Tassements derrière l’écran
Les déplacements horizontaux de la paroi peuvent être mesurés à partir de techniques relativement classiques, par exemple au moyen d’inclinomètres placés dans des panneaux de paroi moulée, en combinaison avec des mesures topographiques du déplacement de la tête de la paroi. La caractérisation des tassements derrière l’écran est moins courante et reste plus difficile. Néanmoins, différentes méthodes empiriques et semi-empiriques, basées sur l’analyse d’une multitude de retours d’expériences, visent à établir des abaques pour prévoir l’allure et l’amplitude des tassements, la localisation du maximum ou l’étendue de la zone impactée en fonction des éléments spécifiques du projet (profondeur de la fouille, rigidité du soutènement, type de sol, etc.). On peut citer les travaux réalisés par Peck (1969), Clough et O’Rourke (1990), Long (2001) et Moorman (2004). En supposant qu’une excavation dans le même type de sol avec approximativement la même géométrie et les mêmes propriétés produira des déplacements du même ordre de grandeur que les excavations prises comme référence pour l’élaboration des abaques, ces travaux fournissent un premier élément de comparaison pour les résultats des calculs. Les différentes phases de la réalisation d’une excavation engendrent des tassements qui se cumulent. Le creusement de la tranchée d’une paroi moulée engendre un premier tassement. Dans les modélisations, on fait souvent l’hypothèse qu’il est négligeable devant ceux générés pendant l’excavation. La synthèse des mesures de tassements derrière des parois moulées due à Clough et al. (1990) montre que cette hypothèse n’est pas toujours valide. Dans le cas de la station Chater à Hong Kong (1976-1980) par exemple, un tassement de 50 mm a été observé lors du creusement des parois de 37 m de profondeur et de 1,2 m d’épaisseur. La phase d’excavation ultérieure n’a produit que des tassements de 5 à 15 mm. Cependant, le retour d’expériences sur ces tassements reste limité : on concentre donc ce paragraphe sur l’estimation des tassements dû à l’excavation. En 1969, Peck a réalisé une première synthèse des données provenant de plusieurs sites dans le monde (Hsieh et Ou, 1998). Il a établi des diagrammes de tassements provoqués par la réalisation d’excavations dans différents types de terrains (figure 1.5). Ils montrent que les déplacements les plus importants proviennent de la présence d’argiles molles et que l’effet d’une excavation peut affecter des terrains situés à une distance pouvant atteindre une longueur de 3 à 4H derrière l’écran. Des tassements plus petits sont observés dans les sables denses et les argiles raides.
Méthodes utilisées pour le calcul des écrans de soutènement
La norme Ecrans (AFNOR, 2009) constitue la norme nationale d’application de l’Eurocode 7 pour la justification des écrans de soutènement. Elle distingue la vérification des états-limites ultimes et la vérification des états-limites de service. Elle donne la liste des états limites ultimes à considérer : défaut de butée des terrains, défaut de résistance de la structure de l’écran (incluant les appuis), défaut de portance du terrain, instabilité des appuis, instabilité du fond de l’excavation d’origine hydraulique, instabilité du massif d’ancrage, instabilité d’ensemble de l’écran. La vérification des états-limites ultimes de résistance du terrain et de la structure de l’écran dispense normalement de vérifier les états-limites ultimes de déplacement, et on réserve l’étude du déplacement d’un écran au calcul de l’ouvrage à l’état-limite de service. Le choix des modèles de calcul doit être adapté à la complexité des problèmes posés, tant du point de vue du fonctionnement de la structure que du point de vue géotechnique, et au mode de rupture, à l’état-limite visé et au type d’écran étudié. Du point de vue des modèles de calcul à employer, on relève notamment que, selon l’article 8.4.2 (1), on doit vérifier la stabilité d’un écran vis-à-vis de l’état-limite de défaut de butée à partir d’un modèle de calcul d’interaction sol-structure ou d’un modèle d’équilibre limite. Les modèles de calcul d’interaction sol-structure regroupent les modèles aux coefficients de réaction et les modèles numériques aux éléments finis ou aux différences finies. L’article 8.4.2 (4) stipule par ailleurs qu’on doit déterminer les déplacements d’un écran à partir d’un modèle de calcul d’interaction sol-structure, en tenant compte des raideurs du sol, de l’écran et des appuis, du phasage des travaux, et, lorsqu’il y a lieu, des actions variables, mais en considérant que les résultats de calcul de déplacement ne donnent qu’une indication approchée de leur valeur réelle.
