Continuum des habiletés langagières et ajustement social

Continuum des habiletés langagières et ajustement social

Questions étiologiques

Les études de jumeaux, une approche privilégiée en génétique quantitative, permettent d’obtenir des informations sur l’étiologie génétique et environnementale de certains traits et comportements. Notamment, elle permet d’estimer leur héritabilité, soit le pourcentage des différences entre individus attribuable à des facteurs génétiques dits additifs (A). Le devis de jumeaux repose sur la comparaison de la covariance d’une mesure donnée chez les jumeaux monozygotes (MZ) et dizygotes (DZ) en partant du principe que la corrélation génétique additive est de 1 chez les jumeaux MZ et de .5 en moyenne chez les jumeaux DZ. La variance due à l’environnement peut de plus être décomposée afin d’estimer la proportion attribuable à l’environnement commun (C), qui augmente la similarité entre les jumeaux d’une même paire, et à l’environnement unique (E), qui, au contraire, augmente les différences entre eux (Turkheimer & Waldron, 2000). Enfin, les études de jumeaux permettent d’estimer la magnitude des corrélations génétiques (rA) et environnementales (rC et rE) entre deux traits ou comportements associés, indiquant dans quelle mesure ils partagent les mêmes influences génétiques et environnementales.
Dans cette thèse, la génétique quantitative est utilisée pour vérifier dans quelle mesure les associations entre les variables, ici deux phénotypes propres à l’enfant (les habiletés langagières formelles et l’utilisation du langage) et l’ajustement social (statut auprès des pairs), découlent de sources d’influences communes. La réponse à cette question permettrait de mieux comprendre si des facteurs génétiques ou environnementaux soutenant les phénotypes propres à l’enfant contribuent également à l’environnement social dans lequel il évolue. Toutefois, avant d’y répondre, les travaux antérieurs rattachés à ces questions sont présentés.

Étiologie génétique et environnementale des habiletés langagières formelles et de l’utilisation du langage en contexte social

L’étiologie génétique et environnementale des habiletés langagières formelles a déjà été documentée par plusieurs chercheurs. Il ressort de ces travaux que les habiletés comme le vocabulaire et la syntaxe sont modestement à modérément héritables, avec une contribution plus marquée de l’environnement familial en bas âge qui diminue par la suite pour céder la place à une héritabilité plus importante avec les années.
Ces changements selon l’âge sont les plus évidents dans l’étude de Hayiou-Thomas, Dale et Plomin (2012), la plus exhaustive à cet égard. Ils ont étudié, auprès d’un large échantillon de jumeaux de la Twins Early Development Study (TEDS) au Royaume-Uni, l’étiologie génétique et environnementale des différences individuelles dans le développement du langage depuis la petite enfance jusqu’en début d’adolescence. Ils ont dérivé des facteurs latents regroupant différentes mesures de vocabulaire et de syntaxe à trois périodes (2-3-4 ans, 7-9-10 ans et 12 ans). L’utilisation des facteurs latents était justifiée dans cette étude compte tenu des corrélations substantielles entre les mesures de langage de temps adjacents, surtout à la période préscolaire (r > .48-.63). Alors que les contributions de l’environnement commun sur les habiletés langagières formelles étaient dominantes en bas âge (C = .74) et l’héritabilité modeste (A = .24), le patron s’inverse à l’âge scolaire. Les facteurs génétiques jouent alors un rôle dominant assez stable (A = .57-.63 à l’âge scolaire et .47-.57 à 12 ans) tandis que les contributions de l’environnement commun diminuent (C = .31-.37 à l’âge scolaire et .31-.32 à 12 ans).
Plusieurs études transversales antérieures sur le même échantillon (Dale, Dionne, Eley, & Plomin, 2000; Dionne, Dale, Boivin, & Plomin, 2003); Hayou-Thomas et al., 2006) et d’autres (DeThorne et al., 2008) ont montré un recoupement important entre les facteurs génétiques et environnementaux influençant différentes mesures de langage en bas âge. Par exemple, à 2 ans, Dale et al. (2000) ont montré une corrélation de .66 entre leurs mesures de vocabulaire et de grammaire (A = .25 et .39, et C = .69 et .48 respectivement), et surtout que ce sont essentiellement les mêmes facteurs génétiques (rA = .61) et environnementaux (rC = .74) qui expliquent la corrélation entre les deux. À 3 ans (Dionne et al., 2003), le même scénario a été observé : l’héritabilité du vocabulaire et de la grammaire était modeste (A =.10 et .34 respectivement) avec des influences plus élevées de l’environnement commun (C = .84 et .47 respectivement), et leur corrélation (.52) s’expliquait dans une grande mesure par des facteurs étiologiques partagés (rA = .89 et rC=.54). À 4 ans et demi, Hayiou-Thomas et al. (2006) ont identifié deux facteurs latents dans un plus large éventail de mesures de langage recueilli auprès d’un sous-ensemble des jumeaux du TEDS. Un facteur regroupait le vocabulaire, la grammaire, la fluence verbale, la mémoire verbale et la phonologie et l’autre, l’articulation et la répétition de non-mots. Les deux facteurs présentaient une héritabilité modérée (A = .34 et .56 respectivement) et des influences de l’environnement commun (C = .50 et .15 respectivement). Toutefois, malgré la diversité des mesures et des variations au plan étiologique entre les facteurs, leurs résultats ont montré que ce sont essentiellement les mêmes influences génétiques (rA = .64) et de l’environnement commun (rC = 1) qui expliquaient les différences individuelles sur les deux facteurs.
Dans une autre cohorte de jumeaux, celle du Western Reserve Reading Project, De Thorne et al. (2008) ont fait des constats similaires quant à la similarité des influences génétiques et environnementales de différentes mesures de langage. Ils ont dérivé huit mesures de vocabulaire et de syntaxe chez les 380 jumeaux de leur cohorte à 7 ans. Leurs analyses ont permis d’identifier deux facteur latents, l’un regroupant deux mesures standardisées de vocabulaire et l’autre des mesures de vocabulaire et de syntaxe dérivées du langage spontané. L’héritabilité des deux facteurs (A = .45 et .70 respectivement) était comparable à celle que rapportent Hayou-Thomas et al. (2012) pour la période de 7-10 ans dans l’échantillon TEDS. Qui plus est, la corrélation génétique entre ces facteurs (rA = .91) indique que ce sont essentiellement les mêmes facteurs génétiques qui sont impliqués.
À notre connaissance, l’étiologie génétique et environnementale de l’utilisation du langage en contexte social, que ce soit en termes de sa fonction ou de sa quantité, n’a pas été documentée à ce jour. Dans leurs études, DeThorne et ses collaborateurs (DeThorne et al., 2008; DeThorne & Hart, 2009) ont recueilli des échantillons de langage spontané auprès de jumeaux lorsqu’ils étaient en contexte d’interaction avec un assistant de recherche adulte. Toutefois, ils se sont limités à en extraire des mesures de vocabulaire et de syntaxe, sans égard aux habiletés communicationnelles.
Trois grands constats découlent de l’ensemble de ces études. Le premier est que les habiletés langagières formelles sont modestement héritables à la période préscolaire et le deviennent davantage en début de scolarisation. En contrepartie, les facteurs de l’environnement commun qui expliquent la majorité des différences individuelles en bas âge prennent un rôle plus modeste après l’entrée à l’école. Le second constat des études antérieures est que, de façon générale, les influences génétiques et environnementales sont largement partagées entre différentes mesures de langage formel à un même âge. Toutefois, et c’est le troisième constat, aucune étude en génétique quantitative n’a abordé l’étiologie de l’utilisation du langage, une habileté communicationnelle en contexte social. Néanmoins, puisque la structure et la maitrise du langage ont été associées à l’utilisation du langage en contexte social, tel que le montrent les études décrites précédemment, il est possible que le langage formel et l’utilisation du langage en contexte social partagent des influences étiologiques communes.

Étiologie génétique et environnementale de l’ajustement social

Quelques études ont porté sur l’étiologie génétique et environnementale de l’ajustement social d’enfants d’âge scolaire ou d’adolescents sous l’angle du statut auprès des pairs, mais aussi de construits apparentés comme la popularité, le rejet et les difficultés interpersonnelles. Les conclusions de ces études sont variables.Chez les adolescents, il semblerait que la popularité, mais non les difficultés interpersonnelles, soit influencée par des facteurs génétiques. Dans une étude sur le rôle des facteurs génétiques dans la formation de réseaux sociaux entre 90 000 adolescents répartis dans 142 écoles, Fowler, Dawes, et Christakis (2009) ont estimé, auprès des 1100 jumeaux de l’étude, que les facteurs génétiques expliquaient une part importante de la variance (A = .46) dans le nombre de fois qu’un participant était nommé comme ami par ses pairs, soit un indice de popularité. Dans une autre étude sur 423 fratries du Colorado Adoption Project, O`Connor et ses collègues (O’Connor, Jenkins, Hewitt, DeFries, & Plomin, 2003) ont aussi conclu, à l’aide d’un devis de familles adoptives (i.e., une autre approche en génétique quantitative), que la popularité à 10 et 12 ans évaluée par les enseignants était en partie héritable. En effet, les fratries biologiques étaient plus semblables que les fratries adoptives à cet égard. Par ailleurs, ce n’était pas le cas pour les difficultés interpersonnelles évaluées par les enseignants.
Les études réalisées auprès d’enfants d’âge scolaire et préscolaire que nous avons recensées offrent des résultats qui vont dans le sens d’influences génétiques sur l’ajustement social. En utilisant une mesure de nomination par les pairs auprès de jumeaux de maternelle de même sexe seulement, les résultats de Brendgen et al. (2009) ont montré que les facteurs génétiques expliquaient une part modérée de la variance dans le statut auprès des pairs (A = .30). En incluant les jumeaux de sexes opposés et en conservant la même mesure de nomination par les pairs, Boivin et son équipe ont effectué des corrélations intraclasses (CIs) entre les jumeaux d’une même famille selon la zygotie pour le rejet par les pairs. La différence entre les corrélations MZ et DZ permet d’estimer l’héritabilité du phénotype, une plus grande différence indiquant une héritabilité plus importante. Les différences de CIs obtenues pour les jumeaux MZ et DZ respectivement ont montré que le rejet par les pairs était modestement héritable (.43 vs. .34) en maternelle mais hautement héritable (.56 vs. .22) en 1ère année (Boivin, Brendgen, Vitaro, Forget-Dubois, et al., 2013). Ils ont également montré que les jumeaux MZ se ressemblaient plus que les jumeaux DZ en ce qui a trait aux difficultés interpersonnelles (facteur latent combinant des évaluations auto-rapportées, par les pairs et par les enseignants du rejet et de la victimisation par les pairs) et ce, de la maternelle à la 4e année (Boivin, Brengen, Vitaro, Dionne, et al., 2013). Selon les auteurs, le risque génétique de présenter des difficultés interpersonnelles pourraient provenir de caractéristiques héritables qui entraineraient ces difficultés. Ils ont déjà identifié les comportements disruptifs (agressivité et hyperactivité/impulsivité) en tant que caractéristiques ayant des influences génétiques en commun avec les difficultés relationnelles en début de scolarisation (Boivin, Brendgen, Vitaro, Forget-Dubois, et al., 2013). Nous pensons que les habiletés langagières et communicationnelles pourraient également compter parmi ces caractéristiques. À notre connaissance, aucune étude génétiquement informative n’a investigué les bases étiologiques communes entre les habiletés langagières formelles, l’utilisation du langage et l’ajustement social.

Guide du mémoire de fin d’études avec la catégorie Codification de la participation verbale dans la tâche de la BAI

Étudiant en université, dans une école supérieur ou d’ingénieur, et que vous cherchez des ressources pédagogiques entièrement gratuites, il est jamais trop tard pour commencer à apprendre et consulter une liste des projets proposées cette année, vous trouverez ici des centaines de rapports pfe spécialement conçu pour vous aider à rédiger votre rapport de stage, vous prouvez les télécharger librement en divers formats (DOC, RAR, PDF).. Tout ce que vous devez faire est de télécharger le pfe et ouvrir le fichier PDF ou DOC. Ce rapport complet, pour aider les autres étudiants dans leurs propres travaux, est classé dans la catégorie Différences entre les sexes  où vous pouvez trouver aussi quelques autres mémoires de fin d’études similaires.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport gratuit propose le téléchargement des modèles gratuits de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Résumé
Liste des tableaux
Liste des figures
Remerciements
Chapitre 1. Introduction
1.1 Déficit langagier et ajustement social
1.1.1 Accès à une interaction en cours
1.1.2 Coopération, négociation et résolution de conflits
1.1.3 Comportements sociaux verbaux et non verbaux en milieu naturel
1.1.4 Statut social évalué par les pairs
1.2 Continuum des habiletés langagières et ajustement social
1.2.1 Habiletés langagières et habiletés sociales
1.2.2 Habiletés langagières et statut auprès des pairs
1.2.3 Habiletés langagières formelles, utilisation du langage et ajustement social
1.3 Questions étiologiques
1.3.1 Étiologie génétique et environnementale des habiletés langagières formelles et de l’utilisation du langage en contexte social
1.3.2 Étiologie génétique et environnementale de l’ajustement social
1.4 Résumé et limites des études antérieures
1.5 Objectifs de la thèse
Chapitre 2. Codification de la participation verbale dans la tâche de la Boite à images
2.1 Objectif
2.2 Tâche de la BAI
2.3 Considérations préalables à l’élaboration de la grille de codification de la participation verbale dans la tâche de la BAI
2.4 Développement de la grille de codification de la participation verbale
2.4.1 Visionnement initial et recension d’écrits scientifiques
2.4.2 Grille préliminaire : Établissement de deux catégories et de sept échelles d’énoncés
2.4.3 Modification de la grille préliminaire pour l’obtention de la grille finale
2.5 Codification de la participation verbale dans la tâche de la BAI
2.5.1 Première vague de codification
2.5.2 Deuxième vague de codification
2.6 Variables dérivées de la grille finale et accord interjuge par type d’énoncés
2.7 Références
Chapitre 3. La contribution des habiletés langagières expressives et réceptives à la participation en petits groupes chez des enfants de maternelle
3.1 Résumé
3.2 Introduction
3.3 Méthode
3.3.1 Participants et procédure
3.3.2 Mesures et procédure
3.3.3 Analyses statistiques
3.4 Résultats
3.4.1 Données descriptives
3.4.2 Corrélations
3.4.3 Le vocabulaire à 5 ans est-il associé à la participation verbale et non verbale en petits groupes à 6 ans dans un échantillon normatif ?
3.4.4 La contribution du vocabulaire à 5 ans à la participation verbale et non verbale en petits groupes à 6 ans est-elle présente sur l’ensemble du continuum des habiletés langagières ?
3.5 Discussion
3.5.1 Association entre les habiletés langagières et l’ajustement social en petits groupes
3.5.2 Codification de la participation verbale et non verbale dans la tâche de la BAI
3.5.3 Différences entre les sexes
3.5.4 Forces, limites et conclusions
3.7 Références
Chapitre 4. Kindergarteners’ language use in a small group context genetically mediates the link between preschool language skills and later peer status
4.1 Résumé
4.2 Abstract
4.3 Introduction
4.3.1 Language skills and peer status
4.3.2 From formal language skills to LU, and from LU to peer status
4.3.3 Possible confounds in the association between language skills, LU, and peer status
4.3.4 Etiological links between vocabulary, LU, and peer status
4.4 Objectives
4.5 Method
4.5.1 Participants
4.5.2 Measures and procedure
4.5.3 Statistical approach
4.5.4 Missing Data Treatment
4.6 Results
4.6.1 Descriptive statistics
4.6.2 Correlations
4.6.3 Does LU in a small group context mediate the association between vocabulary and peer status?
4.6.4 Do language genetic or environmental influences also contribute to peer status in the early school years?
4.7 Discussion
4.7.1 The role of language in the social adjustment of children
4.7.2 Genes underlie the mediation
4.7.3 Implications
4.7.4 Strengths, limitations and conclusions
4.8 References
Chapitre 5. Conclusion
5.1 Rappel des objectifs et résultats novateurs de la thèse
5.2 Les implications de la thèse pour la recherche
5.2.1 Spécificité des mesures
5.2.2 Du langage à l’ajustement social…et vice versa?
5.2.3 Et les gènes dans tout ça?
5.3 Les implications de la thèse pour la clinique
5.4 Limites de la thèse
5.5 Pistes de recherches futures
5.6 Conclusion
Références

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *