Contribution à l’évaluation de la prescription et l’utilisation des benzodiazepines

Les benzodiazépines encore appelés «les pilules de bonheur » sont les psychotropes les plus prescrits dans le monde entier où elles figurent encore à ce jour sur une majorité d’ordonnances. Leur succès s’explique par leur simplicité d’emploi, leur efficacité et le faible risque léthal en cas d’abus suicidaire .Néanmoins, les indications les plus pertinentes des BZD ainsi que les modalités de surveillance et d’arrêt de traitement ne sont pas toujours bien connues, amenant parfois à des renouvellements systématiques des BZD initialement prescrites. Cette large utilisation entraîne malheureusement une pharmacodépendance. Pour mieux connaître les réalités de cette consommation massive, l’étude des prescriptions délivrées dans les pharmacies d’officine constitue une approche intéressante. Nous avons ainsi entrepris ce travail sur la prescription et l’utilisation des BZD dans la ville de Fès dans le but de faire l’état des lieux et de proposer éventuellement des recommandations pour une situation rationnelle de ces médicaments. Mais avant de parler et de discuter les résultats de notre travail personnel qui consiste en une enquête prospective auprès des maladesrecevant des BZD, nous ferons un rappel bibliographique sur ces médicaments.

ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE SUR LES BENZODIAZEPINES 

Les benzodiazépines forment une famille homogène du fait de leur étroite parenté structurale qui pourrait expliquer leur propriétés thérapeutiques communes. Il est important de définir ces produits avant de retracer leur histoire, puis de faire une classification selon leur structure chimique, l’étude de la relation structure activité et de terminer par leur étude pharmacologique.

DEFINITION

– Les benzodiazépines qui ont vu le jour en 1957, appartient à la classe des anxiolytiques ou tranquillisants mineures qui se fixent sur les récepteurs spécifiques (récepteurs benzodiazépines) et facilitent la transmission gabaergique. Ce sont des agents psycholeptiques qui ne sont ni des neuroleptiques, ni des hypnotiques ayant une action directe sur le sommeil. Ils ont en commun des propriétés anxiolytiques, sédatives, anticonvulsivantes, myorelaxantes et amnésiantes .

HISTORIQUES

– Le bromure et le chloral représentent les premières molécules utilisées à visée anxiolytique. En 1954, Berger décrit les propriétés de méprobamate (equanilR), synthétisé en 1950, en insistant notamment sur ses effets tranquillisants. Il est initialement prescrit pour les états de tension et d’anxiété des névrosés, sur la tension prémenstruelle, les vomissements de la grossesse et dans le but d’une myorelaxation (21).

Quelques années plus tard, Sternbach met en évidence chez la souris les effets sédatifs, hypnotiques et antistrychniques du chlordiazépoxide (LibriumR) molécule dérivant des benzoxidiazépines isolées dès 1935 et commercialisés en 1960. Son effet, proche des carbamates mais ayant plus de spécificités, permet de définir une nouvelle classe de tranquillisants : les benzodiazépines (21).

– La synthèse de nombreux analogues a permis des études de structure activité et de reconnaître que la structure chimique nécessaire et suffisante pour avoir une activité pharmacologique est le noyau 1,4 – benzodiazépine avec un chlore en position 7 et un groupe phényl en position 5.

Tous les produits réalisés sur ce modèle ont des propriétés comparables en qualité mais ils se différencient par leur intensité. Les recherches sur les benzodiazépines se poursuivent intensivement dans les laboratoires Roche et parmi les dérivés synthétisés, le diazépam (Valium R) apparut sur le marché en 1964, le Nitrazépam (Mogadon R) en 1966, le bromazépam (LexomilR) en 1974, le clomazépam (RivotrilR) en 1975 et le Flunitrazepam ( RohypnolR) en 1976.

D’autres laboratoires investirent également cette voie de recherche, notamment les laboratoires :

→ WYETH : avec la commercialisation de :
• Oxazépam ( Seresta R) en 1966
• Lorazépam ( Temesta R) en 1971
→ CLIN – MIDY : avec la commercialisation de
• Clorazepate ( Tranxène R) en 1971
→ UPJOHN : avec la commercialisation de :
• Triazolam (Halcion R) en 1977
• Alprazolam ( Xanax R) en 1982

La classe thérapeutique des benzodiazépines est en perpétuelle évolution, de nouvelles molécules dont les imidazopyridines, arrivent régulièrement sur le marché, ayant des spécificités toujours plus grandes pour les récepteurs oméga qui provoquent l’anxiolyse, sans générer d’effets dits indésirables. Ces molécules de deuxième génération se proposent comme des tranquillisants non benzodiazépiniques. Les études réalisées à l’heure actuelle ne permettent pourtant pas encore de savoir si l’on peut distinguer de manière formelle des benzodiazépines.
– Quoi qu’il en soit, les BZD représentent actuellement la classe d’anxiolytiques la plus prescrites dans le monde. Elles possèdent des caractéristiques biologiques qui doivent être connues par les prescripteurs pour en optimiser l’usage .

RELATIONS STRUCTURE – ACTIVITE 

Le terme «azépine» désigne un cycle ayant sept sommets dont deux sont occupés par un atome d’azote ( d’où «di-az», deux azotes). Selon leur position, il sera possible de distinguer trois groupes de benzodiazépines  :
– les 1,4-BZD , réalisant la structure la plus courante tel le clorazépate (Tranxéne) ;
– les 1,5-BZD (exemple : le clobazam) ;
– les 3,4-BZD  .

Le terme «benzo», quant a lui, désigne le cycle aromatique benzénique gréffé sur le cycle azépine. Il n’est pas indispensable à l’activité : ainsi, un cycle aromatique type thiophène la préserve parfaitement (exemple : clotiazépam, vératran). D’importantes modifications structurales peuvent être tolérées modulant l’activité pharmacologique des divers dérivés.

Substitutions affectant le cycle benzénique 

L’absence de substitution ou une substitution sur les positions 6,8 ou 9 du cycle diminuent considérablement l’activité. Tous les produits commercialisés sont substitués sur le carbone 7, l’électronégativité de ce substituant croissant avec l’activité de la molécule. Un radical nitro (-NO2) augmente considérablement l’activité de la molécule (effet hypnotique à faible dose : nitrazépam), alors qu’un atome de chlore ou de brome induit une activité moins importante. La molécule est alors seulement anxiolytique aux doses thérapeutiques (7).

Substitutions affectant le cycle diazépine 

• Substitutions sur l’azote 1 : l’alkylation, non constante, accroît l’activité dans la mesure où l’encombrement stérique n’est pas important (méthyle, éthyle, cyclopropyle).
• Substitutions sur le carbone 2 : elles sont variables et non obligatoires : le chlordiazépoxyde porte un reste methylamino et les benzodiazépines les plus anciennes un reste carboxylique.
• Substitutions sur la position 3 : généralement non substituée, cette position peut néanmoins être hydroxylée (rendue porteuse d’une fonction alcool OH : oxazépam, lorazépam, témazépam), carboxylée (rendue porteuse d’un reste acide organique-COOH) et alors salifiée (chlorazépate salifié en sels de potassium : chlorazépate dipotassique) ou estérifiée (loflazépate d’ethyle).
• Liaison éthylénique 4-5 : c’est une liaison insaturée entre deux carbones. Sa réduction induit une importante diminution de l’activité.
• Adjonction d’un hétérocycle supplémentaire : cette cyclisation implique obligatoirement l’un des deux azotes. Le cycle ajouté est de type triazole ou imidazole. Les structures ainsi obtenues présentent des analogies stériques avec des bases puriques (hypoxanthine, inosine) expliquant certaines nuances d’effets.
• Substitutions sur la position en 5 : cette position porte un cycle benzénique ou un cycle isostère au benzène indispensable à l’activité. Ce cycle peut lui-même porter en position ortho un atome d’halogéne augmentant la puissance de la molécule (chlore dans le cas du lorazépam, fluor dans celui d’un hypnotique, le flunitrazépam).

MECANISME D’ACTION DES BZD 

Les benzodiazépines possèdent des propriétés pharmacodynamiques très homogènes, une telle similitude d’action a conduit à la découverte d’une activité neurobiochimique commune. Ainsi s’est dégagée la notion de site acceptateur aux benzodiazépines selon le même mode de pensée qui avait permis de découvrir les récepteurs aux morphiniques (10). La plupart des BZD exercent leur action pharmacologique en agissant sur les récepteurs centraux couplés au système Gabaergique.

Récepteurs des benzodiazépines 

mise en évidence des récepteurs
En 1977, grâce à l’utilisation de diazépam marqué par le tritium, MOHLER et OKADA en suisse (18,38) et BRAESTRUP et SQUIRES au Danemark (18,51) mettent en évidence la fixation préférentielle des benzodiazépines sur des sites spécifiques membranaires des neurones couplés aux récepteurs gamma-aminobutyriques (GABAA) .

Paradoxalement, l’utilisation de tissus périphériques comme témoins négatifs de liaison spécifique du diazépam sur des sites externes au SNC a permis la découverte d’un second type de récepteur aux benzodiazépines non couplé au récepteur GABAA dite PBR : récepteurs périphériques des BZD,définissent ainsi les deux classes de sites de liaison dits centraux et périphériques chez l’homme (32). La mise en évidence de deux sites distincts de fixation de BZD suggère l’existence de différents mécanismes d’action. Les propriétés permettant de distinguer les deux types de récepteurs des BZD sont résumées .

Distribution des récepteurs

⇒ au niveau central
– La localisation neuronale des récepteurs aux BZD dans le cerveau est confirmée par plusieurs résultats :
* leur nombre est réduit chez l’animal soumis à l’administration de l’acide Kaîmique ( substance neurotoxique induisant des lésions neuronales ( 13,50).
* la concentration des récepteurs aux BZD est diminuée chez l’homme par la chorée de Huntington (maladie de dégénérescence des neurones du cervelet) (50).
– Les Récepteurs se répartissent au sein du SNC avec des variations de densité suivant la région considérée. En effet MÖHLER et OKADAT (37,38) ainsi que YOUMG et KUHAR (57) ont montré l’absence totale de récepteurs dans la substance blanche sous corticale et une prédominance des récepteurs dans le cortex cérébral et plus particulièrement dans le cortex frontal, le cervelet, le système lymbique, les noyaux gris centraux et dans le tronc cérébral .

⇒ au niveau périphérique :
– Les PBR ont été initialement découverts dans tous les tissus périphériques, et ont également été mis en évidence au niveau des cellules gliales du système nerveux.
– Les études pionnières de liaison, fondées sur l’utilisation de ligands radiomarqués sur des coupes de tissus, ont montré que les PBR sont localisés au niveau de la membrane externe des mitochondries (2). Leur taux d’expression varie largement, les tissus glandulaires (glandes surrénales, l’epithelium nasal et les testicules) et endocrines sont particulièrement riches en PBR. Mais leur répartition tissulaire n’est pas homogène. Ainsi, dans la glande surrénale, les PBR sont absents dans la medulla, et très abondants au niveau du tube contourné distal et de la branche ascendante de l’anse de Henlé .

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE SUR LES BENZODIAZEPINES
I- DEFINITION
II- HISTORIQUE
III- RELATION STRUCTURE-ACTIVITE
3-1- Substitutions affectant le cycle benzénique
3-2- Substitutions affectant le cycle diazépinique
IV) MECANISME D’ACTION DES BZD
4-1 Récepteurs des benzodiazépines
4-1-1 Mise en évidence des récepteurs
4-1-2 Distribution des récepteurs
4-2 Interaction entre le récepteur aux BZD et différents systèmes neuronaux
4-2-1 L’acide gamma-aminobutyrique (GABA)
4-2-1-1 La synthèse et la dégradation du GABA
4-2-1-2 Les récepteurs GABAergiques
4-2-1-3 Fonctionnement de la synapse gabaergique
4-2-1-4 Potentialisation de l’action du GABA par les BZD
4-3 Les ligands des récepteurs à benzodiazépines
4-3-1 Recherche de ligands endogènes
4-3-2 Classification pharmacologique de ligands des récepteurs aux benzodiazépines
4-3-2-1 Les agonistes complets non spécifiques du récepteur central à BZD
4-3-2-2 les agonistes complets spécifiques du récepteur central à BZD
4-3-2-3 Les agonistes partiels non spécifiques du récepteur central à BZD
4-3-2-4 Les agonistes partiels spécifiques du récepteur central à BZD
4-3-2-5 Les agonistes inverses partiels du récepteur central à BZD
4-3-2-6 Les agonistes du récepteurs périphérique à BZD (Récepteur MDRC)
4-3-2-7 Les antagonistes du récepteur central à BZD
V) PHARMACODYNAMIE DES BZD
5-1 L’action anxiolytique
5-2 L’action sédative
5-3) L’effet Hypnotique
5-4) L’action myorelaxante
5-5) L’action anticonvulsivante
5-6) L’effet amnésiant
5-7) L’effet oréxigène
VI) CARACTERISTIQUES PHARMACOCINETIQUES DES BENZODIAZEPINES
6-1) Résorption
6-2) Distribution
6-3) Métabolisme
6-4) Elimination
6-5) Autres cause de variation des paramètres pharmacocinétiques.
VII ) INDICATIONS THERAPEUTIQUES DES BZD
7-1 L’anxiété
7-2 Les troubles du sommeil
7-3 Epilepsie
7-4 Indications due aux propriétés myorelaxantes
VIII) EFFETS SECONDAIRES ET CONTRE-INDICATIONS DES BZD
8-1 Effets secondaires
8-1-1 Effets secondaires liés aux propriétés thérapeutiques
8-1-2 Effets secondaires somatiques
8-1-2-1- Effets susceptibles d’avoir une incidence clinique
8-1-2-2- Effets rares ou mineurs
8-1-3 Le sevrage et la soumission chimique
8-2 Contre-Indications des benzodiazépines
8-2-1 Contre-Indications absolues
8-2-2-Contre-Indications relatives
IX- PRECAUTIONS D’EMPLOI ET INTERACTIONS MEDICAMENTEUSES DES BZD
9-1 Précautions d’emploi
9-2 Interactions médicamenteuses
X) PRESCRIPTIONS DES BENZODIAZEPINES
10-1 Détermination de la posologie optimale
10-2 Détermination de la fréquence des prises
10-3 Détermination de la durée de prescription
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
I- MATERIEL ET METHODES
1-1 Présentation de la zone d’étude
1-1-1- Relief
1-1-2- Découpage administratif
1-1-3- Le réseau routier
1-1-4- Les Principales ressources de la région
1-1-5- Population
1-1-6- Situation sanitaire
1-1-7- Personnel de santé
1-1-7-1-Personnel médical
1-1-7-2- Personnel Infirmier
1-1-7-3- Personnel de Service
1-2 Méthode d’étude
II- RESULTATS
1-DONNEES SUR LA POPULATION ETUDIEE
1-1 Sexe
1-2 Age
1-3 Statut marital
1-4 Statut professionnel
2- DIFFERENTS TYPES DE PRESCRIPTEURS
3-DUREE DE LA CONSOMMATION DES BZD
4-ACCESSIBILITE FINANCIERE DES BZD
5-ACCESSIBILITE GEOGRAPHIQUE DES OFFICINES DE PHARMACIE
6-DEGRE DE SATISFACTION
7- REGULARITE DE LA CONSOMMATION DES BZD
8- REPARTITION DES PATIENTS SELON LE MOMENT DES PRISES DES BENZODIAZEPINES INDIQUE SUR L’ORDONNANCE
9-ASSOCIATION MEDICAMENTEUSE AVEC LES BZD
10-MOTIFS DE LA PRESCRIPTION
11-EFFETS SECONDAIRES
12-DIFFERENTS PRODUITS PRESCRITS
III- DISCUSSION
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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