Contre-ion chiral & Catalyse Organométallique

Depuis une dizaine d’années, l’utilisation du contre-ion chiral a connu un véritable essor en catalyse et plus particulièrement dans le domaine de l’organocatalyse. Ce n’est qu’en 2007 que son utilisation s’est étendue avec succès à la catalyse organométallique avec le premier exemple, hautement énantiosélectif, de cycloisomérisation asymétrique d’allénols et d’allénamides rapporté par Toste. Lorsque nous avons débuté notre étude, peu d’exemples avaient été décrits dans ce domaine. Ainsi, dans le cadre du projet « Stratégie du contre-ion chiral en catalyse asymétrique organométallique » (SACCAOR), nous nous sommes intéressés au développement de systèmes organométalliques cationiques dans lesquels la chiralité serait induite uniquement par un contre-ion ou par effet synergique entre un contre ion et un ligand chiral.

La chiralité est présente dans la Nature. Elle est notamment une propriété caractéristique du vivant à l’échelle moléculaire. Ainsi, les sucres appartiennent à la série D, les acides aminés à la série L et l’ADN, support de l’information génétique, présente une structure hélicoïdale. De la non symétrie du vivant résulte des couples d’énantiomères aux propriétés biologiques différentes. Le défi du chimiste organicien est de réaliser ces synthèses asymétriques pour n’obtenir qu’un seul énantiomère et par conséquent, de contrôler toutes les sélectivités des réactions. On distingue quatre grand types de chiralité : centrée, axiale, planaire et hélicoïdale. Par définition, une molécule est chirale si elle n’est pas superposable à son image dans un miroir et si elle ne présente aucun élément de symétrie. Si cette molécule présente un arrangement dissymétrique de ses atomes autour d’un centre, d’un axe ou d’un plan alors celle-ci possède respectivement une chiralité centrée, axiale ou planaire. Une molécule est à chiralité hélicoïdale lorsque celle-ci présente une structure en hélice se déroulant soit dans le sens des aiguilles d’une montre soit en sens inverse.

Création de liaisons carbone-hétéroatome

En 2000, Arndtsen rapporte le premier exemple d’utilisation d’un contre-ion chiral en catalyse organométallique. Il décrit l’aziridination du styrène I.1 par le N-tosyliminobenzyliodinane I.2 en présence d’un complexe de cuivre achiral associé à un borate chiral (R)-I.3. L’utilisation du benzène comme solvant conduit à l’aziridine (R)-I.4 avec un rendement de 86% et un excès énantiomérique faible de 7%. L’ajout d’un ligand, telles que la 2,2’-bipyridine I.5 ou la 1,10-phénanthroline I.6 conduit à une légère amélioration de l’excès (10% ee) mais à de plus faibles rendements de l’ordre de 40% (Schéma I.2). Notons enfin que lorsqu’un ligand chiral (R)-I.7 de type bis-oxazoline est introduit sur le cuivre, en coopération avec le borate chiral, les excès énantiomériques obtenus montent jusqu’à 24%.

En absence de ligand, l’analyse des structures RX du complexe de cuivre a révélé la formation de deux complexes isomères co-cristallisés dans un rapport 1:1, le sel de cuivre Cu(NCCH3)4 A* I.3 (avec A*, le contre-ion borate chiral) et un second isomère I.8 dans lequel le borate est coordiné via son oxygène au complexe de cuivre pour donner Cu(NCCH3)3 A* (d = 2,16 Å-Figure I.1). La RMN 1H (CD2Cl2) de ce complexe de cuivre révèle l’ionisation complète en solution du complexe pour former le sel de cuivre tétrakis(acétonitrile) Cu(NCCH3)4 A* I.3, suggérant une faible coordination du borate au cuivre, le borate pouvant dans ce cas être considéré comme un contre-ion.

Afin de déterminer plus précisément la nature de l’interaction cation-anion, la structure du complexe a été examinée dans les conditions réelles de catalyse à savoir en présence de 2,2’-bipyridine I.5 et de styrène I.1. Le complexe I.9 obtenu a pu être cristallisé et la structure RX est représentée ci-après (Figure I.2). On constate que le cuivre est coordiné à la fois au styrène et au ligand bidentate. On note d’ailleurs une augmentation de la longueur de liaison Cu-O (d = 2,55 Å) en comparaison avec le système précédent Cu(NCCH3)4 A* (d = 2,16 Å). Le borate forme, avec ses deux groupements binaphtoles, une poche chirale dans laquelle le cation métallique peut se placer. Cette interaction entre le cuivre cationique et le contre-ion chiral est probablement à l’origine de l’énantiosélectivité.

La création de liaisons carbone-hétéroatome peut être réalisée selon divers processus. Au sein de cette partie, nous aborderons la formation de ces liaisons par type de réaction et nous nous intéresserons dans un premier temps aux réactions de cycloisomérisation.

Réactions de cycloisomérisation 

Catalyse à l’or
Les premières études portant sur l’emploi d’un contre-ion comme source de chiralité pour les réactions de cycloisomérisation ont été réalisées dans le cas de la catalyse à l’or. Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’induction de chiralité par un ligand dans le cas de la catalyse à l’or(I) peut être difficile en raison de la géométrie linéaire de ce complexe, le ligand se trouvant à l’opposé du substrat. L’utilisation d’un contre-ion chiral, plus proche du substrat, a donc été envisagée.

Cycloisomérisations énantiosélectives de dérivés alléniques
En 2007, Toste est le premier à démontrer la puissance de cette stratégie en l’appliquant à des réactions de cycloisomérisation d’allénols et d’allénesulfonamides. Dans ces conditions, lorsque la chiralité est introduite sur un ligand de type SEGPHOS ou BINAP, de faibles excès énantiomériques sont atteints (8% ee maximum). En revanche, lorsque la cycloisomérisation énantiosélective de l’allénol I.10 ou de l’allénamide I.11 est réalisée dans le benzène, en présence du phosphate d’argent chiral (R)-I.12 et du complexe d’or dinucléaire dppm(AuCl)2 ou du complexe d’or mononucléaire Ph(CH3)2PAuCl, les tétrahydrofuranes I.13 et tétrahydropyrrolidines I.14 sont obtenues avec d’excellents rendements (≥ 90%) et énantiosélectivités (≥ 96% ee) (Schéma I.3). Notons que l’utilisation de solvants plus polaires tels que le nitrométhane, l’acétonitrile ou le THF, dans le cas de la cycloisomérisation d’allénols, conduit à des excès énantiomériques plus faibles de 18%, 37% et 76% respectivement.

Cette étude a été étendue à la cycloisomérisation d’hydroxylamines I.15 (Schéma I.4). L’emploi d’un contre-ion chiral introduit sous forme de sel d’argent Ag(S)TRIP (S)-I.12, en présence du complexe d’or dinucléaire dppm(AuCl)2, permet l’obtention des isoxazolidines I.16 avec d’excellents rendements (75-98%) et des énantiosélectivités quasi-totales (≥ 98%). Il est important de noter qu’une fois encore, l’utilisation seule de ligands chiraux de type BINAP s’avère totalement inefficace dans la cyclisation de ces substrats.

Dans le cas de l’allène carboxylique I.17, lorsque la chiralité est apportée uniquement par le ligand (R)-BINAP I.18 seul (Schéma I.5-entrée 1) ou par le sel d’argent Ag(R)TRIP I.12 seul (entrée 2), le produit de cyclisation I.19 est obtenu avec un excès énantiomérique décevant de 38% et 12% respectivement. En revanche, lorsque le contre-ion chiral phosphate (R)-I.12 est combiné avec le (S)-BINAP I.18 comme ligand chiral, un effet coopératif des deux espèces appariées est observé : l’excès augmente considérablement pour atteindre 82% (entrée 4). Notons que lorsque le BINAP énantiomère est introduit, la paire désappariée (R)-I.12/(R)-I.18 conduit aux produits cyclisés avec une énantiosélectivité négligeable (3% ee) (entrée 3).

En 2010, Mikami décrit à son tour cet effet synergique pour la cycloisomérisation d’allénols de formule générale I.20 portant un lien gem-dialkyle (Schéma I.6). La coopération des deux sources de chiralité aboutit à la formation des furanes de type I.23 avec d’excellents rendements (75-98%) et des énantiosélectivités comprises entre 70% et 95%.

