Les objets qui nous entourent et que nous utilisons quotidiennement sont pour la plupart issus de l’activité de production de l’être humain et en ce sens peuvent être appelés « produits ». Tout produit connaît plusieurs états à partir du moment où il est souhaité, imaginé, jusqu’au moment où il est détruit voire recyclé. L’ensemble de ces phases est appelé le « cycle de vie d’un produit » (Figure 1). D’après la norme ISO 15226:99, il est défini comme étant le temps écoulé entre l’élaboration du concept même du produit et sa mise au rebut. Une décomposition possible de ce cycle est représentée sur la Figure 1. Cette décomposition fait apparaître 6 phases [Alting 1993] :
– la définition du besoin du produit
– la conception et le développement du produit
– la production
– la distribution
– l’utilisation
– la mise au rebut, le recyclage .
Chacune de ces phases entretient des relations avec un ensemble de paramètres touchant à la protection environnementale, les conditions de travail, l’optimisation des ressources, les coûts, la politique de l’entreprise, les caractéristiques du produit et les caractéristiques des processus et moyens de fabrication. Il est important de noter que comme le montre la Figure 1, toutes les phases ont une influence et sont influencées par ces différents paramètres. Ainsi, par l’intermédiaire de ces paramètres, chacune des phases du cycle de vie d’un produit a une influence sur les autres. L’étude et la prise en charge de ces relations afin de permettre une meilleure visibilité des impacts et des contraintes entre les phases constitue le cadre général de cette thèse.
Le positionnement des travaux de thèse par rapport à cette représentation du cycle de vie d’un produit va toucher les trois étapes que sont : la définition du besoin, la conception du produit, et la production du produit (Figure 1). D’autre part, les paramètres considérés se limiteront aux caractéristiques du produit ainsi qu’aux caractéristiques des processus et moyens de fabrication.
Forge, Intégration et Connaissances
La finalité de ce chapitre est de donner d’une part une description du domaine de la forge et d’autre part un état des réflexions, méthodes et techniques existantes en matière d’intégration produit/processus de fabrication. Un exposé des différentes démarches de gestion de la connaissance pouvant servir de support à cette intégration sera également présenté. A l’issue de ce chapitre, les besoins du domaine de la forge seront identifiés, ainsi que le cadre et les approches qui serviront de base à nos développements.
Les métiers de la forge
Afin de définir le champ d’application de l’étude, un aperçu général des techniques de la forge est donné d’après [ASM 2005]. Les contraintes et les évolutions du métier seront ensuite examinées afin de pouvoir en tenir compte lors de nos développements. Une définition de la forge (en anglais Metalworking ou Forging) que nous retenons est la suivante [ASM 2005] : La forge consiste en des procédés de déformation plastique dans lesquels un lopin de métal est mis en forme par l’intermédiaire d’outils ou de matrices (appelées aussi empreintes). La mise en œuvre de tels procédés dépend de nombreuses caractéristiques telles que : les spécifications de la pièce finale (caractéristiques géométriques, métallurgiques, logistiques), les caractéristiques des machines utilisées, des outillages et les conditions opératoires. Etant donnée la complexité des diverses opérations de forge, un grand nombre de modèles analytiques, physiques ou numériques ont été développés afin d’aider les acteurs prenant part à cette mise en œuvre. Cependant les choix effectués aussi bien pour la conception d’une pièce forgée que pour la conception d’un processus de fabrication de forge s’appuient encore essentiellement sur le savoir-faire métier.
Procédés de forge
Il est possible de distinguer quatre principaux procédés de forgeage (voir Figure 3) utilisés actuellement dans l’industrie et que nous allons détailler :
– le forgeage libre
– le forgeage à chaud
– le forgeage à mi-chaud
– le forgeage à froid (extrusion) .
Le forgeage libre
La forge libre se fait à chaud, c’est-à-dire vers une température égale à 0,7*TL avec TL la température du liquidus (température pour laquelle le matériau devient totalement liquide). Ce procédé peut s’appliquer à tous les métaux, ferreux ou non. En général réservé aux très petites séries ou aux pièces de dimensions importantes, ce procédé peut être mis en œuvre à l’aide d’outillages standards, simples et peu coûteux mais en contrepartie il nécessite une main d’œuvre extrêmement qualifiée. Les formes qui sont réalisées par ce procédé restent simples. Les pièces en résultant sont ensuite éventuellement reprises par usinage ou bien par un autre procédé de forge.
