Une population varie non seulement par accroissement naturel, positif ou négatif, mais aussi par des mouvements migratoires. P le Roy et BEAULIEU affirment que « la migration est un fait social des plus conformes à la nature et qu’elle est aussi ancienne que l’espèce humaine». C’est pour dire que le «phénomène migratoire» est omniprésent dans toute société humaine.
La migration comorienne à Madagascar mérite réflexion du fait à la fois de la différence socioculturelle entre ces deux communautés et de l’importance de la communauté comorienne jugée la plus importante parmi les communautés étrangères à Madagascar. Ce phénomène de migration engendre automatiquement une rencontre de deux ou plusieurs cultures différentes et ce déplacement comorien vers la grande île n’échappe pas à la règle. Les Comoriens influencés en grande partie par la culture musulmane devaient cohabiter avec leurs hôtes malgaches d’une civilisation largement chrétienne. Edmond TYLOR a écrit en 1871 que «la culture ou la civilisation est cette réalité complexe qui comprend les connaissances, les croyances, les arts, les lois, la morale, la coutume et toute autre capacité ou habitude acquise par l’homme en tant que membre de la société». Donc la rencontre de deux sociétés différentes implique logiquement ces rapports complexes qui se traduisent soit par une harmonie entre elles soit par un antagonisme ou une antipathie allant même jusqu’à la rivalité et la haine.
APERÇU GENERAL DE LA COMMUNAUTE COMORIENNE A MADAGASCAR
Il est vrai que la communauté comorienne de Madagascar est d’une importance non négligeable. En fait, elle forme avec les autres musulmans (indiens, pakistanais, arabes, ….) une sorte de communauté religieuse de poids considérable socio économiquement et culturellement. D’abord, l’historique de la relation Comores – Madagascar va nous permettre de mieux analyser les rapports sociaux entre les deux pays voisins géographiquement et plus particulièrement le déroulement de leur cohabitation à Madagascar Ensuite les données générales concernant la population comorienne va mettre en évidence l’évolution et l’importance de cette communauté dans la grande île.
HISTORIQUE DE LA RELATION COMORES – MADAGASCAR
Cette relation est marquée par trois (03) phases bien distinctes :
– la période « sultanique » comorienne pendant laquelle a eu lieu le recours à des mercenaires malgaches suivie de l’invasion des Comores par les pirates malgaches durant l’ère de l’esclavagisme constitue la première étape de la relation.
– Madagascar et les îles Comores sont ensuite placés sous le régime du protectorat français avant 1960, date de l’indépendance de la République de Madagascar.
– Ensuite, d’autres événements plus ou moins importants se sont succédés après cette indépendance malgache entre autres les émeutes anti-comoriennes en Majunga en 1976 qui ont laissé une ombre sur cette relation historique entre ces deux peuples les plus afroasiatiques du monde.
AVANT LA COLONISATION
Notons tout d’abord que la conquête de Madagascar et des îles Comores remontait déjà au IXème siècle. Pierre VERIN a écrit en 1967 que « les derniers siècles du premier millénaire de notre ère voient l’installation de nombreuses colonies « arabes » dans la partie occidentale de l’océan Indien ». Trois (03) raisons principales pouvaient expliquer cette « ruée » vers l’Océan indien : La « voie sabéenne » et le commerce : le courant marin qui relie les côtes orientales de l’Afrique avec l’Asie du Sud- Est et que les géographes appellent « la voie Sabéenne » favorise l’arrivée des Asiatiques (Arabes et Indonésiens) aux côtes de l’Océan Indien avec les échanges commerciaux qui s’y rattachent.
– Les déchirements religieux de l’Islam qui poussent les sectes vaincues (jugées hérétiques) à s’exiler et à réfugier sur les côtes africaines et malgaches. Les querelles politiques du moment entraînant des importants mouvements migratoires.
C’est ainsi que GUILLAIN explique l’arrivée des premières arabes qui fondèrent Nosy -Langani et Nosy Boina à Madagascar. Aussi, en s’installant sur les côtes africaines, ces « Arabes » se métissaient et créèrent cette civilisation « swahilie », culturellement islamique dont les participants appartiennent surtout au fonds racial africain.
Il est donc probable que ce sont ces swahilis qui s’établirent sur les côtes malgaches puisqu’en Afrique, l’existence des généalogies remontant jusqu’en Arabie, en Irak, ou en Perse présume bien cette situation. Mais en réalité, rien n’est encore sûr et le mystère du peuplement de la grande île reste encore aujourd’hui l’une des plus belles énigmes de Madagascar. Ni l’archéologie, ni la géologie, ni la paléontologie n’ont pu apporter de réponse précise à cette question. Une chose est quasiment certaine : l’homme n’est pas né à Madagascar L’île a été séparée de ses voisines au milieu de l’ère tertiaire c’est à dire bien avant l’apparition de l’espèce, humaine en Afrique et en Asie. Pour l’instant, on n’a retrouvé ni ossements humains ni gisement de pierres taillées ou polies, ni objets en bronze : aucune trace de civilisation primitive propre à l’île. Ces constatations vont à l’encontre de la tradition orale qui fait état d’une étrange peuplade aborigène de Pygmées à peau blanche, les « Vazimba ».
La science quant à elle ouvre une piste : le site le plus ancien actuellement répertorié à Irodo dans l’extrême Nord du pays, renfermait des débris de poterie et des vestiges d’habitation en bois datés, selon la méthode de carbone 14, aux alentours de 970 après Jésus Christ . Il apparaît donc que l’homme a atteint l’île à une période antérieure, par voie maritime et qu’il connaissait déjà la poterie et le fer.
Les îles de l’archipel comorien furent ensuite facilement intégrées dans la civilisation swahilie tandis qu’à Madagascar, ces « islamisés» avaient visité toutes les côtes et que des comptoirs très nombreux ont été installés entre Maintirano et le Cap Masoala. Pour Madagascar, l’étude du pays, de ses habitants, de leurs coutumes et de leurs techniques mettent en évidence une double origine africaine et indonésienne. Les populations, dans leurs diversités, témoignent de cette dualité. C’est ainsi que dans l’Imerina, les membres de certaines castes très pures Andriana et Hova sont de type asiatique, proche de Javanais, tandis que les « Bara» du plateau méridional ressemblent comme des frères aux « Bantous » de la côte Est de l’Afrique. Mais, dans l’ensemble, c’est la mixité qui caractérise les individus des dix huit «tribus» de l’île: le malgache n’est donc ni un africain, ni un asiatique, mais un métis. Aux Comores, la culture « swahilie » domine largement et l’origine asiatique est moins perceptible. Donc, Madagascar et les îles Comores ont tous les deux plus ou moins un même passé historique marqué essentiellement par l’implantation de ces Asiatiques.
Des archéologues ont affirmé que les Nordistes malgaches ont eu le premier contact avec les Mayottais depuis le IXème siècle alors que des historiens avancent l’idée selon laquelle les deux pays ne se sont mis en relation qu’à partir du XVIème siècle avec la migration des Sakalava vers les îles Comores. Cette pluralité d’affirmations s’explique aisément par la différence des méthodes d’investigation propres à chaque discipline. Mais le mieux serait de tenir compte de la théorie du professeur Gilbert R. RATSIVALAKA qui stipule que « les colonisateurs ont parfois tendance à abuser de la tradition orale pour réaliser l’histoire de Madagascar à leur profit, la biaiser pour ne pas ternir leur image d’exploitant». C’est une recommandation d’avoir une vision objective et plus scientifique de l’histoire de Madagascar.
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Table des matières
Introduction
Première partie : Aperçu général de la communauté comorienne à Madagascar
Chapitre I Historique de la relation Comores-Madagascar
Section I Avant la colonisation
Section II Historique de la relation Comores-Madagascar sous la colonisation et après l’indépendance de Madagascar
Section III Phase sombre des relations Comores-Madagascar (1975-1986)
Chapitre II Informations générales sur la population comorienne d’Antananarivo
Section I Données statistiques
Section II Caractéristique de la population comorienne d’Antananarivo
Deuxième partie : Les processus d’intégration des Comoriens à Antananarivo
Chapitre I Relation favorable et cohabitation normale
Section I Perception de la cohabitation par la communauté comorienne
Section II Ouverture de la population Tananarivienne
Chapitre II Persistance de quelques problèmes
Section I Rancœur laissé par l’invasion malgache au IXème siècle et séquelle de l’événement de 1976
Section II Régionalisme Merina
Section III Manque d’adaptation de la communauté comorienne
Section IV Intégration mal réussie
Troisième partie : L’union mixte
Chapitre I Union à sens unique
Section I Importance de l’influence matérielle
Section II Inégalité de l’offre et de la demande matrimoniale
Section III Différence socioculturelle
Chapitre II Importance de la religion
Section I L’islamisme typiquement comorien
Section II Les exigences du christianisme
Conclusion
Références bibliographiques