Dans le monde, 25% de la population totale sont des jeunes âgés de 10 à 24 ans [1] et quatre adolescents sur cinq vivent dans un pays en développement [2]. En Afrique, cette proportion oscille entre 30 et 50% selon les pays [2]. A Madagascar, la population est jeune. En effet, plus de la moitié de celle-ci à moins de 18 ans. 53,8% de la population malgache est composée de jeunes de moins de 20 ans, et les jeunes entre 10 et 24 ans représentent 32% d’une population malgache estimée à 20 millions en 2012 [3]. Environ 30% de la population de la Grande Ile réside dans la capitale où presque la moitié sont des jeunes de moins de 16 ans [4].
L’adolescence est la période de la vie entre l’enfance et l’âge adulte, pendant laquelle se produit la puberté et se forme la pensée abstraite [5]. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit l’adolescence comme la décennie comprise entre 10 et 19 ans [6]. Il s’agit d’une période de défis, de changements et d’expérimentation, tout au long de laquelle le désir sexuel augmente avec pour conséquence possible la survenue d’une grossesse, qu’elle soit désirée ou non [7]. C’est une population vulnérable à plusieurs égards et notamment en matière de santé de la reproduction. Les jeunes sont souvent mal informés sur la sexualité, la contraception, les signes d’une grossesse et les infections sexuellement transmissibles. Ils dialoguent difficilement avec les adultes et ont peu recours aux services de santé de la reproduction. Prévalences élevées des IST, des grossesses non désirées, des mortalités maternelle et infantile, etc. caractérisent la santé de la reproduction des jeunes (SRA) et comptent parmi les plus importants, urgents et complexes défis que doivent relever les Etats et les sociétés [2].
Malgré les efforts de différents intervenants, les adolescents et les jeunes continuent de faire face à des défis de taille, en particulier la santé de la reproduction [8]. Selon l’Enquête Nationale sur le Suivi des Objectifs du Millénaire pour le Développement à Madagascar (ENSOMD) 2012-2013, le taux de fécondité chez les adolescentes de 15 à 19 ans demeure élevé à Madagascar pour se situer à 16,3 % contre 14,8% en 2009 avec 7,7% au sein de la capitale. L’Enquête Démographique et de Santé (EDS) IV décrit que la prévalence contraceptive chez les adolescentes reste la plus faible par rapport aux autres tranches d’âges, 17%. Ne disposant actuellement que de peu de données relatives sur les déterminants du comportement des adolescentes en matière de sexualité, nous avons décidé d’effectuer une étude intitulée «Contraception et grossesse précoce chez les lycéennes d’Antananarivo Renivohitra».
D’après le rapport synthétique de l’United Nations Population Fund (UNFPA), l’âge officiel au niveau lycée est de 15 à 17 ans [8]. En effet, les lycéennes sont des adolescentes. C’est en milieu scolaire que la plupart des jeunes filles en milieu urbain puise les informations en matière de santé sexuelle, l’établissement scolaire étant le lieu où l’adolescente passe beaucoup de son temps. De plus, la pratique de la contraception et l’apparition de la grossesse sont fonction du niveau de connaissances des adolescentes.
L’ADOLESCENCE
Définition
Le mot adolescence vient du latin adolescere qui signifie grandir [9]. L’OMS définit l’adolescence comme la décennie comprise entre 10 et 19 ans [6]. C’est pendant cette période que se font la maturation physique, la formation de l’identité et l’acquisition des rôles sociaux qui est associée à l’émergence d’une conscience de la sexualité et du désir de l’expérimenter. Aussi, c’est une étape de l’évolution de l’individu, conduisant de l’enfance à l’âge adulte. Elle débute à la puberté et s’accompagne d’importantes transformations aux plans biologique, psychologique et social [10].
Puberté
Définition et âge de la puberté
C’est la période de transition entre l’enfance et l’adolescence, caractérisée par le développement des caractères sexuels et par une accélération de la croissance staturale, et conduisant à l’acquisition des fonctions de reproduction. À cette période de leur vie, les jeunes sont particulièrement sensibles à la pression des pairs et peuvent, en jugeant de façon irrationnelle les avantages et les inconvénients de certains comportements, prendre des décisions mettant leur vie en danger. Or, la sexualité est perçue avec beaucoup d’ambiguïté dans la plupart des régions du monde. En effet, si on admet que les adolescents puissent avoir une vie sexuelle, elle est souvent jugée problématique à cause des risques encourus : IST, grossesses non désirées, et les prohibitions sociales imposées aux adultes sont accrues chez les adolescents L’âge de la puberté dépend de nombreux facteurs : raciaux, climatiques, géographiques. Il varie d’un individu à l’autre et même dans une famille donnée. Mais généralement elle débute entre 11 et 13 ans chez la fille et entre 13 et 15 ans chez le garçon [10].
Modifications physiologiques et physiques
La transformation s’effectue sous l’action successive de structures cérébrales (hypothalamus, antéhypophyse), puis des gonades (ovaires et testicules), et enfin de certains tissus de l’organisme. Schématiquement, l’hypothalamus stimule les cellules gonadotropes de l’antéhypophyse par l’intermédiaire d’une hormone, la gonadolibérine ou LH-RH. Cette stimulation hypophysaire aboutit à l’augmentation de la sécrétion de gonadotrophines (hormone folliculostimulante, ou FSH ; hormone lutéinisante, ou LH), qui induit un développement des gonades. Celles-ci commencent à secréter les hormones stéroïdes sexuelles (testostérone pour les testicules, chez les garçons, et œstrogènes, puis progestérone, pour les ovaires, chez les filles) [10].
Particularités psychologiques et comportementales des adolescentes
Sur le plan psychologique, on constate aussi des changements. La jeune fille prend conscience des transformations qui interviennent dans son corps. Elle a de nouveaux désirs et se pose des questions sur ce qui se passe en elle. Elle peut aussi avoir du mal à contrôler ses sentiments. Elle veut qu’on l’aime, qu’on l’apprécie et qu’on la rassure. Elle veut être « quelqu’un ». Elle éprouve des désirs sexuels qu’elle n’assume pas. C’est aussi à ce stade qu’elle va élaborer sa propre personnalité, renforcer son nouveau mode d’expression et façonner son caractère. Son caractère va être marqué par l’instabilité, l’impulsivité et la propension au changement.
À ce stade, la vie intérieure de l’adolescente se manifeste par les conduites suivantes :
‒ la tendance au changement : en effet, l’adolescente a besoin de tâtonner, d’avancer et de régresser dans ses relations avec tout ce qui l’entoure ;
‒ par rapport aux parents : elle se montre parfois très attachante, parfois hostile parce qu’elle désire à la fois jouir de leur affection et se libérer de leur autorité ;
‒ par rapport aux normes sociales qui représentent pour elle des épreuves de passage à la vie adulte : elle a tendance à s’y conformer ou à les rejeter ;
‒ le passage à l’acte, signe de l’impulsivité, traduit la violence de ses pulsions qui sont difficiles à maîtriser.
Dans de nombreuses sociétés, la période de l’adolescence est réduite, voire inexistante. En effet, une fille dès qu’elle a ses règles peut être mariée (mariage précoce) et, de ce fait, passe directement de l’enfance à l’âge adulte. L’adolescence pour les filles comme pour les garçons est le moment où ils prennent leurs distances par rapport à la famille, aux croyances transmises par les parents – et jusqu’alors indiscutées – et aux modes de comportement inculqués depuis l’enfance. C’est une période de remise en question qui permet de forger une personnalité entière et autonome. L’auto-affirmation de l’individu se fait en contradiction avec les modèles familiaux jusqu’alors respectés ainsi que par imitation des comportements extérieurs, notamment celui des « bandes » d’ami(e)s de la même classe d’âge.
Une adolescente n’a pas le même statut qu’une femme mariée. Elle a peu de pouvoir de décision et on lui impose de se conformer à un modèle de comportement strictement codifié. Elle doit apprendre à tenir un foyer, à compléter ses connaissances intellectuelles, aider sa famille par son travail et/ou ses ressources financières. Elle doit rester pure et chaste jusqu’à son mariage, elle doit se limiter en matière de prise de parole, de comportement, d’habillement. Elle ne doit pas fumer ou boire de d’alcool. Elle ne doit pas sortir le soir ou fréquenter les garçons. Elle ne doit pas être violente, penser à la drogue, ou avoir des relations sexuelles. Elle doit savoir se faire belle. Face à cet arsenal d’injonctions et d’interdits et sous l’influence du modèle de jeune fille indépendante véhiculé par les médias, l’adolescente peut se révolter et, progressivement, se tourner vers des voies défendues pour protester contre les multiples pesanteurs d’ordre familial, économique et social qu’elle subit. Malheureusement, les parents sont bien peu préparés à communiquer avec cette personnalité en devenir, en rébellion aussi contre sa famille, et mal dans sa peau. Le modèle de vie désirable présenté par la société moderne, fondé sur la jeunesse, la liberté individuelle, la vitalité, la consommation, l’indépendance et la vitesse renforce souvent la « crise d’adolescence ». Aussi, pour ces différentes raisons, afin d’avoir une vie plus brillante, de se procurer des choses que l’on ne peut obtenir autrement (habillement, études) ou simplement afin de faire comme les autres, l’adolescente peut être entraînée à mener une vie plus libre et à adopter des comportements «contestataires» (cigarettes, sorties, liberté sexuelle). Tous les moyens peuvent être bons à cette fin, y compris celui de recourir de façon occasionnelle ou systématique à la prostitution. Elle peut subir les conséquences à court, moyen ou long terme : par exemple une grossesse inattendue. Le dilemme auquel doit faire face l’adolescente peut lui sembler sans issue et la conduire à des actes encore pires : fuite, fugue, tentative d’avortement provoqué, infanticide, voire suicide. Lorsque les conséquences regrettables d’un acte se font sentir chez l’adolescente parce qu’aucune disposition préventive n’a pu être prise, elle doit essayer de privilégier, malgré les perturbations du jugement dont elle est alors victime, d’autres alternatives qui s’offrent à elle : par exemple la communication avec toute personne dotée d’une certaine faculté d’écoute (membre de la famille, personnel de santé, personnel enseignant, assistant social). Toute solution est préférable à la solitude et à la mort. Un autre danger est la drogue qui guette les jeunes, bien que les filles puissent être moins touchées. Quelle que soit la drogue, les conséquences de son utilisation peuvent être dangereuses pour la santé et l’avenir de l’adolescente. Les risques liés à la consommation de drogues peuvent aussi avoir des répercussions secondaires : comportements sexuels dangereux du fait de la baisse de vigilance due à l’euphorie, infection par le VIH en cas de consommation d’une drogue injectable, recherche de moyens faciles pour se procurer l’argent nécessaire au financement de la dose de drogue devenue indispensable (prostitution, délinquance) .
Cycle menstruel
C’est la période comprise entre chaque début de règles, au cours de laquelle se succèdent un ensemble de phénomènes physiologiques et hormonaux rendant possibles l’ovulation, la rencontre des gamètes, la fécondation, et la nidation de l’embryon au niveau de la muqueuse utérine. Il se répète chez la femme, de la puberté à la ménopause et n’est interrompu que par une grossesse. Il dure en moyenne 28jours et intéresse l’hypophyse, les ovaires, l’utérus et le vagin.
Le cycle menstruel se subdivise en une phase folliculaire et une phase lutéale. La phase folliculaire dure environ 14jours, pendant lesquels la sécrétion hypophysaire de FSH provoque la maturation de plusieurs follicules ovariens, dont un seul parviendra à la maturité. Ceux-ci sécrètent des œstrogènes responsables à leur tour d’un épaississement de l’endomètre, muqueuse interne de l’utérus, et d’une sécrétion abondante de glaire cervicale, destinée à faciliter l’ascension des spermatozoïdes. La phase lutéale débute vers le 14e jour, lorsqu’une légère hausse du taux d’œstrogènes déclenche dans l’hypophyse une importante sécrétion de LH, qui provoque l’ovulation et la transformation du follicule rompu en corps jaune. Le corps jaune, à son tour, sécrète de la progestérone, hormone qui contribue à préparer l’endomètre pour une nidation éventuelle de l’œuf. Si l’ovule n’est pas fécondé, le corps jaune se flétrit brutalement et dégénère entrainant la desquamation de l’endomètre, qui s’évacue en formant les règles. Un autre cycle peut recommencer, qui va préparer à nouveau le corps féminin à l’accueil d’un œuf [12].
