Contexte transfusionnel dans la drépanocytose

CONTEXTE TRANSFUSIONNEL DANS LA DREPANOCYTOSE

      Les sujets d’origine afro-antillaise présentent un certain nombre de particularités immunohématologiques par rapport à la population de référence, celle des donneurs, qui est européenne. Ces particularités se retrouvent à 3 niveaux. Au niveau des antigènes courants avec des fréquences d’expression différentes notamment pour les antigènes des systèmes Rhésus (RH), Duffy (FY), Kidd (JK) et MNS; au niveau des phénotypes rares caractérisés par l’absence d’un antigène de fréquence élevée dans les systèmes RH, KEL, FY et MNS ; au niveau des antigènes de basse fréquence dans les systèmes RH et KEL [6]. Les fréquences des groupes ABO varient peu en fonction des populations; cependant, le groupe B est plus fréquent chez les Afro-Antillais que chez les Caucasiens. Les différences sont plus marquées pour d’autres groupes, tels les groupes RH, FY, JK et MNS. Ainsi, pour le groupe RH, on décrit 5 antigènes principaux qui peuvent ou non être exprimés à la surface du globule rouge: l’antigène D ou Ag RH1 (communément appelé facteur Rhésus), les antigènes C, E, c et e. La fréquence de l’expression de l’antigène D est de 85% dans la population européenne, et un peu plus élevée dans les populations afro-antillaises. Certains antigènes sont moins fréquents chez les populations afro-antillaises [7]. Les différences majeures concernent surtout les antigènes C et E, fréquemment exprimés dans la population européenne et peu exprimés chez les populations Africaines et Antillaises. Ainsi le groupe (ou phénotype) RH commun dans la population européenne est D+C+E-c+e+ et D+C-E-c+e+ dans la population sub-saharienne. Ce dernier phénotype est ainsi présent chez 50 à 75% des individus d’origine afro-antillaise, alors que sa fréquence est de moins de 2% chez les individus d’origine européenne [6]. Ainsi si l’on transfuse à un patient drépanocytaire du sang de donneur européen, il y a de fortes chances qu’on lui apporte l’antigène C. Le patient pourra réagir en produisant des anticorps vis-à-vis de cet antigène, appelés anti-C. Ces anti-C, par des mécanismes divers, peuvent aller jusqu’à détruire les globules rouges transfusés en se fixant sur l’antigène C du globule rouge du donneur, on parle d’hémolyse. Au-delà du système RH, on retrouve les groupes sanguin DUFFY, KIDD et MNS, pour lesquels les antigènes Fya, Jkb et S sont fréquemment exprimés par les donneurs d’origine européenne et peu fréquemment exprimés par les patients d’origine afro-antillaise, d’où la fréquence des anticorps correspondants chez les patients et des hémolyses post-transfusionnelles associées. Pour exemple, l’antigène MNS3 (S) du système MNS est absent chez plus de 70 % des sujets noirs d’origine africaine et antillaise alors qu’on le retrouve chez plus de 55 % des sujets caucasiens ; l’antigène FY1 (Fya) du système FY est absent chez 90 % des sujets noirs et présent chez plus de 60 % des sujets caucasiens ; l’antigène JK2 (Jkb) du système JK est absent chez plus de 50 % des sujets noirs et présent chez plus de 75 % des sujets caucasiens [8]. Ainsi, un patient afro-antillais immunisé vis-à-vis d’un certain nombre d’antigènes courants pourra se retrouver rapidement dans une situation où les unités disponibles deviennent de plus en plus rares. À titre d’exemple, dans la population caucasienne, la fréquence du sang de phénotype FY : –1 ; JK : –2, MNS : –3 (Fya–, Jkb–, S–) nécessaire pour un sujet immunisé vis-à-vis des antigènes FY1, JK2 et MNS3 n’est que de 4 %. Le deuxième niveau de particularités immunohématologiques des populations afro-antillaises est représenté par les antigènes de fréquence élevée. L’absence d’expression d’un antigène de fréquence élevée correspond aux groupes rares. Un certain nombre de phénotypes rares ne se rencontrent que dans les populations afro-antillaises. On les décrit essentiellement dans les systèmes RH, KEL, FY et MNS. Le plus connu est le phénotype FY : –1, –2 (Fy (a– b–)). Il constitue un phénotype rare par rapport à la population de référence des donneurs en France métropolitaine; 65 % des sujets noirs sont FY :-1,-2 [Fy (a-b-)], mais ils ne s’immunisent que très rarement dans le système FY. Le second phénotype rare rencontré est le phénotype MNS : –3, –4, –5 (S–, s–, U–). La dangerosité de l’anticorps anti-MNS5 [9] est bien établie. Trois spécificités rares du système RH sont retrouvées : RH : 32, –46 (phénotype RN ; origine peule); RH : –18 (origine bantoue); RH : –34. Il faut ajouter à ces 3 phénotypes, l’existence d’antigènes RH5 (e) partiels dont l’expression à l’état homozygote peut induire une situation d’impasse transfusionnelle. L’exposition à des hématies de phénotype RH courant via la transfusion peut induire respectivement la production des anticorps anti-RH46, anti-RH18, anti-RH34 et anti-RH5. Dans tous les cas, ces anticorps sont potentiellement dangereux et nécessitent le recours à des unités de sang de phénotype rare équivalent. Certains de ces phénotypes peuvent être dépistés avant immunisation car ils sont associés à des affaiblissements des antigènes RH2 et/ou RH5. C’est le cas des phénotypes RH : –46 et RH5 partiels. Les altérations de réactivité sont beaucoup moins évidentes pour les phénotypes RH : –18 et RH : –34 dont la découverte est toujours liée à la présence de l’anticorps correspondant. Le troisième niveau de particularités immuno-hématologiques des populations afro-antillaises est représenté par les antigènes érythrocytaires de faible fréquence ou antigènes « privés ». Un certain nombre d’antigènes sont considérés comme « privés » dans la population de référence des donneurs en France métropolitaine alors qu’ils sont en fait fortement répandus dans la population afro-antillaise. C’est le cas de l’antigène RH20 ou VS produit par un allèle RHce portant une mutation au niveau de l’exon 5 [10]. L’antigène VS est retrouvé chez plus de 30 % des sujets noirs et est quasi inexistant dans la population caucasienne. De la même manière, l’antigène KEL6 (Jsa) est retrouvé chez près de 20 % des sujets noirs. Enfin, il faut citer un certain nombre d’antigènes de basse fréquence associés à des variants D partiels caractéristiques des sujets noirs (RH23, RH30). Ceux-ci sont cependant rares puisqu’ils suivent la fréquence des D partiels correspondants. Ces antigènes « privés » ne posent en règle pas de problèmes particuliers dans un contexte transfusionnel classique. En revanche, ils doivent être pris en compte lorsque la transfusion nécessite du sang de phénotype érythrocytaire rare. En effet, en raison du faible nombre de donneurs pour la même spécificité rare (MNS : –3, –4, –5), les unités transfusées proviennent souvent des mêmes donneurs. L’exposition répétée aux mêmes marqueurs antigéniques (RH20, KEL6) peut aboutir à une immunisation et à terme à une impasse transfusionnelle. De même que l’on tient compte des antigènes courants, il est donc nécessaire de tenir compte des marqueurs antigéniques spécifiques des populations afro-antillaises lors de la transfusion intra-ethnique et recourir à la BNSPR (Banque nationale de sang de phénotype rare). Un programme de détermination de ces marqueurs au CNRGS (Centre national de référence pour les groupes sanguins) est d’ailleurs en cours pour tous les donneurs et receveurs afro antillais répertoriés dans le fichier national de phénotypes érythrocytaires rares. Un dernier élément est à évoquer concernant les particularités immunohématologiques des sujets afro-antillais, c’est l’existence d’antigènes variants partiels ou affaiblis et d’auto-anticorps. On retrouve le polymorphisme moléculaire du phénotype RH : –1 (D négatif). Celui-ci prend toute son importance dans la mise en place des techniques de génotypage qui à ce jour sont essentiellement réalisées dans le cadre de la maladie hémolytique du nouveau-né. Chez les sujets caucasiens, le phénotype RH : –1 est essentiellement lié à la délétion du gène RHD [11]. En revanche, dans les populations afro-antillaises, 2 gènes RHD silencieux sont retrouvés avec une fréquence non négligeable : le pseudogène RHDw [12] et le gène hybride RHD-CE-D associé à l’haplotype (C)ce et produisant un antigène RH2 (C) affaibli [13]. Le génotypage RhD étant fondé sur la présence de séquences géniques spécifiques du gène RHD, il en résulte des faux positifs lorsque ces gènes silencieux sont présents. Une stratégie de génotypage tenant compte de ces gènes doit donc être établie chez les sujets d’origine afro-antillaise. Les patients porteurs d’un antigène C+ partiel, éventualité fréquente dans cette population, peuvent produire un anti-C dirigé contre les épitopes non exprimés, s’ils reçoivent des CGR C+ de donneurs caucasiens [14]. Sachant que la production d’auto-anticorps est fréquente dans la population drépanocytaire [15] un anti-C associé à un C partiel peut être considéré à tort comme un auto-anticorps et non pris en compte au niveau de la sélection des culots de globules rouges. De la même manière, des anti-D, anti-e, anti-RH18 ou anti-RH34 peuvent être facilement confondus avec des auto-anticorps chez des patients drépanocytaires fréquemment auto-immunisés [16,17]. Le risque d’accidents hémolytiques post-transfusionnels augmente donc, si ces antigènes partiels ne sont pas identifiés et respectés. Les individus qui possèdent des antigènes RH partiels devraient recevoir des culots de globules rouges négatifs à l’antigène RH.

Discordance de phénotype érythrocytaire

– L’analyse comparée des phénotypes des culots globulaires rouges avec ceux des patients a montré que certains antigènes présents à la surface des globules rouges des culots n’étaient pas exprimés par les globules rouges des patients. Ces discordances de phénotype érythrocytaire ont été retrouvées dans la majorité des cas d’allo-immunisations de notre cohorte. Les études de Rosse et al. [39] et Vichinsky et al. [18] ont montré que chez les patients drépanocytaires allo-immunisés, il y avait des discordances entre les phénotypes érythrocytaires des culots globulaires transfusés et ceux des patients, paramètre que l’on ne retrouvait pas chez des patients thalassémiques fortement transfusés, mais avec un faible taux d’allo-immunisation.

Exposition antigénique

– Sur les 10 patients ou nous avons retrouvé une exposition antigénique, 4 patients ont développé les anticorps correspondant aux antigènes auxquels ils ont été exposés. L’exposition à l’antigène C du système RH a entrainé la formation d’un anticorps anti-C. Les expositions aux antigènes des systèmes Duffy et MNS (Fya, S) ont entrainé à chaque exposition respectivement la production des anticorps correspondants (anti-Fya, anti-FY3) et ceux dont ils prédisposent le développement (anti-U). Ceci montre que du moment qu’un antigène est absent chez le receveur il vaut mieux en tenir compte ; a fortiori lorsqu’il existe une exposition à des antigènes dits dangereux (C, Fya, Jkb, S) car fortement immunogène. Exposer le patient à des antigènes qu’il ne possède pas conduit au risque de développer une allo-immunisation. Cependant, on sait que l’existence de bons et de mauvais répondeurs complique la tâche des praticiens.
– Sur les 16 allo-immunisations étudiées, 44% des anticorps développés sont dirigés contre des antigènes appartenant au système RH, 19% dans le système MNS, 13% dans les systèmes Duffy et les systèmes associés à ABO, 6% dans le système Kidd. Dans l’étude de Vichinsky et al. les anticorps développés sont anti-K (26%) E (24%) C (16%) Jkb (10%) Fya (6%) M (4%) Lea (4%) [18]. Nos résultats sont conformes à ceux de la littérature.

Les variants antigéniques

– Les immunisations dans le système Rhésus, sont liées dans 38% des cas à l’existence de variants antigéniques non préalablement identifiés. Sur les 8 cas d’allo-immunisations dans le système RH, 9 anticorps ont été développés. 3 des anticorps développés sont liés à l’existence supposée d’un variant. Le patient 1 (tableau 2), a développé anti-e. Le culot globulaire transfusé était e positif chez un patient e positif. Les patients 11 et 13 (tableau 2) ont développé un anticorps anti-D. Le culot globulaire transfusé était D positif chez un patient D positif. Dans ces trois cas, la présence d’anticorps peut-être attribuée à l’existence d’un antigène partiel. Les patients ne présentant pas l’ensemble des épitopes de l’antigène, ils se sont allo-immunisés contre l’antigène complet. Ainsi la présence d’anticorps anti-D peut-être attribuée à l’existence d’un antigène D partiel. Les patients ne présentant pas l’ensemble des épitopes de l’antigène D, ils se sont allo-immunisés contre l’antigène D complet ; il s’agit du même mécanisme pour l’anticorps anti-e retrouvé chez le patient 1. Il est important de souligner que, chez les patients présentant des variants antigéniques, l’analyse sérologique du groupe sanguin ne permet pas de les mettre en évidence, or la méconnaissance de leurs présences est à risque d’allo-immunisation. Il s’agit des antigènes D, C et e partiels, caractérisés par une perte d’épitopes immunogènes et des antigènes dits « privés » (car de faible fréquence dans la population de référence) constitués de nouveaux épitopes immunogènes [7,40]. Cette constatation suggère que l’analyse moléculaire devrait être effectuée chez tous les patients. Par ailleurs les individus qui possèdent des antigènes RH partiels devraient recevoir des culots globulaires rouges négatifs à l’antigène RH. Chez les individus d’origine africaine de nombreux variants RH sont fréquemment retrouvés alors qu’ils sont considérés comme rares dans la population caucasienne.

Les variants antigéniques

– Sur les 2 cas d’allo-immunisations dans le système RH, 1 cas est lié à l’existence d’un variant. Dans l’étude de De Montalembert et al. sur les 4 anticorps identifiés dans le système RH, 2 sont liés à l’existence d’un variant [43]. La proportion de variant retrouvé dans ces deux cohortes est identique. La présence de variant retrouvé lors de l’analyse de ces immunisations montre qu’il est justifié de réaliser des analyses moléculaires à la recherche de variants chez tous les patients drépanocytaires. Les porteurs d’antigènes partiels peuvent produire des anticorps lorsqu’ils sont exposés à l’antigène complet et être à l’origine d’hémolyses post-transfusionnelle..

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Table des matières

I – GENERALITES
Epidémiologie
Enjeu médical
Contexte transfusionnel dans la drépanocytose
L’allo-immunisation
L’hémolyse post-transfusionnelle
Règles de transfusion chez le drépanocytaire
Encadrement du geste transfusionnel chez le drépanocytaire
Indications du geste transfusionnel chez le drépanocytaire
II – ETUDE
1. INTRODUCTION
2. PATIENTS ET METHODES
2.1 PATIENTS
2.2 METHODES
Critères d’inclusion
Recueil des données
Traitement et analyse des données
3. RESULTATS
3.1 LES ALLO-IMMUNISATIONS
Caractéristiques du patient
Caractéristiques des épisodes d’allo-immunisation
Complications ayant justifié l’acte transfusionnel
Historique transfusionnel
Caractéristiques immunohématologiques
Nombre d’épisodes d’allo-immunisations par patient
Nombre de culots globulaires reçus
Concordance des phénotypes érythrocytaires
Caractéristiques des expositions antigéniques
Production d’anticorps
3.2 LES HEMOLYSES POST-TRANSFUSIONNELLES
Caractéristiques du patient
Complications ayant justifié l’acte transfusionnel
Historique transfusionnel
Caractéristiques immunohématologiques
Nombre d’épisodes d’hémolyses par patient
Nombre de culots globulaires reçus
Concordance des phénotypes érythrocytaires
Caractéristiques des expositions antigéniques
Production d’anticorps
4. DISCUSSION
5. CONCLUSION
ANNEXES
Tableau 1. Caractéristiques des patients et allo-immunisations
Tableau 2. Caractéristiques des patients et hémolyses post transfusionnelles
Figure 1. Transfusion simple
Figure 2. Echange érythrocytaire sur séparateur de cellules
REFERENCES

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