La consommation d’énergie est nécessaire au fonctionnement de l’économie mondiale et au développement des pays émergents. Aujourd’hui, les énergies primaires exploitées sont fossiles à 80% : gaz, pétrole, charbon (IEA 2016). Cependant, le modèle basé sur ces énergies de stock présente des contraintes physiques : finitude des ressources, limite de production des sites d’extraction et émissions de CO2 lors de la combustion. Ce poste est responsable pour 2/3 du dérèglement climatique.
La demande d’énergie pour la climatisation a parallèlement augmenté de 60% entre 2000 et 2010 (IEA 2014a) : elle représentait près de 5% de la demande d’énergie finale mondiale pour le bâtiment en 2014, soit 6.0 EJ. La demande se répartit à 40% pour le secteur résidentiel et 60% le secteur tertiaire (Masanet et al. 2016). Le vecteur énergétique favorisé pour la climatisation est l’électricité, dont la production est assurée au niveau mondial pour Ř/ř par des énergies primaires fossiles et donc carbonées .
Contexte des réseaux de froid
Les premières centrales frigorifiques urbaines ont été créées dans des campus universitaires, des bases militaires ou des aéroports. Le premier réseau date du début des années 1960, à Hartford aux Etats-Unis. La place des réseaux de froid dans la fourniture d’énergie frigorifique reste aujourd’hui marginale. Au Moyen-Orient, la production est estimée entre 100 et 400 PJ/an, tandis que la production aux États-Unis est de 80 PJ/an. En Europe, la production des réseaux de froid s’élève à ŗŖ PJ/an, soit plus d’ŗ% de la demande totale en énergie frigorifique (Werner 2016). La France représente 1/3 des livraisons de froid par réseau en Europe .
En 2015, la France comptait 20 réseaux de froid, desservant 1107 points de livraison à travers 184 km de canalisations. Le maître d’ouvrage est majoritairement public avec une gestion en concession. La puissance frigorifique installée est de 740 MWf essentiellement assurée par des machines à compression de vapeur (97% du bouquet énergétique). Les livraisons de froid concernent surtout le secteur tertiaire (96% de la consommation). Sur le plan de la performance environnementale, le contenu carbone des réseaux de froid en France était de 9 g CO2/kWhf et le taux de fuite de fluides frigorigènes inférieur à 1% en 2015 (SNCU 2017). La mise à disposition de données locales d’énergie est inscrite dans la loi française ; les données globales relatives aux réseaux de chaud et de froid sont disponibles depuis avril 2017 et permettent une compréhension plus fine du fonctionnement énergétique des réseaux de froid (MTES 2017). Le rendement du réseau, défini comme le rapport entre l’énergie frigorifique livrée et l’énergie frigorifique produite, est compris entre Şś% et 95 %.
Sur le volet réglementaire, le Décret n° 2012-394 du 23 mars 2012 définit les modalités de classement des réseaux de froid. Le seuil de 50 % de sources d’énergie renouvelable ou de récupération est exigé pour ce classement (par rapport à la totalité de l’énergie injectée dans le réseau) ; il ouvre la voie à l’obligation de raccordement.
Contexte du réseau de froid de Paris
La Ville de Paris dispose du plus important réseau de froid européen, en pleine expansion tant sur la rive droite de la Seine que sur la rive gauche (15 MWf de plus chaque année depuis 20 ans). Il est exploité par Climespace, filiale de l’énergéticien français Engie.
Les chiffres-clés du réseau de froid parisien sont présentés ci-dessous :
• 11 centrales de production
• 3 sites de stockage
• 73 km de réseau souterrain aller-retour
• 600 postes de livraison
• 5 millions de m² climatisés
• 470 GWh/an d’énergie frigorifique distribuée .
Malgré le climat continental, les besoins en climatisation des bâtiments s’expliquent par les apports internes et les apports solaires et sont amplifiés par l’effet d’îlot de chaleur propre à un environnement urbain très dense. La production d’énergie frigorifique sur l’année montre une saisonnalité marquée : près de 50% du total annuel est concentré sur les mois de juillet, août et septembre. Une production de base est nécessaire en hiver pour le rafraichissement des centres de données et pour les besoins du froid commercial.
Le réseau de froid parisien se décompose en 5 installations indépendantes (3 réseaux et 2 centrales frigorifiques urbaines ), toutes situées sur le territoire de Paris intra-muros. L’histoire du réseau remonte à la rénovation du quartier des Halles, projet initié en 1968 et ayant pour but un aménagement du sous-sol avec implantation de centres commerciaux, culturels et sportifs. La centrale d’énergie des Halles est alors construite pour assurer les besoins de la ZAC en froid, chaleur (thermo-frigo-pompes, chaudière électrique et stockage thermique) et en électricité (alimentation HTA et groupe électrogène de secoursǼ. Afin de rentabiliser la production, l’Etablissement Public du Grand Louvre est raccordé en 1989 à la centrale par une galerie où cheminent une alimentation en eau glacée (15 MW) et une alimentation électrique de secours (1500 kVA). Le développement du réseau de froid de Paris est alors initialisé, la Délégation de Service Public (DSP) débute en 1991. Des moyens de production supplémentaires ont été construits afin de répondre au besoin en froid du nombre croissant d’abonnés.
Principe de fonctionnement du réseau de froid urbain
Dans un réseau de froid urbain ǻRFUǼ, l’énergie frigorifique est injectée par les centrales de production du réseau sur lequel sont répartis les consommateurs. Le réseau est éventuellement maillé, offrant plusieurs chemins d’acheminement entre la production et la consommation. Le réseau peut être équipé de vannes de sectorisation (ou vannes de « démaillage ») afin de rendre indépendantes certaines parties du réseau. Un second réseau, parallèle à la ligne aller, renvoie l’eau réchauffée des sous-stations vers les centrales de production. Certains réseaux sont équipés de capacités de stockage d’énergie frigorifique, sous forme de glace ou d’eau glacée.
Les équipements de conversion transfèrent la chaleur à extraire du fluide à refroidir (réseau ou stockage de froid) vers le milieu extérieur. Si une ressource locale avec une température suffisamment basse est disponible, un échange direct par échangeur de chaleur est possible. Dans le cas contraire, une machine thermodynamique alimentée en électricité (groupe à compression) ou en chaleur (machine à absorption) est utilisée. Lorsque la chaleur rejetée répond à un besoin en chaud, le terme de thermo-frigo-pompe (TFP) est employé. Des exemples de réalisation avec ces différentes technologies sont présentés dans (UNEP 2014). Les interconnexions possibles entre électricité, chaleur et froid peuvent être déployées à l’échelle des systèmes énergétiques pour optimiser l’exploitation des énergies renouvelables et de récupération .
Points forts et points faibles des réseaux de froid urbain
Les réseaux de froid interviennent de plus en plus dans les politiques locales de l’énergie. Ils présentent de nombreux avantages à la fois sociaux, économiques et environnementaux (Marguerite 2014; UNEP 2014) :
• Diversification des approvisionnements énergétiques en permettant l’utilisation de plusieurs énergies ou vecteurs énergétiques (électricité, chaleur ou froid de récupération, froid renouvelable, cf. Figure 8)
• Réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) grâce à des installations à haut rendement énergétique avec très peu d’émissions de fluides frigorigènes (machines de taille plus importante donc en nombre plus réduit, diminution de la charge totale en fluide, exploitation/maintenance facilitée)
• Réduction de la pointe électrique et des investissements associés sur le réseau électrique dans les zones où le besoin de climatisation est dimensionnant
• Réduction de l’îlot de chaleur urbain et des consommations d’eau dans le cas d’un refroidissement à eau : ils évitent la multiplication des rejets de chaleur par unités décentralisées à air et le recours à des tours de refroidissement humides proches des habitations
• Réduction des coûts d’exploitation et de maintenance DZ la mutualisation des moyens de production entraîne des coûts plus faibles que dans le cas de la climatisation individuelle
• Valorisation du patrimoine immobilier liée à la centralisation des moyens de production : gain d’espace, préservation architecturale, réduction des nuisances sonores .
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Table des matières
Table des matières
LISTES DES FIGURES
LISTES DES TABLEAUX
NOMENCLATURE
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 CONTEXTE ET ENJEUX DE L’AIDE À LA CONDUITE DES RÉSEAUX DE FROID URBAIN
1 Introduction
1.1 Contexte énergétique
1.2 Contexte des réseaux de froid
1.3 Contexte du réseau de froid de Paris
2 Présentation du système énergétique : le réseau de froid urbain
2.1 Principe de fonctionnement du réseau de froid urbain
2.2 Points forts et points faibles des réseaux de froid urbain
3 Caractéristiques de l’aide à la conduite des réseaux de froid urbain
3.1 Le réseau de froid : un système dynamique
3.2 L’aide à la conduite du réseau
4 Choix des modèles d’aide à la conduite des réseaux de froid urbain
4.1 Intérêt de la modélisation pour l’aide à la conduite
4.2 Classification des modèles existants et choix
4.3 Evaluation des modèles existants
5 Conclusion : organisation du manuscrit
CHAPITRE 2 MODÉLISATION DU RÉSEAU DE FROID URBAIN
1 Introduction
2 Phénomènes à modéliser pour l’aide à la conduite du réseau de froid urbain
2.1 Consommations et coûts associés à l’exploitation du réseau de froid urbain
2.2 Domaines physiques
2.3 Caractérisation des dynamiques d’un réseau de froid
3 Modélisation des composants physiques du réseau de froid urbain
3.1 Équations de conservation pour la modélisation thermo-hydraulique
3.2 Groupes frigorifiques positifs avec compresseur centrifuge
3.3 Pompes centrifuges à vitesse variable
3.4 Échangeurs de chaleur eau/eau à contre-courant
3.5 Tours aéroréfrigérantes ouvertes avec ventilateurs
3.6 Tuyaux
3.7 Sous-stations
4 Construction du modèle de simulation du réseau de froid urbain
4.1 Choix d’un outil adapté pour la construction et la simulation du modèle
4.2 Modèle de simulation du réseau de froid urbain
4.3 Retour d’expérience concernant la simulation du modèle
5 Conclusion
CHAPITRE 3 VALIDATION DU MODÈLE DE SIMULATION DU RÉSEAU DE FROID URBAIN
1 Introduction
2 Méthodologie de validation
2.1 Note préliminaire pour la lecture des graphiques
2.2 Processus de validation
2.3 Caractéristiques des mesures disponibles
2.4 Indicateurs statistiques pour évaluer la précision du modèle
3 Paramétrage du modèle
3.1 Caractéristiques des paramètres disponibles
3.2 Estimation des paramètres manquants
3.3 Discussion sur le niveau de détail du modèle de réseau
4 Résultats de validation
4.1 Résultats sur le réseau
4.2 Résultats sur la centrale de production à eau de Seine
4.3 Résultats sur le système
5 Conclusion
CHAPITRE 4 ANALYSE DES PERFORMANCES DU RÉSEAU DE FROID URBAIN À L’AIDE DU MODÈLE
1 Introduction
2 Méthodologie : du modèle validé sur historique au modèle adapté à la simulation prévisionnelle
2.1 Point de rappel sur le modèle validé
2.2 Régulation en boucle fermée de la centrale de production refroidie par eau de Seine et à pression différentielle imposée
2.3 Régulation de la centrale de production refroidie par tours aéroréfrigérantes et à débit imposé
3 Analyse des performances du réseau de froid urbain
3.1 Calcul du bilan énergétique sur une simulation de référence
3.2 Évaluation de l’impact énergétique des températures de retour des sous-stations et de la température de départ de la centrale de production
3.3 Évaluation de l’impact énergétique de l’engagement d’une deuxième centrale
4 Conclusion
CHAPITRE 5 CONDUITE OPTIMISÉE DU RÉSEAU DE FROID URBAIN À L’AIDE DU MODÈLE
1 Introduction
2 Méthodologie : de la spécification du modèle d’aide à la conduite des réseaux de froid à la stratégie de résolution du problème d’optimisation associé
2.1 Formulation du problème
2.2 Classification du problème, algorithmes et outils associés
2.3 Stratégie de résolution du problème
3 Optimisation des centrales de production
3.1 Répartition de la puissance entre groupes frigorifiques au sein d’une centrale
3.2 Réglage de la température de consigne de tours aéroréfrigérantes ouvert
3.3 Modélisation en régime permanent des centrales de production avec optimisation des consignes locales et vérification des contraintes locales
4 Optimisation du réseau de froid urbain
4.1 Minimisation de la pression différentielle du réseau
4.2 Répartition de la puissance entre plusieurs centrales
4.3 Évaluation des gains apportés par les améliorations de la conduite
5 Conclusion
CONCLUSIONS
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