Généralités
Les exigences fortes des consommateurs en matière d’alimentation portent sur la qualité nutritionnelle des produits et sur l’absence de risque pour leur santé. Or il arrive que les aliments soient contaminés au cours de leur production ou de leur transformation par des substances potentiellement dangereuses pour la santé, résultant des activités anthropiques (e.g. pesticides, métaux lourds). Si les consommateurs sont globalement sensibilisés à cette problématique, il n’en va pas toujours de même pour les contaminants d’origine naturelle. En effet, de nombreux micro-organismes, mais également certaines plantes supérieures, peuvent produire des substances qui représentent un danger potentiel pour le consommateur. Ainsi, les mycotoxines et les toxines bactériennes, tout comme les phycotoxines et les cyanotoxines font partie de ces substances naturelles pouvant contaminer les aliments. Il faut toutefois noter que de nombreuses molécules d’origine naturelle et marine en particulier font l’objet de recherches afin de tester leur pouvoir bénéfique pour la santé humaine (Mayer et Hamann, 2005).
Ces toxines contaminant les aliments ont plusieurs points communs : (i) elles présentent une grande diversité du point de vue de leur structure chimique et de leurs effets et (ii) elles ont une incidence économique importante puisque du fait du caractère non prédictible de leur présence, elles doivent faire l’objet d’une surveillance systématique dans les aliments concernés.
Diversité des principales toxines phytoplanctoniques
La diversité des toxines phytoplanctoniques sera ici abordée en fonction de leurs structures, de leurs voies de biosynthèse et de leurs cibles biologiques mais sans distinguer les organismes producteurs, cyanobactéries, dinoflagellés et diatomées.
Diversité chimique des toxines phytoplanctoniques
Les cyanotoxines et les phycotoxines présentent des structures chimiques très diverses qui peuvent être des :
– alcaloïdes hydrosolubles (saxitoxines et anatoxine-a),
– peptides cycliques (microcystines et nodularines),
– analogues d’acides aminés (acide domoïque),
– imines cycliques (e.g. spirolides, gymnodimines, prorocentrolides),
– molécules polyhydroxylées complexes (palytoxine et analogues),
– polyéthers liposolubles (acide okadaïque et dinophysistoxines, azaspiracides, brévétoxines, ciguatoxines, pecténotoxines).
Bien que moins nombreuses que les métabolites secondaires de bactéries, les toxines de dinoflagellés n’ont pas d’équivalent en terme de complexité structurale (Rein et Borrone, 1999). Ainsi, les seules molécules d’origine naturelle possédant entre cinq et neuf cycles contigus sont les brévétoxines et les ciguatoxines produites respectivement par Karenia spp. et Gambierdiscus spp.
Voies de biosynthèse des toxines phytoplanctoniques
La diversité des structures chimiques des phyco- et cyanotoxines résulte de voies de biosynthèse complexes. Pour certaines toxines, les précurseurs chimiques et les gènes impliqués dans la biosynthèse ont été recherchés de façon approfondie (e.g. Méjean et al. (2009a) pour l’anatoxine-a et l’homoanatoxine-a ; Kellmann et al. (2008) pour les saxitoxines). La connaissance des gènes impliqués dans les voies de biosynthèse des toxines rend possible le développement de sondes moléculaires spécifiques qui peuvent être utilisées pour détecter les organismes toxiques dans l’environnement (Pearson et Neilan, 2008). Mais le fait que certaines cultures de microalgues ne puissent pas être axénisées, qu’elles puissent avoir des taux de croissance relativement faibles ou bien que la production de toxines soit limitée en quantité, ont largement contribué à freiner les avancées dans ce domaine. Toutefois, des expériences d’ajout de précurseurs comportant des isotopes radioactifs stables au milieu de culture des microalgues, couplées à des analyses en résonance magnétique nucléaire et en spectrométrie de masse, ont permis d’élucider les précurseurs de la biosynthèse de certaines toxines (e.g. Rein et Snyder, 2006). Par ailleurs, les apports récents des techniques de biologie moléculaire ont contribué à identifier certains composés impliqués dans la voie de biosynthèse des toxines.
Voies de biosynthèse des polykétides marins
La majorité des toxines de dinoflagellés sont des polykétides, c’est-à-dire des métabolites secondaires résultant de la condensation itérative (condensation de Claisen) de sous-unités acétyle et malonyle catalysées par des enzymes spécialisées : les polykétides synthases (PKS) (Rein et Snyder, 2006 ; Kalaitzis et al., 2009). Les PKS sont des complexes enzymatiques de grande taille arrangés en modules. Chaque module de PKS contient plusieurs domaines ayant chacun des fonctions définies de démarrage, d’élongation ou de terminaison. La diversité structurale des polykétides de dinoflagellés s’explique notamment par le fait que les PKS utilisent un grand nombre de substrats différents (acétate, malonate, propionate, butyrate, etc.) et que des modifications peuvent survenir après élongation du squelette carboné (Rein et Borrone, 1999). A l’heure actuelle, les gènes codant pour les PKS n’ont été que peu caractérisés en raison notamment de l’extrême complexité du génome des dinoflagellés (Kalaitzis et al., 2009).
Voies de biosynthèse non ribosomale des cyanotoxines
L’essentiel des métabolites secondaires toxiques produits par les cyanobactéries trouve son origine dans des voies de synthèse non-ribosomales (Welker et von Döhren, 2006). Ils sont produits à travers l’activité biochimique de complexes multi-enzymatiques de grande taille arrangés en structures modulaires et composés de NRPS (peptide synthétase non ribosomale) ou NRPS/PKS (Welker et von Döhren, 2006). Chaque étape de la biosynthèse requiert l’activité d’un module du complexe. Chaque module est composé de plusieurs domaines et contient au minimum (i) un domaine d’adénylation pour l’activation des acides aminés, (ii) un domaine de thiolation pour le transfert des formes intermédiaires du peptide formé et (iii) un domaine de condensation. Une diversité d’autres domaines a également été décrite (pour revue : Moffit et Neilan (2000) ; Welker et von Döhren (2006)). Les peptides produits sont de petite taille et peuvent présenter des groupements acyle, glycosyle, méthyle (Moffit et Neilan, 2000). Les peptides issus de ce mode de synthèse peuvent présenter des acides aminés atypiques absents des protéines conventionnelles. Ces particularités sont à l’origine de la diversité des molécules produites par ces voies de biosynthèse. Récemment, le cluster de gènes impliqués dans la synthèse des saxitoxines a été mis en évidence chez la cyanobactérie Cylindrospermopsis raciborskii productrice de saxitoxines. Ce cluster compte environ 35000 paires de bases et code pour 26 protéines impliquées dans la biosynthèse des saxitoxines (Kellmann et al., 2008 ; Moustafa et al., 2009).
Diversité des cibles biologiques et des effets des toxines
A la diversité des structures chimiques s’ajoute la diversité des cibles biologiques et des effets des toxines à différentes échelles, depuis l’échelle cellulaire jusqu’aux effets toxiques chez l’homme. Une attention particulière sera portée aux effets des toxines sur les modèles cellulaires.
Toxines aux cibles biologiques connues
Toxines agissant sur des récepteurs membranaires
De façon globale, les toxines phytoplanctoniques agissant sur des récepteurs membranaires produisent des symptômes majeurs de type neurotoxique. Toutefois, il faut considérer l’exception des ciguatoxines, à l’origine de la ciguatera plus communément connue sous le nom de « maladie de la gratte » qui regroupe des symptômes de type neurologiques, cutanés et gastro-intestinaux.
Récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine
Deux familles de neurotoxines agissent sur les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine : les anatoxines et les gymnodimines. Une autre famille, les spirolides, est également supposée agir sur ces récepteurs.
