Contexte général de la Corse et biodiversité insulaire
La Corse : une île méditerranéenne au relief montagneux
La Corse est, avec une superficie de 8722 km², la 4e plus grande île de Méditerranée après la Sicile, la Sardaigne et Chypre (Figure 1). Localisée dans l’ouest du bassin méditerranéen, la Corse s’étend de 6°15’3’’ de longitude est à 7°16’0’’ (soit 183 km de long) et de 41°15’6’’ de latitude nord jusqu’à 43°1’25’’ (soit 83,5 km de large) (Simi 1981). L’île est bordée à l’est par la Mer Tyrrhénienne et au nord-ouest par les eaux du bassin Liguro-Provençal. Elle est séparée de la Sardaigne, au sud, par le détroit des Bouches de Bonifacio. Environ 82 km séparent la Corse des plus proches côtes de la Toscane à l’est et 160 km de la Côte d’Azur au nord-ouest.
Le rivage de la Corse compte environ 1050 km de linéaire côtier, dont 90 % est composé de côtes rocheuses et de plages de poches situées au fond de baies délimitées par des caps rocheux. Les 10 % restant correspondent à la Plaine orientale. En 2015, 24,5 % du linéaire côtier était protégé par le Conservatoire du littoral (www.conservatoire-du-littoral.fr).
La Corse est une île essentiellement montagneuse présentant une altitude moyenne de 568 mètres et se caractérisant par de nombreux sommets qui dépassent les 2000 mètres d’altitude (Figure 2). Le point culminant de l’île, le Monte Cinto, atteint 2710 m. C’est la courte distance séparant ces sommets de la mer, et ce, en tout point de l’île, qui a valu à la Corse la qualification de « montagne dans la mer » faite par Ratzel en 1982. À l’image de ce relief escarpé de par leurs cours et du climat de par leurs régimes, les fleuves et rivières qui drainent la Corse sont des torrents méditerranéens typiques. En effet, les régimes de ces cours d’eau dépendent largement des précipitations, ce qui implique de fortes variations de débits intra annuels (www.hydro.eaufrance.fr) et des crues répétées. Les rivières les plus importantes excèdent rarement 50 km de long et présentent souvent des bassins versants couvrant moins de 500 km². Les principales rivières de l’île sont le Golo, le Tavignano, l’u Fium’Orbo à l’est et la Gravona et le Taravo à l’ouest (Figure 2).
Structure géologique
L’insularité de la Corse tire son origine de la dérive du microcontinent Corso-Sarde par rapport à la Basse Provence. Si la chronologie précise de cette dernière et ses interprétations structurales sont toujours discutées (Orsini et al. 1980 ; Réhault et al. 1984 ; Edel et al. 2001 ; Speranza et al. 2002 ; Gattacceca et al. 2007), les grandes étapes géologiques sont maintenant relativement bien connues : Cette dérive aurait commencée à l’Oligocène entre -34 et -28 millions d’années et se serait poursuivie avec une rotation antihoraire d’environ 30°, suite à l’ouverture du bassin Liguro Provençal durant le Miocène, entre -21,5 et -16 à -15 millions d’années (Gattacceca et al. 2007). Du point de vue géologique, la Corse se divise classiquement en trois grands ensembles comprenant d’une part la Corse Hercynienne occidentale (dite granitique) et la Corse orientale alpine (schisteuse), toutes deux séparées par une zone déprimée présentant d’importantes fractures et d’autre part les bassins Miocènes, lesquels présentent des terrains néogènes et quaternaires (Caritg et al. 2009a, 2009b). Plus précisément, la Corse Hercynienne, qui couvre les deux tiers sud-ouest de l’île, est essentiellement constituée de granitoïdes datés du Carbonifère-Permien (entre -340 et -240 Ma) se prolongeant au sud en Sardaigne et présentant des affinités avec le massif de Tanneron et de l’Esterelle (Orsini et al. 1980). Cette unité comprend les plus grands massifs et sommets de Corse le long de la ligne de crête médiane (du Monte Cinto au Monte Incudine). On y retrouve également des roches métamorphiques anciennes d’âge anté-Hercynien (gneiss, amphibolite) et des roches sédimentaires (schiste argileux et calcaire) d’âge primaire allant du Cambrien au Carbonifère (entre -500 et -300 Ma). Couvrant le dernier tiers nord-est de l’île, la Corse alpine consiste principalement en des schistes lustrés ophiolitifères, d’âge Jurassique et Crétacé, affectés par un métamorphisme alpin polyphasé. Cette unité allochtone correspond aux reliefs orientaux de l’île (Cap Corse et Castagniccia). Cette partie géologiquement complexe, comprend également la dépression centrale de Corse, orientée du nordouest au sud-est et s’étendant de l’Île Rousse à Solenzara en passant par Corte. Cette dernière est composée de matériel sédimentaire autochtone d’âges variés, peu ou pas métamorphisé reposant sur le socle cristallin. Enfin, les bassins sédimentaires Miocènes sont essentiellement représentés par les bassins calcarogréseux de Bonifacio et de St-Florent ainsi que par les accumulations conglomératiques et les dépôts marno-sableux de la Plaine orientale. Les terrains quaternaires de Corse, sont essentiellement représentés par des nappes alluviales successives, réparties aux alentours des embouchures des grandes rivières de Corse (le Taravo, la Gravona, le Golo ou le Tavignano), mais également par des formations glaciaires et fluvio-glaciaires en altitude.
Conditions climatiques actuelles
Les données climatiques sont malheureusement parcellaires en Corse (Rome et Giorgetti 2007) et les relevés thermométriques et ombrométriques proviennent de stations localisées, dans 80 % des cas, audessous de 625 mètres (aucune au-delà de 1450 mètres). Il est donc difficile de caractériser rigoureusement le climat du centre de la Corse autre que par des extrapolations ou des cumuls de données sur 10 ans ou moins (Canellas et al. 2014).
Les précipitations sont principalement réparties à l’automne et l’hiver avec des maximums de précipitations entre octobre-novembre et février-avril. Le mois de juillet est généralement le plus sec. Les moyennes annuelles de précipitations sont de 600 mm sur les côtes occidentales (481 mm à Bonifacio, 513 mm à l’Île Rousse) et s’élèvent jusqu’à 1500 mm à 1000 m d’altitude (1326 mm à Aïtone à 1100 m, 1844 mm à Popaja à 1070 m) et à 2000 mm en hautes montagnes (Bruno et al. 2001).
Un gradient pluviométrique indique une croissance des pluies d’environ 160 mm tous les 100 mètres entre Ajaccio et le plateau d’Ese pour la partie occidentale et entre Aléria et la station de ski de Ghisoni pour la partie orientale (Rome et Giorgetti 2007). Cependant, l’altitude n’explique que 78 % de cette augmentation du nombre moyen de jours de pluie. D’autres variables, comme la topographie ou la position des stations vis-à-vis des vents dominants de Corse ont leur importance. En effet, la mer apporte humidité et douceur sur l’ensemble des côtes et jusqu’au cœur de nombreuses vallées par l’intermédiaire des vents. Ces derniers ont donc une action majeure sur le climat de l’île puisque le libecciu et le ponente, des vents respectivement du sud-ouest et de l’ouest sont associés à de fortes précipitations hivernales tandis que le mistral, qui affecte la partie occidentale de la Corse, est un vent du nord-ouest particulièrement violent et sec en été. Le sirocco, quant à lui est un vent chaud et humide du sud-est et le grecale, un vent du nord-est concernant la partie orientale de la Corse qui apporte de l’humidité au nord tout en s’asséchant vers le sud. Le levante est un vent d’est typiquement tyrrhénien associé à de fortes précipitations sur la façade orientale de l’île. Enfin, la tramontane est un vent froid du nord à nord-est, responsable de pluies soutenues en hiver. Les températures sont maximales en juillet-août, minimales de décembre à février et la moyenne annuelle varie de 15-16°C en zone côtière (15,8°C à Bonifacio), à 8-9°C en haute montagne (9,8 °C à Aïtone) (Rome et Giorgetti 2007). En été, le littoral présente une grande sécheresse. Les orages sont rares et violents, l’eau ne s’écoule que superficiellement et fait gonfler les rivières. En outre, la Corse toute entière s’intègre dans la zone de climat méditerranéen aux affinités subtropicales caractérisée par un été chaud et sec et par une relative douceur hivernale fournie par la mer (Bruno et al. 2001). Toutefois, en raison des contrastes ombrothermiques importants introduits notamment par le relief de l’île, trois types de climats sont classiquement définis en Corse d’après Simi (1964) et repris par Gamisans (1999) :
• un climat méditerranéen doux et humide, de 0 à 600 m d’altitude, caractérisé par une température moyenne annuelle de 14 à 17°C, des précipitations abondantes mais irrégulières (généralement inférieures à 800 mm) avec un creux estival important et des amplitudes thermiques estivales élevées ;
• un climat méditerranéen d’altitude (600-1200 m), caractérisé par des températures moyennes annuelles comprises entre 10 et 13°C, des précipitations allant de 800 à 1200 mm et par une saison sèche estivale encore marquée ;
• un climat méditerranéen à nuance alpine au-dessus de 1200 m d’altitude, toujours caractérisé en été par de fréquentes sécheresses et des pluies irrégulières mais abondantes, mais présentant des hivers rigoureux avec de fortes amplitudes thermiques et des inversions en fond de vallée, un nombre de jours de gel significatif et des chutes de neige.