Effet de la modélisation de l’interface sol-ouvrage
La prise en compte d’une interface entre les sols et les structures intéresse un grand nombre de problèmes en génie civil. Dans la modélisation, elle consiste à introduire une discontinuité du champ de déplacement, qui est le résultat du fort contraste de propriétés mécaniques entre le sol et la structure. Comme on l’a vu au chapitre 1, différentes techniques numériques sont utilisées dans les calculs par éléments finis, qui reposent souvent sur l’utilisation d’éléments spécifiques. L’influence et les propriétés des éléments utilisés pour les interfaces sont difficiles à cerner et méritent d’être étudiées en détail. Dans ce travail, on a choisi d’utiliser les éléments de joint de CESAR. Dans cette section, on compare les résultats obtenus avec cette modélisation et ceux qu’on obtiendrait si on n’utilise pas d’éléments d’interface. Les figures 3.28, 3.29 et 3.30 montrent l’effet de la prise en compte de l’interface entre le sol et l’écran de soutènement sur les déplacements horizontaux de la paroi, les déplacements verticaux de la surface du sol derrière l’écran et les déplacements verticaux au fond de fouille. La figure 3.29 montre l’importance de la modélisation de l’interface entre le sol et l’écran de soutènement sur la cuvette de tassement derrière l’écran. Sans les éléments joints, pour les quatre phases, on note un soulèvement du sol derrière la paroi, lié à la continuité du champ de déplacement entre la paroi et le sol. La distribution des tassements pour la 3ème et la 4ème phases d’excavation est très différente de celle obtenue avec les joints. La figure 3.28 confirme qu’une cuvette de tassement plus prononcée implique des déplacements horizontaux plus grands. Par contraste, le déplacement vertical au fond de fouille est relativement moins sensible à la modélisation de l’interface. Bien qu’elle soit sommaire, cette comparaison rappelle que les résultats de la modélisation des soutènements dépendent d’un grand nombre de paramètres, et pas uniquement du modèle de comportement retenu et des paramètres choisis pour ce modèle. La modélisation de l’interface, qu’on peut considérer comme relativement plus simple (limitée à un critère de frottement de type Coulomb) joue également un rôle très important. Cela relativise les conclusions que l’on pourrait être tenté de tirer de l’étude du modèle de comportement.
Procédures de c-phi réduction dans CESAR
On cherche donc ici à préciser la mise en œuvre de la deuxième approche proposée par Potts et Zdravkovic (2012) : on suppose qu’on a conduit un premier calcul pris comme référence conduit à un état d’équilibre compatible avec la résistance du sol, et que l’on peut stocker les résultats (contraintes, déformations plastiques, etc.) dans un fichier approprié. Ce fichier de stockage permet d’initialiser un deuxième calcul, dans lequel on ne prend en compte aucun chargement, mais on met en œuvre l’option FSR du module MCNL de CESAR pour rechercher la plus grande valeur de Fred pour laquelle on parvient à redistribuer les efforts de manière à assurer à la fois l’équilibre et la compatibilité des contraintes avec des paramètres de résistance (c et tan ) divisés par Fred. La recherche de cette valeur Fred est faite dans un intervalle donné par l’utilisateur, par simple dichotomie. La réduction porte sur tous les groupes d’éléments du maillage auquel on a associé l’un des modèles élastiques parfaitement plastiques suivants : élasticité linéaire avec un critère de von Mises, de Drucker-Prager ou de Mohr-Coulomb. L’utilisateur fournit dans les données de l’option :
– un indicateur entier IFC qui permet de choisir entre deux types de fonctionnement différents lorsque les caractéristiques de résistance sont insuffisantes pour obtenir la convergence : pour IFC=0, on effectue le nombre maximal d’itérations fixé par l’utilisateur pour chaque valeur de Fred testée ; pour IFC=1, on interrompt le calcul si la décroissance du résidu au cours des itérations est jugée trop lente ; autrement dit, l’algorithme cherche à anticiper le fait que le calcul ne va pas converger ;
– les bornes de l’intervalle dans lequel on recherche le facteur de sécurité ;
– la précision souhaitée sur la valeur de Fred.
L’implémentation dans CESAR a été revue à l’occasion de ce travail, le code étant initialement prévu pour fonctionner dans un cadre plus restrictif, où l’utilisateur devait reconstituer l’ensemble des chargements appliqués au modèle, ce qui était suffisant pour analyser la stabilité d’un talus mais fastidieux pour un phasage de construction complexe. Au niveau du point d’intégration, le calcul correspond à un calcul élastique parfaitement plastique tel que celui expliqué au paragraphe 5.3.1. La réduction des paramètres c et tan modifie le domaine élastique, et le traitement consiste à « projeter » les contraintes issues du calcul précédent sur la surface modifiée, la correction de contraintes permettant de calcul les forces nodales Fcorr à prendre en compte pour l’itération suivante. La principale nuance avec l’approche proposée par Potts et Zdravkovic (2012) réside dans le fait qu’elle ne consiste pas à réduire progressivement les caractéristiques de résistance, mais au contraire à appliquer instantanément la réduction de résistance définie par une valeur donnée de Fred à l’ensemble du système.
|
Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : Quelques enjeux liés aux excavations profondes : synthèse bibliographique
1.1. Introduction
1.2. Déplacements dans le terrain à proximité d’un écran de soutènement
1.2.1. Déformée de l’écran
1.2.2. Tassements derrière l’écran
1.2.3. Soulèvement du fond de fouille
1.3. Méthodes utilisées pour le calcul des écrans de soutènement
1.3.1. Les méthodes classiques
1.3.2. La méthode du coefficient de réaction
1.3.3. Les modélisations numériques
1.4. Modèles de comportement dans les modèles numériques
1.4.1. Chemins de contraintes
1.4.2. Rappels sur la théorie de l’élastoplasticité
1.4.3. Le modèle « ELMC »
1.4.4. Le modèle de « Duncan et Chang »
1.4.5. Le modèle « Hardening Soil Model – HSM »
1.4.6. Le modèle « Hardening Soil Model with Small strain »
1.4.7. Autres modèles
1.5. Conclusion
Chapitre 2 : Formulation et implémentation de deux modèles de comportement
2.1. Introduction
2.2. Notions d’état critique et d’état caractéristique
2.3. Modèle H1 : Effet de la contractance-dilatance
2.3.1. Introduction
2.3.2. Formulation du modèle H1
2.3.3. Identification des paramètres du modèle H1
2.3.4. Influence des paramètres dans le cas de l’essai triaxial
2.3.5. Identification individuelle de chaque paramètre
2.3.6. Calage sur des essais pour la gare Créteil l’Echat
2.3.7. Essais au laboratoire sur des matériaux de la gare de Vitry Centre
2.3.8. Implémentation du modèle H1 dans le logiciel CESAR
2.4. Modèle H2 : Effet d’un écrouissage cinématique
2.4.1. Introduction
2.4.2. Formulation du modèle H2
2.4.3. Influence des paramètres du modèle H2 dans le cas d’un essai triaxial
2.4.4. Identification individuelle de chaque paramètre
2.4.5. Implémentation du modèle dans le code de CESAR
2.4.6. Application à des chemins de contraintes en extension
2.5. Conclusion
Chapitre 3 : Application à une excavation réelle dans les sables de Berlin
3.1. Introduction
3.2. Présentation du projet
3.2.1. Géométrie, maillage et hypothèses
3.2.2. Les différentes phases du calcul
3.3. Modèles et paramètres pour les différents éléments de la modélisation
3.3.1. Paroi et tirants
3.3.2. Couches de sols
3.3.3. Interface sol-paroi
3.4. Discussion des résultats
3.4.1. Analyse des déplacements
3.4.2. Analyse des efforts
3.4.3. Analyse des déformations
3.4.4. Synthèse
3.5. Influence de certains paramètres du modèle H1
3.5.1. Influence de l’angle caractéristique
3.5.2. Influence du paramètre b de la loi d’écrouissage
3.5.3. Influence du domaine élastique initial
3.6. Influence d’autres aspects de modélisation
3.6.1. Effet de la modélisation de l’interface sol-ouvrage
3.6.2. Effet de la modélisation des phases de rabattement
3.7. Conclusion
Chapitre 4 : Application du modèle H1 à une gare du Grand Paris Express
4.1. Introduction
4.2. Présentation du projet
4.2.1. Géométrie, maillage et hypothèses
4.2.2. Phases du calcul
4.2.3. Propriétés des terrains et des matériaux
4.3. Analyse des déplacements horizontaux
4.3.1. Essai de pompage : phases 2 et 3
4.3.2. Effet de la risberme et des surcharges : phases 6 et 7
4.3.3. Comparaison avec les mesures pour les phases 7, 8 et 9
4.4. Analyse des déplacements verticaux
4.4.1. Comparaison des mesures avec une méthode semi-empirique
4.4.2. Résultats de la modélisation numérique : phases 7, 8 et 9
4.5. Etude des efforts dans les butons
4.5.1. Efforts dans les butons obtenus par modélisation numérique
4.5.2. Efforts thermiques dans les butons
4.6. Conclusion
Chapitre 5 : Contribution à la justification des états limites ultimes des ouvrages de soutènement
5.1. Introduction
5.1.1. Vérification des ELU STR
5.1.2. Vérification des ELU GEO
5.2. La méthode de réduction des propriétés de cisaillement du sol
5.2.1. Procédures de c-phi réduction
5.2.2. Options pour la prise en compte d’une loi d’écoulement non associée
5.3. Mise en œuvre par éléments finis
5.3.1. Rappel sur les procédures numériques en élastoplasticité
5.3.2. Procédures de c-phi réduction dans CESAR
5.3.3. Application à l’étude de la stabilité d’un talus
5.4. Techniques de c-phi réduction pour les modèles avancés
5.4.1. Réduction des propriétés mécaniques du modèle H1
5.4.2. Traitement de la loi d’écrouissage
5.4.3. Traitement de la loi d’écoulement
5.4.4. Application à l’étude de la stabilité d’un talus
5.4.5. Influence de la loi d’écoulement avec le modèle H1
5.4.6. Utilisation du modèle ELMC pour l’étape 2 du calcul avec H1
5.5. Application à l’étude du projet d’excavation dans les sables de Berlin
5.5.1. Facteur de sécurité
5.5.2. Mécanisme de rupture
5.5.3. Moment fléchissant et effort tranchant maximaux dans l’écran
5.5.4. Evolution des efforts en fonction du facteur de sécurité
5.6. Conclusions
Conclusions et perspectives
Annexe : méthode de réduction non uniforme avec le modèle H1
Références
Télécharger le rapport complet