Les bactéries résistantes aux antibiotiques sont présentes dans les hôpitaux, les sols, les eaux, chez les animaux et les êtres humains, qu’ils soient malades ou non (portage, colonisation). La résistance bactérienne aux antibiotiques est devenue de plus en plus un problème de santé publique au niveau mondial. Les bactéries résistantes ou multi-résistantes aux antibiotiques appartiennent parfois à des clones (souches identiques) possédant des capacités de domination particulières et qui disséminent à l’intérieur d’un pays, de même que d’un pays à un autre jusqu’à être présents sur la totalité de la surface du globe. Les résistances bactériennes les plus préoccupantes sont celles qui empêchent l’action de familles d’antibiotiques largement utilisées telles que les bêtalactamines ou les fluoroquinolones et aussi de certaines molécules considérées comme des antibiotiques de dernier recours (carbapénèmes, vancomycine) (1). Le développement de nouvelles molécules pour faire face à cette résistance a toujours été suivi de l’émergence de nouveau mécanisme de résistance développé par les bactéries. De nombreuses études ont montré la prévalence élevée des entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre étendu (EBLSE) de même que des bactéries gram négatives Non-Entérobactéries (BGN-NE). Cette association aux bêtalactamines de résistances aux autres antibiotiques est fréquente (2). Dans les pays développés (PD), elle varie selon les pays et sa fréquence tend à augmenter (3-5). Dans les pays en voie de développement (PVD), les EBLSE sont présentes tant en milieu hospitalier qu’en milieu communautaire (6, 7). La prévalence des bactéries gram négatif (BGN) résistants ne cesse d’augmenter au niveau mondial (8), et il est temps de mener des études dans les PVD et notamment à Madagascar sur ce sujet (9, 10).
En milieu hospitalier, surtout dans les pays en développement, les infections nosocomiales ne cessent d’augmenter malgré l’amélioration de la prise en charge (11). En milieu communautaire, la présence d’EBLSE est le résultat des nombreux contacts existants entre les hommes et entre les hommes et leur environnement .
CONTEXTE GENERAL SUR L’ANTIBIORESISTANCE ET RAPPEL SUR LES ANTIBIOTIQUES
Contexte général
L’avènement de l’antibiothérapie, dans les années 1940, a complètement révolutionné le domaine médical et a entrainé une réduction significative de la mortalité associée aux maladies infectieuses. Le traitement antibiotique a sauvé des millions de vie des gens. Malheureusement, la résistance bactérienne aux antibiotiques traditionnels a rapidement constitué un problème de santé publique important à l’échelle mondiale. La résistance à la pénicilline s’est développée dans les années 1950, aux céphalosporines de première génération dans les années 1970 et aux céphalosporines de troisième génération dans les années 1990. Au cours des dernières années, la fréquence et l’ampleur des infections causées par des bactéries résistantes ont augmenté autant en milieu hospitalier qu’en milieu communautaire .
La prévalence mondiale de la résistance bactérienne aux antibiotiques est difficile à déterminer malgré des rapports qui font état de son augmentation dans certains pays (14). Elle fait partie de l’un des phénomènes de Santé Publique émergents les plus marquants depuis les trente dernières années (15). Les bactéries résistantes sont présentes dans les autres espèces animales, se trouvent dans le sol, les plantes, les eaux (16, 17) et peuvent se transmettre à l’homme (18). La transmission interhumaine est la voie de transmission des résistances aux antibiotiques la plus performante .
La diffusion des bactéries résistantes se fait principalement par contact interhumains (lors des rassemblements, transports, fêtes familiales, collectivités, et surtout au cours de l’hospitalisation) (12). Les patients peuvent apporter une bactérie résistante aux antibiotiques à l’intérieur de l’hôpital s’ils en sont porteurs ou acquérir une bactérie résistante lorsqu’ils reçoivent des soins invasifs ou un traitement antibiotique (10, 13). L’exposition inutile aux antibiotiques augmente non seulement le risque de toxicité pour le patient, comme les effets secondaires, les possibles interactions médicamenteuses et même la mort, mais est aussi principalement responsable de l’émergence de la résistance. Le lien entre l’usage d’antibiotiques et l’émergence d’une résistance bactérienne est clair : le recours aux antibiotiques favorise l’émergence d’une résistance bactérienne (13). L’alimentation, les animaux et les sols peuvent être des vecteurs susceptibles de contaminer les êtres humains (20), de même que l’eau (21). En effet, les eaux usées déversées dans les cours d’eau ou qui polluent les nappes phréatiques et les sols et qui sont contaminés par des bactéries résistantes ou des résidus d’antibiotiques et d’antiseptiques peuvent finir par se retrouver dans les réseaux d’eau de consommation (22). L’utilisation d’antibiotique en pratique vétérinaire peut entrainer l’émergence de germes résistants dans les filières d’élevage animales qui se retrouvent par la suite dans des infections humaines .
Le mécanisme de résistance le plus problématique et qui touchent la majorité des pays, est la résistance aux C3G par l’intermédiaire de BLSE. Ces gènes de résistance sont présents majoritairement chez les entérobactéries et les BGN-NE. Klebsiella pneumoniae et Escherichia coli ont été les premières EBLSE découvertes dans les années 1980 (25). La résistance aux C3G est cependant moins fréquente que la résistance aux sulfamides, aux macrolides ou aux pénicillines.
Aux USA et en Angleterre, 40-60% des infections nosocomiales sont dues à Staphylococcus aureus résistants à la methicilline (SARM), infections dont la mortalité peut être élevée .
En Europe, la prévalence des EBLSE est supérieure à celle des USA mais inférieure à celles de l’Asie et de l’Amérique Latine (4). La prévalence des EBLSE et celle des SARM augmentent tant en milieu hospitalier qu’en milieu communautaire (26, 27). En France, la prévalence des Escherichia coli résistants aux C3G ne cesse d’augmenter chaque année. Elle est passée de 2% en 2002 à 6,5 % en 2009 .
Rappel sur les antibiotiques
Définition
Les antibiotiques se définissent comme toute substance naturelle d’origine biologique élaborée par un organisme vivant, toute substance chimique produite par synthèse ou toute substance semi-synthétique obtenue par modification chimique d’une molécule de base naturelle, capables d’inhiber la croissance (bactériostatique) ou même de tuer (bactéricides) des bactéries, sans affecter la cellule hôte (37). Les antibiotiques peuvent avoir une action bactéricide c’est-à-dire qu’ils provoquent la mort immédiate des germes. Ils sont dits bactériostatiques quand leur effet est limité à empêcher le développement des germes .
Pour avoir un effet sur un organisme vivant, ils doivent passer par quatre étapes : Absorption, distribution, biotransformation et élimination .
L’absorption : C’est le passage des molécules d’antibiotiques administrées par voie orale du tractus intestinal vers la circulation générale. Elle va déterminer la biodisponibilité des antibiotiques. La biodisponibilité est très variable, elle peut être très faible voire nulle pour certaines molécules.
La distribution : C’est la diffusion de la molécule d’antibiotique dans chaque organe. La distribution peut intéresser préférentiellement certains organes. Il existe des sites qui sont difficilement accessibles par les antibiotiques comme le LCR, le cerveau, le milieu oculaire, l’os…
La biotransformation : C’est la métabolisation des molécules d’antibiotiques en métabolites actifs ou non. Cette forme métabolisée facilite l’élimination de la molécule de l’organisme. Elle a lieu essentiellement au niveau du foie.
Elimination : La majorité des antibiotiques s’éliminent par le rein sous forme métabolisée ou non, d’autres par la voie biliaire, la voie respiratoire, la voie cutanée et la voie digestive.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. PREMIERE PARTIE : CONTEXTE GENERAL SUR L’ANTIBIORESISTANCE ET RAPPEL SUR LES ANTIBIOTIQUES
I.1. Contexte général
I.2.Rappel sur les antibiotiques
I.2.1. Définition
I.2.2. Règles de prescription des antibiotiques
I.2.3. Classification des antibiotiques
I.3.Mécanisme de résistance bactérienne aux antibiotiques
I.3.1. Support génétique de la résistance
I.3.2. Mécanismes de résistance
I.3.3. Resistances des entérobactéries aux betâlactamines
I.3.3.1. Résistance naturelle aux bêtalactamines
I.3.3.2. Résistances acquises aux bêtalactamines
I.3.4. Résistance aux quinolones
I.3.5. Résistance aux macrolides
I.3.6. Résistance aux aminosides
I.3.7. Résistance a la tétracycline
II.DEUXIEME PARTIE : ETUDE PROPREMENT DITE
II.1. COMMUNAUTE ET METHODE
II.1.1.Type et durée de l’étude
II.1.2.Cadre de l’étude
II.1.2.1.Situation géographique
II.1.2.2.Effectif total de la population
II.1.3.Population étudiée
II.1.3.1.Critères d’inclusion
II.1.3.2.Critères de non inclusion
II.1.3.3.Instruments de mesure et paramètres recueillis
II.1.4.Déroulement de l’étude
II.1.4.1.Enquêtes bactériologiques
II.1.4.1.1.Prélèvements de selle
II.1.4.1.2.Analyses bactériologiques
II.1.4.2Analyses statistiques
II.1.5.Considérations éthiques
II.2. RESULTATS
II.2.1.Caractéristiques des patients inclus
II.2.2. Catégorisation des niveaux socio-économiques
II.2.3. Recherche de facteurs de risques de portage des bactéries résistantes aux antibiotiques
II.2.4. Résultats bactériologiques
II.2.4.1. Description des espèces bactériennes isolées
II.2.4.2. Entérobactéries résistantes aux antibiotiques sur les milieux sélectifs
II.2.4.3. Souches d’entérobactéries résistantes
III.TROISIEME PARTIE : DISCUSSION ET SUGGESTIONS
III.1. DISCUSSION
III.1.1.Limites de notre étude
III.1.2.Facteurs de risque de l’acquisition de portage des bactéries résistantes aux antibiotiques
III.1.3.Espèces bactériennes isolées
III.1.4.Méthodes d’analyse bactériologique
III.1.5.Portage des bactéries résistantes dans les autres pays
III.1.6.Points forts de notre étude
III.1.7.Perspectives
III.2.SUGGESTIONS
III.3.CONCLUSION
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE