Contribution à l’Etude Ecologique d’un Hydro-système de la région de Jijel

Intérêt écologique des zones humides

Les zones humides jouent des rôles écologiques et paysagers majeurs, parmi lesquels le contrôle des inondations, la recharge des aquifères, le piégeage des éléments chimiques toxiques et le recyclage des nutriments (Keddy,2000 ; Williams,2006). Elles constituent en outre des habitats remarquables pour des flores et des faunes adaptées, contribuant fortement aux biodiversités régionales (Williams et al.,2004 ; Biggs et al.,2005 ; Oertli et al.,2008). Les régions caractérisées par un climat de type méditerranéen abritent des milieux humides particulièrement riches et diversifiés, et très généralement en fort déclin (Deil,2005). C’est en particulier le cas des mares temporaires méditerranéennes, qui, en dépit des faibles superficies qu’elles représentent, sont aujourd’hui reconnues comme des milieux d’importance prioritaire en terme de biodiversité (Médail et al.,1998 ; Quézel,1998 ; Grillas et al.,2004).

En Algérie, bien que les régions arides présentent de vastes dépressions salées continentales (chotts, sebkhas et oasis), les zones humides sont surtout concentrées dans le nord-est du pays, à proximité du littoral méditerranéen. En dépit de leur richesse biologique exceptionnelle pourtant reconnue depuis longtemps (Cosson,1879, Gauthier-Lièvre,1931), ces milieux sont à ce jour presque totalement ignorés et ne font l’objet que de très peu de mesures de conservation. Ils accusent en conséquence un déclin extrêmement inquiétant, sous l’influence de pressions anthropiques diverses (pompage, drainage, pâturage, pollution, mise en culture… (Samraoui et al.,1992 ; de Bélair & Samraoui,1994 ; de Bélair,2005).

Les premières recherches botaniques en Algérie

Les premières prospections de la flore phanérogamique d’Algérie, remonte à presque 400ans. En effet, c’est en 1620, le botaniste anglais Tradescant qui a fait partie d’une expédition maritime, a recueilli quelques plantes sur le littoral de l’Algérie (Cosson & Durieu de Maisonneuve,1854-1867). Plus tard et dès la première moitié du XVIIIe siècle, le pasteur Shaw, chapelain de la factorie anglaise d’Alger, parcourt l’Algérie et la Tunisie et publie ses travaux en 1738. Il énumère 632 espèces pour l’Algérie, la Tunisie et l’Arabie (Shaw,1830). Dès 1837, la recherche botanique officielle et les multiples missions d’exploration scientifique de l’Algérie, ont permis à de nombreux botanistes de constituer les premières collections et les premiers herbiers. Les premières prospections de la flore des milieux humides de l’Afrique du Nord ont été réalisées par l’Abbé et Desfontaines entre 1885 et 1887. Elles ont essentiellement porté sur le littoral nord-oriental de l’Algérie, entre El-Kala (ex-la Calle) et Annaba (ex-Bône).

D’autres botanistes ont exploré l’ensemble du littoral algérien : Durieu de Maisonneuve de 1840 à 1842, Letourneux et Kralick en 1861, Le Franc de 1859 à 1861, Cosson en 1879, Battandier et Trabut en 1902, Maire en 1930 et Gauthier Lièvre de 1923 à 1929 (Gauthier-Lièvre,1931) (voir encadré en annexe1). Les travaux menés sur les zones humides d’Algérie durant le XXème siècle (BraunBlanquet,1935 ; Chevassut,1956, Chevassut & Quézel,1956 ; Samraoui et al.,1992 ; Géhu et al.,1993 ; 1994 ; de Bélair & Samraoui,1994 ; Samraoui & de Bélair,1997 ;1998 ; Bensettiti & Lacoste,1999) se sont attachés à décrire et à comprendre l’organisation, la structure et la diversité des communautés végétales de ces milieux. Ils ont souligné la richesse floristique exceptionnelle de ces milieux, qui jouent le rôle de zones refuges pour de nombreuses espèces relictuelles animales et végétales. Leur flore phanérogamique est en effet constituée par un mélange d’espèces d’origines biogéographiques diverses, principalement en raison de la situation géographique de l’Algérie septentrionale, véritable carrefour migratoire à l’interface entre les domaines européen, méditerranéen et tropical (de Bélair & Samraoui ,2000 ; de Bélair,2005). La grande richesse écosystémique et biologique du Nord de l’Algérie, a récemment suscité la proposition de classer les secteurs phytogéographique comprenant la Kabylie, la Numidie (Algérie) et la Kroumirie (Tunisie) en tant que point chaud de biodiversité (Véla & Benhouhou,2007). Cette zone répond en effet à la définition des Hotspots (Médail & Quézel,1999), qui porte à la fois sur la richesse spécifique, le taux d’endémisme (Myers,2003) et les menaces anthropiques croissantes (Myers et al.,2000) ; la région de Jijel située au centre de ce secteur est sans doute un continuum privilégié sur le plan de sa biodiversité, plus spécialement floristique et écosystémique ; elle est pratiquement toujours omise par les multiples missions d’exploration scientifique de l’Algérie. En effet, les études écologiques les plus récentes se sont focalisées sur les complexes humides de Senhadja-Guerbès et Annaba El-Kala, en Numidie (Stevenson et al.,1988 ; Samraoui et al.,1992 ; Géhu et al.,1993 ; Samraoui et al.,1993 ; de Bélair & Samraoui,1994 ; Samraoui & de Bélair,1997 ; Benyacoub & Chabbi,2000 ; de Bélair,2005). Les rares zones humides situées sur le littoral de la Kabylie, à l’Ouest de la Numidie, n’ont en revanche quasiment pas été étudiées. Les seuls travaux sporadiques existants (de Bélair & Samraoui,2000 ; Bouldjedri et al., 2005 ; Mayache et al., 2008) ont été réalisés sur les zones humides d’eau douce de Beni-Belaid et d’El-Kennar, dans la willaya de Jijel (Kabylie-K2). Les résultats de l’étude de de Bélair & Samraoui (2000), qui a porté sur l’inventaire préliminaire des ressources biologiques, ont mis en évidence l’intérêt écologique international de ces sites comme habitats pour la loutre (Lutra lutra), et accueillant des oiseaux d’eau en hivernage et en reproduction. A cet égard le site de Beni-Belaid, abrite notamment d’importantes populations sédentaires de talève poule-sultane (Porphyrio porphyrio) et de martin-pêcheur (Alcedo atthis), ainsi que des populations migratrices potentiellement nicheuses de fuligule nyroca (Aythya nyroca) et de rousserole effarvate (Acrocephalus scirpaceus). Il abrite également le Cyprinidé endémique algéro-tunisien (Pseudophoxinus callensis), et deux espèces de tortues aquatiques, l’émyde lépreuse (Mauremys leprosa) et la cistude d’Europe (Emys orbicularis).

Environnement physique, Environnement physique, bio- climatologique et hydrologique

On sait au moins depuis Humboldt (1808) que le climat joue un rôle essentiel dans les déterminismes de la répartition des plantes. Emberger (1930-71), a particulièrement souligné ce rôle pour la végétation méditerranéenne. Dans les mares temporaires, comme dans tout biotope humide, l’eau est l’élément essentiel, le plus structurant pour le fonctionnement des écosystèmes. Les mares temporaires sont caractérisées par les fluctuations des niveaux d’eau qui déterminent des facteurs écologiques comme la durée d’inondation, les dates de mise en eau et d’assèchement ou la profondeur. Le volume d’eau stocké dans une mare ou une lagune varie, d’une part en fonction des apports par la pluie (directs ou indirects) et par les eaux souterraines et, d’autre part en fonction des pertes par évaporation, ou infiltration (Mebarki,2005). Les pluies qui tombent sur le bassin versant suivent trois voies, elles s’évaporent, ruissellent en surface ou s’infiltrent dans le sol, ces deux derniers voies dépendent de la perméabilité du substrat et de la pente. Alors que l’importance de l’évapotranspiration est fonction de la densité et de la nature du couvert végétal du bassin versant. Les variations saisonnières et interannuelles du volume d’eau stocké dans une maretraduisent, à l’état naturel, la variation temporelle du bilan des entrées (pluies directes, ruissellement de surface, apport d’eaux souterraines) et des sorties (infiltration, surverse et évapotranspiration). Il peut arriver que cet état naturel soit perturbé par l’homme (irrigation, drainage, usages domestiques). En fonction du contexte géologique et géomorphologique, une grande diversité de fonctionnements hydrologiques se rencontre. Pour identifier à quel grand type de fonctionnement hydrologique une mare donnée se rattache, il faut caractériser et quantifier les différents processus hydroclimatiques intervenant dans ce fonctionnement.

Contexte géologique et géomorphologique : une diversité d’unités structurales 

L’ensemble kabyle 

Il comprend le socle cristallin et sa couverture sédimentaire chevauchant avec les unités les plus méridionales. C’est un ensemble écaillé par une tectonique tangentielle fini-éocène. Il est traversé par des roches éruptives (granites, grano diorites, microgranites, dolérites et rhyolites) correspondant à un « magmatisme néogène et quaternaire ». Par ailleurs, il est recouvert de lambeaux argilo-gréseux (Oligo-Miocène kabyle, olistostromes, flyschs). Le socle paléozoïque développé surtout en Petite Kabylie comporte à sa base des formations gneissiques au dessus desquelles se développent une série de gneiss, de marbres, et de micaschistes recouverte par des phyllades. Les niveaux carbonatés du Trias à l’Eocène constituent la dorsale kabyle ou « chaîne calcaire » qui s’étire sur près de 90 km, d’Ouest (Djebel Sidi Dris) en Est (Zit Emba dans la région Nord de Guelma). Cette couverture peut être en partie désolidarisée de son socle pour former des nappes de charriage. Les conséquences de cette configuration géologique se traduisent sur le plan hydrogéologique par la présence dans les plaines côtières (dépôts quaternaires) et le long des vallées alluviales de nappes « superficielles » plus ou moins continues (nappes de la plaine d’Annaba, de la vallée du Safsaf, de la vallée du Guebli, et de la plaine de Jijel…)(Mebarki,2005).

La Kabylie, ancienne île rattachée au bloc continental 

A la fin de l’Oligocène, la majeure partie de la Corse, la Sardaigne, l’Est des Baléares, une partie de la Catalogne et les Kabylies formaient le centre d’un bloc orogénique coincé au Sud et à l’Est du massif protoligurien comprenant à l’Ouest le complexe bético-rifain, à l’Est une partie de la Calabre et le Nord-Est de la Sicile et continuant vers le Nord par le sillon alpin (Dercourt et al. 1993, Rosenbaum & Lister,2004). Par la fragmentation progressive de ce bloc la Sicile, la Calabre et les Kabylies ont migré vers le Sud (Rosenbaum & Lister,2004), alors que le bloc corso sarde a entamé une rotation de 90° suivant l’axe de la plus grande longueur depuis la côte languedocprovence (Gamisans,1991). Ainsi, actuellement ces différentes îles ont de nombreuses affinités floristiques et l’isolement y a joué un rôle conservateur pour la flore paléogène mais aussi créé, par les processus de spéciation, un endémisme novateur important (Verlaque et al.,1991).

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Table des matières

Introduction
CHAPITRE I- Milieu physique, bio-climatologique et hydrologique
I.1. Contexte géologique et géomorphologique : une diversité d’unités structurales
I.1.1. L’ensemble kabyle
I.1.2. La Kabylie, ancienne île rattachée au bloc continental
I.1.3. Des plaines côtières étriquées
I.2. Contexte oro-hydrographique
I.2.1. Un bourrelet montagneux tellien
I.2.2. Bassins exoréiques du Nord-Est algérien
I.3. Historique et ressources hydriques de la zone humide Beni-Belaid
I.3.1. Morphologie paysagère et dynamique sédimentaire
I.3.2. Sol et érosion
I.3.3 Ressources hydriques
I.3.4. Relation entre zone humide et eaux souterraines
I.3.5. L’Oued El Kébir-Rhumel : principal cours d’eau de la zone d’étude
I.3.6. Le bassin du Kébir-Rhumel : géomorphologie et hydrométrie
I.4. Régime hydrologique et la composition de la végétation
I.5. Climatologie
I.5.1.Critères climatiques influençant la vie végétale
1.5.2. Origine des données
1.5.3. Fonctionnement hydro-climatique
I.5.4. L’ombroclimat
I.5.4.1. Distribution et variabilité temporelle des précipitations
I.5.4.2. Méthode d’indices de Nicholson et Hoopingarner 1988
I.5.4.3. Précipitations saisonnières et indicatif saisonnier de Musset
I.5.5. Température
I.5.5.1. Thermoclimat
I.5.5.2. Période de sècheresse, sa temporalité, sa durée et son intensité
I.5.5.2.1. Indice de sècheresse estivale d’Emberger-Giacobbe et méditerranéité
I.5.5.2.2. L’indice d’aridité de De Martonne
I.5.6. Hmidité de l’air
I.5.7. Vents
I.6. Synthèse climatique
I.6.1. Diagramme ombrothermique de Bagnouls & Gaussen
I.6.2. Concept d’étage bioclimatique
I.6.3. Climagramme d’Emberger
I.6.4. Bilan hydrique
I.6.4.1.Calcul de l’évapotranspiration potentielle
I.6.4.2. Comparaison entre évaporation et précipitation à la station de Jijel
I.7. Conclusion
CHAPITRE II- Cadre biogéographique et phytochorique
II.1. Introduction
II.2. Notions de phytogéographie
II.3. Subdivisions phytogéographiques de l’Afrique septentrionale
II.3.1. L’Empire holarctique
II.3.2. Le sous-empire Téthien
II.3.3. La région méditerranéenne
II.3.4. La sous région méditerranéenne occidentale
II.4. Unités phytochorologiques de l’Algérie du Nord
II.4.1. Domaine Nord-africain méditerranéen (ou Maghrébin-méditerranéen)
II.4.2. Secteur « K » Kabylo-numidien : [K1,K2,K3]
II.4.2.1. Sous-secteur de la grande Kabylie [K1] (District de la Kabylie djurdjuréenne)
II.4.2.2. Sous-secteur de la petite Kabylie [K2] (district de la Kabylie baboréenne)
II.4.2.3 Sous-secteur numidien (district bônois de Lapie et Maire) [K3]
II.5. Les zones refuges méditerranéennes et points chauds de biodiversité
II.5.1. Importance des zones refuges méditerranéennes
II.5.2. Points névralgiques ou Hotspots de la région Méditerranéenne
II.6. Endémisme floristique sectoriel : Hotspot réginal Kabylo-Numidique
II.6.1. Notion d’endémisme
II.6.2. Endémisme des sous secteurs de l’Algérie du Nord (sensu Quézel & Santa 1962
II.7. Répartition des niveaux de rareté par secteur phytogéographique
II.7.1. Notion de rareté
II.7.2. Répartition des niveaux de rareté (sensu Quézel & Santa 1962)
II.8. Relation entre endémisme et rareté des différents secteurs
II.9. Conclusion
CHAPITRE III : Zones humides Kabylo-Numidiennes dans le contexte Méditerranéen
III.1. Définition
III.2. Intérêt écologique et singularité des zones humides méditerranéennes
III.2.1. Mares temporaires…
III.2.2. Endémisme végétal des mares temporaires méditerranéennes
III.2.3. Typologie des milieux humides temporaires méditerranéens
III.2.3.1. Régime hydrologique et la composition de la végétation
III.2.3.2. La zonation de la végétation
III.3. Stratégie de vie et caractères adaptatifs des espèces des mares temporaires méditerranéennes
III.3.1. Résistance aux stress
III.3.2. Nanisme de beaucoup de géophytes et de thérophytes
III.3.3. Dissémination des semences
III.3.4. Fluctuation des populations et banques de graines
III.3.5. Longévité de la banque de semences
III.3.6. Polymorphisme de l’appareil végétatif
III.4. Groupement végétaux des mares temporaires
III.4.1. Groupements hydrophytiques, à espèces flottantes
III.4.2. Groupements hygrophytiques, à espèces amphibies, géophytiques et Thérophy- tiques
III.4.3. Groupements méso-hygrophiles surtout thérophytiques, se développant lorsque le substrat s’assèche
III.4.4. Végétation estivale sur le substrat très asséché
III.5. Zones humides du secteur Kabylie-Numidie, habitats riches et diversifiés
III.5.1. Le sous secteur Numidien K3
III.5.1.1. Numidie orientale
III.5.1.1.1. Faune remarquable
III.5.1.1.2. Flore remarquable
III.5.1.1.3. Ecosystèmes remarquables
III.5.1.1.3.1. Les aulnaies glutineuses
III.5.1.1.3.2. Les tourbières un écosystème original et fragile
III.5.1.2.Numidie Occidentale
III.5.2. La Numidie : Un carrefour d’origines biogéographiques
III.5.3. Espèces nouvelles ou oubliées
III.5.4. Espèces portées disparues ?
III.6. Conclusion
Conclusion

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