Le forgeage à chaud
A l’instar de la forge libre, la forge à chaud s’effectue à une température d’environ 0,7*TL. Il est possible de faire une distinction entre deux types de forgeage à chaud : ceux qui utilisent une empreinte (ou matrice), et ceux qui n’en utilisent pas. Les procédés de forge à chaud sans empreinte sont :
– Le refoulement : il s’agit d’un écrasage sur un bout du lopin, afin d’obtenir une tête ou un plateau.
– L’étirage : consiste en une répartition de la matière en diminuant la section du lopin.
– Le cambrage : procédé qui vise à donner une forme cambrée à la pièce.
Les procédés de forge à chaud sans empreinte sont à rapprocher de la forge libre : ils s’appliquent à tous les métaux, les outillages sont généralement simples tout comme les formes réalisées. Cependant, ces opérations sans empreintes peuvent s’appliquer à des séries relativement importantes et la main d’œuvre ne nécessite pas de qualification élevée. Les pièces réalisées par ce type de procédé doivent cependant être de petite et moyenne dimensions. Les procédés de forge à chaud utilisant une empreinte sont :
– L’estampage : l’estampage consiste à presser de la matière entre deux matrices de façon à ce que la matière épouse la forme des matrices. Le terme estampage est utilisé lorsque la matière est de l’acier. Ce procédé induit des pertes par bavure : le métal emprisonné entre les deux matrices qui se rapprochent l’une de l’autre subit de leur part une contrainte qui l’oblige à s’écouler latéralement, mais l’écoulement latéral est freiné par le passage de la matière entre les faces des matrices à la sortie de la gravure. La partie du métal qui s’échappe hors de la gravure se nomme bavure [Chamouard 1970].
– Le matriçage : similaire à l’estampage, on utilise le terme matriçage pour indiquer que la matière mise en œuvre est un alliage autre que l’acier. Il s’agit le plus souvent d’alliages de cuivre ou d’aluminium.
– L’estampage en matrices fermées : procédé similaire à l’estampage qui permet d’éliminer les pertes par bavure. La quantité de matière utilisée doit être correctement dimensionnée afin qu’elle n’excède ni ne fasse défaut (risques de rupture de l’outillage ou bien de pièce incorrecte). Les procédés de forge à chaud avec empreinte peuvent s’appliquer eux aussi à des séries importantes et la main d’œuvre ne nécessite pas non plus de qualification élevée. Les pièces doivent être également de petite et moyenne dimensions. Cependant, ces dernières peuvent posséder des formes relativement complexes induisant en contrepartie un coût important affecté à l’outillage.
Le forgeage à mi-chaud
Le forgeage à mi-chaud permet d’obtenir un aspect et des tolérances améliorés. Il est particulièrement dédié aux alliages ferreux qui ne peuvent être forgés à froid (car nécessitant des efforts trop importants pour être forgés à froid). Ce procédé de forge est adapté aux grandes séries. La température de travail se situe entre 0,3*TL et 0,7*TL ce qui rend les efforts plus importants que dans le cas de la forge à chaud et limite ainsi les géométries possibles. L’outillage doit être très résistant et est donc relativement coûteux.
Le forgeage à froid (extrusion)
Le forgeage à froid (nommé aussi extrusion) se fait à une température inférieure à 0,3*TL. Il consiste essentiellement à obliger un lopin enfermé dans un container et comprimé par un poinçon, à passer totalement ou partiellement dans une filière. Le principal problème lié à ce procédé est le grippage qui peut être résolu à l’aide d’une préparation de la surface par phosphatation. L’extrusion concerne principalement les aciers à bas pourcentage de carbone, les aciers faiblement alliés ainsi que les alliages légers. Il est important de noter qu’à volume de pièce égal, l’extrusion nécessite cinq à dix fois plus d’effort qu’un autre procédé de forge. De plus, les outillages, conçus pour résister à de très grandes pressions, sont souvent complexes et onéreux. Ainsi ce procédé ne peut être économiquement intéressant que si les séries sont importantes. Une pièce extrudée possède des caractéristiques mécaniques et géométriques avantageuses. De plus, les tolérances obtenues permettent souvent de réduire ou même de supprimer les opérations d’usinage (procédé de forge net shape).
Engins de forge
Il est possible de distinguer deux types d’engins de forgeage : les engins de choc et les presses.
Les engins de choc
Les engins de choc travaillent avec une vitesse d’impact supérieure à 1m/s, ils utilisent une masse tombante soit en chute libre (mouton), le plus souvent propulsée (marteau-pilon).
Les presses
Les engins travaillant par pression ont une vitesse d’impact inférieure à 1 m/s. Deux principaux types de presses peuvent être distingués :
– Les presses hydrauliques qui possèdent une course utile importante, une vitesse de déplacement du coulisseau constante, qui sont facilement réglables et ont une puissance élevée. En revanche, les temps de cycles sont relativement élevés ce qui nuit à la productivité. De plus le contact avec la matière se trouve prolongé et les outillages s’usent ainsi plus rapidement, en particulier lors du travail à chaud.
– Les presses mécaniques présentent un temps de cycle relativement faible et donc une productivité importante. Cependant la cinématique des mécanismes actionnant le coulisseau ne rend pas les réglages aisés.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : Forge, Intégration et Connaissances
1.1 Les métiers de la forge
1.1.1 Procédés de forge
1.1.2 Engins de forge
1.1.3 La conception de pièces forgées
1.1.4 La conception du processus de fabrication
1.1.5 Evolution du métier
1.1.6 Spécificités de la forge
1.1.7 Choix dus aux spécificités de la forge
1.2 Intégrer : gérer le lien entre produit et processus de fabrication
1.2.1 Choix des procédés
1.2.2 Conception pour la fabrication
1.2.3 Conclusion sur la gestion des liens entre produit et processus de fabrication
1.3 Représentation et exploitation des connaissances appliquées à l’intégration
1.3.1 Connaissance
1.3.2 Système expert
1.3.3 Ontologie
1.3.4 Raisonnement à partir de cas
1.3.5 Technologie de groupe
1.3.6 Approche par propagation de contraintes
1.3.7 Synthèse sur les différentes approches présentées
1.4 L’intégration appliquée au domaine de la forge
1.5 Conclusion
Chapitre 2 : Démarche IP3FR (Intégration Produit – Procédés – Processus de Fabrication – Ressources)
2.1 Définitions préalables
2.2 Objectif de la démarche IP3FR
2.2.1 Point de vue Fabrication
2.2.2 Point de vue Conception
2.3 Principe de la démarche
2.4 Description détaillée de la démarche IP3FR
2.4.1 Positionnement
2.4.2 Déroulement
2.4.3 Outils d’évaluation
2.5 Critique de la démarche
2.6 Illustration de la démarche
2.7 Conclusion
Chapitre 3 : Formalisation et exploitation des connaissances, application au domaine de la forge
3.1 Objectifs de la formalisation des connaissances
3.2 Objet de la formalisation (que faut-il formaliser ?)
3.3 Application des approches de gestion des connaissances
3.3.1 Application
3.3.2 Critiques des applications présentées
3.4 1ère proposition de formalisation : formalisation associée à une exploitation de type multi
classification
3.4.1 Description de la formalisation
3.4.2 Conclusion sur la première proposition de formalisation
3.5 2ème proposition de formalisation : Schéma de processus de fabrication
3.5.1 Construction des schémas de processus de fabrication
3.5.2 Exploitation d’un schéma de processus de fabrication
3.5.3 Conclusion sur la seconde proposition de formalisation
3.6 Entretiens avec des experts
3.7 Conclusion
Chapitre 4 : Développement d’un démonstrateur pour le support de la démarche
4.1 Implémentation de la première formalisation : ontologie et multi-classification
4.1.1 Développement d’une ontologie OWL
4.1.2 Structure de l’ontologie développée
4.1.3 Utilisation manuelle avec l’éditeur Protégé
4.1.4 Automatisation : développement d’un programme associé à l’éditeur Protégé
4.1.5 Conclusion sur l’implémentation de la première formalisation
4.2 Implémentation de la seconde formalisation : Schéma de processus de fabrication
4.2.1 Spécification des paramètres de description d’une pièce
4.2.2 Définition des schémas de processus de fabrication
4.2.3 Définition des pièces à étudier
4.2.4 Raisonnements sur les schémas à partir d’une pièce à étudier
4.2.5 Conclusion sur l’implémentation de la seconde formalisation
4.3 Utilisation de l’application IP3FRTool et évolutions envisagées
4.3.1 Remarques sur le développement de l’application
4.3.2 Interfaces de l’application
4.3.3 Positionnement au niveau de la démarche
4.3.4 Evolutions envisagées
4.4 Exemple d’étude
4.5 Conclusion
Conclusion générale
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