Epidémiologie
L’incidence mondiale des IPf varient de 2 à 23 % des épisodes des infections péritonéales, respectivement dans les pays industrialisés et les pays en développement [16–17]. Cette variabilité extrême de l’incidence des IPf est probablement liée aux différences de prise en charge clinique et d’environnement socio-économique [17, 18]. En effet l’éloignement du centre de dialyse augmente les difficultés d’initier rapidement le traitement, d’obtenir et de surveiller les résultats des cultures dans les pays à revenus limités [17]. Par ailleurs, la météorologie locale est aussi un facteur de risque non négligeable. En effet, l’incidence maximale des IP survient en saisons chaudes et humides [19] et il existe une nette corrélation entre l’incidence des IP et les facteurs climatiques [20]. Les différences régionales d’incidence peuvent également s’expliquer par des critères de sélection différents des patients qui varient d’une région ou d’une étude à une autre et le taux d’incidence peux être influencé par diverses comorbidités telles que l’âge, le diabète, les troubles nutritionnelles [20]. Les conditions socio-économiques influencent aussi cette différence d’incidence. Dans une étude faite à Hong Kong, les patients sans sécurité sociale avaient 3 fois plus de risque de développer une IP [21]. Au Brésil, le niveau d’éducation et le revenu familial sont des facteurs importants et la probabilité de développer une IP est plus faible chez les patients ayant un niveau d’éducation plus élevé et un revenu familial plus élevé [22]. Dans une étude antérieure faite au Sénégal, Niang et al rapportent un taux moyen de péritonite de 19,25mois-patients [2]. Ce taux est comparable à celui retrouvé par Cissé et al qui était de 20 mois-patients [23]. Tandis que l’infection du site de sortie et la tunnélite étaient retrouvées respectivement dans 7 et 2 cas sur un total de 36 patients dans la série de A. Niang [2]. Dans une proportion de 1375 épisodes d’infection péritonéale dont 2,5% d’IPf, Chen et al avaient trouvé que 67 % des épisodes étaient liés à Candida albicans [24]. Une étude australienne récente a analysé rétrospectivement 162 épisodes d’IPf dont 0,04 épisodes par année-patient étaient observés et les espèces de Candida étaient les organismes les plus souvent isolés [12]. L’espèce Candida albicans a toujours été rapportée comme la plus répandue [16–17]. Plus récemment, les Candida non albicans sont devenus fréquents (tels que C. parapsilosis) [10, 12, 18]. Sur 589 épisodes d’IP colligés en 35 ans dans un centre italien, une prévalence de 2,8 % d’IPf avait été notée due à 50 % par Candida parapsilosis, à 28,6 % par Candida species, à 21,4 % par Candida albicans [18]. Cette proportion varie entre les espèces selon la population impliquée, la région géographique, l’exposition antifongique antérieure et l’âge du patient [25]. Des progrès considérables ont été réalisés pour réduire l’incidence des IPf des centres de DP [18]. Au cours des années 1990, l’incidence des IP a considérablement diminué en rapport avec l’amélioration de la connectologie, au développement de nouvelles solutions de dialyse, à l’amélioration du cadre de vie et à l’éducation des patients [20]. Une revue systématique de 485 patients a révélé que les systèmes déconnectables à double poche avec une ligne en Y comme système de connexion étaient supérieurs aux autres systèmes dans la prévention des IP [26]. En plus, les recommandations à partir de 2005 [27] de l’ISPD avait suggéré des stratégies de prévention des infections péritonéales. Elles accordaient une attention particulière au programme de reprise de formation en DP des patients et/ou des aidants menées par un personnel soignant qualifié et ayant de l’expérience, aux soins du site d’émergence, à l’antibioprophylaxie avant la plupart des interventions endoscopiques, à la prophylaxie antifongique protocolaire lorsque les patients en DP reçoivent des antibiotiques. L’application de ces stratégies de prévention a permis une réduction significative du taux des IP bactériennes mais, l’incidence des IP fongiques a connu une évolution variable [18]. En effet, dans une série italienne, elle a diminué de 1983 à 1996 puis elle a progressivement augmenté pour atteindre son pic le plus haut entre 2004 et 2010 [18]. Les facteurs de risque identifiables d’IPf rapportés étaient l’IP bactérienne précédent l’IPf et l’exposition à un antimicrobien [12]. Leur identification permet de réduire l’incidence des IPf [24]. Le taux global de mortalité par IPf varie aussi de 9 à 60 % [12, 28]. Elle est plus élevée chez les patients présentant une perte de la fonction rénale résiduelle [29] et chez les patients qui ont conservé le cathéter de DP [10, 30, 31, 32]. Les principaux facteurs prédictifs de la mortalité les plus identifiés sont un âge supérieur à 65 ans, des douleurs abdominales (avec ou sans fièvre), une infection polymicrobienne [12, 33, 28]. Le retrait du cathéter est par contre associé à la survie plus élevée [33].
