INTRODUCTION
L’utilisation des plantes dans le monde remonte à 5000 ans avant J.C. En effet, ces dernières, en plus de leur valeur écologique, revêtent aussi une importance cruciale dans la vie des êtres (Schliengeret al., 2014). L’être humain continue de rechercher dans son environnement les plantes pour soulager ses maux. La médecine moderne occidentale a rejeté la plupart de ses recours pour développer les médicaments chimiques et une technique de soins sophistiqués. Elle continue, cependant, d’utiliser certains remèdes à base de plantes (Sofowora, 2010). En effet, deux tiers des espèces végétales du monde auraient une valeur médicinale. En Afrique, les plantes médicinales sont largement utilisées en médecine traditionnelle. L’OMS estime qu’environ 80% des populations vivant dans les pays en développement font recours à cette médecine traditionnelle pour leurs besoins en soins de santé primaires (Koumaré, 1989). Le manque de médicaments essentiels, l’insuffisance des soins de santé, le coût élevé des médicaments et les habitudes socioculturelles des populations expliquent le recours aux pratiques traditionnelles à base de plantes médicinales (Sanogo, 2006). Dans les pays africains, avec l’émergence de la culture occidentale, on assiste à une acculturation progressive. Ce phénomène est à l’origine d’une perte rapide des connaissances traditionnelles, alors que la préservation de celles-ci est une nécessité absolue à l’instar des pays occidentaux (Ake-Assi, 2011). Les connaissances des vertus médicinales des plantes font parties du patrimoine culturel mondial. C’est ainsi que, l’observation des propriétés thérapeutiques de certaines plantes, fût à la base des pharmacopées (africaine, française, américaine, britannique) (Landry, 2010). Donc il faut accorder à la médecine traditionnelle « le respect et la place qu’elle mérite » comme déclare Sambo (Pousset, 2006). Ceci passe par une valorisation des plantes médicinales utilisées dans cette médecine non conventionnelle. C’est dans cet ordre d’idée qu’il a été initié ce travail de recherche sur le Borreria verticillata (Rubiaceae), une plante très répandue dans la zone tropicale Ouest africaine et américaine. L’objectif principal est de mettre en évidence le potentiel thérapeutique des plantes des plantes médicinales sénégalaises. Ce travail fait l’objet de ce présent mémoire qui est présenté en deux parties :
Une première partie titrée rappels bibliographiques portant d’une part sur la présentation de la plante Borreria verticillata et d’autre part sur le stress oxydatif ;
Et une deuxième partie où sont exposés la méthodologie de l’étude, les résultats obtenus leurs discussions et conclusion.
Alcaloïdes
Les travaux de Fortin et al (1990) montrent que le taux d’alcaloïdes contenu dans la plante varie en fonction de la pluviométrie (0,01 à 0,26%). Les alcaloïdes isolés de l’espèce Borreria verticillata sont la borrerine, la borreverine, l’émétine, l’isoborreverine, la spermacoceine, la verticillatine (Figure 3). Une étude du spécimen Sénégalais montre que les racines contiennent les deux alcaloïdes à un taux représentant presque 88% de la fraction d’alcaloïdes indoliques. Ces alcaloïdes ont été trouvés dans les racines mais la partie aérienne contient une bonne quantité des alcaloïdes totaux (Sofowora, 1996). Le comité interafricain sur les plantes médicinales et la médecine traditionnelle dans une publication datant de 1985, rapporte que les racines contiennent 0,1% d’émétine, sans néphéline nitétrahydro-carboline (Comité interafricain sur les plantes médicinales de l’organisation de l’unité africaine, 1985).
USAGE ETHNOBOTANIQUE
La plante est utilisée en médecine populaire pour soigner une multitude d’indispositions et de maladies en particulier: lèpre, syphilis, blennorragie, panaris, furoncles, bilharziose. L’infusion de la plante entière est indiquée dans les cas de dysenterie amibienne, dans le traitement des infections cutanées, puisqu’elle agit contre le streptocoque et le staphylocoque doré (responsable de la furonculose) (Enda, 1998). Les feuilles de Borreria verticillata fraîches pilées ou le jus sont appliquées sur les plaies et les eczémas qui présentent une surinfection. La décoction de ces feuilles est employée pour traiter les infections urinaires, la blennorragie et la bilharziose. Associéesà l’huile de Carapa procera et de feuilles d’Euphorbia hirta(mbal), les feuilles donnent une pâte utilisée dans le traitement des panaris et furoncles. Le macéré aqueux de feuilles est très utilisé en tant que laxatif. On ajoute à ces feuilles des inflorescences pour soigner la lèpre ou de l’eau du bain pour soigner paludisme (Djemilath, 2012). Au Sénégal, le macéré aqueux ou le suc des feuilles sont utilisés comme laxatif alors que le décocté de la plante entière est administrée en quantité non limitée pour le traitement des bilharzioses et des blennorragies (Enda,1998). Les feuilles entrent également dans la préparation d’une pommade associant Datura metel et Adansonia digitata, pour le traitement d’une sorte de paralysie appelée « Endu » dans le pays des Toucouleurs. Cette paralysie est caractérisée par des membres enflés et inertes (jambe, bras). La même préparation est utilisée en médecine traditionnelle vétérinaire (Maynart, 1980). Dans la zone de Nguénar (préfecture de Matam),au village Diané Baella, ce sont les feuilles et l’inflorescence de Borreria verticillata qui sont à la base des traitements de la maladie de lèpre par voie interne et externe. En Casamance, on emploie le décocté (plante entière) avec d’autres espèces telles que Psorospermum senegalensis comme antilépreux (Djemilath, 2012). On traite les panaris et furoncles par l’application d’une pâte obtenue en broyant les feuilles de Borreria verticillata dans un mortier avec l’extrait de « Carapa procera » appelé huile Touloucouna. En cas de blessure après avoir nettoyé la plaie, faire couler le jus des feuilles fraiches pilées sur la plaie et faire un pansement. Cette action est renouvelée tous les trois jours (Sambou, 1998). Pour le traitement de la bilharziose, les racines de Borreria verticillata sont associées avec les feuilles de Combretum glutinosum et les rameaux de Securinega virosa bien mélangées et pulvérisées avec de l’eau (½ macéré, ½ décocté) (Fortin et al.,1990). Au Mali, l’association des feuilles et fleurs de Borreria verticillata aux feuilles tendres du Guiera sénégalensis pulvérisées puis mélangées dans une farine de petit mil est utilisée pour favoriser la lactation de la mère et le développement du bébé. L’infusion refroidie de la plante entière est indiquée dans le cas de dysenterie amibienne (Enda, 1998). La constipation est traitée par une infusion de rameaux feuillés (Fortin et al.,1990). En Guinée Conakry, les écorces de tiges de Borreria verticillata sont utilisées en décoction par voie orale comme antiseptique, cicatrisante, désinfectante, anti-infectieuse (Magassouba et al., 2007). En Côte d’Ivoire, l’association de la décoction des feuilles de Borreria verticillata, d’Imperata cylindrica et de Cussonia arborea est utilisée par voie orale, 2 fois par jour pour traiter les toux et fièvres des enfants selon Koné et al. (2002). En Inde, la décoction des racines de Borreria verticillata sous forme de thé est utilisée pour traiter les leucorrhées et les gonorrhées selon Sankaranarayanan et al. (2010). Au Brésil, la décoction des racines de Borreria verticillata, est utilisée pour traiter blennorragie et leucorrhées selon Pedro et al. (2002).
Systèmes non enzymatiques
Contrairement aux enzymes antioxydantes, la plupart des antioxydants ne sont pas synthétisés par l’organisme et doivent être alors apportés par l’alimentation. Ces substances, telles que les vitamines E, C, Q, ou les caroténoïdes agissent par piégeage des radicaux. Cette action, neutralisent l’électron non apparié et transforment les ERO en molécules stables. La vitamine piégeuse devient à son tour un radical qui sera détruit ou régénérée par un autre système (Ross et Kasum, 2002). Par d’exemple, la vitamine C va piéger certains radicaux libres comme le HO● et le O2●-. Dans ses fonctions, elle permet aussi la régénération de la vitamine E oxydée. Cependant, son rôle serait fonction de sa concentration sanguine. Ainsi, à faible concentration, elle agirait comme un pro-oxydant et participerait à la formation d’ERO, alors qu’à forte concentration, elle se comporterait comme un antioxydant. La vitamine E, fixerait le radical hydroxyle avec formation d’une molécule avec ouverture de son cycle (Tabar, 2011). D’autres composés (phytochimiques) comme les polyphénols, les flavonoïdes et les huiles essentielles apportés également par supplémentation, jouent un rôle similaire de piégeurs de radicaux libres (Muanda, 2010). Le zinc (Zn) joue un rôle de cofacteur pour de nombreux enzymes et intervient ainsi dans de nombreuses fonctions comme le métabolisme des nucléotides, la synthèse des prostaglandines, le fonctionnement de l’anhydrase carbonique. Comme le cuivre, le zinc est l’un des cofacteurs essentiels de la SOD. Il protège également les groupements thiols des protéines et peut inhiber les réactions de formation d’ERO induites par des métaux de transition comme le fer ou le cuivre (Ettien, 2018). À concentration physiologique, le cuivre (Cu) est le cofacteur d’enzymes comme la SOD, la cytochrome C oxydase, la dopamine β-hydroxylase. Cependant, il joue un rôle important dans le déclenchement de réactions de production d’ERO (réactions de Fenton) et peut, lorsque sa concentration est élevée, devenir pro-oxydant. Les apports journaliers recommandés sont de l’ordre de 2,5 mg. Il est présent dans le son, l’avoine, le seigle et le foie de veau (Meziti, 2009).
DISCUSSION
Une teneur moyenne en eau de 7,51 ± 0,003%. Cette valeur était inférieure à la limite tolérée qui est de 10% (Bassène, 2012) et permet de prédire une bonne aptitude à la conservation de la poudre de Borreria verticillata permettant de minimiser les risques d’altération bactérienne ou fongique. La teneur en cendres calculée sur la base de deux prises d’essai était de 12,49 ± 0,006 %. Les teneurs en eau et cendres trouvées dans cette étude sont proches de celles de Djemilath (2012) qui étaient de 9,8 et 12, 32 % respectivement. Le screening phytochimique de Borreria verticillata a permis de mettre en évidence la présence d’alcaloïdes, de flavonoïdes et de tanins. Des résultats similaires ont été rapportés par Djemilath en 2012 et Tedajo en 1996. Ce dernier, par contre, n’avait pas rapporté la présence d’alcaloïdes dans son échantillon. La présence de ces composés permettrait d’expliquer certaines propriétés thérapeutiques du Borreria verticillata. En effet, des études ont rapporté que les alcaloïdes présentent des propriétés antibactériennes (sur le Staphylococcus aureus surtout le tartrate de borreverine), des propriétés analgésiques, antispasmodiques et antibactériennes des alcaloïdes (Maynart, 1980). Les flavonoïdes possèdent également diverses activités (antibactérienne, antifongique, antioxydante), qui justifient leur utilisation dans le traitement des maladies de la peau et des infections bactériennes multiples (Djemilath, 2012). Les tanins sont doués de propriétés hémostatique, anti-inflammatoire, antibiotique expliquant l’utilisation traditionnelle de Borreria verticillata dans le traitement des plaies surinfectées. L’analyse minérale a révélé la présence du zinc, du fer, du magnésium, du sodium et du calcium à des concentrations de 1,12; 19,62; 27,59; 32,27 et 55,6mg/100g, respectivement. Les teneurs en calcium et magnésium sont supérieures à celles rapportés par Djemilath (2012) qui étaient 25 et 7,46 mg/100g, respectivement. Cette différence pourrait être due au fait que cet auteur a travaillé sur la partie aérienne du Borreria verticillata. Elle peut être aussi expliquée par la différence des sols et des périodes de récolte. En effet, certains éléments minéraux sont nécessaires à la plante; l’azote, le phosphore et le potassium font partie des éléments dits majeurs (dont la plante a besoin en grande quantité). De même, le calcium et le magnésium font partie des éléments minéraux essentiels à la croissance de la plante. Les teneurs en éléments minéraux des plantes sont fonction des conditions climatiques et géologiques, de la partie de la plante récoltée, et des techniques de transformation (SNHF, 2020). Des pourcentages d’inhibition augmentant selon la concentration de l’extrait ont été retrouvés avec les solvants testés. L’extrait acétate d’éthyle a fourni les PI les plus élevés à toutes les concentrations étudiées suivi de l’extrait méthanolique. Ces pourcentages d’inhibition étaient cependant inférieurs à ceux de l’acide ascorbique utilisé comme référence (3,61- 72,89 % à 0,036 -0,2 µg/ml). Par ailleurs, la plus faible CI50 a été obtenue avec l’extrait acétate d’éthyle. Ces résultats montrent qu’en général les fractions polaires étaient les plus actives et que les composés phytochimiques responsables de cette activité sont plus solubles dans les solvants polaires et justifie l’utilisation de l’eau en médecine traditionnelle pour la macération, la décoction et l’infusion. Ces composés phytochimiques correspondraient aux polyphénols qui sont polaires et par conséquent, solubles dans l’eau qui est également un solvant polaire. En effet, ils sont porteurs de nombreux groupements hydroxyles dans leurs structures chimiques directement liés à un noyau phényle et sont par conséquent de potentiels donneurs de protons aux radicaux contribuant fortement à l’augmentation de l’activité antiradicalaire (Tiburski et al., 2011 ; Kang et al., 2003).
CONCLUSION
Le continent africain est doté d’une biodiversité végétale immense, qui reste à découvrir et une grande partie de cette flore est constituée par des espèces médicinales. L’étude des plantes médicinales est une étape incontournable pour la valorisation de la médecine traditionnelle africaine qui regorge d’énormes potentialités. Elle peut faciliter la reconnaissance internationale des médicaments traditionnels et leur libre circulation tout en permettant d’élaborer les meilleures stratégies de préservation des espèces utilisées par les guérisseurs afin de garantir la sécurité des consommateurs et la survie de l’écosystème. Le présent travail avait pour objectif de contribuer à la valorisation du potentiel thérapeutique des plantes médicinales sénégalaises en vue de promouvoir la médecine traditionnelle locale. Borreria verticillata, plante herbacée de la famille des Rubiaceaea été choisie à cet effet sur la base de résultats d’enquêtes ethnobotaniques. L’analyse d’extraits de poudre de cette plante a révélé la forte présence d’alcaloïdes, de flavonoïdes, de tanins et d’éléments minéraux tels que le zinc, le fer, le magnésium, le sodium et le calcium qui était l’élément minéral le plus abondant. L’étude de l’activité antioxydante in vitro a révélé que les extraits de Borreria verticillata possédaient un certain pouvoir antioxydant avec une CI50 de 4,44 µg/ml pour l’extrait d’acétate d’éthyle qui était la plus faible. En perspective, il serait nécessaire de poursuivre ce travail en vue de l’identification de toutes les substances responsables des activités observées par les utilisateurs en médecine traditionnelle sénégalaise.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE:RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
CHAPITRE I
I. ASPECTS TAXONOMIQUES ET BOTANIQUES
I.1. Taxonomie
I.2. Aspects botaniques
II. HABITAT ET REPARTITION GEOGRAPHIQUE
III. COMPOSITION PHYTOCHIMIQUE
III.1 Alcaloïdes
III.2. Iridoïdes
III.3. Terpénoïdes
IV. PHARMACOLOGIE
V. USAGE ETHNOBOTANIQUE
CHAPITRE II : STRESS OXYDATIF ET COMPOSÉS CHIMIQUES
I. STRESS OXYDATIF
I-1. Définition
I.2. Radicaux libres
I.2.1. Différents types de radicaux libres
I.2.2. Sources des radicaux libres
I.2.2.1. Sources endogènes
I.2.2.2. Sources exogènes
I.3. Antioxydants
I.3.1. Systèmes enzymatiques
I.3.2. Systèmes non enzymatiques
I.3.3. Mise en évidence d’un état de stress oxydant
I.4. Intérêt particulier des polyphénols
DEUXIÈME PARTIE: ÉTUDE EXPÉRIMENTALE
CHAPITRE I : OBJECTIFS, CADRE DE L’ÈTUDE ET METHODOLOGIE
I. OBJECTIFS
I.1. Objectif général
I.2. Objectifs spécifiques
II. CADRE DE L’ÈTUDE
III. METHODOLOGIE
III.1.Matériel et réactifs
III.I.1. Matériel végétal
III.I.2. Matériel et réactifs du Laboratoire
III.2. Méthodes d’étude
III.2.1. Détermination de la teneur en eau
III.2.2. Détermination de la teneur en centres
III.2.3. Dosage des éléments minéraux par Spectrométrie d’Absorption Atomique
III.2.4. Screening phytochimique de la plante Borreria verticillata
III.2.4.1. Recherche des alcaloïdes
III.2.4.2. Recherche des flavonoïdes
III.2.4.3. Recherche des tanins
III.2.5. Évaluation de l’activité antioxydante par la Méthode au DPPH•
III.2.5.1 Préparations des réactifs et des extraits
III.2.5.2. Principe
III.2.5.3. Mode opératoire
III.2.5.4. Expression des resultats
CHAPITRE II : RESULTATS ET DISCUSSION
I.RESULTATS
I. 1. Teneurs en eau et en cendres
I.2. Rendements d’extraction de la poudre de Borreria verticillata
I.3. Recherche et caractérisation des alcaloïdes
I.4. Recherche et caractérisation des flavonoïdes
I.5. Recherche et caractérisation des tanins
I.6. Teneurs en éléments minéraux
I.7. Activité antioxydante de Borreria verticillata
II. DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES
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