Contextualisation institutionnelle du RST
Le RST : un concept du ministère de l’environnement
Le réseau scientifique et technique (RST) est un regroupement d’organismes associés aux thématiques du ministère de l’environnement (MTES). Il est chapeauté par la sous-direction de l’animation scientifique et technique (AST) de la direction de la recherche et de l’innovation (DRI) au sein du commissariat général au développement durable (CGDD). A ce titre, le RST est en soi un concept, comme l’est le CGDD. C’est un concept propre au MTES, hérité de son histoire d’ingénierie publique et un marqueur de son évolution.
Tentons de dégager le concept par une image miroir. Le concept de RST existant au MTES est par exemple inconnu du ministère de l’enseignement supérieur (MESRI) qui pour sa part a une approche plus universitaire de la notion de réseau. Ceci conduit le MESRI à un suivi très éloigné par thématiques, l’ANR ayant le véritable contrôle des financements. Le MESRI s’adapte à une culture très individualiste où la notion de gestion des ressources humaines reste l’apanage des grands organismes et corps de recherche qui lui sont rattachés (INSERM, CNRS, CEA, universités,…). L’autonomie obtenue par le statut d’agence, le pouvoir d’influence ou des lois comme celle relative aux libertés et responsabilités des universités (loi LRU de 2007), rend très difficile l’exercice d’une tutelle fine. Cette tutelle peut même être inversée car à l’autonomie importante s’ajoute la cohérence, la taille et la pérennité des établissements rattachés au MESRI. Le MESRI s’est ainsi reporté sur la stratégie nationale de recherche pour conserver un rôle, dans l’espoir d’une vision plus globale et transverse. Au contraire, la tradition d’ingénierie d’un ministère plus opérationnel amène le MTES à une interaction plutôt avec des institutions que de manière directe avec des agents qui jouiraient de la liberté propre aux chercheurs. La proximité de la DRI avec les directions centrales du ministère, comme la DGITM ou la DGPR, la rapproche des décideurs publics et institutionnels qui déterminent ou approuvent les choix stratégiques des organismes. Le paysage de l’ingénierie publique est paradoxalement bien plus éclaté que celui de la recherche publique. La spécialisation extrême des sujets a requis la constitution d’équipes de taille modeste, de l’ordre d’une centaine de personnes, suffisamment cohérentes pour être efficaces sur les politiques et thématiques qui les sollicitent. Les grands remembrements ne font qu’occulter cet état de fait. Les directions centrales ont donc eu pour rôle naturel de fournir une cohérence générale à cet ensemble très diversifié. Il n’existait pas alors d’établissement parmi les organismes directement rattachés au MTES qui puisse choisir de s’abstraire de sa tutelle et de sa relation avec le réseau ministériel sans perdre à la fois ses missions, son financement et sa cohérence. Pour une part importante, le personnel lui-même est dépendant des corps techniques du ministère (ITPE, IPEF,…), ce qui contraint l’autonomie des institutions. Ce lien étroit a entraîné la pérennité des structures aussi longtemps que le ministère associé disposait d’une cohérence. C’est pourquoi la proximité même des organismes à leur tutelle les a confrontés à des bouleversements quand leurs tutelles, aussi bien corps d’Etat que ministères, évoluaient.
En effet l’observation du RST souligne que la stabilité des organismes dépendant de façon prépondérante de l’industrie (BRGM, IFPEN) ou de l’enseignement supérieur (CEA, CNES, MNHN) va de pair avec l’instabilité chronique des établissements liés à l’environnement (IRSTEA, IFSTTAR, Cerema, IGN). Cette instabilité est à mettre en regard des « batailles homériques ou guerres picrocholines » [Lascoumes et al, 2014] qui ont déterminé la ligne du MTES à sa fondation. La fondation du ministère est un point central car la naissance du concept de RST sous sa forme actuelle provient de la création du CGDD qui reçoit en 2008 dans ses attributions la définition des « orientations du réseau des organismes scientifiques et techniques du ministère et […] leur mise en œuvre ainsi [que] la diffusion des produits de la recherche et de l’innovation technique » . L’idée de RST porte les même ambitions de transversalité et de mutualisation que le CGDD. La sous-direction AST correspondante tire son existence de la présence d’un RST, qui lui-même renforce la légitimité du CGDD face aux autres directions centrales par la maîtrise de la dimension recherche des thèmes du MTES. La cohérence institutionnelle du nouveau ministère et la recherche d’une culture commune ont ainsi pris racine dans la DRI, qui succède à la Direction de la recherche et des affaires scientifiques et techniques (DRAST) qui existait dans les formes antérieures du MTES.
IPEF, RST et transition
La relation du MTES au RST témoigne de la fondation du ministère et de l’identité en construction du corps des IPEF pour lequel le RST est un débouché fréquent. En particulier, pour le corps de IPEF, l’évolution du RST en agences plus autonomes traduit ce délitement du lien avec l’Etat central. Ce délitement est la conséquence avant tout de la décentralisation et de la réduction du périmètre de l’Etat, qui s’est exprimée le plus complètement dans la révision générale des politiques publiques (RGPP de 2007) et ses avatars, modernisation de l’action publique (loi MAP de 2012) et aujourd’hui action publique 2022 (AP22 lancé en 2017). Le récit qui est proposé aux promotions postérieures à la fusion de 2009 entre les ingénieurs des Ponts et Chaussées (IPC) et ceux du Génie Rural des Eaux et des Forêts (GREF) s’en ressent. La dimension sociale de gestion du personnel existant et la relation aux collectivités apparaissent comme l’activité prédominante du corps des IPEF à mesure que les privatisations et l’agencification éloignent les organismes du giron de l’Etat.
Le délitement du lien à l’État est à replacer dans un contexte de dévalorisation de la parole scientifique dans la sphère publique. Il sera illustré plus loin par le risque réel de dépréciation progressive des actifs techniques étatiques.
Le RST : un ensemble hétérogène d’organismes soumis à diverses tutelles
Le RST est composé de 32 organismes :
— 6 services à compétence nationale ou services techniques centraux ou équivalent : CETU, SCHAPI, SNIA, STAC, LCPP, STRMTG
— 10 établissements publics à caractère administratif : AFB, ANSES, Cerema, ENAC, ENGEES, EPSF, IGN, Météo-France, ONCFS, ONF
— 2 établissements publics à caractère scientifique et technologique : IFSTTAR, IRSTEA
— 5 établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel : Ecole Centrale de Nantes, ENPC, ENSM, ENTPE, MNHN
— 9 établissements publics à caractère industriel et commercial : Ademe, BRGM, CEA, CNES, CSTB, IFPEN, IFREMER, INERIS, IRSN .
Cette énumération de sigles masque l’hétérogénéité des organismes, depuis les 90 agents du CETU jusqu’aux 16000 du CEA. Les sigles n’indiquent pas non plus les tutelles multiples de nombreux établissements, partagés entre la santé, le travail, l’économie, l’agriculture, l’enseignement supérieur,… La DRI n’exerce de tutelle directe que sur quatre d’entre eux (IGN, Cerema, IFSTTAR et Météo France). Son rapport aux autres établissements est plus ou moins distant. La sous-direction de l’animation scientifique et technique (AST) se partage donc entre un suivi spécifique et un appui à ses établissements proches et les questions transversales, souvent abordées par des thématiques, comme valorisation et modèles économiques, ou données et numérique, et par des outils, comme l’intelligence artificielle. La participation au réseau repose sur le volontariat, et donc sur l’attrait des sujets abordés et la qualité des moyens proposés (masterclass, datathon, groupe de travail,…).
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Table des matières
INTRODUCTION
1 Contextualisation institutionnelle du RST
1.1 Le RST : un concept du ministère de l’environnement
1.2 Le RST : un ensemble hétérogène d’organismes soumis à diverses tutelles
1.3 Le RST : un réseau et des institutions dans un contexte en évolution rapide
2 Conceptualisation de l’apprentissage automatique
2.1 Modèles et aide à la décision
2.2 Survol technique de l’apprentissage automatique
2.3 Décloisonnement scientifique et questions statistiques
3 Contextualisation technique de l’apprentissage automatique
3.1 Chaîne de production et de valorisation des données
3.2 Cultures métiers et interaction avec l’apprentissage
3.3 Se positionner vis-à-vis de l’apprentissage
4 Enjeux pour le RST en matière d’apprentissage automatique
4.1 Quelles incitations à agir ?
4.2 Quelles finalités pour le RST à s’approprier cette technique ?
4.3 Quels prérequis et quelles approches pour développer la technique au sein du RST ?
4.4 Trois scénarios d’évolution des institutions du RST
CONCLUSION