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Table des matières
INTRODUCTION
Avant-propos
Chapitre 1 Etat des connaissances
I. Généralités
II. Diversité des principales toxines phytoplanctoniques
II.1. Diversité chimique des toxines phytoplanctoniques
II.2. Voies de biosynthèse des toxines phytoplanctoniques
II.2.1. Voies de biosynthèse des polykétides marins
II.2.2. Voies de biosynthèse non ribosomale des cyanotoxines
II.3. Diversité des cibles biologiques et des effets des toxines
II.3.1. Toxines aux cibles biologiques connues
II.3.2. Toxines dont la cible moléculaire n’est pas connue
III. Impacts environnementaux et sanitaires des efflorescences phytoplanctoniques toxiques
III.1. Efflorescences, biodiversité et réseau trophique
III.1.1. Efflorescences et facteurs de contrôle
III.1.2. Impacts environnementaux des efflorescences
III.1.3. Impacts des toxines sur les écosystèmes
III.2. Risques pour la santé humaine et animale et conséquences économiques
III.2.1. Risques liés à la contamination directe
III.2.2. Risques liés à la bioaccumulation des toxines
IV. Réglementation européenne et/ou française et méthodes d’analyse
IV.1. Recommandations liées aux cyanobactéries : le cas de la France
IV.2. Réglementation et méthodes officielles d’analyse pour les toxines d’origine marine
IV.2.1. Aspects réglementaires relatifs aux phycotoxines
IV.2.2. Méthodes d’analyses
Contexte et objectifs
Chapitre 2 Contribution à l’évaluation du risque lié à la présence de saxitoxines par un test sur lignée cellulaire
Chapitre 3 Caractérisation du modèle expérimental Neuro-2a en réponse à l’exposition aux palytoxines
Chapitre 4 Investigations des effets toxiques à l’échelle cellulaire du 13- desméthyle-C spirolide
I. Revue bibliographique
I.1. Généralités
I.2. Organismes producteurs et répartition mondiale
I.3. Relation structure / toxicité
I.4. Aspects toxicologiques chez l’animal
I.5. Une action au niveau des récepteurs nicotiniques et/ou muscariniques ?
I.5.1. Les récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine
I.5.2. Les récepteurs muscariniques à l’acétylcholine
I.6. Aspects réglementaires et méthodes de détection
II. Questions
III. Matériel et méthodes
III.1. Les lignées cellulaires
III.1.1. La lignée de neuroblastomes Neuro-2a
III.1.2. La lignée M1WT3
III.2. Tests utilisés
III.2.1. Le test de cytotoxicité au MTT
III.2.2. Le test de cytotoxicité avec l’Alamar Blue
III.2.3. Mesure du taux de glutathion réduit intracellulaire avec un marqueur fluorescent : le dibromobimane
III.2.4. Evaluation de la baisse du potentiel de membrane mitochondriale sur la lignée de neuroblastomes Neuro-2a
III.2.5. Effet du SPX-dC sur la fragmentation des acides nucléiques des cellules Neuro-2a
IV. Résultats
IV.1. Effet du 13-desméthyle-C spirolide (SPX-dC) sur la viabilité des lignées cellulaires
Neuro-2a et M1WT3
IV.1.1. Evaluation de la cytotoxicité du SPX-dC avec le test au MTT sur les lignées
cellulaires Neuro-2a et M1WT3
IV.1.2. Evaluation de la cytotoxicité du SPX-dC avec l’Alamar Blue sur la lignée cellulaire Neuro-2a
IV.2. Effets d’antagonistes ou d’agonistes des récepteurs muscariniques et du SPX-dC sur la survie des cellules Neuro-2a évaluée avec le test au MTT
IV.3. Effets du SPX-dC sur le taux de glutathion réduit de la lignée Neuro-2a
IV.3.1. Evaluation de la cytotoxicité de la BSO et de la tBHQ par le test au MTT sur la
lignée Neuro-2a
IV.3.2. Evaluation de l’effet de la BSO et de la tBHQ sur le taux de GSH
IV.3.3. Evaluation de l’effet du SPX-dC et de l’OA sur le taux de GSH des cellules Neuro2a
IV.4. Effets du SPX-dC et de l’OA sur les changements de potentiel de membrane mitochondriale sur la lignée Neuro-2a
IV.5. Effet du SPX-dC et de l’OA sur la fragmentation des acides nucléiques sur la
lignée Neuro-2a
V. Discussion
Chapitre 5 Discussion générale et perspectives
Références bibliographiques
Annexes
CONCLUSION
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