Spécificités anatomiques de l’appareil génital et du bassin chez l’adolescente
Chez les adolescentes, les parties molles sont encore immatures, avec une moins grande souplesse des tissus responsable le plus souvent la survenue de déchirures vaginales [13]. Plusieurs auteurs évoquent la notion d’immaturité du bassin des adolescentes, responsable de dystocie [14]. En effet, le non achèvement de la croissance de l’adolescente ou du développement de son bassin pourrait jouer un rôle dans la survenue de complications obstétricales [15].
Sexualités des adolescents
Il existe 1,2 milliard d’adolescents âgés de 10 à 19 ans à travers le monde. Environ 90 % d’entre eux vivent dans des pays en développement et environ 600 millions sont de sexe féminin. Pour les filles, le début de la puberté correspond au commencement de leur vie sexuelle et reproductrice. Dans presque toutes les régions du monde, les filles ont aujourd’hui leur première relation sexuelle, entre 15 et 19 ans [16]. Les jeunes malgaches commencent leur vie sexuelle relativement tôt. En effet, 31% des filles et 22,3% des garçons âgés entre 15 et 24 ans ont eu leurs premiers rapports sexuels avant l’âge de 15 ans. Et 40% des filles entre 15 et 19 ans ont déjà eu des rapports sexuels, tandis que pour 20% d’entre elles le premier rapport a eu lieu avant leurs 15 ans [3].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. L’adolescence
II. Santé reproductive des adolescents
III. La contraception
IV. La grossesse chez les adolescentes
DEUXIEME PARTIE : METHODES ET RESULTATS
I. Méthodes
I.1. Caractéristiques du cadre de l’étude
I.2. Type d’étude
I.3. Période d’étude
I.4. Durée d’étude
I.5.Population d’étude
I.5.1.Critères d’inclusion
I.5.2. Critères d’exclusion
I.6. Mode d’échantillonnage
I.7. Taille de l’échantillon
I .8. Variables de l’étude
I.9. Mode de collecte de données
I.9.1. Enquête
I.9.2. Déroulement de l’enquête
I.10. Mode d’analyse des données
I.11. Limites de l’étude
I.12. Considérations éthiques
II. Résultats de l’étude
II.1.Caractéristiques de l’échantillon
II.2.Connaissances sur la contraception et la grossesse précoce
II.3.Attitudes sur la contraception et la grossesse précoce
II.3.1.Attitudes face au sujet de sexualité
II.3.2.Attitudes face aux méthodes contraceptives
II.3.3.Attitudes face à un problème de santé reproductive
II.4. Pratiques sur la contraception et sur la grossesse précoce
II.4.1. Avoir un petit ami
II.4.2. Pratique sur la vie sexuelle active
II.4.3. Pratique de la contraception
II.4.4. Cas de grossesse précoce
II.5. Proposition pour améliorer la SRA à Madagascar
II.6.Déterminants du comportement des jeunes lycéennes
II.6.1. Facteurs influençant sur les connaissances en matière de contraception et de grossesse précoce
II.6.2.Facteurs influençant sur l’utilisation de contraception
II.6.3.Facteurs influençant sur la grossesse précoce
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRE
I. Echantillon
II. Famille de la lycéenne en milieu urbain
III. Milieu scolaire et sexualité de la lycéenne
IV. Niveau de connaissances et facteurs qui l’influencent
V. Face à un problème de SRA
V.1. Limites d’accès aux soins
V.2. Méthodes contraceptives
V.3.Grossesse précoce et facteurs explicatifs
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES