Historique de la robotique humanoïde
Pour situer ce travail de recherche, il est important d’établir une chronologie des événements marquants dans l’histoire de la robotique humanoïde. L’idée de créer un automate intelligent de forme humaine pour aider les êtres humainsn’a rien de nouveau. En effet, dès le troisième siècle avant Jésus-Christ, les premier mécaniciens de la Grèce antique Héron d’Alexandrie et Philon de Byzance se penchent sur la question des automates [Philon de Byzance et de Vaux, 1902]. Ils inventent alors des humanoïdes animés par l’eau, l’air et la vapeur d’eau. Un exemple typique est la serveuse automate qui s’anime quand une coupe est posée dans sa main, sous l’effet de la gravité, et remplit le verre de vin puis d’eau par un système de valves. Pendant longtemps les machines produites seront des automates, capable de reproduire le même mouvement mais sans pouvoir s’adapter à l’environnement. Ainsi Léonard de Vinci crée son chevalier robot en 1495 qui peut bouger bras et tête. En France, Jacques de Vaucanson crée de nombreux automates dès 1738 pouvant reproduire des musiques en utilisant des instruments. L’ajout de capteurs, permettant de passer du statut d’automate à celui de robot, est réalisé pour la première fois en 1915 par Hammond et Miessner. Ils créent alors le chien électrique qui se déplace en fonction de la luminosité grâce à deux capteurs photosensibles. Les premiers robots sont principalement inspirés d’animaux tels que le chien Phillidog de Henri Piraux en 1928 et le renard de Ducrocq en 1953. Walter Grey crée une tortue cybernétique en 1950 équipée de capteurs tactiles et lumineux. En 1961, le premier robot industriel est créé par George Devol. Il s’agit d’un bras articulé programmable appelé Unimate qui est utilisé par General Motors sur ses lignes d’assemblage pour déplacer des pièces de 150 kg, le robot pesant 1500 kg. Le premier robot humanoïde doté d’une marche bipède, appelé Wabot-1, est fabriqué à l’université de Waseda à Tokyo, Japon, en 1973. Ce robot, doté d’un ordinateur embarqué, est capable de voir, de marcher, de parler et d’attraper des objets. Dès lors, la recherche s’empare des robots humanoïdes et nombreux sont les laboratoires qui se fabriquent leur propre robot. La première version d’ASIMO, le célèbre robot humanoïde fabriquée par HONDA, voit le jour en 2000. Premier robot humanoïde capable de courir, il est utilisé par HONDA pour démontrer leur savoir faire mais n’est pas disponible à la vente. Une entreprise française, Aldebaran Robotics, crée le robot humanoïde de petite taille (58cm) Nao en 2005. Au vu de son prix et de ses capacités, il est largement diffusé dans les laboratoires de recherche et les universités du monde entier.
Les principales problématiques liées à la robotique humanoïde
La robotique humanoïde est un domaine d’étude compliqué du fait de la convergence de plusieurs technologies. En effet, pour un robot classique, la maîtrise de l’électronique, la mécanique, et l’informatique sont nécessaires. Pour la robotique humanoïde s’ajoute à cela la bio-mécanique et le contrôle de systèmes instables. La robotique humanoïde s’est donc naturellement fractionnée en plusieurs champs d’études. Un champ d’étude qui intervient parmi les premiers dans la création d’un nouveau robot est l’étude mécanique. Cette étude mécanique en amont de la conception du robot permet de raisonner sur sa structure. Elle permet d’analyser le comportement des robots, calculer l’espace opérationnel, de générer une structure permettant d’éviter les singularités. Il est ensuite nécessaire de modéliser le robot, afin de pouvoir le simuler. Si l’étude mécanique permet de produire le modèle géométrique, le modèle dynamique peut seulement être estimé tant que les paramètres ne sont pas mesurés sur le robot réel. Les moteurs et capteurs doivent êtres modélisés en utilisant des modèles approximant plus ou moins fidèlement leurs caractéristiques selon la précision désirée de la simulation. Les particularités du robot humanoïde, à la fois sous-actionné et redondant, rendent la modélisation compliquée. En particulier, il est nécessaire de considérer le robot comme ayant une base flottante (traditionnellement la hanche) contrairement aux robots manipulateurs à base fixe, ancrés dans le sol. Pour calculer l’évolution de la base flottante dans l’espace, il est nécessaire de prendre en compte les contacts entre le robot et l’environnement. Les robots, par définition, sont composés de capteurs, d’actionneur et d’un traitement de l’information pour relier les informations des capteurs aux mouvements des actionneurs. Si les actionneurs et la plupart des capteurs sont sensiblement les mêmes que ceux utilisés dans les autres domaines de la robotique, la robotique humanoïde utilise des approches spécialisées pour le traitement des capteurs de forces aux pieds du robot et pour le traitement de la vision. Les capteurs de forces permettent de déterminer le centre de pression et doivent supporter le poids du robot. Le choix du capteur selon sa précision doit être mûrement réfléchi sous peine d’obtenir des mesures inexploitables. Pour la vision, l’apparition de caméras permettant la perception de la profondeur a été un apport majeur pour la robotique mais l’utilisation de ces outils sur des robots humanoïdes est difficile du à la base flottante, aux vibrations et aux mouvements de tête. Les images peuvent être difficiles à exploiter et, en conséquence, la vision est moins utilisée en robotique humanoïde que dans les autres domaines de la robotique. Une fois la structure du robot mise en place avec les capteurs et actionneurs, il est nécessaire de créer des lois de commande pour contrôler le robot. Le contrôle de mouvement est une discipline à part entière dans l’étude des robots humanoïdes. Elle est séparable en deux domaines d’étude : la locomotion et la manipulation. La locomotion est le déplacement bipède sur le sol. Ce mouvement, loin d’être évident, est produit naturellement par les humains. Beaucoup d’études y sont dédiées comme indiqué dans la suite de ce manuscrit. La manipulation d’objet est la saisie dextre d’objet pour accomplir des tâches. Les champs de recherche actuels sont principalement dans la co-manipulation (à deux bras ou entre deux sujets) et la manipulation dans des environnements fortement contraints. Si beaucoup d’études portent sur la locomotion et la manipulation, d’autres études portent sur la génération de mouvements corps-complet ou encore sur les expressions faciales.
La marche humaine
La marche humaine est le fruit d’une évolution pendant des millions d’années. Au fur et à mesure de cette évolution, elle a permis à l’homme de se déplacer dans son environnement de manière toujours plus optimisée. Si l’apprentissage de la marche intervient très tôt dans la vie humaine, vers un an, il faut plusieurs années pour obtenir un mouvement vraiment efficace énergétiquement qui continue d’évoluer avec les changements métabolique dûs au vieillissement du corps [Rose et al., 2006]. La marche humaine est une référence dans le domaine de la marche des robots humanoïdes car comprendre comment elle est générée, et ce quelle nous apporte, permet de mieux saisir les enjeux et les défis à relever de la marche humanoïde. Les parties suivantes sont dédiées aux définitions des termes employés pour parler de la marche humaine.
Influence des mouvements des bras
Dans le but d’étudier l’influence des mouvements des bras et de la coordination brasjambes, plusieurs scénarios ont été réalisés. Pour chaque sujet, il est demandé d’effectuer des marches sur une courte distance avec les scénarios suivants :
• marche normale,
• marche en gardant volontairement les bras le long du corps,
• marche avec balancement des bras anti-normal,
• marche avec une amplitude du balancement des bras exagérée et
• marche avec bras attachés le long du corps.
Quatre essais sont réalisés par scénario, deux aller-retours dans la pièce d’expérimentation. Le nombre total d’enregistrements est de 20 essais par sujet. Le pied de départ pour la marche n’est pas imposé et est laissé au libre choix du sujet. La vitesse de déplacement est choisie par le sujet lui même et correspond à sa vitesse de confort. Le scénario « marche normale » correspond à une marche naturelle du sujet. Le scénario « marche en gardant volontairement les bras le long du corps » correspond à une marche où le sujet contraint les mouvements de ses bras pour les maintenir le long du corps, empêchant le balancement naturel des bras. Le scénario « marche avec balancement des bras anti-normal » correspond à une marche où le sujet contraint les mouvements de ses membres supérieurs pour avancer le bras gauche avec la jambe gauche. Dans l’instant qui suit, pour le pas suivant, il fait la même chose de façon symétrique du côté droit. Ceci est en opposition avec une marche classique où l’on avance les bras et pieds opposés. Le scénario « marche avec une amplitude du balancement des bras exagérée » correspond à une marche où le sujet exagère volontairement le balancement naturel de ses bras, en augmentant l’amplitude du mouvement. Le scénario « marche avec bras attachés le long du corps » correspond à une marche où les bras du sujet sont attachés par une sangle afin de les maintenir le long du corps. Il est attendu que la marche naturelle soit optimale par rapport à la dépense énergétique. Les marches avec perturbations volontaires du mouvement devraient indiquer une dépense énergétique supérieure. La marche où la contrainte est extérieure est intéressante car le sujet ne fournissant pas d’effort sur les bras, la dépense énergétique peut être moins importante que dans le cas de la marche normale.
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Table des matières
Résumé
Remerciements
Table des figures
Liste des tableaux
Notations
Introduction générale
Problématique de la commande corps-complet
Objectifs
Principales contributions
Publications et communications de l’auteur
Organisation du manuscrit
1 Introduction à la robotique humanoïde
1.1 Introduction
1.2 Historique de la robotique humanoïde
1.3 Les principales problématiques liées à la robotique humanoïde
1.4 De la marche humaine à la marche humanoïde
1.4.1 La marche humaine
1.4.1.1 Plans anatomiques
1.4.1.2 Décomposition du cycle de marche chez l’humain
1.4.1.3 Cinématique de la marche
1.4.1.4 Bilan énergétique
1.4.2 La marche humanoïde
1.4.2.1 Décomposition du cycle de marche chez l’humanoïde
1.4.2.2 Principaux indicateurs de stabilité
1.4.2.3 Les modes de marche humanoïde
1.4.2.4 Concepts géométriques en robotique
1.5 État de l’art sur la commande corps-complet des robots humanoïdes
1.5.1 Aperçu et classification des approches existantes
1.5.2 Classe 1 : Approches basées sur l’optimisation
1.5.3 Classe 2 : Approches basées sur la capture du mouvement humain
1.5.4 Classe 3 : Approches basées sur le formalisme de tâches
1.5.5 Approche hybride 1 – 2 : Optimisation – Mouvement humain
1.5.6 Approche hybride 2 – 3 : Mouvement humain – Tâches .
1.5.7 Approche hybride 1 – 3 : Optimisation – Tâches
1.6 Conclusion
2 Étude de la marche humaine
2.1 Introduction
2.2 Scénarios proposés pour l’étude de la marche
2.2.1 Influence des mouvements des bras
2.2.2 Influence de l’amplitude du CoM
2.3 Capture du mouvement : Du concept à l’expérimentation
2.3.1 Le LABLAB : Un laboratoire d’analyse du mouvement
2.3.2 Présentation de la plate-forme expérimentale
2.3.2.1 Le système de capture de mouvement Vicon
2.3.2.2 Les plate-formes de mesure de forces
2.3.2.3 Le logiciel LifeMOD
2.3.3 Les sujets de l’étude
2.3.4 Résultats des expérimentations
2.4 Données minimales pour la reproduction du mouvement
2.4.1 Objectif 1 : Pose relative des pieds
2.4.2 Objectif 2 : Position du centre de masse
2.4.3 Illustration des deux objectifs sur les données de l’humain
2.5 Conclusion
3 Solution proposée : Architecture de commande hybride cinématique/dynamique
3.1 Introduction
3.2 Rappel de la commande cinématique à base de tâches
3.2.1 Définition d’une tâche
3.2.2 Cinématique inverse et noyau de la jacobienne
3.2.3 Formalisme pour la gestion de deux tâches hiérarchique
3.2.4 Formalisme pour la gestion d’un nombre arbitraire de tâches hiérarchiques
3.3 Contrôle cinématique à base de quatre objectifs
3.3.1 Objectif 3 : Orientation du buste
3.3.2 Objectif 4 : Éloignement des butées articulaires
3.4 Nécessité d’une gestion de l’équilibre dynamique
3.5 Un stabilisateur dynamique basé sur la mesure du ZMP
3.5.1 Régulation du ZMP par un contrôleur PD
3.5.2 Régulation du ZMP par un contrôleur PID non linéaire
3.5.3 Projection sphérique de la régulation du ZMP
3.6 Architecture globale de la commande hybride cinématique/dynamique
3.7 Spécificités de l’architecture de commande proposée
3.8 Conclusion
4 Modélisation et simulation du mouvement d’un robot humanoïde
4.1 Introduction
4.2 Présentation de la modélisation des robots
4.2.1 Structure générique de données représentant les robots
4.2.2 Simulation dynamique
4.2.2.1 Dynamique du robot
4.2.2.2 Forces de contact
4.2.3 Simulateur et interface graphique
4.3 Résultats de simulations
4.3.1 Scénario 1 : Mouvement de squat sur un modèle humain
4.3.1.1 Objectifs et mise en œuvre
4.3.1.2 Résultats
4.3.2 Scénario 2 : Apport du stabilisateur sur les marges de stabilité
4.3.2.1 Objectifs et mise en œuvre
4.3.2.2 Résultats
4.3.3 Scénario 3 : Marche quasi-statique sur le robot Sherpa
4.3.3.1 Objectifs et mise en œuvre
4.3.3.2 Résultats
4.3.4 Scénario 4 : Marche dynamique sur le robot HOAP-3
4.3.4.1 Objectifs et mise en œuvre
4.3.4.2 Résultats
4.4 Conclusion
5 Plate-formes et validations expérimentales
5.1 Introduction
5.2 Description des plate-formes expérimentales
5.2.1 Le robot bipède Sherpa
5.2.1.1 Présentation du robot
5.2.1.2 Structure cinématique
5.2.1.3 Structure matérielle
5.2.1.4 Architecture logicielle
5.2.2 Le robot humanoïde HOAP-3
5.2.2.1 Présentation du robot
5.2.2.2 Structure cinématique
5.2.2.3 Structure matérielle
5.2.2.4 Architecture logicielle
5.3 Résultats d’expérimentations
5.3.1 Scénario 1 : Mouvement de squat cyclique
5.3.1.1 Objectifs et mise en œuvre
5.3.1.2 Résultats
5.3.2 Scénario 2 : Adaptation de la posture envers une inclinaison du sol
5.3.2.1 Objectifs et mise en œuvre
5.3.2.2 Résultats
5.3.3 Scénario 3 : Marche sur un sol horizontal
5.3.3.1 Objectifs et mise en œuvre
5.3.3.2 Résultats
5.3.4 Scénario 4 : Marche sur un sol irrégulier
5.3.4.1 Objectifs et mise en œuvre
5.3.4.2 Résultats
5.3.5 Scénario 5 : Marche avec balancement des bras
5.3.5.1 Objectifs et mise en œuvre
5.3.5.2 Résultats
5.4 Conclusion
Conclusion et perspectives
Conclusion
Perspectives
A Placement des marqueurs Plug-in-gait
B Dimensions et débattements articulaires du robot HOAP-3
Bibliographie
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