Nutrition du nourrisson et développement du système nerveux
Les besoins du bébé varient avec l’âge, la taille, la rapidité de sa croissance et le niveau d’activité, ainsi qu’avec la composition de ses apports alimentaires. Les recommandations ne doivent donc pas être considérées comme très strictes [10]. L’alimentation du nouveau-né ainsi que celle de la femme enceinte ou allaitante, doit renfermer impérativement deux acides gras polyinsaturés (AGPI) essentiels : les acides linoléique et α-linolénique. En effet, un déficit de leur apport alimentaire conduit chez le nouveau-né à diverses pathologies visibles comme la desquamation de la peau ou discrètes comme la réduction transitoire de l’acuité visuelle. Pour sa part, l’acide α- linolénique, qui est le précurseur métabolique des AGPI de la famille ω3, joue un rôle prépondérant dans le développement périnatal du système nerveux central (SNC). Sa biotransformation en AGPI à longue chaîne (AGPILC) conduit, en effet, à la formation et à l’incorporation d’un constituant fondamental des membranes du cerveau et de la rétine, l’acide décosahexaénoïque (DHA). Or, si ce dernier est présent dans le lait de femme, il est quasiment absent dans la grande majorité des laits maternisés qui ne renferme que du précurseur. Cette différence ne permet pas alors au nouveau-né allaité au biberon d’atteindre le statut lipidique cérébral du nouveau-né allaité au sein [25]. Il n’est donc pas surprenant que l’allaitement maternel soit constamment associé à un meilleur développement du système nerveux central, la preuve étant la meilleure acuité visuelle des enfants allaités par rapport à celle des nourrissons nourris avec des préparations commerciales pour nourrissons [7]. Les besoins caloriques pour assurer le métabolisme de base sont estimés généralement à 50 kcal/kg/j [13]. Les besoins pour l’activité physique sont de 20kcal tout comme pour les besoins de la croissance ; les 10kcal restants constituent les pertes fécales. Les besoins totaux avoisinent les 100 kcal/kg/j pour un enfant normal. Ils sont plus importants chez le prématuré, de l’ordre de 120 à 150 kcal/kg/j. La teneur en lactose (galactose-glucose) du lait maternel est plus élevée et favorise l’absorption intestinale de calcium. Le galactose participe au développement cérébral (galactolipides) et le glucose fournit de l’énergie [5]. La teneur en caséines du lait maternel est faible par rapport à celle du lait de vache; les micelles formées sont plus petites, ce qui permet une meilleure vidange gastrique [53]. La béta-caséine facilite l’absorption du calcium [5], la caséine kappa à une action bifidogène (indispensable pour une régénération en profondeur de la flore intestinale) [53]. Dans le lait de vache et les préparations pour nourrissons, la caséine majoritaire est l’alpha-caséine qui n’a pas ces propriétés [5].
Bénéfices pour l’enfant
Dans les pays en voie de développement, l’allaitement maternel est associé à une réduction de la mortalité infantile [12]. Dans les pays développés, de multiples bienfaits sont répertoriés notamment :
a. des bienfaits à fort niveau de preuve. Une diminution plus marquée du risque d’otites moyennes aigues associé à l’allaitement a été notée s’il est exclusif et dure plus de 3 mois [27, 46]. Par ailleurs, une baisse de l’incidence des diarrhées aigües infectieuses durant la première année de vie, ainsi que de leur gravité a été observée [5, 27, 46, 53]. Aussi, une diminution du risque d’hospitalisation pour infections respiratoires sévères chez les enfants de moins de 1 an a t’- elle été rapportée après un allaitement maternel exclusif d’au moins 4 mois [4, 27, 53]. Ces observations seraient dues à la forte concentration du lait humain en anticorps (principalement IgA sécrétoires), notamment dans le colostrum [46]. Facteurs de risque cardio-vasculaire : Surpoids et obésité, il existe un effet protecteur modeste sur le risque de surpoids et d’obésité à l’âge adulte, celui-ci est plus marqué chez les enfants et les adolescents [3, 6, 27, 46, 53]. Cette observation peut avoir plusieurs explications : une meilleure gestion de la prise alimentaire en fonction des besoins suite à l’allaitement « à la demande », une croissance plus lente pendant la première année de vie [41]. Un apport protéique et énergétique moins important qu’avec les préparations pour nourrissons a été signalé [29, 30] tout comme une insulinémie plus basse avec l’allaitement, limitant l’adipogénèse et le développement d’adipocytes [53]. Tension artérielle : diminution de la pression artérielle systolique à l’âge adulte (de 1,21mmHg) et diminution de la pression artérielle diastolique (de 0,49 mmHg) [6]. Cette différence pourrait provenir d’une moindre concentration en sodium du lait maternel (cause controversée), d’une différence d’apport en acides gras polyinsaturés à chaîne longue, composants de l’endothélium vasculaire ou d’une moindre obésité associée à l’allaitement maternel [6, 53]. Cholestérolémie : plus élevée chez les nourrissons allaités de moins de 1 an (0,64 mmol/l), elle est ensuite plus basse chez l’adulte qui a été allaité (0,18 mmol/l) [6], surtout si l’allaitement était initialement exclusif [42]. Malgré des effets sur l’obésité, la pression artérielle et la cholestérolémie, il n’a pas été démontré de diminution de morbidité ou mortalité cardio-vasculaire liée à l’allaitement [45]. Pathologies allergiques Dermatite atopique : effet protecteur de l’allaitement si celui-ci est supérieur à 3 mois, chez les enfants aux antécédents familiaux d’atopie [53, 27]. Autres pathologies (mort subite du nourrisson) : l’allaitement est un facteur protecteur du syndrome de mort subite du nourrisson [27] d’autant plus s’il est exclusif [26].
b. des bienfaits probables ou possibles Infections respiratoires : moindre fréquence des symptômes d’infection respiratoire si l’allaitement maternel est prédominant pendant au moins 6 mois [5, 46]. Infections à Haemophilus influenzae : effet protecteur de l’allaitement sur les méningites et bactériémies à Haemophilus influenzae avec un effet dose dépendant [5]. Diabète type 1 : il existe une probable association entre un allaitement d’au moins 3 mois et une diminution du risque de diabète de type 1 [53, 27, 46]. Rectocolite hémorragique : diminution de l’incidence de cette pathologie [1]. Pathologies allergiques : Les études sont contradictoires dans le domaine de l’allergie, et leur interprétation se heurte souvent à de nombreux biais [53]. L’allaitement est connu pour protéger contre les allergies alimentaires. Il est recommandé de pratiquer un allaitement exclusif jusqu’à au moins 4-6 mois, selon les sources [53]. Asthme : cette question est très controversée, une méta-analyse de 2007 concluait à une diminution de l’incidence chez les patients sans antécédent familial d’asthme ainsi qu’une diminution d’incidence chez les patients de moins de 10 ans aux antécédents familiaux d’asthme si l’allaitement dure plus de 4 mois [1]. Une étude récente montre une protection contre l’asthme entre 2 et 6 ans [50]. De nombreuses études ne retrouvent pas d’association claire entre l’asthme et l’allaitement [31, 40]. Eczéma : la protection contre l’eczéma est parfois admise [46]. Une étude récente montre une protection modérée et uniquement sur les formes sévères [45]. Pathologie métabolique Diabète de type 2 : diminution de la glycémie et de l’insulinémie dans l’enfance, et très légère baisse de l’insulinémie à l’âge adulte chez les sujets allaités [43]. Leucémies : il a été montré une association entre un allaitement d’au moins 6 mois et une diminution du risque de leucémie lymphoïde et myéloïde aiguë [27]. Développement cognitif : deux méta-analyses montrent un effet positif modeste de l’allaitement concernant les performances scolaires et la performance aux tests développementaux [1, 6]. Ces effets apparaissent dès les deux premières années de vie et persistent à l’adolescence, ils augmentent avec la durée de l’allaitement [53]. Ils pourraient provenir en partie de la composition du lait maternel, notamment en acides gras polyinsaturés à longue chaîne participant à la constitution du cortex cérébral, et en partie de la pratique de l’allaitement en ellemême [5]. Le bénéfice est plus important chez les prématurés [53]. D’autres méta-analyses concluent à des facteurs confondants mal pris en compte : l’intelligence maternelle [27], les facteurs environnementaux [46]. Développement psychomoteur : meilleur développement psychomoteur de l’enfant allaité et amélioration des performances globales visuelles et motrices [5]. Croissance : croissance moins rapide pendant la première année de l’enfant allaité, facteur protecteur de l’obésité [5]. Développement sensoriel : meilleure acceptation des aliments nouveaux au moment de la diversification alimentaire [53]. Entérocolites ulcéro-nécrosantes pour l’enfant prématuré : association entre l’allaitement maternel et une réduction du risque d’entérocolite ulcéro-nécrosante [5, 27], ainsi que de la gravité [53].
c. des preuves moindres Infections urinaires : des études ont montré un effet protecteur jusqu’à l’âge de deux ans [5]. Sténose du pylore, épisodes fébriles, ictère néonatal: moindre incidence [46]. Mortalité infantile : moindre en pays industrialisé, et non dissociée de la mort subite du nourrisson dans les études [5]. Cancer du sein pré ménopausique : diminution du risque chez les femmes ayant été allaitées [27]. Densité osseuse : résultats contradictoires. Douleur : effet analgésique de l’allaitement durant les soins douloureux à l’enfant [23, 49]. Santé dentaire : meilleure prévention de la malocclusion dentaire, mais résultats contradictoires sur le risque de carie dentaire avec l’allaitement maternel [5]. Le lait maternel n’est pas cariogène en lui- même, mais il semblerait qu’à partir de la diversification, l’alimentation nocturne (lait artificiel ou maternel), favorise l’apparition de caries dentaires.
Lait de vache et formulation infantile
Le principe de base de l’alimentation « artificielle » de l’enfant est le respect des besoins en tous les nutriments essentiels, y compris l’eau. La distribution calorique doit être répartie sur les protéines, les graisses et les sucres ; le lait doit être aisément digestible et sûr au plan bactérien [10]. Les laits diététiques pour nourrissons sont vendus uniquement dans les pharmacies. Les différences entre le lait humain et les laits de vache imposent des modifications de ces derniers pour les rendre convenables à la consommation des enfants. En particulier, une dilution aqueuse diminue la concentration protéique et réduit la tendance à la formation du caillé mais une telle dilution abaisse la teneur en carbohydrates et par conséquent, la valeur calorique. Les niveaux vitaminiques et minéraux minimum que doit apporter une formulation lactée infantile, sont toujours pris en considération dans la formulation des laits maternisés. L’enrichissement des laits infantiles en AGPI est d’actualité. L’intérêt de telles formulations pour les prématurés est démontré par des études expérimentales et cliniques. La réglementation française de février 1994 ne fait plus obligation d’incorporer des graisses animales dans les « préparations pour nourrissons » (de 0 à 6 mois) et les préparations de suite (de 6 à 12 mois) [10]. Par ailleurs, divers inconvénients peuvent faire limiter l’usage du lait de vache chez l’enfant. Le lait de vache non modifié est trop riche en protéines et en caséiques pour les capacités digestives et métaboliques (élimination d’une charge azotée excédant les possibilités rénales) du très jeune enfant. La quantité de minéraux (sodium, calcium, phosphore) est très élevée et demande à être réduite pour éviter de solliciter trop la fonction rénale d’épuration. L’adaptation du lait de vache pour en faire un substitut acceptable du lait humain consiste donc à réduire la teneur en caséine, en sodium, en phosphate et aussi en calcium tout en restant à des niveaux d’apports sensiblement supérieurs à ceux du lait humain. De la sorte, la moindre biodisponibilité des nutriments est contrebalancée et les besoins d’une large proportion de la population infantile peuvent être assurés. Enfin, les nutriments qui se dégradent lentement en cours de conservation restent présents en quantités suffisantes. L’absorption partielle des graisses lactiques chez le nouveau-né et le très jeune nourrisson et surtout la carence en acides gras essentiels du lait animal de consommation courante ont conduit à modifier également les matières grasses dans les formules infantiles par l’adjonction d’huile de maïs et de soja qui impose à son tour de réaliser un apport vitaminique E suffisant pour éviter un risque d’instabilité des membranes tissulaires. Le lait de vache contenant moins de lactose que le lait humain, un enrichissement en glucides est nécessaire et souvent obtenu grâce à l’adjonction de dextrine – maltose. Ce procédé est peu coûteux mais évite d’accroître l’osmolarité du lait. Enfin, le processus industriel (chaleur) dégrade en partie plusieurs vitamines. Une quantité connue et de sécurité de vitamines est donc ajoutée en fin de la filière de fabrication. Pour les minéraux et les minéraloïdes, des adaptations sont également souhaitables. Le rapport calcium/phosphore doit idéalement être situé entre 1,5 et 2 afin de favoriser l’absorption calcique ; la teneur calcique ne peut excéder les possibilités de solubilisation dans la formule lactée. Du fer est ajouté pour couvrir les besoins du nourrisson, ainsi qu’un nombre d’oligo-éléments, dont le cuivre ; leur taux, particulièrement bas dans le lait de vache ne permettant pas d’assurer les apports recommandés. L’adaptation des laits animaux pour la consommation infantile tient compte également de la charge rénale. Les capacités rénales de concentration chez le nouveau-né et le nourrisson sont faibles et encore moindres chez le prématuré. De ce fait, les déchets métaboliques azotés et minéraux entraînent avec eux dans la phase d’excrétion rénale une quantité importante d’eau. Dans la pratique, le lait maternel est surtout remplacé en période d’alimentation lactée exclusive (de 0 à maximum 4 mois en général) par un nombre limité de produits du lait de vache (parfois coupé), du lait de chèvre ou des formules adaptées (dérivés du lait de vache). Ces dernières diffèrent quelque peu selon qu’elles ont été conçues en Europe (lait adapté du premier âge) ou en Amérique du Nord (lait standard pour la première année).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES BIBLIOGRAPHIQUES
I – GENERALITES SUR LA NUTRITION DU NOURRISSON
I.1. Besoins particuliers du nourrisson et du jeune enfant
I.1.1 Besoins hydriques
I.1.2. Besoins énergétiques
I.1.3. Besoins en Protéines
I.1.4. Besoins en Lipides
I.1.5. Besoins en Glucides
I.1.6. Besoins en Vitamines
I.1.7. Besoin en Minéraux
I.2. Nutrition du nourrisson et développement du système nerveux
I.3. Nutrition du nourrisson et développement du système immunitaire
I.4. Importance du lait dans la nutrition du nourrisson
I.4.1. Le lait maternel
I.4.1.1. Composition du lait maternel
I.4.1.2. Evolution de la composition du lait maternel durant la lactation
I.4.1.3. Les bénéfices du lait maternel pour l’enfant et la mère
I.4.2. Le lait de vache et formulations infantiles
DEUXIEME PARTIE : ETUDE EXPERIMENTALE
I. OBJECTIFS DE L’ETUDE
Objectif principal
Objectifs spécifiques
II. CADRE D’ETUDE
III. METHODOLOGIE
III.1. Matériels et réactifs
III.2. Méthodes
III.2.1. Echantillonnage
III.2.2. Détermination de la teneur en lactose
III.2.3. Détermination de la teneur en matière grasse
III.2.4. Détermination de la teneur en minéraux
III.2.5. Détermination de la teneur en chlorure
III.2.6. Détermination de l’humidité
III.2.7 Traitement statistiques des données
IV – RESULTATS
V – DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIES
ANNEXE
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