Discussion sur la nature du système catalytique 

Dans le cas de la coordination du 4-méthyl-styrène par un complexe d’or(I) cationique, une étude réalisée par le groupe de Macchioni, en 2009, a permis de déterminer la position du contre-ion BF4- en fonction du ligand considéré (phosphine ou NHC). La coordination dissymétrique du 4-méthyl-styrène par le complexe d’or(I) a été mise en évidence par RMN et ce, quel que soit le ligand envisagé. Cette observation a été confirmée par DFT : la distance entre l’atome d’or et l’atome C1 (dAu-C1 = 2,27 Å) est plus faible qu’avec l’atome C2 (dAu-C2 = 2,55 Å) (Schéma I.7). L’étude de la distribution des charges pour chaque système a permis de distinguer les zones où la charge positive est la plus concentrée et donc la zone où le contre-ion BF4- a la plus forte probabilité de se situer : sur l’oléfine pour un ligand triphénylphosphine (Schéma I.7-a) et sur le ligand lui-même dans le cas d’un NHC (1,3-bis-(di-iso-propylphényl)-imidazole-2-ylidène) (Schéma I.7-b). Notons que dans les deux cas, la fraction de charge positive portée par l’or étant très faible, le contre-ion est probablement situé loin de l’atome d’or.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I : Contre-ion chiral & Catalyse Organométallique
Partie 1 : Bibliographie
Le contre-ion chiral en catalyse organométallique & en catalyse coopérative
Introduction
Contre-ion chiral et catalyse organométallique en synthèse asymétrique
I- Création de liaisons carbone-hétéroatome
A- Réactions de cycloisomérisation
1- Catalyse à l’or
a- Cycloisomérisations énantiosélectives de dérivés alléniques
b- Discussion sur la nature du système catalytique
2- Catalyse à l’argent
3- Catalyse au cuivre
B- Diamination
C- Dihydroxylation de Sharpless
D- Réarrangement d’Overman
E- Epoxydation
II- Création de liaisons carbone-carbone
A- Hydrocarboxylation
B- Cycloaddition aromatique
C- Cyclopropanation
D- Hydrovinylation d’oléfines
E- Alcynylation/allylation
1- Alcynylation
2- Allylation
3- Vinylation
4- Crotylation
5- CH insertion
III- Création de liaisons carbone-hydrogène
A- Catalyse par un complexe d’iridium cationique
B- Catalyse par un complexe de fer
C- Catalyse au ruthénium
D- Catalyse au rhodium
IV- Création de plusieurs liaisons en une étape
A- Création de liaisons carbone-carbone et carbone-oxygène
1- Cycloaddition dipolaire asymétrique
2- Réarrangement sigmatropique
B- Réactions multicomposantes
1- Trois composants
2- Quatre composants
Conclusion
Partie 2 : Résultats & Discussions
Synthèse du phosphate d’argent Ag(S)TRIP
Silver (S)-{3,3’-bis(2,4,6-triisopropylphényl)-1,1’-binaphthalèn-2,2’-yl} phosphonate
Experimental Part
Chapitre II : Cycloisomérisations catalysées à l’or & à l’iridium
Partie 1 : Cycloisomérisations catalysées à l’or
I- Bibliographie : Cycloisomérisation asymétrique d’allénols et d’allénamines/allénamides
A- Chiralité portée par le substrat
1- Cas des allénols
2- Cas des allénamides
B- Chiralité portée par le système catalytique
1- Cas des allénols
a- Ligand chiral/contre-ion achiral
b- Ligand achiral/contre-ion chiral
2- Cas des allénamines/allénamides
a- Ligand chiral/contre-ion achiral
b- Ligand achiral/contre-ion chiral
II- Contexte de travail
III- Résultats & Discussions : Réactions de cycloisomérisation catalysées par un complexe d’or portant une plateforme organométallique
A- Synthèse du complexe bimétallique [Cp*Ru(η 6-C6H5-PPh2AuCl][OTf] II.52
B- Evaluation du pouvoir σ-donneur du ligand Cp*Ru(η 6-C6H5)-PPh2 II.51
1- Préparation des dérivés séléniés
2- Etude du caractère σ-donneur des ligands PPh3 et Cp*Ru(η 6-arène)PPh2 par RMN 31P
C- Etude de la réactivité du complexe bimétallique en catalyse
1- Synthèse des substrats
a- Allénols/allénamines et allénamides
i) Substrats subtitués en position terminale de l’allène
ii) Introduction d’un groupement gem-dialkyle en β de l’allène
b- β-hydroxyallénynes
2- Réactivité du nouveau complexe II.52 en catalyse
a- Allénols, allénamines et allénamides
i) Etudes préliminaires
ii) Hydroalcoxylation du γ-allénol dissymétrique II.63
iii) Cycloisomérisation de l’allénamide de type sulfonamide I.11
iv) Cycloisomérisation d’allénols, d’allénamines et d’allénamides portant un lien gem-diphényle en β de l’hétéroatome
b- β-hydroxyallénynes II.74 et II.75
3- Evolution vers la synthèse asymétrique
Conclusion générale

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