Généralités sur le groupe moto-ventilateur
Fonction et architecture d’un groupe moto-ventilateur
La fonction principale d’un groupe moto-ventilateur (GMV) est d’assurer un débit d’air suffisant à travers les échangeurs d’une automobile afin de permettre des échanges thermiques efficaces à tout moment. Un GMV est principalement sollicité lorsque le moteur tourne et que le véhicule est à l’arrêt (embouteillage, arrêt au feu rouge . . . ), ou lorsque la température externe est élevée et/ou que le moteur est en pleine charge (côte, traction d’une remorque . . . ). Les GMV sont groupés dans deux grandes catégories suivant que le ventilateur pousse l’air à travers l’échangeur (soufflant) ou que le ventilateur aspire l’air à travers l’échangeur (aspirant). En général, un module de refroidissement est composé d’un convergent, d’un rotor, d’un stator et d’un moteur électrique qui sont montés sur un échangeur air-eau dans le cas le plus fréquent . Il existe des configurations où deux GMV sont montés sur un même échangeur.
Les rotors sont conçus pour répondre aux cahiers des charges des clients qui comportent, entre autres, les contraintes géométriques d’encombrement, la performance thermique/aéraulique visée (point de fonctionnement, point de transparence ∆P = 0) et la performance acoustique (vitesse stabilisée, suivi d’ordre), etc . . . Leurs diamètres varient entre 200 mm et 520 mm et leurs vitesses de rotation entre 2000 et 3600 tours/min au point de fonctionnement. En règle générale, la vitesse en tête de pale avoisine 50 m/s. A l’heure actuelle, les rendements statiques des hélices seules sont compris entre 45% et 55%.
Les performances aérauliques et aéroacoustiques des ventilateurs sont étroitement liées aux autres composants du module de refroidissement. A la sortie de l’échangeur thermique, et à cause de la géométrie du convergent souvent dessinée à la limite des contraintes géométriques d’encombrement, l’écoulement moyen à l’entrée du ventilateur présente une distorsion (dissymétrie selon l’azimut). Les jeux radial et axial entre la virole tournante et le convergent donnent naissance à des tourbillons qui modifient les conditions d’entrée en tête de pale (angle d’incidence, triangle de vitesse) impactant ainsi le fonctionnement de l’hélice. En pied de pale, une recirculation d’air se crée à travers le moteur électrique et réduit davantage les performances aérauliques.
Les mécanismes de bruit
Le bruit rayonné par un GMV est tonal ( bruit de raies ) et à large bande, avec une contribution approximativement égale des sources de bruit [28, 113] . Les mesures sont effectuées dans une chambre anéchoïque et le micro est placé sur l’axe de rotation à 1 m en amont d’un GMV . Les résultats montrent la présence de plusieurs émergences situées précisément aux fréquences de passage de pales (FPP) et de ses harmoniques (FPPH), et d’un bruit étalé sur une large plage fréquentielle (enregistré jusqu’à 4 kHz dans ce cas particulier) qui constitue le bruit large bande. L’analyse dimensionnelle des spectres acoustiques des ventilateurs de refroidissement Valeo montre que la puissance acoustique rayonnée est proportionnelle à la vitesse de rotation à la puissance 5,5 [26]. Ce comportement se rapproche de celui d’un dipôle dont l’intensité en champ libre évolue en puissance 6 du nombre de Mach . En outre, pour des régimes d’écoulement largement subsoniques (M≈0,15), les dipôles sont dominants par rapport aux monopôles et aux quadripôles [126, 89]. On considère alors que le bruit d’un GMV est de nature dipôlaire .
Le bruit tonal
Le bruit tonal d’un GMV est la somme des contributions tonales du rotor et du support qui peut être constitué de stators ou de bras.
Deux mécanismes de génération du bruit tonal existent pour le rotor : le bruit de charge stationnaire, et le bruit de charge instationnaire. Le bruit de charge stationnaire existe à chaque fois qu’un corps soumis à une force stationnaire est mis en rotation. Toutefois, ce mécanisme de bruit est négligeable dans le cas d’un GMV à cause du faible nombre de Mach rencontré [26].
Le bruit de charge instationnaire résulte de l’interaction du rotor avec des inhomogénéités de l’écoulement incident ainsi qu’avec les obstacles placés en amont ou en aval. La transition entre la section rectangulaire du convergent et la section circulaire du ventilateur crée un écoulement moyen non-homogène azimutalement impactant le ventilateur . Le déficit de vitesse présent dans le sillage des obstacles en amont du rotor se traduit aussi en une inhomogénéité de l’écoulement à l’entrée du ventilateur. Dans les deux cas, les pales sont soumises à des conditions d’entrée différentes selon leur position angulaire. La charge de la pale fluctue par la suite, et crée des sources de bruit tonal.
Les obstacles placés en aval du ventilateur modifient par effet potentiel le champ de pression autour de la pale lors de son passage. Ce champ de pression nonhomogène induit donc une fluctuation de la portance de la pale créant ainsi un dipôle acoustique. Ce phénomène a lieu lorsque les stators, les bras-supports ou le module électronique de contrôle de vitesse sont placés près du bord de fuite du rotor. La génération de bruit par effet potentiel diminue considérablement quand la distance rotor-stator augmente [59].
Le bruit tonal d’un rotor symétrique est émis à la fréquence de passage des pales (FPP) et ses harmoniques. La FPP est égale au nombre de pales multiplié par la vitesse de rotation du ventilateur [69]. Un rotor asymétrique sans périodicité particulière, émet du bruit tonal à toutes les harmoniques de la fréquence de rotation. Le bruit tonal du stator est aussi de nature dipolaire et provient de la charge instationnaire sur les pales ou les bras-support. Le déficit de vitesse dans le sillage du rotor change l’angle d’attaque de l’écoulement et induit ainsi des dipôles acoustiques localisés à la surface des stators. Le stator rayonne aussi à la FPP et ses harmoniques dans le cas d’un rotor symétrique.
Le bruit à large bande
Le bruit à large bande généré par les profils d’aile se scinde en deux composantes: le bruit d’ingestion de turbulence appelé aussi bruit de bord d’attaque, et le bruit propre ou aussi dit bruit du bord de fuite. Le rayonnement par ingestion de turbulence se produit quand les structures tourbillonnaires présentes dans l’écoulement incident impactent le bord d’attaque du profil. Dans le cas d’un ventilateur d’automobile, ce phénomène a lieu au bord d’attaque du rotor à cause de la turbulence provenant de l’échangeur thermique ou du tourbillon de jeu, et au bord d’attaque du stator à cause de la turbulence présente dans le sillage du rotor ou convectée à travers le rotor [130]. Le bruit propre d’un profil résulte de l’interaction de ce dernier avec la turbulence qu’il produit dans sa propre couche limite ainsi que dans le sillage proche [24]. Il correspond au bruit total rayonné quand le profil rencontre un écoulement nonturbulent, homogène et en absence de tout obstacle. Cinq mécanismes de génération du bruit propre ont été identifiés et sont les suivants :
1. Bruit de bord de fuite – couche limite turbulente : ce phénomène a lieu à un nombre de Reynolds élevé quand la couche limite devient turbulente. Le bruit est alors rayonné au passage des structures tourbillonnaires à l’endroit du bord de fuite .
2. Bruit de séparation/décrochage : ce phénomène a lieu quand le fluide se sépare du profil près du bord de fuite ou quand le profil décroche suite à un angle d’attaque très élevé . Le décrochage est évité dans les conditions de fonctionnement usuelles puisque les pales sont conçues pour fonctionner à incidence nominale.
3. Bruit d’instabilité de la couche limite laminaire : ce mécanisme de bruit existe pour des Reynolds faibles. Des ondes d’instabilité de Tollmien-Schlichting apparaissent dans la couche limite laminaire et se propagent dans toutes les directions, notamment celle de l’écoulement. Arrivées au bord de fuite, ce ondes sont convectées en sens inverse de l’écoulement. Une rétroaction acoustique se produit alors, entretenant ainsi les instabilités et créant des ondes acoustiques. Le spectre acoustique résultant est quasi-tonal et dépend des lâchées tourbillonnaire générées au bord de fuite . Ce bruit est rarement rencontré dans le cadre d’une application automobile puisque le régime de l’écoulement au bord d’attaque de la pale est déjà transitoire ou turbulent.
4. Bruit d’échappement tourbillonnaire – bord de fuite tronqué : les tourbillons créés dans le sillage derrière bord de fuite tronqué donnent lieu à un rayonnement acoustique . Dans le cas d’un profil d’aile, l’échappement tourbillonnaire laisse apparaitre un pic dans le spectre de pression en champ lointain à une fréquence correspondant à un nombre de Strouhal de 0,2, construit avec l’épaisseur du bord de fuite et la vitesse de l’écoulement. Dans le cas d’un ventilateur, la vitesse rencontrée par un tronçon de pale va rie avec le rayon. L’échappement tourbillonnaire se manifeste alors sur une bande de fréquences étendue et non étroite. Mardsen et al. [98] ont effectué une optimisation aéroacoustique d’un profil d’aile afin de réduire ce type de bruit. Leurs résultats montrent qu’il est possible de maintenir les performances aérodynamiques du profil tout en réduisant le bruit rayonné en modifiant la forme du bord de fuite. Cependant, en cherchant à minimiser davantage le bruit rayonné, on augmente la trainée du profil.
La réduction de la troncature du bord de fuite s’avère une tâche difficile pour des pièces fabriquées par injection plastique. En effet, quand l’angle entre l’extrados et l’intrados du bord de fuite est en dessous d’un certain seuil, la viscosité du plastique empêche le remplissage total du bord de fuite. Un compromis entre les contraintes d’injection plastique et un bord de fuite fin devient nécessaire. Des solutions existent pour remédier à ce problème, comme par exemple arrondir le bord de fuite ou modifier localement l’angle entre l’extrados et l’intrados au bord de fuite .
5. Interaction avec le tourbillon de bout de pale : la source de ce mécanisme de bruit est localisée dans la zone de séparation associée au tourbillon qui se forme en bout de pale [62] . Le rayonnement acoustique se produit lorsque la turbulence présente dans ce tourbillon passe par le bord de fuite de la tête de pale [25].
Les approches de calcul en aéroacoustique numérique
L’aéroacoustique numérique (CAA ou Computational Aeroacoustics en anglais) est la science qui s’intéresse à la prédiction du bruit d’origine aérodynamique ainsi qu’à sa propagation et ses propriétés en champ lointain [144, 88]. Elle regroupe toutes les méthodes de calcul permettant d’obtenir des informations acoustiques provenant de phénomènes aérodynamiques [150]. Ces méthodes englobent les modèles semiempiriques qui estiment les sources acoustiques à partir de statistiques de turbulence et de l’écoulement moyen ainsi que les simulations instationnaires qui résolvent le problème de génération du bruit par application des équations de conservation [40]. Plusieurs types de simulations de l’écoulement peuvent être utilisés afin d’étudier la génération du bruit. Ces simulations peuvent être classées selon les échelles spatiales et temporelles qu’elles sont capables de capturer. L’influence des éléments de l’écoulement non représentés doit alors être modélisée. Mais en dehors de ce classement, les approches adoptées visent à calculer directement, ou indirectement, le bruit généré par un écoulement instationnaire. Par conséquent, les méthodes employées en aéroacoustique numérique se divisent en deux catégories : les approches directes et les approches hybrides.
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Table des matières
1 Introduction générale
1.1 Contexte de l’étude
1.2 Objectif de l’étude : prédire le bruit tonal d’un groupe moto-ventilateur
1.2.1 Calcul numérique des sources acoustiques du GMV
1.2.2 Calcul analytique des sources acoustiques du stator
1.3 Organisation du mémoire
2 État de l’art en aéroacoustique
2.1 Généralités sur le groupe moto-ventilateur
2.1.1 Fonction et architecture d’un groupe moto-ventilateur
2.1.2 Les mécanismes de bruit
2.1.2.1 Le bruit tonal
2.1.2.2 Le bruit à large bande
2.2 Les approches de calcul en aéroacoustique numérique
2.2.1 L’approche directe
2.2.2 L’approche hybride
2.2.2.1 Propagation avec l’analogie acoustique
2.2.2.2 Propagation avec la méthode de Kirchhoff
2.2.2.3 Propagation avec les équations d’Euler linéarisées
2.3 Méthodes de prédiction du bruit aérodynamique des turbomachines subsoniques
2.3.1 Exemples de méthodes de prédictions de classe I
2.3.2 Exemples de méthodes de prédictions de classe II
2.3.3 Exemples de méthodes de prédictions de classe III
2.4 Contributions du projet Ecoquest à la prédiction du bruit d’un groupe moto-ventilateur
2.4.1 Caractérisation de la turbulence en aval d’un échangeur thermique
2.4.2 Caractérisation acoustique d’un échangeur thermique
3 Prédiction du bruit tonal : aspects théoriques
3.1 Introduction
3.2 Partie I : solution fréquentielle de l’analogie acoustique de FWH
3.2.1 Source dipolaire en rotation : bruit du rotor
3.2.1.1 Discrétisation de la pale en éléments surfaciques
3.2.1.2 Expression des efforts instationnaires
3.2.1.3 Rayonnement en champ lointain
3.2.1.4 Critère de compacité
3.2.2 Source dipolaire fixe : bruit du stator
3.2.2.1 Discrétisation de l’aube en éléments surfaciques
3.2.2.2 Rayonnement acoustique d’une aube en champ lointain
3.2.2.3 Fonction d’interférence du stator
3.2.2.4 Rayonnement acoustique du stator en champ lointain
3.2.3 Amélioration apportée : prise en compte de la géométrie exacte de la pale dans la propagation acoustique
3.3 Partie II : bruit du stator par une approche semi-analytique
3.3.1 La théorie linéarisée de l’aérodynamique instationnaire
3.3.2 La réponse d’un profil à une rafale bidimensionnelle
3.3.3 Méthodologie de calcul du bruit du stator avec la théorie de Sears
4 Prédiction du bruit tonal : aspects applicatifs
4.1 Introduction
4.2 Partie I : étude expérimentale
4.2.1 Description du cas-test
4.2.2 Mesures expérimentales
4.2.2.1 Description du banc d’essai
4.2.2.2 Procédure expérimentale
4.2.2.3 Incertitudes de mesure
4.2.2.4 Résultats expérimentaux
4.3 Partie II : Prédiction du bruit tonal avec l’analogie de FWH
4.3.1 Étude aérodynamique : calcul numérique des sources
4.3.1.1 Domaine de calcul et conditions aux limites
4.3.1.2 Discrétisation spatiale et temporelle
4.3.1.3 Modèle de turbulence et convergence
4.3.1.4 Post-traitement
4.3.2 Etude aéroacoustique : propagation des sources
4.3.2.1 Sensibilité de la prédiction tonale au maillage acoustique – compacité
4.3.2.2 Effet du placement des sources acoustiques sur le rayonnement en champ lointain
4.3.2.3 Bruit total et comparaison avec l’expérimental
4.4 Partie III : prédiction et optimisation aéroacoustiques du stator avec le modèle de Sears
4.4.1 Prédiction du bruit du stator à partir de trois rayons
4.4.1.1 Calcul du champ aérodynamique autour des sections du rotor
4.4.1.2 Données d’entrée du modèle de Sears et prédiction du bruit du stator
4.4.2 Prédiction du bruit du stator à partir d’un calcul 3D
4.4.2.1 Simulation de l’écoulement autour du rotor
4.4.2.2 Prédiction du bruit du stator
4.4.3 Optimisation aéroacoustique du stator
4.4.3.1 Paramétrisation et mise en place de la boucle d’optimisation
4.4.3.2 Algorithme d’optimisation, objectifs et contraintes
4.4.3.3 Résultats
Conclusions