Le « Fihavanana »
Le « Fihavanana » fait partie intégrante de la culture malgache. Il a pour racine « havana » qui signifie famille. Il s’applique aussi bien au niveau de la famille que de l’entourage. Ce dernier joue un rôle important dans la vie social du malgache car selon sa philosophie, l’entraide est très importante. Et, les thèmes clés quand on parle de « Fihavanana » sont unité, solidarité et fraternité. Cela est montré dans les adages malgaches célèbres suivant : « tananaaviasyhavanana, izaydidihymarary »13 qui montre le partage des peines et souffrances lors des événements funestes par exemple ; « tranoatsimosyavaratra, izaytsymahalen-kialofana »14 qui montre la volonté d’aider son prochain en lui proposant ce que l’on a. Frédéric Le Play affirme que : « Partout où l’individualisme 15 devient prépondérant dans les rapports sociaux, les hommes descendent rapidement vers la barbarie ; partout, au contraire, où la société est en progrès, les individus recherchent avec empressement les liens de la famille et renoncent sans hésitation à l’indépendance qu’autorisent à la rigueur la loi et la nature des choses. »16 La cohésion permettrait alors de changer la face de la société entière par les rapports entre ces membres. En ne pensant pas à son propre profit, l’individu permettrait alors d’harmoniser la société, et pencherait plutôt vers une tendance pour la communauté. Ainsi, il est d’abord, si l’on peut dire, un « style de vie ». Pour le Malgache d’antan, il était comme normal d’aider son prochain. Aussi, est-ce dans cette optique qu’il est aussi une forme d’unité qui se matérialise lors des évènements tels que la circoncision, les mariages ou le « Famadihana » où ils pratiquent le « atero ka alao »17, qui est une sorte de redevance lors des « Famadihana ». Dans les moments de joie ou de peine, le Malgache est toujours partant pour soutenir sa famille ou son entourage. Ainsi, le Fihavanana peut être considéré comme une forme de lien social valorisé dans la culture malgache. S’apparentant à l’entraide et à la solidarité, il constitue un principe de base de la vie collective à Madagascar. Selon, Alfred ADLER : « Chacun a le devoir de travailler la main dans la main d’autrui; il lui faut se sentir associé à autrui; ainsi prennent corps les grands liens qui préexistent dans l’âme humaine, d’une manière ou d’une autre, comme exigences. »18 Étant un être social, l’individu a le besoin de créer des liens avec autrui. Il affirme que ce besoin est programmé d’avance à l’intérieur de l’individu. Ce qui revient à dire que l’individu a inconsciemment envi de se lier à autrui et que, petit à petit, cela devient de plus en plus une nécessité pour lui. Il pose ainsi l’individu comme inséparable de la société, et qu’il ne peut s’épanouir sans elle. La solidarité vue dans la société malgache a pris la forme d’un concept inéluctable des communautés d’avant la colonisation. Aussi, le « Fihavanana » est utile pour le développement de la collectivité mais aussi et surtout pour le développement individuel. En ce sens que, pour son épanouissement, l’individu doit être en harmonie avec ce qui l’entoure. De plus Frédéric Le Play dit même que : « … les transformations sociales font naître journellement des besoins nouveaux auxquels on ne peut pourvoir qu’à l’aide de nombreuses forces individuelles groupées en corporations ». L’entraide peut donc pousser la communauté à faire face aux changements auxquels devrait s’adapter les membres de la société. Les changements dus au contact des cultures par exemple pourraient engendrer de nouvelles techniques et infrastructures. Face à cela, la conception de plans et projets pour leurs réalisations devraient être traitées en coopération avec tous les membres pour leurs efficiences. Ce qui montrerait l’union de la communauté, qui est une des principales caractéristiques du « Fihavanana »
La place de la culture malgache actuellement
La culture se dessine le plus souvent sur le comportement de l’individu. Elle peut même refléter la nationalité de l’individu. Ceci est dû aux valeurs qui se sont emmagasinées en lui. Dans le cas malgache, des siècles de cultures et des années d’histoire font des Malgaches ce qu’ils sont maintenant. Une culture de l’oralité qui n’a pas putréfié depuis ces temps. Cette culture ramenant ainsi par la tradition les normes et valeurs d’antan. Cependant au fur et à mesure du développement, la culture malgache s’est adaptée ou a adapté les cultures étrangères aux pratiques et rituels. Néanmoins, le côté symbolique reste toujours présent. Les rites sont les mêmes mais les matériels employés ont quelques peu changés par exemple. D’autre part, la propagation du christianisme a beaucoup influencé la mentalité du Malgache croyant. Par ce fait, la culture est souvent oubliée ou rejetée. Elle est en conflit de valeurs avec la religion et est traitée d’hérétique. Sa décadence se fait alors au détriment du développement de la religion chrétienne. La moitié de nos enquêtés pensent que le Fihavanana est encore utile contre un peu moins de la moitié qui pense le contraire. Ainsi, la mainmise de la religion s’avère très présente car presque la moitié de nos enquêtés trouvent qu’il est dépassé. La vision du Malgache est obscurcie par les valeurs de l’Eglise. Elle filtre ce que l’individu perçoit et gagne ainsi plus de terrain. Cependant, une partie de la culture malgache perdure encore. Un des concepts que le Malgache d’autrefois chérissait. Un concept qui se rattache à la famille qui est importante pour lui. C’est ainsi que naquis des proverbes et adages montrant l’importance de la famille. Entre autres, « aleo very tsikalakalam-bola toy izay very tsikalakalampihavanana », ce qui signifie qu’il vaut mieux perdre ses richesses que détruire ses liens familiaux. Un des caractéristiques de la culture malgache est le Fihavanana. Il est une forme de solidarité conceptualisée qui a été le style de vie autrefois. Ainsi, jadis, la forme non conventionnelle des relations de fraternité c’est à dire hors des liens de sang y a pris forme et était pratiquée par la plupart des Malgaches. Cependant, bon nombres de Malgaches n’y croient plus, mais, le respecte en tant que signe identitaire de la nation. De nos jours, la culture malgache cède de plus en plus la place à la culture étrangère. Et, les valeurs telles que le « Fihavanana », perdent de plus en plus de leur importance. Mais, en s’adaptant elles ont changé de forme. Elles se sont faites une place dans les relations interpersonnelles quoique subtilement. En effet, dans les relations entretenues par les membres d’une société, les individus qui se sont créés des affinités adoptent le même concept que le Fihavanana car ils sont solidaires entre eux. Aussi, les relations qu’ils vont entretenir avec les autres seront beaucoup plus raffermies. En effet, les personnes avec qui on adopte ce genre de comportement sont le plus souvent des gens proches. Le tableau suivant nous permettra de voir dans le rapport entre le nombre d’amis et l’appréciation du « Fihavanana » de nos enquêtés.
La religion en action dans la mondialisation
la religion en expansion : Dans les pays sous-développés comme Madagascar, la religion tient une place très importante. Elle est présente pour faire face aux maux de la société mais aussi dans son apaisement. Elle prêche l’union, la solidarité mais surtout la paix. Encore que dans le cas de Madagascar, pour la résolution de crise, elle est proposée par certain comme solution. On se tourne le plus souvent vers la religion quand on ne trouve plus de solutions aux problèmes. Cela est d’autant plus flagrant dans les données que nous avons récoltées. Elles nous informent de la proportion de jeunes se trouvant dans une confession parmi nos enquêtés. Toutefois, il nous intéresse de voir le nombre d’individus dans les « communautés » en rapport avec leurs religions. Par ce tableau nos pouvant dire que les protestants sont plus réticents à entrer dans une communauté que les autres confessions. En effet, 32 individus d’entre eux ne sont pas dans une communauté contre 19 qui y sont. Cela est aussi le cas des luthériens que nous avons enquêtés. Quant aux autres, la différence entre les effectifs entre les variables « oui » et « non » est assez semblable. On peut alors dire que pour les jeunes que nous avons enquêtés, entrer dans une communauté n’est pas primordiale. Ceci peut être expliqué, pour le cas des communautés virtuelles, par la non-disposition des matériels à portée du jeune. Les abonnements ne sont pas à la portée de toutes les bourses, donc une minorité seulement y a accès. Certes, il y a les « cybercafés » mais discuter et entretenir les relations nécessites beaucoup de temps et donc d’argents. On peut alors parler d’un renfermement du jeune dans le cercle de son entourage et de sa religion. Il ne s’ouvre pas trop au monde extérieur mais axe ses agissements selon les choses qui priment dans sa religion.
la tradition surplombée par la religion : La tradition a été pendant plusieurs années une des principales raisons d’actions des Malgaches. Pour la plupart de la population, tous se référaient à celle-ci. Cependant, avec l’arrivée du Christianisme, son importance a grandement diminué. Ainsi dans le tableau suivant on va voir cela de plus près. On peut constater que les avis des enquêtés sont partagés en ce qui concerne la tradition. Et, on peut voir qu’un peu plus de la moitié des protestants (57,69%) de notre enquête disent que les traditions sont dépassées. Mais encore, on peut noter que plus de la moitié des catholiques (73,07%) de notre enquête les trouvent encore utiles. Pour le cas des protestants, les traditions sont en opposition avec les valeurs de l’Eglise. Ils campent sur leurs opinions. Tandis que pour les catholiques, on peut noter un laxisme entrainant une adaptation de la religion aux traditions.
Le processus de socialisation
Le processus de socialisation, ou dans un sens la socialisation elle-même fait que les individus se rapprochent entre eux. Dans le processus logique de socialisation, l’individu est plus ou moins forcé à tisser des liens avec autrui afin de mieux s’intégrer dans le milieu où il est censé vivre et se développer. Le besoins de s’intégrer, le besoin d’être reconnu, l’éloignement de la marginalisation, ce sont d’autant de raisons qui poussent l’individu à prendre contact avec autrui. Ainsi, l’enfant doit sortir du « cocon familial » pour pouvoir apprécier de nouveaux horizons. Il doit quitter le seul monde qu’il connait pour s’aventurer dans un genre nouveau. Les premiers pas de ce processus incombent le plus généralement aux parents. Ils doivent éduquer et préparer leurs progénitures à s’ouvrir au nouveau monde dans lequel ils vont maintenant pénétrer. Ceci étant, c’est au tour de l’entourage et des fréquentations de prendre le relais. Ainsi commence plusieurs étapes par lesquelles il doit passer. Prendre contact avec autrui, et commencer ainsi le processus dans lequel il va acquérir bons nombres d’expériences afin de peaufiner son approche. S’habituer à autrui, à leurs actions et réactions. S’intégrer et s’adapter à un environnement nouveau lors des interactions avec autrui. Pour finalement entretenir des liens plus ou moins étroits avec une minorité de personnes. De plus, pour ne pas être marginalisé, l’individu doit former des liens avec ses semblables. Toutefois, il y a des situations où il est difficile de former ce lien. La prise de contact entre les individus se fait difficilement du fait d’un grand écart de valeurs admises et autres caractéristiques individuels. Etant donné que la perception des choses diffère d’un individu à l’autre de par sa position dans l’interaction, la perception de la différence peut être ainsi aigue ou non, selon le cas. En ce sens, « le marginalisé » ne voit pas trop la différence entre lui et les autres car ce que les autres trouvent différent, il le vit au quotidien. Et, voulant s’intégrer il ne voit pas ce que les autres lui reprochent. Tandis que pour ceux qui marginalisent, il est l’intrus, l’élément qui dépasse. Ils sont en supériorité numérique, et comparent ainsi les différences entre eux et lui. La majorité fait penser souvent à la raison dans les sociétés humaines. Ce qui est admis par la majorité est souvent admis par tous. Et ceux qui ne suivent pas sont rapidement mis à l’écart. Pour pallier à ce problème relatif à la différence, les deux parties doivent trouver un terrain d’entente. On essaie alors de trouver un ou plusieurs domaines qui pourraient correspondre entre eux. Un domaine qu’ils pourraient partager ensemble. Un domaine où il rechercherait les mêmes fins. Un domaine qui véhiculerait l’union. Dans ce cas, des efforts de rapprochement seront utiles des deux côtés. Et, Edmond Marc et Dominique Picard évoquent : « En effet, dans le cas où l’interaction entre deux individus se traduit par une suite de transactions complémentaires, on peut dire qu’il existe entre eux un accord (au moins tacite) sur le rapport de places »28. Le rapprochement entre deux individus se fait ainsi par l’interaction. Et, par cette dernière découlent les buts et fins de chacun. Un lien est alors vite former si les fins coïncident. A grande échelle, on parle d’alliance comme pour la seconde Guerre Mondiale où l’on a vu naître les pays alliés afin de combattre les nazis. Mais dans le langage quotidien, on parle plutôt d’ « ami ». Alors, de ces attaches naissent la fonction et le rôle de l’individu.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
Partie 1 : APPROCHE THEORIQUE DES JEUNES ET RELATIONS DE FRATERNITE
Chapitre 01 : CADRE THEORIQUE
Section 01 : Délimitation du sujet
I- Définitions
II – Explication du sujet
II – 1- Les formes de relations de fraternité
II – 1 – 1 – Relations de fraternité consanguins
II – 1 – 2 – Relations de fraternité hors du lien de sang
II – 2 – Le cas de Madagascar
II – 2 – 1 – le « Fihavanana »
II – 2 – 2 – Le « Valintanana » : cas de la communauté villageoise d’Antsomangy/Ankazomasina de RANDRIANARISON TianaHeriniaina
Section 02 : Théories et concepts
I – En sociologie
II – En psychologie
Chapitre 02 : Etat des lieux et domaines d’investigations
Section 01 : Contextes
Section 02 : Présentation des terrains d’investigations
I – La commune urbaine d’Antananarivo et le Lycée JJR
II – La commune rurale d’Andranonahoatra et le Lycée JRA
Partie 2 : LES RELATIONS DE FRATERNITE ET LE QUOTIDIEN DE L’INDIVIDU
Chapitre 03 : Les relations de fraternité et leurs intégrations dans la société
Section 01 : Rapport de la culture aux relations de fraternité
I – Culture et changements
I – 1 – La place de la culture malgache actuellement
I – 2 – Culture et environnement social
II – Les liens noués dans la communauté
II – 1 – L’entourage de l’individu
II – 2 – Le Fihavanana et les agissements de l’entourage
Section 02 : Les relations de fraternité en termes d’interaction
I – Relations de fraternité axées sur les échanges
II – Les outils employés dans les échanges
Chapitre 04 : Les relations de fraternité et leurs facteurs de développement
Section 01 : Confrontation des terrains d’étude
I – Similitudes
I – 1 – Au niveau des interactions avec les proches
I – 2 – Au niveau des valeurs
II – Nuances
II – 1 – Sur les rapports urbain/rural
II – 2 – Sur le plan des relations
Section 02 : Analyses
I – Approche sur la structure (stades)
I – 1 – La jeunesse des enquêtés
I – 2 – Les religions
II – Approche sur les croyances
II – 1 – La Religion en action dans la mondialisation
II – 2 – Le Fihavanana et la Religion
III – La mondialisation s’infiltrant dans le quotidien
III – 1 – Les marques subtiles de la mondialisation
III – 2 – Impacts directs sur les acteurs sociaux
Chapitre 05 : Les relations de fraternité dans la société
Section 01 : Relations de fraternité et leurs rouages
Section 02 : Relations de fraternité et culture
I – Fihavanana et acculturation
II – Les relations de fraternité et les nouvelles technologies : « un bien pour un mal »
Partie 3 : RELATIONS DE FRATERNITE : ELEMENT DE COHESION SOCIALE
Chapitre 06 : l’alliance des relations de fraternité et des jeunes dans le cadre de leurs développements sociaux
Section 1 : rapports entre jeunes et relations de fraternité
I- Les éléments liant les jeunes aux relations de fraternité
I-1 L’écoute
I-2 La prise sur soi
I-3 Le partage
I-4 La présence
II- Raisons des relations de fraternité
II-1 Besoin d’interagir
II-2 Une nécessité dans la société pour le jeune
Section 2 : les relations de fraternité et les intérêts de l’individu
I- Les intérêts
I-1 Les intérêts personnels
I-2 Les intérêts communs
II- Les conflits d’intérêts
II-1 Accords tacites entre les membres d’une fratrie
II-2 les causes
III- Les consensus
Chapitre 07 : Perspectives
Section 01 : Développement des relations de fraternité
Section 02 : Potentialité au niveau de la société
CONCLUSION GENERALE
BILBIOGRAPHIE
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