Végétation et diversité entomologique
Le couvert végétal
La flore de Corse comprend quelque 2325 taxons floristiques indigènes auquel, en 2007 il fallait rajouter456 espèces végétales invasives. Cette flore autochtone se singularise par la présence d’un taux important d’espèces endémiques (316 taxons endémiques au sens large dont 146 propres à la Corse), mais également par la présence d’espèces en limite d’aire de répartition. Le climat qui vient d’être défini ainsi que d’autres facteurs comme la nature du sol, les conditions topographiques (altitude, exposition), les divers régimes de vents et la longue histoire humaine (voir Chapitre I.II.2) se conjuguent pour former des étages de végétation correspondant à la juxtaposition de deux systèmes d’étagement, l’un méditerranéen (en basse altitude) et l’autre eurosibérien (dans les altitudes supérieures). Ainsi, du littoral jusqu’aux plus hauts sommets, les zonations altitudinales de la végétation suivantes ont été définies par Gamisans (1999) et représentées sur la Figure 4 :
• un étage thermoméditerranéen qui s’étend du littoral jusqu’à 100 m et pouvant atteindre 200 m sur les versants suffisamment exposés. Cet étage n’apparait que dans les secteurs les plus chauds où les températures moyennes annuelles sont proches et supérieures à 16°C. Il couvre une surface réduite en Corse et peu ponctuellement s’interrompre. Il est principalement caractérisé par des formations arbustives à Pistacia lentiscus et des maquis ou bois de Quercus ilex où peuvent apparaître Olea europaea, Euphorbia dendroides, Phillyrea latifolia, Myrtus communis, Juniperus phoenicea subsp. mediterranea ou J. oxycedrus subsp. macrocarpa ;
• un étage mésoméditerranéen qui s’étend du littoral (dans les secteurs où le précèdent étage est absent) jusqu’à 700 m sur les ubacs et jusqu’à 900 m sur les adrets, sous des températures moyennes annuelles comprises entre 12 et 16°C. Cet étage couvre les superficies les plus importantes. Il est caractérisé essentiellement par des maquis à bruyères (Erica arborea, E. scoparia) et à Arbutus unedo, mais aussi par des forêts de Quercus ilex, Pinus pinaster, Quercus suber, Quercus pubescens, Castanea sativa, des fruticées basses à Lavandula stoechas, Genista corsica, Teucrium marum et des cistaies (Cistus monspeliensis, C. salviifolius et C. creticus) .
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Présentation générale de la zone d’étude et sites sélectionnés
I. Contexte général de la Corse et biodiversité insulaire
1. La Corse : une île méditerranéenne au relief montagneux
2. Structure géologique
3. Conditions climatiques actuelles
4. Végétation et diversité entomologique
Le couvert végétal
La faune de coléoptères
II. Précédentes études paléoenvironnementales et résumé de l’histoire humaine en Corse
1. Changement de végétation tardiglaciaire et holocène en Corse
2. Occupation humaine plurimillénaire de la Corse
III. Sélection des sites étudiés
Chapitre II : Reconstruction multiproxy en contexte micro-insulaire méditerranéen depuis 7000 cal. BP
I. Introduction
II. Histoire environnementale holocène d’une petite île méditerranéenne en réponse aux changements
relatifs du niveau marin, au climat et aux activités anthropiques – Article n°1
III. Conclusion
Chapitre III : Changement passé du niveau marin et impact sur la biodiversité littorale
I. Introduction
II. Érosion de la diversité entomologique en réponse à 7000 ans de montée relative du niveau marin
sur une petite île de Méditerranée – Article 2
III. Conclusion
Chapitre IV : Variabilités hydrologiques et impacts anthropiques depuis 3700 cal. BP dans une basse vallée de Corse
I. Introduction
II. Trajectoire environnementale de la tourbière de Bagliettu sur les derniers 3700 cal. BP reconstruite à partir des macrofossiles d’insectes et de plantes – Article 3
III. Analyses complémentaires : changement de structure de l’écosystème mis en évidence par les analyses multi-variées
1. Traitement numérique des données paléoentomologiques et carpologiques
2. Résultats et interprétations des ordinations DCA
IV. Conclusion
Chapitre V : Histoire des paléo-environnements littoraux du territoire de l’Agriate : impacts humains et climatiques depuis 5900 ans (marais de Cannuta)
I. Introduction
II. Cadre géographique et géomorphologique
III. Précédentes données sur l’histoire de la végétation du territoire de l’Agriate
IV. Résultats et interprétations
1. Caractérisation du sédiment, lithostratigraphie et chronologie
Corrélation des profils sédimentaires et construction du profil synthétique
Datations radiocarbone et chronologie
2. Variations géochimiques du profil sédimentaire CAN-4
Analyses des corrélations des éléments mesurés par XRF core scanner
3. Analyse entomologique
Unité faunique d’insectes 1, 400-240 cm (5900 à 3950 cal. BP)
Unité faunique d’insectes 2, 240-160 cm (3950 à 1240 cal. BP)
Unité faunique d’insectes 3, 160-0 cm (1240 cal. BP à l’actuel)
V. Discussion
1. Remontée relative du niveau marin holocène et évolution géomorphologique des zones humides littorales de Saleccia
2. Évolution des paysages thermoméditerranéens de l’Agriate entre 5900 cal. BP et l’actuel déduit de la comparaison pollen/insecte
3. Changements hydro-sédimentaires depuis 2000 ans et potentielles influences climatiques ou anthropiques ?
VI. Conclusion
Conclusion générale