Avec les développements de l’informatique, la puissance des ordinateurs est décuplée. Les capacités de calculs numériques sont de plus en plus performantes d’année en année et offrent de plus en plus de possibilités. Avec de telles avancées, il est évident qu’aujourd’hui, les bureaux d’études d’ingénieurs utilisent des outils numériques pour la quasi intégralité de leurs travaux. De plus, dans le contexte économique actuel, il est nécessaire, pour une entreprise, de réduire au maximum les coûts de conception. Pour cela, il est primordial de diminuer le nombre d’essais réels d’un cycle de conception et de favoriser les essais « numériques », en suivant la politique dite du « virtual testing ». Outre le fait de réduire les coûts des tests, l’essai « numérique » permet également de tester des systèmes pour lesquels il n’existe pas de prototypes, alors que l’on souhaite tout de même un produit immédiatement fonctionnel. Avec la forte évolution des capacités de calculs, la simulation qui était, il y a encore quelques années, limitée à des systèmes simples, est maintenant utilisée pour des systèmes de plus en plus complexes. Les performances actuelles ont fait de la simulation numérique l’outil de base des ingénieurs d’aujourd’hui. Et les avancées constantes laissent à penser que ces outils sont loin d’avoir terminé leur évolution en complexité et en performance.
En mécanique, les modélisations les plus fréquentes reposent sur la Mécanique des Milieux Continus (MMC). De plus, l’industrie s’intéressant à des systèmes de plus en plus complexes, on traite maintenant régulièrement des problèmes comportants plusieurs composants en intéraction. Il est donc nécessaire dans ce cas d’utiliser une modélisation de Mécanique des Milieux Continus avec contact. Dans ce domaine, sauf cas exceptionnels, l’obtention des solutions exactes n’est pas envisageable. L’utilisateur ne pouvant obtenir de résultats doit se contenter d’un résultat approché numériquement, généralement obtenu par la Méthode des Eléments Finis (MEF) avec contact.
Il est nécessaire d’être bien alerté sur le caractère approché de la solution obtenue par toute résolution numérique. C’est pourquoi, dès les années 70, des outils ont été élaborés afin de contrôler la qualité des résultats de la MEF. Ces outils d’estimation d’erreur sont maintenant nombreux et performants. Ils ont été étendus à de très nombreux domaines des MEF (linéaire, non-linéaire, contact, dynamique, grande déformation, …). Différentes méthodes sont déjà implémentées dans les codes de calculs industriels pour l’ingénieur. Cependant, l’estimation d’erreur pour les MEF reste encore assez peu répandue dans l’industrie, du fait des inconvéniants des méthodes d’estimation utilisées : manque de fiabilité pour certaines, coûts de calcul pour d’autres, ou encore manque de flexibilité.
Problème de référence, du modèle continu au modèle éléments finis, introduction de l’erreur de discrétisation
La littérature relative à l’estimation de la qualité des calculs par méthodes éléments finis est très vaste. Nous ne donnons dans ce chapitre que les aspects fondamentaux des méthodes d’estimation d’erreur. Dans un premier temps, on se focalise sur les méthodes appliquées à un problème général de mécanique des milieux continus d’élasticité linéaire en statique. Dans un second temps, on présentera les méthodes liées à des problèmes d’élasticité linéaire avec contact, toujours en statique. On évoquera enfin les estimations d’erreur de modèle.
Estimation de l’erreur de discrétisation pour les problèmes linéaires de statique
Il existe de nombreuses méthodes visant à estimer l’erreur de discrétisation. Les premiers travaux [Aziz, 1972][Ciarlet, 1978] dits a priori, proposent des méthodes d’estimation basées uniquement sur les données du problème initial. De ce fait, ces estimateurs donnent une bonne information sur les convergences des solutions approchées, mais ne peuvent donner qu’une approximation grossière de l’erreur. Par la suite, les travaux se sont orientés sur les méthodes dites a posteriori, se basant sur les solutions approchées du problème pour estimer l’erreur, et ainsi permettre une estimation plus précise et fiable. Les méthodes a posteriori peuvent se classer en trois grandes familles en fonction des principes exploités : Le lissage des contraintes, les défauts d’équilibre, la non-vérification de la relation de comportement.
Estimateur d’erreur globale basé sur la relation de comportement
Ces méthodes, introduites par Ladevèze [Ladevèze, 1975], permettent d’obtenir une borne majorante d’une mesure de eh . Elles consistent à évaluer l’erreur en se basant sur la non-vérification de la relation de comportement. Pour cela, on mesure l’erreur énergétique commise au niveau de la relation de comportement par le couple de champs admissibles (σˆ,uˆ) construit à partir des solutions éléments finis (σh ,uh). Ces estimateurs ont initialement été proposés pour des problèmes de thermique stationnaire [Ladevèze et Leguillon, 1983], ensuite étendus aux problèmes d’élasticité linéaire 2D, 3D et d’élasticité incompressible [Ladevèze et al., 1991][Coorevits et al., 1998].
Principe, définition et propriétés
Le principe de ces estimateurs est de considérer les équations du problème de référence en deux catégories. En effet, d’un point de vue mécanique, on peut distinguer, d’une part, les conditions d’admissibilité que l’on peut considérer comme équation fiable, d’autre part, la relation de comportement comme équation non-fiable. L’objectif est alors de faire porter le doute, et donc l’estimation de l’erreur, sur les équations considérées comme les moins fiables.
Méthodes de reconstruction de champs admissibles
La reconstruction de champs dits admissibles (σˆ,uˆ) est une étape cruciale lors de l’estimation d’erreur en relation de comportement. Ces champs doivent vérifier les équations d’admissibilités (1.1, et 1.2). Pour une résolution éléments finis en déplacement, le champ de déplacement éléments finis uh satisfait généralement les équations d’admissibilités. On peut alors prendre celui-ci comme champ de déplacement admissible ˆu = uh . La construction du champ de contrainte admissible σˆ nécessite, elle, un traitement particulier. Différentes méthodes ont été proposées. Une première option consiste à résoudre un problème éléments finis basé sur la formulation faible en contrainte du problème appelé approche duale en contrainte [Fraeijs de Veubeke, 1965][Debongnie et al., 1995]. Ainsi, le champ de contrainte obtenu satisfait complètement les équations d’admissibilités. Cette solution, bien qu’idéale, présente de grosses difficultés. En effet, cela représente une résolution très coûteuse en temps et présente une intégration complexe dans les codes de calcul existants.
Estimation d’erreur locale
Les méthodes d’estimation vues jusqu’à présent visent toutes à estimer l’erreur globale. Cette information est très insuffisante dans le cadre du dimensionnement de structures. En effet, les besoins des ingénieurs, concepteurs et bureaux d’études se basent principalement sur des critères faisant intervenir des quantités locales (déplacement maximum, critères en contraintes, …). De ce fait, il est important pour l’ingénieur de connaître l’erreur réalisée localement entre la solution éléments finis et la solution exacte.
Estimation de l’erreur en pollution
Le concept d’erreur en pollution [Babuška et al., 1995] postule que l’erreur de discrétisation sur une zone w d’une structure provient de deux contributions :
• l’erreur de troncature dans la zone considérée
• l’erreur occasionnée par la discrétisation dans le reste de la structure reportée sur la zone w considérée (appelée erreur en pollution). On peut donc écrire l’erreur comme étant la somme de ces deux contributions. L’estimation locale de l’erreur en pollution sur la zone w considérée peut s’effectuer par la méthode proposée par Babu ˇska, utilisant les fonctions de Green décrivant les intéractions entre les points du domaine. La connaissance et la maîtrise de l’erreur en pollution sont importantes. En effet, en permettant de quantifier la contribution de l’extérieur à l’erreur d’une quantité locale, on peut connaître pour une quantité obtenue par une discrétisation raffinée localement la contribution du reste du maillage, plus grossier, sur cette quantité. On peut donc vérifier si le raffinement local est pertinent en vue de diminuer l’erreur locale.
Méthodes basées sur l’erreur en relation de comportement pour les problèmes éléments finis avec contact
Dans le cas du calcul éléments finis avec contact, de nombreux points sont à prendre en compte. En effet, nous ne sommes plus ici en présence d’un problème simple constitué d’un seul domaine, mais d’un nouveau problème constitué d’un ensemble de domaines en relation entre eux. Il faut donc redéfinir le problème mathématique de référence en prenant en compte les interactions de contact entre les domaines en présence. Lors de la résolution numérique du problème, la discrétisation élément finis entrainera une erreur d’intégration sur chacun des domaines, mais également une erreur sur la résolution des lois représentant les interactions entre domaines. Dans un premier temps, on détaillera le nouveau problème de référence correspondant au cas de contact. Nous verrons ensuite quelles sont les méthodes basiques d’estimation d’erreur dans cette situation.
Nouveaux modèles, mathématique et discrétisé, associés aux problèmes de contacts
Considérons une structure (figure 1.2) composée de deux sous-structures en contact, représentées par deux domaines ΩA et ΩB de frontière ∂Ω constitué de ∂ΩA et ∂ΩB. Les deux domaines sont en contact sur ΦAB 2 ∂Ω l’intersection ∂ΩA \∂ΩB . Cette structure est soumise à un chargement schématisé par :
— un champ de déplacement Ud imposé sur une partie de la frontière ∂uΩ 2 ∂Ω \ ΦAB. (Condition limite de type Dirichlet)
— une densité surfacique d’effort Fd imposée sur une partie de la frontière ∂fΩ 2 ∂Ω\ΦAB complémentaire de ∂uΩ.
— une densité volumique d’effort fd définie sur tout le domaine Ω. Il est nécessaire d’introduire les grandeurs mécaniques représentant les champs de déplacement et de densité surfacique de force sur la zone de contact ΦAB (de normale extérieure nAB). On définit le champ de densité surfacique de force au contact FAB à partir des champs de densité surfacique de forces d’effort transmis de ΩA à ΩB.
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Table des matières
Introduction
1 Etat de l’art sur l’estimation d’erreur pour les calculs par éléments finis
1 Problème de référence, du modèle continu au modèle éléments finis, introduction de l’erreur de discrétisation
1.1 Modèle continu
1.2 Modèle discrétisé
1.3 Erreur de discrétisation
2 Estimation de l’erreur de discrétisation pour les problèmes linéaires de statique
2.1 Estimateur d’erreur globale basé sur le lissage des contraintes
2.2 Estimateur d’erreur globale basé sur les défauts d’équilibre
2.3 Estimateur d’erreur globale basé sur la relation de comportement
2.4 Estimation d’erreur locale
2.5 Qualité des estimateurs
3 Méthodes basées sur l’erreur en relation de comportement pour les problèmes éléments finis avec contact
3.1 Nouveaux modèles, mathématique et discrétisé, associés aux problèmes de contacts
3.2 Adaptation de l’erreur en relation de comportement
4 Erreur de modèle
2 Estimation d’erreur dans les cas de données incertaines
1 Problématique liée à la reconstruction de champs en pratique.
1.1 Incertitude sur le modèle dans les cas industriels
1.2 Premières propositions
2 Présentation du modèle Fils et de ses propriétés
3 Utilisation du modèle Fils pour l’estimation d’erreur
4 Démonstrateur
4.1 Plaque trouée
4.2 Cas test 3D industriel
5 Conclusion
3 Estimation d’erreur par décomposition de domaines
1 Estimation d’erreur : techniques de décomposition de domaine
1.1 Décomposition de domaines
1.2 Modèle Fils et estimation d’erreur par décomposition de domaines
2 Exemples Académiques
2.1 Poutre trouée
2.2 Portique
3 Conclusion
4 Estimation d’erreur pour les cas de contact
1 Utilisation du modèle Fils dans le cadre des assemblages
1.1 Similitude entre décomposition de domaines et contact
1.2 Utilisation du modèle Fils.
2 Exemple Académique
2.1 Présentation du démonstrateur utilisé
2.2 Résultats
3 Exemple industriel
5 Interactions industrielles et cadre de recherche ROMMA
1 Contexte industriel : ROMMA
2 Influence du solveur utilisé
2.1 Présentation SAMCEF
2.2 Présentation du code d’erreur
2.3 Influence sur l’estimation d’erreur et implémentation du modèle fils
3 Cas test ROMMA
3.1 Présentation du cas test ROMMA
3.2 Estimation d’erreur
Conclusion
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