Contexte historique et politique à l’époque de Jean-Joseph Rabearivelo

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Vie personnelle de Rabearivelo et contexte social

Les œuvres de Jean-Joseph Rabearivelo reflètent de s dimensions sociales (en tant que écrivain-poète et citoyen) et évoquent des situations personnelles dans lesquelles ses écrits prennent vie. Le contexte social et personnel de Jean-Joseph Rabearivelo constituent un axe majeur autour duquel gravitent ses productions et permettent d’apporter des informations et des précisions qui expliquent la raison d’être dee s’écrits.

Ambitions bafouées

Toujours en rapport avec l’affliction de la colonisation, la vie de Jean-Joseph Rabearivelo est faite d’accumulation de problèmes personnels. Ses ambitions bafouées par l’orgueil colonial l’ont rendu dépressif. « Il était déchiré par la contradiction de la société coloniale. Il n’avait droit de cité dans aucun des deux royaumes. Il fut doublement exilé, un prince de Nulle Part. »10 , témoignait Boudry Rabearivelo a tant espéré une ascension sociale venant des colons, pourtant ces derniers l’ignoraient. De plus, « le poète est victime du colonialisme, un être doué qui n’avait pas de place dans l’étroitesse bornée de la société coloniale,un admirateur de la France dont la France ne voulait pas. »11 . Frustration et « mal être », c’est ce qui résulte d’un tel mépris.
Intellectuellement, Rabearivelo ne peut pas s’épanouir. Il semble être une « belle plante », un oasis qui pousse dans un désert où l’existence est quasiment impossible.

Déchirement psychologique et déchéance morale

Enfant de la colonie, élevé dans un milieu dediglossie, Jean-Joseph Rabearivelo était contraint d’apprendre le français. La maîtrise de la langue a suscité chez lui un sentiment de déchirement puisqu’il se sent partagé entre deux cultures. Il hésitait entre la tentation de l’assimilation et une volonté de revenir aux valeurs vernaculaires. « A Madagascar, dans les années 1930, le choix de la langue d’écriture est nu dilemme qui laisse l’écrivain malgache toujours insatisfait. Il est tentant de vouloir revenir à une langue antérieure, au choix antérieur à la déchirure. »12
Son statut d’homme divisé entre deux cultures: malgache et française, l’empêche de vivre « normalement » et engendre en lui une certaine schizophrénie (une forme de mutation identitaire), un état dont ses proches n’ont jamaissu l’origine. Cette rupture totale avec l’extérieur et son spleen perpétuel tissent en luiune double personnalité:« tour à tour rieur et méditatif »13 , affirma Boudry. Cette difficulté psychologique à vivre une double identité provoque en lui une torture insupportable. Le malaise d’un être divisé entre son attachement à la grandeur du passé et son ouverture aux grands vents soufflants de l’outre-mer s’exprime dans ses œuvres. Parmi les trois possibilités de mutation identitaire: « la mutation identitaire… [de Jean-Joseph Rabearivelo]…coïncide avec la destruction intentionnelle de l’identité,une altération du sentiment d’être soi. L’identité du sujet est en isoun objet de souffrance, le désespoir de ne pas être un autre peut conduire au suicide ou à la fuite nécessaire au dédoublement. 14» . Ce sentiment d’être dépossédé de soi-même, déraciné,xilé edans son propre pays, est souvent illustré dans deux métaphores que Jean-Joseph Rabearivelo utilise souvent d’un recueil à l’autre : celle du « roi découronné » et des « arbres exilés ».
Il se sent exilé dans un monde où il n’a passa place et il a le sentiment que son message n’est pas entendu; il est « maudit » parmi les hommes. Bien entendu, le poète cherche à s’échapper de son désespoir par tous les moyens,lorsqu’il ne s’y complait pas.
Pour échapper à cette déchirure morale, Rabearivelo opta pour le suicide comme dernier recours. « Diverses sont les causes de ce suicide, écrit Armand Guibert dès 1937, mais elles peuvent se ramener à une seule:le sentiment d e la division interne. »15
La mort tragique de sa fille Voahangy vient s’ajouter à ces problèmes. Une perte que Rabearivelo n’a jamais surmontée.
D’une apparence chétive, souvent malade, Jean- Joseph Rabearivelo connaît tout au long de sa vie des difficultés financières.
Cette existence, une chaîne dont les maillons sont des problèmes, a suscité une déception inconsolable. Jean-Joseph Rabearivelo a trouvé sa propre issue en entrant dans
un « ailleurs » dont le suicide est la porte d’accès. D’une même lignée que Baudelaire par son goût du morbide, Jean-Joseph Rabearivelo a déjà préparé son lecteur et a prémédité d’une manière inconsciente sa mort prochaine.

Double appartenance culturelle et linguistique

La fascination de Jean-Joseph Rabearivelo pour la France des Lettres est liée à une puissante attirance pour la langue française, dont il affirme qu’ « elle parle à l’âme, alors que la nôtre murmure au cœur.» 16 . La littérature française le charmait. Dans leurs inspirations, les trois grands poètes malgaches d’expression française : Jean-Joseph Rabearivelo, Flavien Ranaivo et Jacques Rabemananjara se sont toujours sentis et voulus Malgaches essentiellement. Pourtant, ils se sont appliqués à faire le détour qu’exigeaient leurs situations personnelles, tout comme la situation historique de leur pays, et ils ont, tous trois, aimé d’amour la langue française et la culture gréco-latine, qui devinrent leur seconde patrie.
En collaborant aux revues de l’Océan Indien : 18°Latitude Sud, Capricorne (où il signe des notes de lecture du pseudonyme emblématique d’Amance Valmond), La Revue de Madagascar, Zodiaque (qui paraît à l’Ile Maurice), ainsi qu’à des revue s européennes : Le Journal des Poètes, Les Cahiers du Sud, Les Nouvelles Littératures, Jean-Joseph Rabearivelo publia des suites d’articles. Ces différentes publications expliquent le désir d’être connu, d’être lu par le monde. La publication permet à ce poète qui a soif du large d’être en contact avec l’extérieur, d’embrasser d’autres horizons différents du sien.
La fixation sur un modèle étranger (Baudelair ou Verlaine) fut le fruit d’une acculturation volontaire entreprise avec enthousiasme dès 1920 : déjà poète dans sa langue maternelle, Rabearivelo se tourne vers la langue et culture du vainqueur pour les faire siennes, avec une prodigieuse boulimie. Réformateur de la culture malgache au XXe siècle, il a très tôt choisi d’être un écrivain bilingue. Jean-JosephRabearivelo avait réussi à écrire malgache en français, à revivifier dans une langue adoptée l a source la plus secrète du lyrisme malgache. Les textes du poète donnent l’impression de traduction, comme s’ils étaient la transcription en français des formes empruntées à l a tradition malgache. Les poèmes visent en priorité un lecteur français et son but c’est de faire connaître sa propre culture par la langue de l’Autre, dite universelle à l’époque. « C’est le français qui fournira au chantre noir la plus large audience parmi les noirs au moins dans les limites de la colonisation française […] Il s’agit donc pour le noir de mourir à la culture blanche pour renaître à l’âme noire. »  « J’aurais ma légende », « …pour que mon nom ne tombe dans l’oubli », ce sont deux raisons de plus pour le choix du bilinguisme. Jean-Joseph Rabearivelo a choisi d’écrire à la fois en malgache et en français pour faire une plac e dans l’univers, pour que ses œuvres traversent le temps et l’espace. D’ailleurs, il est le premier malgache à avoir inscrit son nom dans l’Encyclopédie Universelle de la Poésie.
De ce fait, quelques années lui suffiront pour acquérir une remarquable maîtrise du français et des règles prosodiques de la poésie française. En 1924, il fait paraître un premier recueil en français: La Coupe de Cendres , de tonalité intime et élégiaque. En 1927: Sylv es et en 1928: Volumes, ce sont là chez lui les moments essentiels de l’ « apprentissage de l’étranger ».
Presque Songes et Traduit de la Nuit sont des recueils bilingues. Langues/cultures malgache et française se côtoient dans ces recueils , une rencontre qui est devenue par la suite interférence de deux cultures différentes mais complémentaires.
Dans son « aveu », Rabearivelo élucide l’énigme de la traduction rabearivelienne: « Maintenant que le cycle de ma nouvelle manière est clos, il est temps, je pense de vous avouer un secret: aucun de mes livres n’a été directement écrit en hova, tous l’ont été en français. ».

Vocabulaires de l’Ailleurs

Le vocabulaire de l’Ailleurs révèle la présence du thème dans le recueil mais aussi il précise les différents aspects et caractères distinctifs de l’Ailleurs.
Les termes et expressions désignant « l’Autre », l’idée de « nouveau », de « lointain », et de « inconnu », l’allusion au « voyage », au « déplacement », les référents culturels, les références à la mort dans Chants pour Abéone, indiquent la présence du thème de l’Ailleurs dans le recueil.

Termes et expressions désignant l’altérité

Les termes et expressions explicites désignant « ‘Ailleurs » sont restreints. Jean-Joseph Rabearivelo mentionne rarement le mot « Ailleurs ».
– « soif brûlante d’Ailleurs » [Prélude II].
– « au seuil lourd d’Ailleurs » [Prélude III].
– « au cœur de l’Ailleurs vague» [C14].
La typographie du mot « Ailleurs » (utilisation du caractère majuscule) connote l’importance, l’attachement que Jean-Joseph Rabeari velo accorde à cet endroit. Cette démarcation désigne « l’au-delà ».
Mais par déduction, des termes et expressions renvoient à un endroit « autre »/« différent » du lieu où se trouve Rabearivelo.

Allusion au « voyage », au « déplacement »

Chants pour Abéone est un hommage à la déesse romaine du départ. L’ensemble du recueil forme le récit d’un périple, une aspirationpour le voyage. Il y a sûrement une destination au bout de la traversée et le fait de «partir », de « quitter » un endroit quelconque suppose le fait de jeter son ancre dans un port.
Quels que soient la nature, le moyen, la durée et l’objet du déplacement, il suppose toujours un point A : le lieu de départ et un pointB : la ligne d’arrivée. Un déplacement n’est effectif que si cette condition sine qua non soit remplie.
De plus, « voyage » signifie: « le fait d’aller dans un lieu assez éloigné de celui où l’on réside. »25 . Donc, au bout du « voyage » ou du « déplacement», il y a un lieu de débarquement. Ce lieu est différent du lieu où l’onréside. Pour Rabearivelo le lieu de destination s’appelle « Ailleurs ».

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Table des matières

PREMIERE PARTIE : CONTEXTES D’ECRITURE RABEARIVELIENNE
1-Contexte historique et politique à l’époque de Jean-Joseph Rabearivelo
1-1-Jean-Joseph Rabearivelo et le colonialisme français
1-2-Affirmation d’une identité littéraire malgache
2-Vie personnelle de Jean-Joseph Rabearivelo et contexte social
2-1-Ambitions bafouées
2-2-Déchirement psychologique et déchéance morale
3-Parcours intellectuels
3-1-Boulimie livresque
3-2- Double appartenance culturelle et linguistique
DEUXIEME PARTIE : PRESENCE DU THEME
1-Présence du thème de l’Ailleurs
1-1-Titre du recueil
1-2-Epigraphe
1-3-Sujets des poèmes
2-Vocabulaires de l’Ailleurs
2-1-Termes et expressions désignant l’altérité
2-2-Idée de « nouveau », de « lointain », de « inconnu »
2-3-Références à l’exotisme
2-4-Allusion au « voyage », au « déplacement »
2-5-Référents relevant de la culture de « l’Autre»
2-6-Références à la mort
TROISIEME PARTIE : REPRESENTATIONS DE L’AILLEURS
1-Images de l’Ailleurs
1-1-Représentations paradisiaques : pays rêvé
1-1-1-Eldorado : splendeur et charme
1-1-2-Etendue vaste et terre de liberté
1-1-3-Terre promise et pays du rêve
1-2-Représentations angoissantes
1-2-1-Port lointain et inconnu : mystérieux monde, terre d’exil
1-2-2-Fuite du temps
1-2- 3-Terre de souffrance, d’anéantissement, de perte, et de mort
2-Représentations symboliques de l’Ailleurs
2-1-Rencontre au pluriel
2-1-1-Découverte de l’Autre
2-1-2-Reconnaissance de l’Autre
2-1-3-Révélation de soi
2-2-Aspiration vers un monde meilleur
2-2-1-Changement de statut
2-2-2-Voyage ultime

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