Evolution du contrôle santé des structures aéronautiques
De nombreux systèmes industriels coûteux tels que les structures aéronautiques ou les ouvrages de génie civil (ponts, canalisation, etc … ) nécessitent tout au long de leur cycle d’utilisation un contrôle fréquent et approfondi. C’est le cas en particulier dans le domaine des transports aériens. Comme la sécurité des personnes constitue le souci premier, une maintenance rigoureuse est exigée. Celle-ci peut s’avérer fastidieuse et lourde à mettre en place et les facteurs de coûts et de temps qui en résultent, sont importants. Aussi convient-il de savoir d’une part, si les techniques actuelles sont suffisantes et bien adaptées (fiabilité du contrôle), et d’autre part, s’il est possible de réduire les coûts qu’elles engendrent ou si d’autres solutions doivent et peuvent être envisagées.
Estimation des limites de la maintenance actuelle des avions
Parmi les méthodes d’inspection généralement utilisées, la plus classique est naturellement l’inspection visuelle. Elle s’applique principalement aux structures d’un accès facile, comportant un nombre limité de zones à risque et possédant une anomalie flagrante. Les limites d’une telle inspection pour des structures complexes et de large surface sont évidentes.
En outre, dans la plupart des cas, un examen complémentaire local est nécessaire. Pour cet examen plus détaillé de la structure, on recense de nombreuses techniques de contrôle non destructif (CND) disponibles . Les plus employées sont la radiographie, l’holographie, la thermographie , les courants de Foucault , la microscopie acoustique ainsi que différentes méthodes ultrasonores . A l’exception des méthodes ultrasonores, les techniques citées précédemment sont cependant plus ou moins bien adaptées à certains types de défauts. Aussi, l’utilisation conjointe de plusieurs d’entre elles sera-t-elle nécessaire pour contrôler le bon état de la pièce testée. De plus, bien que ces méthodes d’investigation s’avèrent performantes, leur emploi fréquent entraîne des inconvénients majeurs ; l’ensemble de ces techniques nécessite en effet l’immobilisation de l’appareil, parfois même le démontage de la pièce à tester et leur application locale rend le contrôle long et coûteux sur les structures de grande surface.
Ces coûts pourraient être réduits en utilisant des systèmes automatiques tels que des robots. Mais si une telle solution amoindrit les coûts relatifs à la main d’œuvre, il s’agit de savoir si le coût de développement de tels robots engendre véritablement une économie. D’autre part, une telle solution ne réduit pas pour autant la durée de mise hors service de la structure.
Nécessité et bénéfice d’un contrôle santé intégré
Ainsi, lorsque l’on dresse un premier bilan des méthodes actuelles de surveillance de l’avion, on peut constater :
que les méthodes de contrôle non destructif employées, bien que performantes, restent généralement lourdes, difficiles à appliquer et demandent la présence d’un ou plusieurs opérateurs spécialisés. En outre, le nombre de contrôles augmentant de manière linéaire avec le nombre de zones critiques à inspecter, les coûts élevés qui en découlent, limitent généralement la fréquence des inspections. Enfin, la résolution spatiale obtenue est, en général, faible. Seule la présence d’anomalies dans le comportement global incite donc à poursuivre l’analyse avec plus de détails et de précision.
que les critères basés sur la surveillance de l’état de charge de l’avion ne permettent quant à eux qu’une évaluation restrictive de la durée de vie des avions et ne remplacent en aucun cas une maintenance approfondie de l’appareil au sol.
Dès lors, il semble qu’il faille rechercher de nouvelles solutions pour aider à mieux gérer la fréquence des contrôles et permettre une utilisation plus sécurisée des structures vieillissantes. Pour remédier à ces lacunes, de nombreuses études ont été menées, ces dernières années, sur le développement d’un système de surveillance intégré à la structure. L’intégration directe des capteurs à la structure devrait permettre une surveillance permanente et automatique de celle-ci. On peut alors parler de « structure intelligente » ; la structure devenant capable de détecter ses propres défauts.
Un tel dispositif ferait fonction de « sonnette d’alarme », de préambule à une intervention au sol plus poussée. Il éviterait la multiplication des inspections inutiles. Le coût de la maintenance s’en trouverait donc considérablement réduit. Les avantages d’un système de ce genre sont multiples et son intérêt va bien au delà de la réduction de coûts de la maintenance.
Méthodes récentes de traitement du signal et de traitement de l’information
Le troisième point essentiel pour le bon fonctionnement d’un contrôle santé intégré concerne le développement d’outils adaptés à l’extraction et au classement de l’information utile ; par information utile, on entend la détection d’une anomalie mais aussi son interprétation, c’est-à-dire la capacité de donner en plus une estimation de la position et de la sévérité de la détérioration, ainsi qu’une classification du type de défaut (fissure, délaminage, décollement, … ). Ainsi, pour surveiller en continu la structure et trouver les causes d’événements indésirables, il convient de se servir au mieux des informations disponibles, c’est à dire des données fournies par les divers capteurs.
Le traitement du signal constitue la première étape de cette procédure. Il doit permettre une analyse aussi fine que possible, en limitant les pertes d’information et la génération de fausses alarmes. Il s’agit d’extraire des signaux, des caractéristiques pertinentes sur l’intégrité de la structure et d’être capable d’analyser ces éléments afin de détecter les éventuelles anomalies.
Ceci doit bien sûr fonctionner en préservant une robustesse suffisante par rapport aux bruits sur la structure, aux incertitudes sur la référence, mais aussi par rapport aux changements de modes de fonctionnement de la structure (décollage, atterrissage, au sol, en vol).
La méthode la plus utilisée en ingénierie pour l’extraction des caractéristiques d’un signal est le filtrage spectral (transformée de Fourier). L’analyse spectrale fournit la représentation de la distribution fréquentielle du signal et permet ainsi de contrôler tout changement intervenant dans la réponse fréquentielle de la structure. Néanmoins, ce type de représentation est limité pour le déchiffrage des signaux de contrôle non destructif, puisque l’information temporelle relative à l’apparition de la fréquence d’intérêt n’est pas directement accessible. Par conséquent, d’autres méthodes doivent être développées.
Parmi les méthodes récentes de traitement du signal, un intérêt croissant est porté aux analyses utilisant les représentations temps- fréquence et temps – échelle (ondelettes) .
L’avantage des algorithmes basés sur ces transformées réside dans l’identification simplifiée de familles fréquentielles et temporelles du signal. Ces familles constituent les caractéristiques ou signatures des évènements dynamiques mesurés et sont la clé d’une interprétation plus efficace et plus fiable du signal.
Influence de la nature multi-mode et dispersive des ondes de Lamb pour l’inspection de grandes structures
Le contrôle santé par ondes de Lamb est effectué généralement en excitant ces ondes en un point donné de la structure à l’aide d’un signal de durée finie et en les réceptionnant en un second point. Le récepteur peut soit se trouver à côté de l’excitation, lorsqu’on étudie la réflexion des ondes sur le défaut, soit dans une zone plus éloignée si l’on mesure la transmission de l’onde à travers le défaut.
L’utilisation d’un signal d’excitation de durée finie n’est toutefois pas sans conséquence. En effet, si un signal large bande est employé, un grand nombre de modes sera généré alors dans la plaque en raison de la nature multi-mode des ondes de Lamb. D’abord au nombre de deux aux basses fréquences (Ao et So), le nombre de ces modes croit au fur et à mesure qu’on monte en fréquence et rend complexe l’intetprétation du signal reçu.
D’autre part, un second inconvénient réside dans l’excitation de ces modes dans des domaines dispersifs. En effet, si ces modes sont excités dans une région fréquence-épaisseur dispersive, alors la forme du paquet d’onde transmis va se modifier au cours de sa propagation le long de la structure et le maximum en amplitude de ce signal va décroître rapidement par rapport au bruit. On aura donc un phénomène d’écrasement du signal et ce, même en l’absence d’atténuation due au matériau. Par conséquent, la détection des ondes de Lamb sur une grande distance risque d’être fortement compromise.
Solutions développées pour permettre une utilisation performante des ondes de Lamb
Alleyne et Cawley ont été parmi les premiers à proposer des solutions pour l’utilisation optimale des ondes de Lamb pour l’inspection de larges structures. C’est pourquoi, les principales conclusions développées ci-dessous s’inspirent très largement de leurs travaux 86• Les étapes d’optimisation portent sur deux points, d’une part, sur l’excitation du signal ondes de Lamb, d’autre part, sur l’application d’un traitement de signal adapté pour la détection de défauts. Pour atteindre ces objectifs, il est évident qu’une connaissance théorique ou expérimentale précise des ondes se propageant dans la structure est nécessaire.
Excitation optimisée du signal ondes de Lamb :L’emploi des ondes de Lamb pour de grandes structures requiert en premier lieu de travailler dans des régions ou les modes sont peu dispersifs. Cette condition peut être plus facilement satisfaite en réduisant la largeur de bande fréquentielle du signal d’excitation appliquée sur le capteur.
Dans ce sens, Alleyne et Cawley préconisent l’utilisation d’une excitation composée de quelques périodes de sinusoïdes de sorte à se rapprocher d’une excitation harmonique. De plus, pour éviter la présence de lobes secondaires, il est conseillé de multiplier ce signal avec une fenêtre de type Hanning ou Gaussienne. Une étude récente de P. Wilcox et al propose même un modèle simple pour optimiser le nombre de cycles dans le signal d’excitation en fonction de la distance de propagation et de la nature des modes excités. Dans un deuxième temps, il s’agit de développer un transducteur adapté pour sélectionner un mode de Lamb donné. Si l’emploi de transducteurs sabots, pour lequel la sélection du mode généré s’effectue en modifiant l’angle d’incidence de l’excitation, est largement démontré, son utilisation pour un contrôle santé intégré est inadaptée en raison de sa grande taille. Une méthode appropriée à notre cas consiste à développer un capteur multi-élement à déphasage variable .Ce type de capteur s’inspire très largement des transducteurs d’ondes à peigne. En effet, son principe repose sur l’excitation séparée des éléments piézoélectriques le composant. L’avantage de son utilisation réside dans la possibilité d’imposer des retards dans l’excitation de ces éléments afin d’optimiser la sélection du nombre d’onde choisi. Il est dès lors possible d’utiliser le même capteur pour l’excitation de différents modes.
traitement de signal pour la détection de l’endommagement :Dans le cas où l’excitation d’un mode pur dans la plaque est assurée, les méthodes présentées dans le paragraphe précédent, reposant sur l’étude du phénomène de conversion de mode, de modification de vitesse, de déphasage, de variations d’amplitude transmises ou réfléchies, sont pleinement satisfaisantes pour la détection de défauts. Elles seront également applicables si les paquets d’ondes reçus permettent la séparation temporelle des modes générés dans le cas d’une excitation multi-mode.
Toutefois, la complexité des structures à tester rend difficile la génération d’un seul mode. Les techniques traditionnelles de traitement de signal dans le domaine temporel et fréquentiel ne sont par conséquent plus utilisables.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1: les voies d’optimisation du contrôle santé intégré
1. Evolution du contrôle santé des structures aéronautiques
1.1. Estimation des limites de la maintenance actuelle des avions
1.2. Nécessité et bénéfice d’un contrôle santé intégré
1.3. L’émergence de nouvelles technologies au service du contrôle santé intégré
1.3.1. Evolution et choix des capteurs
1.3.2. Evaluation des méthodes d’investigation intégrées
1.3.3. Méthodes récentes de traitement du signal et de traitement de l’information
2. Présentation des voies d’optimisation d’un système de contrôle santé basé sur la propagation d’ondes guidées
2.1. Développement d’un système de contrôle santé à double fonctionnalité
2.2. Diagnostic actif
2.2.1. Définition et rappels sur les ondes de Lamb
2.2.2. Historique sur la propagation des ondes de Lamb dans des plaques
2.2.3. Conditions requises pour l’utilisation optimale des ondes de Lamb pour le contrôle santé intégré
2.3. Diagnostic passif
2.3.1. Le phénomène d’émission acoustique dans les matériaux
2.3.2. Localisation et caractérisation de la source à partir de l’analyse du signal d’émission acoustique
2.3.3. Optimisation de cette technique pour la détection d’impacts basses vitesses
3. Conclusion
Chapitre II : les méthodes de mesure de vitesse
1. Introduction
2. Description des méthodes de mesures de vitesses
2.1. Vitesse de phase et vitesse de groupe
2.2. Mesures de vitesses de phase
2.2.1. Utilisation du spectre d’énergie pour la mesure de vitesses de phase
2.2.2. Mesure de vitesses de phase par la double transformée de F ourler
2.3. Mesures de vitesses de groupe
2.3 .1. Détermination des vitesses de groupe par intercorrélation
2.3.2. Développement de méthodes temps-fréquence pour la mesure de vitesse de groupe
3. Conclusion générale
Chapitre III : Etude de faisabilité du contrôle santé intégré développé
1. Introduction
2. Contrôle de fissures sur des structures métalliques
2.1. Introduction
2.2. Présentation des structures métalliques testées
2.3. Résultats expérimentaux
2.3.1. Analyse des résultats par rayons X
2.3.2. Analyse par ondes de Lamb
2.3.3. Emission Acoustique
2.4. Conclusion
3. Surveillance de structures composites
3.1. Vérification sur un modèle réduit et simplifié d’aile d’avion
3 .1.1. Présentation des tests
3.1.2. Instrumentation de la plaque
3 .1.3. Résultats expérimentaux
3.1.4. Conclusion
3.2. Application du contrôle santé intégré développé sur une partie d’aile d’avion
3.2.1. Description de la structure
3.2.2. Instrumentation de la plaque
3.2.3. Application à la détection d’impacts basses vitesses
3.2.4. Conclusion
4. Conclusion générale
Chapitre IV: Essai d’optimisation du système de surveillance
1. Introduction
2. Présentation des outils de modélisation
2.1. Les méthodes de modélisation : leurs avantages, leurs inconvénients
2.2. Description de la méthode couplée (éléments finis- modes normaux)
3. Application à la surveillance de plaques composites de symétrie orthotrope
3 .1. Etude préliminaire
3.2. Recherche sur la génération optimisée du mode Ao
3.2.1. Etude théorique
3.2.2. Etude expérimentale
3.2.3. Application à la détection d’un défaut occasionné lors d’impacts
4. Conclusion générale
Conclusion
Références
Annexes
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