Insuffisance rénale chronique (IRC)
Définition
L’IRC est définit comme l’ensemble des manifestations cliniques et paracliniques en rapport avec un déclin progressif et irréversible de toutes les fonctions rénales. De façon consensuelle, toute diminution du DFG en dessous de 60ml/min et persistant depuis plus de 3 mois est considérée comme IRC. Longtemps silencieuse, elle induit des lésions anatomiques irréversibles qui, au stade terminal, mettent en jeu le pronostic vital du patient en absence d’épuration extra rénale [157]. En 2002, la KDOQI (stands for Kidney Disease Outcomes Quality Initiative) introduit le terme de maladie rénale chronique (MRC) dans le but de dépister précocement les maladies rénales susceptibles d’évoluer vers l’IRC, d’assurer une référence plus précoce et de permettre une uniformisation des définitions et des stades IRC dans les études. Ainsi la MRC était définie sur la base de deux (2) critères :
● diminution du DFG≤ 60 ml/min/1,73m2
● présence des marqueurs d’atteinte rénale (protéinurie ≥ 300mg/24h, anomalie sédiment urinaire, anomalie sanguine, anomalie radiologique rénale, anomalie histologique) persistantes depuis 3 mois ou plus, quel que soit son étiologie .
Cette définition a été revue en 2012 par les KDIGO qui définissent la MRC comme toutes anomalies structurales ou fonctionnelles présentes depuis plus de trois (3) mois. Ainsi, il est recommandé de classer la MRC selon la cause, le débit de filtration glomérulaire (DFG) et la présence ou non de l’albuminurie dont l’acronyme « CGA ». La MRC est classée en 5 stades selon le DFG . Les patients porteurs de MRC traités par dialyse ou transplantation rénale doivent être précisés : si patient stade 5 dialysé ajouté D (5D), si malade transplanté ajouté T (5T) .
Épidémiologie
L’IRC et la MRC constituent un véritable problème de santé publique.
➤ Au niveau mondial, la prévalence de l’IRC est estimée à 1,5 millions de patients dialysés sont dénombrés dans plus de 80% dans les pays développés [50]. La prévalence varie d’un pays à un autre et l´accès aux traitements dépend du niveau socio-économique du pays concerné.
➤ Aux Etats-Unis, la prévalence estimée de tous les stades de la MRC est voisine de 13% et concerne près de 20 millions d’américains, le nombre de patients en dialyse devrait y être de 650 000 en 2010 [161].
➤ En Europe, la prévalence était de12% en Norvège et l’incidence était variable allant de 117 patients par million d’habitants en 2004 en Suisse [35] à 1000 patients par millions d’habitants en France en métropole [36].
➤ En Afrique, la prévalence hospitalière est variable d’un pays à l’autre. Elle était de 10 % en 2003 en Afrique du sud [134], 20,1% au mali et de 19% au Maroc en 2006[23] .Au Sénégal, d’après une étude réalisée à Saint Louis chez les sujets de 60 ans et plus une prévalence de 10,8 % [143] était trouvée.
Physiopathologie de l IRC
La perte progressive des néphrons au cours de l’IRC entraine une diminution considérable de la capacité de filtration rénale. Ce phénomène est observé habituellement lorsque plus de 50% des néphrons sont détruits. Des mécanismes compensateurs très efficaces expliquent ce phénomène. On peut distinguer ainsi :
– l’augmentation du débit sanguin rénal
– l’augmentation de la pression de filtration
– l’hypertrophie et l’hyperfiltration glomérulaire par augmentation de la surface de filtration. La vitesse de déclin dépend entre autre du type de lésion rénale et la présence de facteurs de progression. Elle est caractérisée par des lésions de sclérose glomérulaire, de fibrose interstitielle et d’atrophie tubulaire rénale. L’angiotensine II (Ag II) aurait un rôle clé dans ces mécanismes, non seulement du fait de ces effets hémodynamiques, mais aussi de son effet fibrogénique.
➤ La sclérose glomérulaire : l’hypertrophie glomérulaire est un prérequis à la survenue d’une sclérose glomérulaire. Elle résulte de l’action de plusieurs facteurs :
o Hyper filtration glomérulaire : au cours de la progression des MRC, les glomérules restants présentent une diminution du tonus des artérioles afférentes plus marquée que celle du tonus des artérioles efférentes. De ce fait, la pression intra glomérulaire augmente entrainant ainsi une augmentation de la quantité d’ultrafiltrat formée par chaque néphron, en d’autre terme une hyper filtration glomérulaire. L’AgII par son mécanisme d’adaptation augmente la pression intra glomérulaire (PIG) et la fraction de filtration. L’augmentation cette pression augmente la taille des pores de la membrane glomérulaire, entrainant ainsi un trouble de la sélectivité de taille du filtre glomérulaire (passage de grosses molécules). Du fait des modifications de la sélectivité de taille des glomérules restants, on assiste au passage de macromolécules dans l’ultra filtrat. Ces molécules sont prises en charge par les cellules TP, entrainant une toxicité avec initiation réaction inflammatoire, infiltration per tubulaire par cellule inflammatoire, formation ROS avec agression de l’interstitium. Quel que soit le cas, ces lésions initient une inflammation avec infiltration et activation de cellule inflammatoires avec production de ROS (qui entrainent encore des lésions), cytokines et facteurs de croissance fibrogénique. Ces cytokines entrainent une activation des fibroblastes interstitiels, une transdifferenciation de cellule tubulaire (acquision de phénotype fibroblaste) endothéliales ainsi qu’un recrutement des fibrocytes circulant.
