquine par l’association Amodiaquine + sulfadoxine pyriméthamine. De plus, la prise en charge de la fièvre à domicile n’est plus une recommandation du Programme national, qui incite désormais les familles à se rendre au poste de santé pour tout cas de fièvre chez l’enfant. Ce changement de stratégie est majeur pour le système de santé et les malades. Il revient sur des principes de santé publique énoncés depuis plusieurs décennies, comme la prise en charge à domicile des cas de paludisme non compliqués, par une distribution des médicaments sur base communautaire et l’utilisation de la chloroquine. C’est dire par conséquent que ce nouveau traitement introduit aussi un changement profond dans les habitudes et les représentations des praticiens et des patients.
Les Agents pathogènes
Classification
Les agents pathogènes du paludisme humain sont des parasites protozoaires appartenant au phylum des Apicomplexa. Ils se distinguent par la présence d’un complexe apical à certains stades de leurs cycles de développement. Il existe quatre espèces qui différent par leur pathogénie et leur cycle d’évolution :
❖ Plasmodium falciparum : est l’espèce la plus redoutable puisque responsable des accès pernicieux et peut entraîner la mort en favorisant sa séquestration dans les microvaisseaux de certains organes profonds (cerveau, rein, poumons). Elle est largement répandue autour de l’équateur et domine en Afrique subsaharienne ou elle est responsable de 80 à 99 % des cas.
❖ Plasmodium vivax : les conditions climatiques nécessaires à son développement expliquent sa répartition du 37 ème degré de latitude nord au 25ème degré Sud. Une infection à vivax n’est pas fatale mais pourrait resurgir 4 à 5 ans après la primo-infection
❖ Plasmodium ovale : Comme vivax, il ne tue pas, mais est responsable des rechutes par latence hépatique (hypnozoïte)
❖ Plasmodium malariae: moins fréquent que P. falciparum et P. vivax, la schizogonie dure 72heures d’où le nom de fièvre quarte des accès intermittents, il ne tue pas, mais provoque parfois des rechutes jusqu’à 20 ans après la primo infection par latence érythrocytaire .
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Table des matières
Introduction
1ère partie : Généralités
I- Généralités sur le paludisme
I-1 – Définition et historique
I-1-1 Définition
I-1-2 Historique
I-2 Dynamique spatio-temporelle du paludisme
I-2-1 Paludisme dans le monde
I-2-2 Le paludisme au Sénégal
I-3 Les Agents pathogènes
I-3-1 Classification
I-3-2 Cycle de vie
I-4 La lutte contre le paludisme
I-4-1 Lutte anti-vectorielle
I-4-1-1 les larves
I-4-1-2 les adultes
I-4-2 La chimiothérapie
I-4-2-1 Modèles et méthodes in vitro d’étude de l’efficacité des antipaludiques
I-5- La chimiorésistance
I-5-1 Résistance à la chloroquine
I-5-2 Proguanil et pyrimethamine
I-5-3 Résistance à la quinine
I-5-4 Résistance à la méfloquine
I-5-5 Résistance aux composés d’artémisine
I-5-6 Protocole de suivi de la résistance
I-6 Quelques facteurs favorisant la chimiorésistance
I-7: Diversité génétique
I-7-1 Le polymorphisme chromosomique
I-7-2 Le polymorphisme allélique
I-7-3 La variation antigénique
I-7-4 la recombinaison sexuée
I-8 Généralités sur l’invasion érythrocytaire
I-8-1- Quelques voies métaboliques et nouvelles cibles thérapeutiques
Réplication de l’ADN
Voie de récupération des purines
Synthèse des pyrimidines
Métabolisme de l’acide folique
Métabolisme des lipides
Nouveaux mécanismes de transport
Stress oxydatif
Cycle cellulaire
Inhibiteurs des protéases
I-8-2 Les inhibiteurs de protéases préviennent l’invasion
I-8-3 Les protéases malariques : de nouvelles cibles pour la chimiothérapie ?
I-8-3-1 Quelques Candidats vaccinaux : exemples des protéines de surface
I-8-3-1 1 MSP1
I-8-3-1-2 AMA1 (Apical Membrane Antigen1
I-8-3-1-3 Les sérines protéases
PfSUB-1
PfSUB2
PfSUB-3
I-9 Vaccins contre le paludisme : Utopie ou réalité ??
I-9-1 Vaccins contre les stades pré-érythrocytaires ou antisporozoïtes
I-9-2 Vaccins anti-mérozoïtes
I-9-3 Vaccins bloquant la transmission
2ème partie : Travaux personnels
II Travaux personnels
II-1 Objectifs principaux
II-2 Etude 1 : Analyse du polymorphisme du site actif de SUB2 et des sites de maturation de MSP1 et AMA1
II-2-1 Introduction
II-2-2 Matériels et méthodes
II-2-2-1 Zone d’étude et sélection des sujets
II-2-2-2 ETUDE MOLECULAIRE
II-2-2-2-1 L’extraction d’ADN plasmodial
II-2-2-2-2 Etude du polymorphisme de Plasmodium
II-2-2-2-3 Séquençage et analyse
II-2-3 Résultats
II-2-3-1 État d’avancement à la conception du travail
II-2-3-2 Détection des mutations associées aux différents gènes
II-2-3-3 Position des mutations par rapport aux sites d’intérêt
II-2-3-4- Analyse des mutations dans les populations d’étude
II-2-4 Discussion
II-3 Etude 2 : Développement de nouvelles cibles thérapeutiques
II-3-1- Développement d’un nouveau test
II-3-1-1 Introduction
II-3-1-2 Matériel et méthodes
II-3-1-2-1 Origine des parasites
II-3-1-2-2 Décongélation de souches
II-3-1-2-3 Culture des parasites in vitro
II-3-1-2-4 Synchronisation
II-3-1-2-5 Test de chimiosensibilité in vitro
1) Principe
2) Méthodes utilisées
• Le test isotopique
• Le test cytométrique
II-3-1-3 Résultats
II-3-1-3-1 Mise au point
1- déterminer la concentration optimum de fluorochrome
2- Estimer la sensibilité de l’analyse par cytométrie de flux des échantillons de culture
3- vérifier l’impact de la synchronisation sur la viabilité cellulaire
4- Préciser l’impact du nombre de leucocytes sur la parasitémie mesurée
5- Discrimination des leucocytes ou faux positifs
II-3-1-3-2 Analyse d’une culture asynchrone vs culture synchrone : visualisation des différents stades parasitaires
II-3-1-3-3 Etude de la chimiosensibilité aux antipaludiques par cytométrie
II-3-1-3-3-1 Reproductibilité du test cytométrique vs test isotopique sur des souches de culture
II-3-1-3-3-2 test sur des souches sauvages
paramètres d’analyse
Effets des leucocytes et réticulocytes
Le test de maturation
Corrélation
II-3-1-4 Discussion
II-3-2 Développement de molécules inhibitrices : peptides synthétiques
II-3-2-1 Introduction
II-3-2-2 Matériel et Méthodes
II-3-2-3 Résultats
II-3-2-3 -1 Mise au point
• Choix du milieu de culture (albumaxI vs HSAB)
• Capacité de maturation cloche vs étuve
• Confirmation du test par la chloroquine (CQ)
II-3-2-3 -2 Inhibition de la réinvasion par les peptides synthétiques
II-3-2-4 Discussion
Discussion générale et perspectives
Conclusion
Références Bibliographiques
Annexes