Mécanismes fondamentaux des transferts
o Diffusion: C’est un phénomène passif, elle dépend d’un gradient de concentration, avec passage de molécules du milieu le plus concentré vers le milieu le moins concentré. Elle est bidirectionnelle et est fonction de la composition du dialysat introduit dans la cavité péritonéale. Les « toxines » diffusent passivement du compartiment plasmatique vers la cavité péritonéale ; à l’inverse le glucose du dialysat diffuse vers le compartiment plasmatique [36].
o Convection: La convection est un transfert actif nécessitant la présence d’un agent osmotique (ou hydrostatique) d’un côté de la membrane. Il s’agit donc d’un transfert unidirectionnel. L’eau et les solutés passent vers le côté de la membrane où se trouve l’agent osmotique sous l’effet de cet agent osmotique [35]. L
o Théorie des trois pores [34,35]: Selon cette théorie, il existe des orifices (pores) de diamètres différents filtrant la solution. Ces pores siègent au niveau de l’endothélium. Les petits pores (ou espaces cellulaires) sont très nombreux et sont constitués par les espaces intercellulaires des cellules endothéliales. Ces pores représentent la voie prépondérante du passage de l’eau et des petits solutés solubles (urée, créatinine, ions, glucose, etc.). Les grands pores sont très peu nombreux. Ils ne représentent que 0,1% du nombre total de pores et sont constitués par de rares espaces intercellulaires très grands entre les cellules endothéliales. Ils permettent le passage de gros solutés (protéines). Les ultra-petits pores sont abondants ; ils sont situés au niveau de la cellule endothéliale elle-même ; ce sont des canaux transcellulaires. En raison de leur petite taille (rayon <5A°), ils ne laissent passer que l’eau. Récemment, on a démontré la présence de canaux d’aquaporine 1 au niveau des cellules endothéliales des capillaires péritonéaux (Cf figure 4).
o Transport de l’eau: l’ultrafiltration [37]: Lorsqu’un certain volume de dialysat reste dans la cavité péritonéale, il se modifie continuellement en subissant simultanément deux phénomènes distincts: l’ultrafiltration transcapillaire et la réabsorption lymphatique. L’ultrafiltration transcapillaire est la résultante des transferts convectifs. La réabsorption lymphatique est un mouvement unidirectionnel et uniforme de réabsorption iso-osmotique du dialysat au niveau du péritoine sous diaphragmatique vers les canaux lymphatiques situés à ce niveau. L’ultrafiltration finale (ou ultrafiltration nette) est le volume résultant de l’ultrafiltration transcapillaire diminuée de la réabsorption lymphatique. L’ultrafiltration finale est mesurée simplement par la différence entre le volume de dialysat infusé et le volume de dialysat drainé.
Rôle de la pression osmotique du dialysat [38]: le débit de reabsorption lymphatique est constant pour un patient donné. Il ne dépend pas de la composition du dialysat. En conséquence, l’ultrafiltration nette est conditionnée par l’ultrafiltration transcapillaire, donc par la pression osmotique du dialysat.
Rôle de la pression intrapéritonéale: la pression hydrostatique intrapéritonéale a une influence importante sur le volume net d’ultrafiltration, quel que soit le type de dialysat utilisé. Une augmentation de 1 cm d’eau de la pression hydrostatique diminue le volume net d’ultrafiltration de 35 ml après une stase d’une heure, soit environ 0,6 ml/min [38].
Transport des solutés: le péritoine ne se comporte pas exactement comme une membrane semi-perméable. L’interstitium joue un rôle de modérateur sur le transfert moléculaire en introduisant une sélectivité de poids. Par ailleurs, le transfert des solutés résulte des phénomènes diffusifs et convectifs simultanés [37].
En conséquence, le passage des solutés à travers les petits pores n’est pas homogène: les petits solutés traversent plus vite la membrane péritonéale que les gros solutés, avec une facilité d’autant plus grande qu’ils sont petits. Au-delà d’une certaine taille de solutés, le transfert se réduit brutalement témoignant d’un passage exclusif par les grands pores. Les résultats du transfert net des solutés peuvent être aisément mesurés par leur rapidité d’apparition dans le dialysat (pour les solutés initialement absents) ou par leur rapidité de disparition (pour les solutés présents en forte concentration). Ces transferts sont évalués par les courbes de saturation ou de désaturation du dialysat en solutés, aussi appelées courbes d’équilibration [38] (cf figure 5).
Diagnostic de gravité
La fréquence des candidémies au cours des péritonites à levures est peu différente. Selon les études, il existe entre 0 et 32,5% de candidémies [53,54, 55, 56]. Les milieux de culture utilisés sont souvent peu spécifiques aux levures ce qui pourrait expliquer cette fréquence. L’isolement de levures en intra-péritonéal pourrait être un des facteurs de risque de candidémie [57]. Quelles que soient leurs étiologies, les candidémies sont associées à une morbi- mortalité élevée [58]. Au cours des péritonites, elles pourraient aggraver le pronostic [53]. Les abcès intra-abdominaux résiduels sont une des conséquences des péritonites. Dans la littérature, ces abcès ne semblent pas plus fréquents en cas d’isolement de levures. Sur une série de 16 patients atteints d’une péritonite à levures, 5 (31%) présentaient des abcès [59]. Les greffes secondaires telles que les abcès rénaux et les endophtalmies ne sont pas rares (de 16 à 26%) [53, 55, 56,60].
EVOLUTION ET PRONOSTIC
Les péritonites fongiques sont souvent sévères et entraînent dans plus de 25% des cas le décès. Le cathéter doit être systématiquement retiré, l’ablation rapide diminuant le risque de décès [10]. En effet les péritonites fongiques sont réputées être associées à une morbidité et une mortalité importante. Faute de rigueur méthodologique, aucune étude n’apporte la preuve d’une surmorbidité ou d’une surmortalité directement imputable aux levures. Cependant, les séries publiées apportent certains éléments de réponse. Le nombre de reprises chirurgicales, de candidémies, d’abcès intra-abdominaux secondaires sont les principaux marqueurs pertinents de morbidité. Au cours des péritonites secondaires, la nécessité d’une nouvelle reprise chirurgicale semble être augmentée dans les péritonites à levures [60]. Dans la littérature, l’effet des traitements antifongiques sur l’évolution des patients est difficile à analyser: études rétrospectives dont l’objectif principal n’est pas l’efficacité du traitement, critères de mise en route du traitement non décrits et non homogènes d’une étude à l’autre, molécules, doses et durée des traitements utilisées différentes. Enfin, il faut pouvoir démontrer une éradication des levures sous traitement. Certaines études ne montrent aucun gain de survie sous traitement [94]. Quelques rares études arguent pour une amélioration du pronostic des péritonites fongiques lorsqu’un traitement adapté est instauré [50].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I-GENERALITES
I-1-Définition
I-2-Epidémiologie
I-3-Rappels anatomiques
I-3-1-Anatomie de la cavité péritonéale
I-3-2- Péritoine fonctionnel
I-4-Principes et modalites de la dialyse peritoneale
I-4-1-Mécanismes fondamentaux des transferts
I-4-2-Modalités de la dialyse péritonéale
I-4-2-1- Les techniques à régime continu
I-4-2-2-Les techniques à régime intermittent
I-4-2-3- Les techniques mixtes
I-5 Explorations fonctionnelles en DP
I-5-1- Examens explorant la membrane péritonéale
I-5-2- Examens explorant l’épuration péritonéale
I-5-3-L’adéquation en DP
II-DIAGNOSTIC
II-1-Diagnostic positif
II-1-1-Circonstances de découverte
II-1-2- Signes cliniques
II-1-3- Examens paracliniques
II-2-Diagnostic de gravité
II-3- Diagnostic différentiel
II-4- Diagnostic étiologique
II-4-1- Enquête étiologique
II-4-2- Germes
II-4-2-1- Classification des champignons
II-4-2-2- Caractères morphologiques de Candida albicans
II-4-2-3. Structure et ultrastructure des Candida
II-4-3- Porte d’entrée
II-4-4- Terrain
III-TRAITEMENT
III-1-Curatif
III-1-1-But
III-1-2- Moyens et indications
III-2-Traitement préventif
IV-EVOLUTION ET PRONOSTIC
DEUXIEME PARTIE
I-PATIENTS ET METHODES
I-1-Cadre de l’étude
I-2-Type et période d’étude
I-3-Population d’étude
I-3-1-Critères d’inclusion
I-3-2-Critères de non inclusion
I-4-Collecte des données
I-5-Paramètres étudiés
II- RESULTATS
II-1-Observation 1
II-2-Observation 2
II-3-Obervation 3
II-4-Observation 4
II-5-Observation 5
III-DISCUSSION
III-1-Sur le plan épidémiologique
III-2-Sur le plan diagnostique
III-3- Sur le plan thérapeutique et évolutif
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES
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