Contextualisation du mind-mapping
Les atouts des cartes heuristiques
Ces auteurs parlent en effet de deux caractéristiques des mind maps qui sont à l’origine de l’efficacité du mind-mapping : la « connexion d’idées autour d’une idée force » et le « système souple et ouvert » (Delengaigne & Mongin, 2013
Concernant le premier atout, à l’intérieur d’une carte mentale :
– « l’idée force est définie clairement puisqu’elle occupe le centre du document » ;
– « l’importance relative de chaque idée est immédiatement perceptible » ;
– « les relations entre les idées principales apparaissent au premier coup d’œil » ;
– « toute l’information de base est concentrée en un seul document, ce qui aide également à passer rapidement en revue toutes les idées » ;
C’est l’utilisation des mots clés (concept défini dans la partie 1.2 de ce mémoire) qui permet cette condensation d’idées.
Par rapport au second atout, l’ouverture et la souplesse du système de carte mentale, les auteurs énoncent que le « système est entièrement ouvert puisqu’il est possible, à tout moment, de rajouter de nouvelles informations sans faire de ratures, ce qui n’est pas le cas de la prise de notes linéaires. Cette souplesse du mind-mapping permet de percevoir :
– les rapports complexes qui existent entre différentes idées, comme des systèmes infinis avec des boucles de rétroaction
– l’information sous différents angles et points de vue. En effet, l’information n’est pas enfermée dans un linéaire intangible puisqu’il est possible de lier une carte mentale de différentes manières (soit globalement, soit une seule branche ou un seul élément) »
En définitive, si je pense que le mind-mapping est une technique à utiliser dans le cadre de l’enseignement, c’est parce qu’elle participe à la construction du sens pour les apprenants. A ce propos, Jean-Louis Lemoigne, spécialiste de la systémique et de l’épistémologie constructiviste confirme : « une carte est une représentation qui permet de comprendre un système complexe en le simplifiant pour découvrir son sens. Pour comprendre et donner du sens à un système complexe, on doit le modéliser pour construire son sens » ( Lemoigne cité dans Delengaigne & Mongin, 2013
Si la carte mentale est un outil aussi riche, c’est en partie en raison du contexte de son élaboration une rapide contextualisation permettra de prendre conscience de son potentiel.
Contextualisation du mind-mapping
L’expression anglaise « mind-mapping », signifie littéralement « cartographie de l’esprit » ;
« mapping » est un gérondif et exprime donc l’idée d’une production active, tandis que le mot « map », désigne la carte résultant de l’action. Nous définirons donc le mind-mapping
Mémoire M2 MEF Documentation 2013-2014 : Marie-Claire EULALIE
comme étant l’activité de construction de cartes mentales (les mind maps). Si l’expression est anglaise, c’est parce que le concept d’origine l’est également. En effet, l’inventeur de cette technique est le psychologue anglais Tony Buzan, qui l’a créée vers 1970, après s’être interrogé sur les processus cognitifs d’apprentissage et de mémorisation.
Etudiant, Tony Buzan s’était trouvé confronté au problème de tout apprenant : la nécessité d’apprendre des masses de connaissances dispensées dans des cours et des livres. A cette époque, il avait recherché sans succès un ouvrage préconisant une méthode pour optimiser l’apprentissage. Tony Buzan va donc s’interroger à ce sujet et étudier différents domaines (psychologie, neurophysiologie, sémantique, neurolinguistique, théorie de l’information, mémoire et techniques mnémoniques, perception, pensée créative…) pour en extrapoler une méthode fonctionnelle d’apprentissage. C’est ainsi qu’il arrivera à l’idée d’un mode de pensée du cerveau, la « pensée irradiante » : une première pensée entraîne une suite d’association et par conséquent un ensemble infini de liaisons et de connexions (ce qui correspond physiologiquement au fonctionnement du réseau neuronal, les signaux électrochimiques passant d’un neurone à l’autre). Fruit de ce travail de réflexion, la carte mentale est donc le « miroir externe de la pensée irradiante » puisque son fonctionnement est analogue à la structure en réseau du cerveau (T. & B. Buzan, 2003). On peut donc dire que « la forme des cartes mentales mime littéralement celle de nos neurones : l’information y circule aussi aisément que dans notre cerveau » (Delengaigne & Mongin, 2013).
La démarche de Tony Buzan est intéressante car elle interroge plusieurs champs scientifiques. Tout d’abord, sa réflexion repose sur une problématique des sciences de l’éducation : comment apprendre ses cours efficacement ? Deuxièmement, elle fait appel au champ de la psychologie cognitive et de la science de l’information à travers un concept transversal : le mot-clé.
Le mot-clé : entre approche cognitive, et approche info-documentaire
« Mot-clé, mot passe-partout qui se retrouve aujourd’hui dans l’esprit de chaque internaute. Moteur de la recherche dont la clé ouvre les portes du web à la connaissance. Vedette de tant de matières. Que de mots se cachent derrière lui ! Que de mots écrit-on à son sujet ! Que de bruits et de silence engendre-t-il ! Insaisissable, plus engin de torture que de recherche ! Sans aucun doute, l’informatique est l’ossature d’Internet, mais la clé de voûte du Réseau des réseaux est le mot. La personne qui détient la maîtrise des mots, détient la clé de la Toile. Aucune erreur d’orthographe ni de sémantique n’est permise. A la moindre erreur, la page web est perdue. Insaisissable est-il dans son caractère, dans sa définition. » (Duval, 2002)
Cet extrait du bibliothécaire Marc Duval montre à quel point il est difficile de définir ce qu’est un mot clé. En effet, mot-clé, ou mot clé, ou encore mot-clef, est un terme polysémique. Il existe différentes acceptions pour le mot clé, qui part de l’idée générale d’un mot ayant une importance particulière (discipline de lettres) en arrivant à une utilisation spécifique dans les sciences de l’information et de la communication (mots servant à l’indexation et à la recherche d’information), en passant par la psychologie cognitive.
Mémoire M2 MEF Documentation 2013-2014 : Marie-Claire EULALIE
Approche cognitive du mot clé
A la question « quel est le système d’information auquel tous les êtres humains ont accès, quel que soit leur origine ? », la réponse est la mémoire. « Les humains peuvent rechercher une information un fait, une date, une citation) dans leur propre mémoire, ce qui n’est pas le cas des objets matériels » (Maniez, 2002 p.39). Comme dans les autres systèmes d’information, le mot clé joue un rôle prépondérant dans la mémoire. D’ailleurs, le concepteur du mind-mapping, Tony Buzan, définit la mémoire comme étant un « processus associatif et relationnel qui fonctionne essentiellement à partir de mots clés et de concepts clés choisis de façon judicieuse »
La conception du mot clé par le psychologue anglais dépasse la conception empirique du mot clé : « le terme clé ajouté à mot (ou image) signifie bien plus que ce qui est important : il signifie que c’est une clé de la mémoire ». En effet, le mot ou l’image clé agira tel un
« déclencheur » pour stimuler l’esprit et retrouver les souvenirs associés Comme nous le verrons plus tard (partie 2), c’est cette approche du mot clé que j’ai choisie pour présenter la notion aux élèves ULIS.
Tony Buzan distingue deux types de mots clés : les « mots clés de rappel » et les « mots clés dynamiques » Si les mots clés du premier type agissent en effet comme des indices de rappel, c’est-à-dire qu’ils permettent de se rappeler d’une information, ce n’est pas le cas des mots clés dynamiques. Ces derniers possèdent une forte valeur évocatrice, mais ne renvoient pas à une information précise, car ils sont trop vagues. Cet extrait du livre Une tête bien faite permet de bien comprendre cette distinction :
« Un mot ou une phrase clé qui aide la mémorisation canalise en lui toute une série d’images, et lorsqu’on fait appel à lui, il déclenche le retour de ces mêmes images. Il prendra le plus souvent la forme d’un nom ou d’un verbe, sémantiquement fort. Il sera parfois accompagné d’un adjectif ou d’un adverbe clé (figure 1-2). Un mot clé dynamique, par contre, possède une valeur essentiellement évocatrice, formatrice d’images, tout en étant beaucoup plus vague qu’un mot clé spécifique d’un domaine. Des mots comme « suinter » ou
« bizarre » sont évocateurs sans pour autant susciter d’images spécifiques (figure 1-3) ».
Présentation du cadre, déroulement de la séquence pédagogique et critique
Cette séquence pédagogique s’adressant à un public particulier, elle a nécessité des aménagements spécifiques. Il me semble donc important de commencer cette partie en définissant ce qu’est le dispositif ULIS et les particularités des élèves qui s’y trouvent.
Le dispositif ULIS
Le collège où je travaille accueille le dispositif ULIS (Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire) qui se présente sous la forme d’une petite classe encadrée par l’enseignant coordonnateur (Thierry) et un Assistant de Vie Scolaire collectif (Denis). Une dizaine d’élèves dans la classe (l’effectif évoluant en cours d’année et selon l’emploi du temps) âgés de 11 à 15 ans, se retrouvent à certains moments en classe avec leur enseignant coordonnateur. Ils peuvent aussi être, à d’autres moments, en inclusion dans d’autres disciplines avec les autres classes, ou participer à d’autres projets de type stages par exemple.Historiquement, les ULIS ont été créés par la circulaire du 18 juin 2010, en remplacement des précédents UPI (Unités Pédagogiques d’Intégration). Cela correspond à un changement d’approche du handicap. D’une part, le concept d’inclusion remplace celui d’intégration, l’environnement scolaire devant s’organiser pour être accessible à l’élève en situation de handicap, et non plus l’inverse (l’élève s’adapte en s’intégrant). D’autre part, les élèves handicapés doivent pouvoir suivre leur scolarité en milieu ordinaire.Les élèves qui relèvent du dispositif ULIS, y ont été orientés suite à arbitrage et décision de la CADPH (Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées) en raison de difficultés d’apprentissages qui ne peuvent être totalement prises en compte dans le cadre d’une scolarité ordinaire.
Six types de troubles sont pris en charge par les ULIS (ESEN, 2014) :
1. TFC : troubles des fonctions cognitives ou mentales (dont les troubles spécifiques du langage écrit et de la parole)
2. TED : troubles envahissants du développement (dont l’autisme)
3. TFM : troubles des fonctions motrices (dont les troubles dyspraxiques)
4. TFA : troubles de la fonction auditive
5. TFV : troubles de la fonction visuelle
6. TMA : troubles multiples associés (pluri-handicap ou maladie invalidante)
Ces troubles ont une incidence sur les apprentissages de ces élèves, dont j’ai pu me rendre compte en situation d’enseignement (L’enseignant référent pour la scolarisation des élèves handicapés, 2014)
– faiblesse du langage écrit et oral (difficultés à lire, à s’exprimer, à poser des questions, à qualifier, à définir en relation avec une syntaxe et un lexique pauvre)
– difficultés de mémorisation (mémoire de travail peu performante et vite saturée)
Mémoire M2 MEF Documentation 2013-2014 : Marie-Claire EULALIE
– difficultés d’attention et de concentration (lenteur d’exécution des tâches et grande fatigabilité)
– difficultés à conceptualiser, à généraliser, à abstraire (capacité d’abstraction limitée, peu de rapprochement, déduction difficile, difficulté à se détacher de la réalité présente)
– difficulté à transférer les acquis (transfert difficile des connaissances et des procédures d’une situation à une autre)
– difficultés spatio-temporelles (repérage problématique dans l’espace, difficulté à retrouver la logique évènementielle, chronologique dans un récit)
Sur les dix élèves avec qui j’ai eu l’occasion de travailler (A, S, Y, Mo, Ma, Me, W, K, J, T), il n’y en a que six que j’ai réellement pu suivre séance après séance (A, S, Y, Mo, Ma, W). Au fil de l’avancement de la séquence pédagogique, je me suis trouvée confrontée à divers obstacles, liés aux troubles cognitifs des élèves vus précédemment, mais aussi aux contraintes matérielles (panne d’ordinateurs, bugs de logiciels…) qui ont nécessité quelques aménagements.
Aménagements et déroulement de la séquence pédagogique
J’ai travaillé avec les élèves sur 5 séances décomposées en 8 cours d’1h chacun (la séance, unité de sens, recouvre parfois plusieurs cours). Les élèves étaient encadrés par 3 à 4 adultes (professeur coordonnateur, AVS-co, professeur(s) documentaliste(s)), ma collègue documentaliste n’étant pas présente systématiquement. La répartition de ces différentes séances sur l’année est récapitulée avec les contraintes matérielles (vacances, panne informatique) sur le tableau suivant.
L’idée développée dans cette séquence est, qu’indépendamment du support du document, le mot clé permet toujours de décrire l’information et donc d’y accéder. S’il est difficile d’indexer, il faut tenir compte de la façon dont l’indexation est menée pour faire sa recherche car les deux sont étroitement liées. Pour apprivoiser le mot-clé, nous (les élèves et moi-même) utilisons la carte mentale. L’objectif final est que les élèves adoptent une démarche de réflexion dans le choix de leurs mots clés lors d’une recherche d’information.
Etude de l’impact du mind-mapping sur les élèves du dispositif ULIS
A la base, les élèves n’étaient pas familiers avec la carte mentale : il fallait donc réfléchir à la façon de présenter cet outil qui peut être déroutant lorsqu’on n’y est pas habitué (passage de la pensée linéaire à la pensée irradiante). J’avais eu l’occasion d’assister à certains cours menés par ma collègue professeur-documentaliste et par l’enseignant coordonnateur d’ULIS qui m’avaient permis de constater les spécificités de ce public. Je savais donc que le déroulement de ma séquence pédagogique dépendrait pour beaucoup du 1er cours. Après avoir hésité longuement, j’ai décidé de leur faire travailler, pour la première séance, la logique de classification/hiérarchisation arborescente pour les rendre familiers de l’outil. En utilisant une matrice pour constituer la carte mentale, le mind map devient plus abordable, et les élèves en ont grandement apprécié l’aspect ludique (coloriage). Ils ont aussi compris, grâce au test de mémoire de la séance 2, pourquoi je travaillerais dorénavant avec eux de cette façon. Et ils se sont habitués à travailler selon un modèle de carte imprimé. Ils sont désormais coutumiers du mind map, et j’ai franchi une autre étape dans les séances qui ont suivi : désormais, ils font leurs cartes mentales directement sur ordinateur, à l’aide du logiciel Framindmap. En interrogeant les élèves à ce sujet, ils m’ont dit apprécier cette façon de travailler, la préférant à une rédaction de texte.J’ai donc utilisé le mind-mapping de différentes façons pour l’enseignement info-documentaire. Il y a eu la carte concept (annexe 0), qui a été élaborée au fil des séances. Cependant, en discutant avec les élèves, je me suis rendue compte qu’ils n’avaient pas pleinement tiré profit de cette carte. Peut-être parce qu’elle est le fruit de mes pensées (en effet, c’est moi qui donnai à chaque fois la consigne d’écrire dessus). Ou encore parce que je ne l’ai pas montrée systématiquement à chaque cours. Quelles que soient les hypothèses, le résultat de l’expérience est, qu’après une douzaine de cours, les élèves ne se rappellent pas ce qui y est écrit. Toutefois, le fait que ce soit des élèves à besoins spécifiques, avec de fortes difficultés de mémorisation, grève les conclusions qui auraient pu être tirées.
Une autre utilisation pédagogique du mind-mapping a été la présentation des objectifs de la séance de cours. N’ayant réalisé qu’une seule fois cette méthode (pour la séance), je ne peux conclure sur son efficacité.
Enfin, j’ai utilisé le mind map comme support de prise de notes que j’ai progressivement assimilé à une simili indexation. A ce niveau, je pense que la démarche heuristique a un grand potentiel. En effet, à la séance du 25 avril 2014 (non répertoriée dans ce document), j’ai demandé aux élèves de m’indexer une image en utilisant un logiciel (Framindmap). Spontanément ils ont décrit l’image en utilisant des mots clés. J’ai même pu entendre une élève expliquer à sa camarade que le mot qu’elle utilisait n’était pas un mot clé car il ne fallait pas mettre « la ». Ce dernier commentaire renvoie à la difficulté que j’avais notée dès la séance 2 : souvent les topogrammes des élèves ne sont pas élaborés avec des mots clés, mais des phrases. Toutefois, l’utilisation progressive des mind maps a eu l’air d’avoir un effet synthétique pour les élèves, qui « indexent » avec des mots clés de plus en plus précis : le mind-mapping semble avoir un effet sur leur façon de choisir les mots clés, ce qui présage de bons réflexes pour la recherche. Le mind-mapping aurait donc toute sa place dans l’enseignement info-documentaire.
|
Table des matières
Introduction
1. Aspects théoriques
1.1 Le mind-mapping : définition
1.1.1 Principes du mind-mapping
1.1.2 Les atouts des cartes heuristiques
1.1.3 Contextualisation du mind-mapping
1.2 Le mot-clé : entre approche cognitive, et approche info-documentaire
1.2.1 Approche cognitive du mot clé
1.2.2 Approche info-documentaire du mot clé .
2. Présentation du cadre, déroulement de la séquence pédagogique et critique
2.1 Le dispositif ULIS
2.2 Aménagements et déroulement de la séquence pédagogique
2.3 Etude de l’impact du mind-mapping sur les élèves du dispositif ULIS
Conclusion
Bibliographie
Télécharger le rapport complet