o De nombreux facteurs de croissance sont incriminés dans la survenue de cette hypertrophie et aussi de la sclérose : PDGF (platelet derived growth factor), TGF-β (transforming growth factor- β) et TGF-α, IGF-1 (insulinelike growth factor), GH, epidermal growth factor, IL1, IL6, TNF- α (tumor necrosis factor α), AgII, hépatocyte endotheline.
Ces modifications qu’elles soient en réponse à la lésion initiale ou à une diminution de la masse rénale après la lésion initiale, permettent de maintenir la fonction rénale à court terme. Cependant, à long terme ces mécanismes adaptateurs promeuvent l’accumulation de matrice extracellulaire et donc sclérose glomérulaire.
o Certains facteurs génétiques peuvent influencer la survenue d’hypertrophie glomérulaire. Par exemple certaines délétions du gène de l’enzyme de conversion (allèle D) sont plus fréquemment trouvées chez les enfants avec SN/ HSF. Ce génotype serait associé à une hyperactivité du système rénine angiotensine aldostérone (SRAA).
La destruction diffuse des néphrons s’accompagne d’une fibrose interstitielle pour la plupart des maladies causant une IRC. On assiste ainsi à une diminution du volume rénal lorsque plus de 50% des néphrons sont détruits. La capacité de concentration urinaire est affectée par l’augmentation du débit de filtration des néphrons fonctionnels et par une diurèse osmotique induite par de fortes concentrations d’urée dans la lumière tubulaire. Ces perturbations de la capacité de concentration urinaire surviennent généralement à un stade avancé de l’IRC. Ils peuvent être observé plus tôt au cours des maladies rénales lorsque l’atteinte tubulo-interstitielle est prédominante [126].
➤ La fibrose interstitielle s’accompagne souvent d’une atrophie tubulaire. L’atrophie tubulaire au cours de la IRC est liée probablement l’apoptose et la trans-différenciation mésenchymateuse (acquisition phénotype fibroblaste). En réponse à certains facteurs tels que le stress oxydatif et la réponse à certaines agressions tubulaires, on assiste à une production et une libération de cytokine inflammatoire entrainant ainsi l’inflammation péri-tubulaire par activation de la voie NFkB dans les cellules épithéliales tubulaire .
On assiste à une incapacité relative du rein à excréter le sodium avec la progression de l’insuffisance rénale. Ceci s’accompagne d’une rétention sodée avec expansion du volume extracellulaire entrainant ainsi la survenue d’HTA et des œdèmes. La réduction de la synthèse de rénine, la résistance tubulaire à l’aldostérone ainsi que l’hypoaldostéronisme peuvent expliquer l’hyperkaliémie observée. L’acidose métabolique survient lorsqu’il existe un défaut de réabsorption des ions bicarbonates avec défaut d’excrétion des ions hydrogènes par les mécanismes d’acidification urinaire. Quatre mécanismes sont impliqués dans la survenue de l’anémie observée au cours de l’IRC :
– L’accumulation de certaines toxines urémiques affectant la durée de vie des érythrocytes ;
– La diminution de la production d’érythropoïétine.
– La réduction du nombre de cellules rénales interstitielles.
– Et les prélèvements répétés.
Enfin la diminution de la masse cellulaire fonctionnelle rénale affecte l’hydroxylation de la 25-OH-D3 en 1,25-OH-D3, forme active de la vitamine D, réduisant ainsi l’action de cette vitamine sur l’absorption intestinale du calcium. On observe ainsi une hypocalcémie, une hyperphosphatémie, une hyperparathyroïdie secondaire, une ostéodystrophie rénale et une ostéomalacie.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. Insuffisance rénale chronique
I-1.Définition
I-2.Épidémiologie
I-3. Physiopathologie de l IRC
I-4. Diagnostic positif
I-4-1. Les signes cliniques
I-4-1-1. Circonstances de découverte
I-4-1-2. Examen physique
I-4-2. Signes paracliniques
I-4-2-1. Signes biologiques
I-4-3. les signes morphologiques
I-4-4. Classification de l’IRC
I-4-5. signes histologiques
I-5. Diagnostic différentiel
I-6.Diagnostic de retentissement
I-7.Diagnostic étiologique
I-7-1.Enquête étiologique
I-7-2.Etiologies
I-8. Traitement
I-8-1. Traitement curatif
I-8-1-1. Buts : les buts du traitement sont
I-8-1-2. Moyens et indications
I-8-2.Traitement conservateur de l’IRC
I-8-3. Traitement des facteurs de progression
I-8-4. Traitement de suppléance
I-8-4-1.Préparation à l’EER
I-8-4-2.Traitements de suppléances
I-8-4-2-1.L’hémodialyse
I-8-4-2-1.indications
I-8-4-2-2. Principes
I-8-4-2-2-1.La diffusion
I-8-4-2-2-2.la convexion ou l’ultra diffusion
I-8-4-2-2-3.transport par adsorption
I-8-4-2-3. Les voies d’abord
I-8-4-2-3-1. Les cathéters veineux centraux
I-8-4-2-3-2.La fistule Artério-Veineuse
I-8-4-2-4. Les modalités
I-8-4-2-4-1. L’hémodialyse conventionnelle
I-8-4-2-4-2. L’hémofiltration
I-8-4-3. La dialyse péritonéale
I-8-4-3-1. La diffusion
I-8-4-3-2. La convection ou osmose
I-8-4-3-3. La réabsorption lymphatique
I-8-4-4. Transplantation rénale
I-8-5. Traitement préventif
II. Les infections en hémodialyse
II-1. Définitions
II-2. Epidémiologie
II-3. Rappel sur la dysrégulation du système immunitaire chez les hémodialysés chroniques
II-3-1.Immunodéficience
II-3-2. Immuno-activation
II-4. Les infections en hémodialyse
II-4-1. Infections bactériennes
II-4-1-1.Infections bactériennes associées à l’accès vasculaire
I-4-1-2. Infections bactériennes non liées à l’accès vasculaire
II-4-1-2-1.Tuberculose
II-4-1-2-2. Les pneumopathies a germes banals
II-4-1-2-3. Les infections urinaires
II-4-1-2-4. Contamination du dialysat
II-4-1-2-5.Contamination des solutions médicamenteuses
II-4-1-2-6. Contamination liée à des spécificités techniques de générateurs
II-4-2. Infections virales
II-4-2-1. Hépatite B
II-4-2-2. Hépatite virale C
II-4-2-3. Autres infections virales
II-4-2-3-1. Hépatite virale G
II-4-2-3-2. Hépatite virale D
II-4-2-3-3. Infection par le Transfusion Transmitted Virus
II-4-2-3-4. Infection par le VIH
II-4-3. Les infections parasitaires et fongiques
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
III. Matériel et méthodes
III-1.Cadre d’étude
III-2. Type et période d’étude
III-3.patients et méthodes
III-3.1 critères d’inclusion
III-3.2.Critères de non inclusion
III.3-3. Recueil de données
III4. Paramètres étudiés
III.5. variables opérationnelles
IV. Résultats descriptifs
IV-1. Diagramme de flux
IV-2. Epidémiologie
1. Age
2. le genre
3. la néphropathie initiale
4. les antécédents et la comorbidité
5. les facteurs de risque cardiovasculaire
IV-3. Les signes cliniques
1. les signes généraux
2. les signes fonctionnels
IV-4. Résultats biologiques
1. le taux de l’hémoglobine
2. le taux de VGM
3. le taux de CCMH
4. les globules blancs
5. les plaquettes
6. l’urée
7. la créatininémie
8. la protéinurie
9. L’albuminémie
10. La protidémie
11. La natrémie
12. La kaliémie
13.La chlorémie
14. La calcémie
15. La phosphatémie
16. La parathormone
17. La vitamine D
18. Les transaminases
IV-3. LES INFECTIONS
IV-3-1.INFECTIONS BACTERIENNES
IV-3-1-1.Infections à germes banals
IV-3-1-1-1.Infection de l’abord vasculaire
IV-3-1-1-2. Infections ORL
IV-3-1-1-3. Infections urogénitales
IV-3-1-1-4. Infection ostéo articulaires
IV-3-1-1-5. Infections pulmonaires à germes banals
IV-3-1-1-6. La syphilis
IV-3-1-1-7. Autres infections bactériennes
IV-3-1-2. Infection à germe spécifique : la tuberculose
IV-3-2. Infections virales
IV-3-2-1. Infection HIV
IV-3-2-2. Hépatite virale C
IV-3-2-3. Hépatite virale B
IV-3-3. Infection parasitaire
IV-3-4. Infection fongiques
V. Résultats analytiques
V-1. Infections bactériennes
V-1-1.Infections à germes banals
V-1-1-1.Infections de l’abord vasculaire
V-1-1-2. Les pneumopathies à germes banals
V-1-1-3.Les infections ORL
V-1-1-4.Les infections uro-génitales
V-1-1-5.Le sepsis
V-1-2.La tuberculose
V-2. L’hépatite virale B
V-3. Les infections parasitaires
V-4. Les infections fongiques
DISCUSSION
CONCLUSION