Contexte historique et présentation de la théorie AGM
L’analyse formelle du processus de révision des croyances a été échafaudée pour répondre à des préoccupations de modélisation de changements de croyances, c’està-dire comment utiliser et gérer les informations dans nos croyances tout en restant cohérent. Le problème qui se pose est que, bien souvent, la nouvelle information est en conflit avec nos anciennes croyances. Comment incorporer cette information afin de maintenir l’équilibre dans notre système de croyance ? Cette épineuse question s’enracine dans plusieurs domaines de recherches tels que l’intelligence artificielle, le domaine juridique, la philosophie et bien d’autres.
En intelligence artificielle par exemple, la difficulté porte sur l’exploitation des bases de connaissances. La nouvelle connaissance doit être intégrée pour augmenter l’expertise d’un système de base de connaissances. C’est le cas d’un robot qui doit prendre en compte une situation éventuellement différente de celle qui lui a été dictée au préalable. C’est pourquoi, la dynamique de la connaissance est très indispensable en intelligence artificielle notamment dans la création des machines intelligentes qui sont capables de réagir comme des hommes. Plusieurs étapes importantes ont précédé la théorie AGM qu’il convient de mentionner.
Contexte historique
Il s’agit ici de faire une description de la genèse de la théorie AGM et une analyse historique de certaines approches qui ont précédé ladite théorie. Nous pouvons évoquer des systèmes très sophistiqués développés par des experts en intelligence artificielle qui ont fortement inspiré les informaticiens. De sorte qu’en 1970, Jon Doyle a construit des systèmes de maintenance de la vérité. Ces systèmes avaient pour but, compte tenu d’un certain nombre d’inférences, de maintenir les raisons de croire ou non dans la validité des formules inférées. Et depuis, tous les systèmes de maintenance de la vérité suivent globalement le schéma introduit par Jon Doyle.
En plus de Doyle, nous pouvons mentionner le trio Ronald Fagin, Jeffrey Ullman et Moshe Vardi qui ont conçu un autre système qui permet d’incorporer les informations en fonction de la priorité de la base de connaissances.
Dans le domaine philosophique aussi, la théorie de la révision des croyances y trouve ses repères. En effet, plusieurs philosophes tels que Lakatos Irme, Kuhn Thomas et bien d’autres se sont penchés sur la question du changement des théories scientifiques. Que faut-il faire lorsqu’une théorie est remise en cause par une autre ? La question a suscité des débats empreints de passion. C’est ce qui a stimulé Bachelard à employer le terme de « rupture épistémologique ». Ce terme désigne, dans l’approche de la connaissance scientifique, le passage qui permet de connaître réellement, en rejetant certaines connaissances antérieures, qu’il est nécessaire de s’en défaire pour que se révèle la connaissance nouvelle.
En outre, une série d’études menées par Isaac Levi dans les années 70, dont l’objectif était d’élaborer une structure formelle de la dynamique épistémique, avait même évoqué certaines difficultés théoriques auxquelles était confronté le processus de révision. Ces différents travaux mentionnés montrent effectivement que certaines analyses formelles du processus de révision ont été entreprises bien avant la théorie AGM. Cependant, cette dernière a eu une influence majeure et c’est sur elle que la plupart des travaux ultérieurs sur l’étude formelle du processus de révision vont s’arc-bouter.
La théorie AGM
C’est en 1985, dans un article célèbre, que le trio Carlos Alchourrón, Peter Gärdenfors et David Makinson a proposé, pour la première fois, une axiomatisation du processus de révision des croyances . En effet, ils ont proposé une caractérisation axiomatique des opérateurs de changement, un ensemble de postulats susceptibles de permettre la modélisation des procédures de révision des croyances.
Expansion, Contraction et Révision
Nous allons présenter les différents types de changement des croyances d’un agent dans la prise en compte d’une donnée d’informations :
— Si A ∈ [E] cela veut dire que A est acceptée par l’ensemble de croyances.
— Si ¬A ∈ [E] cela veut dire que la négation de l’information A est dans [E] : A est refusée par l’ensemble de croyances.
— Si A ∉ [E] et ¬A ∉ [E] cela veut dire que A est indéterminée car ni la négation de l’information, ni l’information ne fait partie de l’ensemble de croyances.
L’opération d’Expansion
L’expansion consiste à ajouter une information à une base de connaissances. Cela voudrait alors dire que ceux-ci (l’information et l’ensemble de croyances) sont compatibles. Dans ce cas, A ∈ à [E], A est donc acceptée dans l’ensemble de croyances. L’expansion est notée de la manière suivante : [E] + A L’expansion + est exprimée par une fonction de [E] x L vers [E] (+ : [E] x L → [E]).
Cette fonction satisfait les propriétés suivantes :
— ([E]+1 : Clôture) [E] + A est une théorie
— ([E]+2 : Succès) A∈ [E] + A
— ([E]+3 : Inclusion) [E] ⊆ [E] + A
— ([E]+4 : Vacuité) Si A∈ [E] alors [E] + A = [E]
— ([E]+5 : Monotonie) [E] ⊆ H, alors [E] + A ⊆ H + A
— ([E]+6 : Minimalité) [E] + A est la plus petite base qui satisfait ([E]+1 – [E]+5)
Explication
— ([E]+1 : Clôture) affirme que le résultat de l’expansion est une théorie. Cela veut dire que l’expansion d’un ensemble de croyances par une information A donne un ensemble de croyances.
— ([E]+2 : Succès) soutient que l’information est vraie dans l’ensemble de croyances. A est acceptée par l’ensemble de croyances.
— ([E]+3 : Inclusion) stipule que les anciennes croyances doivent être conservées lors de la prise en compte de l’information.
— ([E]+4 : Vacuité) dit que si l’information appartient déjà à l’ensemble de croyances, dans ce cas, aucun changement ne se produit.
— ([E]+5 : Monotonie) stipule que l’opération d’expansion est monotone. Cela signifie que si nous avons deux ensembles de croyances [E] et H et que, [E] ⊆ H alors [E] + A ⊆ H + A.
— ([E]+6 : Minimalité) affirme que le changement est minimal. Cela signifie que le nouvel ensemble de croyances ne contient pas de croyances non justifiées lorsqu’on ajoute la nouvelle information.
Ces différents postulats consistent à caractériser l’opération de l’expansion. Ainsi, ceux-ci renferment des conséquences notables qui méritent d’être mentionnées :
1. [E] + A = [E] + B si et seulement si B appartient à [E] + A et A appartient
à [E] + B.
2. ([E] + A) + B = ([E] + B) + A.
3. Si ¬A ∈ [E], alors [E] + A = [E] ⊥.
Pour la première conséquence : Il y a dans ce cas, une équivalence entre les deux résultats de l’expansion. Elle est une caractérisation de l’équivalence entre deux résultats d’expansion. Deux expansions donnent des bases équivalentes si l’information A est le résultat de l’expansion de la base de connaissance par B, symétriquement, si B est conséquence de l’expansion par A.
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Table des matières
Introduction
1 Les théories de la révision des croyances
1.1 Contexte historique et présentation de la théorie AGM
1.1.1 Contexte historique
1.1.2 La théorie AGM
1.1.3 Expansion, Contraction et Révision
1.1.3.1 L’opération d’Expansion
1.1.3.2 L’opération de Révision
1.1.3.3 L’opération de Contraction
1.1.4 Les critiques sur la théorie AGM
1.2 La théorie de la révision des croyances de Giacomo Bonanno
1.2.1 La syntaxe
1.2.2 La sémantique
1.2.3 L’axiomatique
1.2.4 La première Logique : The weakest logic of belief revision
1.2.5 La seconde Logique : Logic of Qualitative Bayes Rule
1.2.6 La troisième Logique : Logic of AGM
2 Des dialogues aux tableaux dans la RDC de Bonanno
2.1 Les règles de particules
2.2 Les règles structurelles
2.3 Des règles structurelles aux tableaux sémantiques dans l’approche dialogique de la révision des croyances de Bonanno
2.3.1 L’exemple du dialogue No Drop
2.3.1.1 Les conditions des règles structurelles du dialogue No Drop
2.3.1.2 Des règles structurelles aux tableaux sémantiques
2.3.2 L’exemple du dialogue No Add
2.3.2.1 Les conditions des règles structurelles du dialogue No Add
2.3.2.2 Des règles structurelles aux tableaux sémantiques
2.3.3 L’exemple du dialogue Acceptance
2.3.3.1 Les conditions des règles structurelles du dialogue Acceptance
2.3.3.2 Des règles structurelles aux tableaux sémantiques
2.3.4 L’exemple du dialogue Equivalence
2.3.4.1 Les conditions des règles structurelles du dialogue Equivalence
2.3.4.2 Des règles structurelles aux tableaux sémantiques
2.3.5 L’exemple du dialogue Consistency
2.3.5.1 Les conditions des règles structurelles du dialogue Consistency
2.3.5.2 Des règles structurelles aux tableaux sémantiques de la théorie constructive des types et les dialogues
3 Aperçu de la théorie constructive des types
3.1 Les fondements historiques de la théorie constructive des types
3.2 Proposition comme type
3.2.1 Objets dépendants et jugements hypothétiques
3.3 Rapport de la théorie constructive des types au langage naturel
3.3.1 Les pronoms anaphoriques
4 Approche constructive de la logique modale
4.1 Approche dialogique de la logique modale et temporelle standard
4.1.1 La logique modale et temporelle dialogique
4.2 Les motivations d’une logique modale constructive
4.2.1 La logique modale constructive
4.2.1.1 Conception des mondes comme des hypothèses
4.3 Perspective dialogique de la logique modale constructive
4.3.1 Les quantificateurs dans un contexte d’hypothèses
5 La croyance dans la CTT
5.1 La dichotomie entre la croyance et la connaissance
5.1.1 La distinction entre la croyance et la connaissance dans la logique modale
5.2 Jugement et connaissance comme croyance justifiée : pour une perspective dialogique
5.2.1 Pour une approche conversationnelle dans les contextes de croyances
Conclusion
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