Contexte du nucléaire civil pour la production d’électricité
Dès le début des années 50, l’énergie nucléaire en France connait un développement considérable. En effet, la nécessité d’importer le pétrole et les crises pétrolières des années 70 ont abouti au développement important de la filière nucléaire pour la production d’électricité en France, marquant un fort contraste avec ses voisins européens.
De manière simplifiée, une centrale nucléaire utilise la chaleur produite par la réaction de fission nucléaire pour produire de l’électricité. La centrale est découpée en trois circuits indépendants, voir la Figure I.1 : . Le circuit primaire est représenté en jaune. Son rôle est d’assurer le transfert de la chaleur produite par la réaction de fission jusqu’au circuit secondaire. Le fluide qui permet la transmission de la chaleur est appelé le caloporteur. Ce premier circuit est en contact avec la cuve du réacteur, à l’intérieur duquel a lieu la réaction de fission des matériaux combustibles sous l’effet du bombardement de neutrons. Un modérateur est utilisé suivant les technologies du réacteur. Son rôle est de contrôler la réaction de fission en chaîne en absorbant les neutrons. . Le circuit secondaire (bleu) est celui en charge de la production d’électricité. Au contact du circuit primaire, de la vapeur se crée. Cette vapeur met en marche une turbine et un alternateur qui permettent la production d’électricité. . Enfin le circuit tertiaire (vert) est en charge du refroidissement du circuit secondaire.
La variété des matériaux et technologies utilisés, entre autres, pour les barres de combustible, les modérateurs et le caloporteur fait la spécificité de chaque filière nucléaire. Les accidents dramatiques de Tchernobyl (1986) et Fukushima (2011), tous deux survenus à la suite d’une perte de refroidissement, motivent l’intégration de l’étude des données incertaines intervenant dans la simulation des accidents graves. Cette intégration est particulièrement essentielle pour la conception de nouveaux réacteurs.
Le contexte accident grave pour les réacteurs nucléaires
La modélisation des accidents graves dans le contexte nucléaire s’intéresse au comportement des produits issus de la fission du combustible lorsque ceux-ci entrent en contact avec les matériaux environnants. Un tel contact survient après rupture de l’intégrité de la cuve du réacteur dont le rôle est de séparer le combustible des autres matériaux. Cette rupture a lieu suite à l’emballement de la réaction en chaîne se produisant au sein du réacteur, ce qui produit l’échauffement du cœur du réacteur. Le contexte accident grave correspond aux conséquences associées à une perte prolongée du système de refroidissement (cf. Figure I.2) donnant lieu à une augmentation rapide et brutale des températures dans le cœur du réacteur. Cette hausse brutale conduit alors à la fonte de la gaine absorbante qui entoure et protège les matériaux combustibles. Si le système de refroidissement n’est pas rétabli au plus vite, les scénarios suivants sont à même de se produire :
1. Le cœur du réacteur nucléaire s’échauffe jusqu’à fonte de ses composants. Le corium, un magma métallique et minéral constitué des éléments fondus du cœur et des minéraux absorbés lors de son trajet, se forme alors.
2. Ce même corium peut sortir du cœur du réacteur, se relocaliser dans le fond de la cuve et intéragir avec les structures métalliques la constituant.
3. Les interactions corium/métal peuvent amener à une rupture de la cuve ce qui amène le corium en contact du caloporteur du circuit primaire.
4. Le corium peut également s’étaler et interagir avec le béton formant le puit de la cuve.
Une fois encore, la spécificité de chaque filière nucléaire rend également spécifique l’étude des accidents graves. Nous renvoyons le lecteur intéressé vers [93, Chapitre 1] où l’auteur fournit une description détaillée du déroulement d’un accident grave pour un type de réacteur de deuxième génération, à savoir la génération actuelle de réacteurs dans le parc électrique français.
Besoins numériques et méthodologiques pour la simulation des accidents graves
De manière évidente, l’étude des accidents graves ne peut se faire qu’au travers de la modélisation des phénomènes physiques, intervenant dans ce contexte, et de la simulation numérique. La problématique des accidents graves nécessite une simulation fiable et précise de résultats physiques. Pour l’étude des accidents au sein des réacteurs nucléaires, le comportement thermodynamique des matériaux, c’est-à-dire les énergies des associations d’éléments chimiques constituant ces matériaux, a besoin d’être représenté par un modèle mathématique f. Ce modèle d’énergie est ensuite intégré dans un code multiphysique dont le rôle est de simuler le comportement du réacteur, ou d’une partie du réacteur, au cours du temps. Le modèle mathématique des énergies f étant inconnu, le premier besoin dans ce contexte est la reconstruction d’un modèle approché, en adéquation avec une base de données, hors accident graves. L’approche courante de ce problème de reconstruction en thermodynamique est d’utiliser la méthode Calphad. La méthode Calphad consiste en la reconstruction des fonctions d’énergie grâce à des données de différentes natures. La description donnée par la méthode Calphad rentre dans le cadre de la thermodynamique et ne peut s’appliquer qu’aux systèmes dits à l’équilibre. Les systèmes décrits sont donc à la fois en équilibre chimique, mécanique et thermique : les quantités des différentes espèces chimiques restent constantes, le système ne subit aucun effort et n’est pas le lieu d’un échange de chaleur avec l’extérieur. La précision et la justesse de la reconstruction des fonctions d’énergie dépend de la quantité d’informations données, à savoir le nombre de points expérimentaux considérés pour réaliser l’estimation des fonctions d’énergie, ainsi que de la qualité des calculs et des mesures réalisés pour obtenir ces points expérimentaux, que l’on nommera indistinctement incertitude de mesure par la suite. Le deuxième besoin est donc de proposer une méthode pour prendre en compte cette incertitude. Cette mesure de l’incertitude doit tout d’abord être possible au niveau de la sortie du modèle f, mais également être facile à propager aux éléments intervenant dans le couplage des fonctions d’énergie avec la simulation accident grave.
Chapitre modèle linéaire dans le contexte bayésien
Dans le Chapitre III, nous donnons dans un premier temps des rappels sur le modèle linéaire dans le cas d’utilisation de régresseurs très généraux, pris dans une base de fonctions bien choisies. Plus précisément, on s’intéresse au modèle linéaire
Z = F(X)θ + ε
où Z est un vecteur de N observations, ε est un vecteur gaussien centré, F(X) est une base de p fonctions évaluées aux points de la matrice de design X et θ est un parametre inconnu de dimension p à déterminer. La matrice X de taille N ×d contient pour chaque ligne les conditions pour l’observation de la quantité Zj . Dans le cadre du problème de propagation des incertitudes, on s’intéresse au modèle linéaire dans un contexte bayésien. Nous faisons des rappels généraux de définitions et de propriétés dans le cadre de la statistique bayésienne .
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Table des matières
INTRODUCTION
I Motivations et plan détaillé de la thèse
I. 1 Motivations industrielles
I. 1.1 Contexte du nucléaire civil pour la production d’électricité
I. 1.2 Le contexte accident grave pour les réacteurs nucléaires
I. 1.3 Besoins numériques et méthodologiques pour la simulation des accidents graves
I. 2 Contenu de la thèse
I. 2.1 Chapitre contexte scientifique
I. 2.2 Chapitre modèle linéaire dans le contexte bayésien
I. 2.3 Chapitre reconstruction non-paramétrique par la maximisation de γ-entropie
I. 3 Perspectives dans le cadre des applications en thermodynamique chimique
II Contexte scientifique
II. 1 L’apprentissage statistique et l’analyse d’incertitude
II. 1.1 Généralités sur l’apprentissage statistique
II. 1.2 Analyse de l’incertitude
II. 1.2.1 Quantification de l’incertitude d’entrée
II. 1.2.2 Propagation de l’incertitude
II. 1.2.3 Analyse de sensibilité
II. 2 Description des systèmes chimiques
II. 3 La méthode Calphad
II. 4 Les problèmes du calcul thermodynamique
II. 4.1 Le problème d’équilibre
II. 4.2 Le problème de reconstruction fonctionnelle avec le modèle linaire
II. 4.3 Les données d’assimilation
II. 4.3.1 Données de structure
II. 4.3.2 Données thermodynamiques
II. 4.3.3 Données de diagramme de phase
II. 5 Modélisation du système Cu-Mg dans la formulation classique de thermodynamique
II. 5.1 Description du système
II. 5.2 Modélisation classique en thermodynamique
II. 5.3 Données d’assimilation
III The linear model in the Bayesian framework
III. 1 General results with the linear model
III. 2 The Bayesian framework
III. 2.1 General definitions and properties in the Bayesian framework
III. 2.2 Conjugate prior distribution for the Gaussian linear model
III. 2.3 Sensitivity to the prior parameters
III. 2.4 Levelled linear models
III. 3 Bayesian point of view for the Calphad-based modelling
III. 3.1 Motivations
III. 3.2 Calphad-based modelling
III. 3.3 Literature review of the uncertainty analysis for the specific framework of computational thermodynamics
III. 3.4 Uncertainty for the thermodynamic quantities
III. 3.5 Uncertainty for the phase diagram
III. 4 Application to the binary system Cu-Mg case study
III. 4.1 Case study modelling
III. 4.2 Results
IV Non parametric reconstruction with linear constraints : the γ-entropy maximisation problem
IV. 1 Introduction
IV. 2 The specific γ-entropy maximisation problem for a single reconstruction
IV. 2.1 Transfer principle
IV. 2.2 γ-divergence minimisation problem
IV. 2.3 Maximum entropy problem
IV. 2.4 Maximum Entropy on the Mean
IV. 2.5 Connection with classical minimisation problems
CONCLUSION