Contextualisation de l’architecture portugaise
Le contexte historique et architectural dans lequel sont nés les frères Aires Mateus est d’une grande complexité. Le Portugal à cette époque a subi d’énormes bouleversements tant dans son contexte politique qu’artistique fortement influencé par ses relations extérieures. Les architectes de l’époque, Fernando Távora, Teotónio Pereira, Nuno Portas, Alvaro Siza Vieira, Edouardo Souto de Moura, Alcino Soutinho, Ruy d’Athouguia, Alberto Pessoa et Pedro Cid forment un groupe d’architectes qui ont su avec brio travailler avec toutes ces influences tout en conservant le lien important entre l’ancien et le nouveau, entre la culture portugaise, les traditions, et le contexte. Ils établissent en quelque sorte les bases d’une pensée architecturale propre au style portugais. Le Portugal, pays montagneux bordé de tout son long par l’océan atlantique, a depuis ses débuts été un pays d’émigration dont la population a toujours fortement voyagé non seulement dû à sa situation géographique, aux expéditions colonisatrices ainsi qu’à la suite du régime dictatorial pendant le XIXème siècle. Il est donc déchiré entre d’une part une identité nationale et d’autres part une identité façonnée par les voyages, les apports coloniaux et les liens internationaux qui s’établissent au cours de son histoire. Pancho Guedes au Mozambique comme Alvaro Siza, Edouardo Souto de Moura, les frères Aires Mateus et bien d’autres encore un peu partout dans le monde sont la preuve de cette situation particulière qui a forgé l’identitaire portugais et qui en porte les valeurs au travers de leurs architectures.
Cette époque est marquée notamment par un dialogue qui s’établit doucement avec la scène internationale dû à l’entrée du Portugal dans l’Europe et à l’émergence des échanges internationaux qui se sont fortement développés avec la naissance du plan Marshall. Les nouveaux courants artistiques questionnent les classiques et les savoirs ancrés depuis longtemps dans l’esprits de la société. Le style international se propage et chaque pays tente de s’exposer aux devants de la scène architecturale.
Le poché
Qu’entendons-nous par le terme « poché » ? Le premier emploi de ce terme en tant que terme technique à proprement parlé a été utilisé par Gustave Umbdenstock, professeur de théorie de l’architecture à l’école polytechnique de Paris en 1930. Le mot « poché » était cependant déjà employé par certains professeurs de l’école des beaux-arts de Paris dans leurs cours de théorie de l’architecture, mais pas en tant que terme technique, mais plutôt en tant que mot désignant ce qui n’avait pas besoin d’une précision particulière. Le terme poché est défini par Umbdenstock comme suit : « Le rendu. Le poché. Un plan contient avant tout la section des murs à environ 1m du sol. Il est donc nécessaire de rendre tangible l’expression de saillie ou de reliefs des murs par rapport au sol (ou au plafond, auquel cas on suppose la partie supérieure de l’édifice sectionné vue par-dessous). C’est pour cette raison que l’on teinte les sections des murs. On appelle cela le poché. On peut pocher dans une teinte quelconque (gris, vert, rouge, jaune, noir, etc.), le choix dépendant du caractère expressif du programme et aussi du tempérament et du goût personnel. Toutefois la loi de couleurs joue. C’est ainsi que le poché noir, brillant ou mat, précise durement et monumentalisme. On remarquera que les plans dits d’exécution (plans de chantier) ne sont pas pochés. C’est donc bien un procédé de présentation. » .
Le diagramme
Un diagramme en architecture est une représentation graphique d’une série de concepts déterminants pour le projet. Il fait preuve d’une sensible qualité d’abstraction afin de le rendre expressif et facilement compréhensible. Il est à la fois l’introduction et la conclusion de tout projet architectural. Le diagramme en architecture est un élément clé et primordial à l’élaboration des projets pour bon nombre d’architectes contemporains. Plus efficace car moins précis qu’un schéma de composition, il tient compte des intentions primaires quant à l’élaboration d’un projet et en guide l’ensemble de ses interventions. Le diagramme compositionnel d’un projet peut prendre une multitude de formes régulières comme non définies, allant de la grille rectiligne à des formes quelconques comme la spirale. Le diagramme traduit en image simplifiée l’idée étant à la genèse du projet d’architecture. Il existe différents diagrammes possibles : spatial en plan ou en coupe, axonométrie, programmatique, contextuel, structurel, de circulation… Les différentes typologies diagrammatiques peuvent se combiner ensemble.
Les frères Aires Mateus utilisent couramment le processus diagrammatique lors de l’élaboration de leurs projets. Leurs documents graphiques en attestent largement d’ailleurs. Leurs diagrammes font généralement preuve d’un processus de composition par soustraction d’un volume à un volume unitaire. Ils multiplient plusieurs fois l’opération ce qui engendre des espaces complexes en volumétrie dans une forme généralement simple.
La symbolique des formes
Le triangle
Le triangle est une forme stable se basant sur trois appuis. La condition minimale à l’équilibre statique est d’avoir trois appuis ce qui rend donne à la forme triangulaire une grande stabilité. Différents types de triangles existent. Parmi ceux les plus utilisés en architecture on peut en compter trois : l’équilatéral, l’isocèle et le rectangle. De par ses angles, il donne une direction, un sens qui attribue une certaine dynamique à la forme. Il peut paraître dans un équilibre précaire lorsqu’il est positionné sur sa pointe et tend à vouloir tomber de l’un côté ou de l’autre.
Le triangle peut avoir différents discours en fonction de sa mise en œuvre. Dirigé la pointe vers le haut, il est synonyme de masculinité ou de stabilité tandis qu’à l’inverse, la pointe vers le bas, il représente la féminité, la fécondité ou l’instabilité. Il a de façon plutôt générale une connotation de stabilité et d’équilibre. Il est symbole d’harmonie est de spiritualité notamment avec la Sainte Trinité (le père, le fils et le Saint-Esprit) dans la religion chrétienne. Son angle aigu pointe dans une direction. Il induit une notion de pénétration dans l’espace qu’il pointe ou dans lequel il s’insère. Ses caractéristiques le lient directement au chiffre trois, symbole d’ordre, d’achèvement et de perfection.
La révolution du triangle autour d’une de ses hauteurs crée le cône. Le cône est extrêmement stable lorsqu’il est positionné sur sa base circulaire et indique une direction claire. Il peut également reposer sur sa face de côté, il tend alors à vouloir tourner sur lui-même. Lorsqu’il est en équilibre sur sa pointe, il exprime son instabilité.
Le carré
Le carré de par sa forme régulière, ses côtés rectilignes et parallèles insufflent un sentiment de grande stabilité, de confiance, de solidité. La forme en parfait équilibre semble neutre et parfaitement encrée peu importe sa position ou sur quelle face elle repose. Elle dégage une énergie positive.
Il contient cependant des significations dissimulées au sein de sa forme. Le carré induit une symétrie quasi parfaite, peu importe l’axe par lequel on le dissèque. Les médianes comme les diagonales, même non représentées, deviennent des axes de symétrie induits par la forme et invisibles. Même coupé par une droite quelconque la symétrie est présente non plus suivant un axe, mais un centre de symétrie. Une certaine centralité se dégage alors également de la forme. L’ensemble de ces repères induits informent sur la manière d’intervenir au sein de la forme elle-même. Un jeu de tension comme de symétrie peut en découler et définir qualitativement des espaces résultants. Le carré symbolise la terre et la perfection. Il est stable, pure et rationnel. Il est la métaphore de l’Homme en général. Il est rigide et clair. Tout rectangle peut être vu comme une dérivation du carré.
Le cercle
Le cercle, dû à sa courbe, donne un sentiment de mouvement en opposition à la staticité de la forme carrée, mais en a cependant les mêmes caractéristiques intrinsèques. Il symbolise davantage la créativité et la liberté. Le cercle véhicule une image positive et stable.
Le cercle porte la symbolique de l’infini, du perpétuel, l’harmonie. Il est la forme dite parfaite. Il est protecteur et offre un sentiment d’appartenance. Il est métaphore du divin. D’une façon plus éloignée, il est également lié à la fécondité, au ventre rond de la femme enceinte. Il a donc une connotation plutôt féminine et rassurante.
La sphère est produite par la révolution du cercle et est le volume le plus parfait. Il possède une surface infinie. Elle se positionne dans un équilibre précaire lorsque la surface de pose est plane. Elle a la même représentation visuelle peu importe le point de vue depuis lequel on la regarde.
La double soustraction
La méthode soustractive et une méthode de conception qui permet l’élaboration de volumétries par technique de « soustraction ». L’idée principale est d’avoir une volumétrie simple pouvant être légèrement retravaillée de laquelle est soustraite par excavation d’autres volumétries. Cette méthode de travail par soustraction volumétrique engendre une tension entre la volumétrie extérieure ainsi que la volumétrie intérieure. Elle a pour effet la production d’un espace ouvert. Elle donne une illusion de masse perçue depuis l’extérieur et de vide à l’intérieur ce qui crée un jeu de volumétries généralement intéressant.
La volumétrie dans les projets des frères Mateus s’établit en différentes étapes de composition dans un ordre précis généralement comme suit :
Choix d’une forme géométrique simple à potentiellement retravailler en fonction du contexte dans lequel elle s’implante ainsi qu’une forme de base servant à la première addition négative ou soustraction dont résulteront différents moments. La première étape soustractive sert généralement pour la création de cours intérieures.
Une seconde soustraction s’effectue dans la masse résultante. Des volumes réguliers aux dimensions réduites sont retirés afin de créer les espaces de vies comme le salon, la salle à manger, les chambres…
Une dernière excavation qui n’est pas considéré comme une soustraction à part entière permet de connecter les pièces de vies entre elles. La masse résultante de ces excavations sera utilisée pour y intégrer les espaces techniques et de services comme du rangement, des salles d’eau, la cuisine…
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Contextualisation de l’architecture portugaise
Contexte Portugais
Contexte européen
Contexte mondial
Manuel & Francisco Aires Mateus
Biographie
Philosophie
Chapitre 2 : Étude de cas
Casa de Alenquer
Casa en la Costa Alentejana
Casa en Brejos de Azeitão
Centro escolar en villa nova da Barquinha
Faculté d’architecture de Tournai
Chapitre 3 : Stratégie de compositions
Le poché
Louis Isadore Kahn (le massif et le creux)
Robert Venturi et Colin Rowe
Rem Koolhaas : « Strategy of the Void »
Le diagramme
La symbolique des formes
La double soustraction
Caractéristiques soustractives
Box in the box
The box
La grille
Proportions harmoniques
Infill
Conclusion générale
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