Contexte d’émergence de l’apprentissage des langues étrangères à l’école primaire
Les langues vivantes étrangères à l’école
Pourquoi apprendre et enseigner les LVE à l’école ?
Sur le modèle des enfants bilingues, ayant donc deux langues maternelles, la pensée commune est la suivante : plus l’âge d’apprentissage d’une langue étrangère est bas, plus les conditions d’apprentissage sont efficaces pour qu’un individu acquiert cette langue étrangère. Il parait donc a priori intéressant d’instaurer un enseignement-apprentissage des LVE dès l’école primaire, un enseignement dit « précoce ». Nous développerons cette idée en première partie à travers une étude sous des angles linguistique et psycholinguistique.
Par ailleurs, selon le site officiel du Ministère de l’Education Nationale (MEN) Eduscol, à propos des LVE :
« L’amélioration des compétences des élèves français en langues vivantes est une priorité. L’apprentissage des langues tient une place fondamentale dans la construction de la citoyenneté, dans l’enrichissement de la personnalité et dans l’ouverture au monde. Il favorise également l’employabilité des jeunes en France et à l’étranger. »
Dans la mesure où l’école évolue en miroir des transformations de la société, elle a depuis le début les années 90’ cherché à intégrer les LVE dans ses programmes.
En effet, dans un pays de plus en plus inclus dans une organisation européenne et dans un monde où les échanges extérieurs sont multiples, s’initier aux langues étrangères, et notamment à l’anglais, langue très utilisée dans la communication internationale, paraît indispensable. Si la langue peut être une barrière, elle devient un formidable outil d’échanges lorsqu’elle est maîtrisée par de nombreux locuteurs.
En outre, comprendre et parler une autre langue que la sienne, signifie s’ouvrir à une autre culture que la sienne, d’autres coutumes, d’autres modes de pensées. Prendre conscience d’une diversité, c’est prendre acte d’une différence ; d’un autre que soi. En ce sens, c’est grandir et devenir citoyen.
C’est dans ces différentes perspectives qu’ont été développées les coopérations linguistiques et éducatives, dans le cadre d’échanges internationaux par exemple. Elles se préparent tout au long des études d’un individu et commencent donc dès l’école primaire.
Que disent les programmes ?
D’autre part, les attendus de fin de cycle sont annexés sur les niveaux du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL). Ainsi, à l’issue de l’école primaire, les élèves doivent avoir atteint le premier niveau du CECRL, le niveau « A1 ». Ils sont alors capables de communiquer de façon simple, si l’interlocuteur parle lentement et distinctement. La communication comprend plusieurs compétences :
• Écouter et comprendre
• Parler en continu
• Écrire
• Réagir et dialoguer
• Découvrir les aspects culturels d’une langue vivante étrangère Retenons que le champ thématique de l’élève de niveau A1 concerne son environnement immédiat.
Nos hypothèses de travail
Dans la perspective de développer l’enseignement-apprentissage de l’anglais dans notre classe, et que tous les élèves atteignent les objectifs fixés, nous émettrons trois hypothèses de travail.
Elles nous permettront de comprendre quel sens les élèves peuvent donner à l’apprentissage d’une langue étrangère à l’école, à partir d’éléments contextuels, extérieurs à l’école.
A travers l’hypothèse a, nous postulons qu’un élève issu d’un milieu social favorisé aura de bons résultats scolaires, y compris en anglais, discipline scolaire.
Les élèves étant issus d’un milieu socio-économique favorisé et donc ayant, selon les rapports
PISA et Marie Duru-Bellat, de bons résultats scolaires, seront plus à l’aise à l’école et donc, en ce qui nous concerne, en anglais.
Par le biais de l’hypothèse b, nous voulons vérifier qu’un contact avec l’anglais et les cultures anglophones sur des temps extra-scolaires, stimule la curiosité et implique l’élève dans l’apprentissage de l’anglais, en ce qu’il y trouve un sens réel.
b) Les élèves qui ont été ou sont en contact avec l’anglais à l’extérieur de l’école, sont plus impliqués en anglais. Le réel serait donc une source importante de motivation dans l’apprentissage d’une LVE.
Via l’hypothèse c, nous vérifierons qu’il est plus simple pour des enfants ayant deux langues maternelles d’acquérir et d’assimiler une autre langue étrangère.
c) Les enfants bilingues ont plus de facilités à s’impliquer dans l’acquisition d’une autre langue étrangère et donc à assimiler l’anglais.
Notre contexte d’exercice.
L’école
L’école où j’enseigne se situe dans l’académie de Nantes, c’est l’école élémentaire publique « l’Enclos » à Vertou. Elle accueille près de 200 élèves issus d’un milieu social généralement favorisé ; les parents sont globalement impliqués dans le suivi du parcours scolaire des enfants et le niveau général des élèves est bon.
J’ai en charge un double niveau d’élèves de CM1-CM2 à mi-temps, les lundis et mardis, ainsi qu’un mercredi sur deux. Les cours d’anglais m’ont été attribués, et, en plus d’un rituel quotidien comprenant l’expression de la date et de la météo en anglais, en interaction orale entre des élèves, deux séances d’anglais de 45 minutes sont prévues par l’emploi du temps.
Les élèves de CM2 de ma classe et ceux d’une autre classe sont réunis sur deux temps de séances d’anglais, ils sont 40 au total. Ils apprennent l’anglais depuis la classe de CP, c’est-àdire quatre ans. Les CM1 suivent, pendant ces temps, un autre enseignement en « décloisonnement ».
La classe d’anglais
Le niveau de ces élèves de CM2 est hétérogène allant d’un niveau A1.1 voire A1.2 (selon le CECRL) pour certains, à une absence totale de réactivation des connaissances et compétences vues en anglais dans les classes précédentes, pour d’autres.
Mon objectif cette année est d’amener tous les élèves à parler en anglais en interaction, en maitrisant les structures syntaxiques, le lexique ainsi que les aspects phonologiques de la langue correspondant à un niveau A1 complet du CECRL.
Dès lors, il me faut privilégier les activités de compréhension et de production orales, par le biais de vidéos ou d’enregistrements d’une part et de mise en situation qui nécessite une prise de parole d’un ou de plusieurs élèves en continu d’autre part. La compréhension écrite est également importante, quant à la production écrite elle apparaît secondaire, si ce n’est pour permettre l’existence d’une trace écrite, support à la mémorisation des séances.
Cadre théorique de l’apprentissage précoce des LVE
L’apport des linguistes et psycholinguistes.
La méthode naturelle et la méthode scolaire.
Selon Daniel Gaonac’h, psycholinguiste, la méthode « naturelle » d’acquisition d’une langue est d’abord implicite ; c’est-à-dire qu’elle n’a rien à voir avec un apprentissage sur objectif. En effet, celle-ci s’acquiert sans effort et n’a pas qu’elle-même comme but. A l’école, les élèves ne sont exposés à cette LVE que quelques heures par mois et n’ont pas souvent l’occasion de réinvestir les savoirs et savoir-faire hors de la classe. L’exposition à une langue étrangère à l’école a de nombreux intérêts mais ne peut être comparée à l’acquisition d’une double langue maternelle. Il s’agit donc de mettre à distance des idées reçues pour mieux appréhender l’enseignement-apprentissage scolaire des langues. [Gaonac’h Daniel, L’apprentissage précoce d’une langue étrangère, le point de vue de la psycholinguistique, Hachette éducation, 2006]
En outre, par définition, un apprentissage scolaire des LVE ne peut se détacher du lieu où elles sont enseignées, l’école. Or, selon les rapports PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) qui est un ensemble d’études menées par l’OCDE, visant à la mesure des performances des systèmes éducatifs des pays membres et non membres, l’école ne parvient plus à gommer les inégalités sociales. En d’autres termes, les enfants issus de milieux favorisés présentent généralement de bons résultats scolaires et les élèves évoluant dans des milieux plus défavorisés sont souvent en grandes difficultés. Pour Marie DuruBellat, à l’école, certains enfants réussissent systématiquement mieux ou moins bien que d’autres et les déterminants sociologiques sont en corrélations fortes avec les trajectoires scolaires. Autrement dit, du milieu social dépendrait la réussite de l’élève de primaire. [DuruBellat Marie, Sociologie de l’école, Armand Colin, 2012]
En conséquence, l’anglais étant une discipline parmi les autres à l’école, le critère social peut ainsi s’imposer comme cause de réussite ou de difficulté.
L’approche phonologique
Dans l’apprentissage d’une langue étrangère, la compréhension et la production orales sont très importantes en ce qu’elles permettent une communication spontanée. Or, plus l’écart entre la langue maternelle et la langue cible (langue d’apprentissage) est grand, plus la compréhension et la prononciation seront à travailler ; ils seront, en effet, plus compliqués à entendre et à percevoir pour ensuite être prononcés de façon juste.
En d’autres termes, plus les deux systèmes phonologiques sont éloignés, plus l’apprenant éprouve des difficultés à s’engager dans la prononciation, et donc dans la communication, par peur de ne pas savoir reproduire le son correctement. Cette peur s’explique par le fait que la voix et la prononciation engagent le corps et ses limites. Or, ces blocages se retrouvent beaucoup plus chez l’adulte et l’adolescent que chez l’enfant.
D’après Claude Hagège, linguiste français : « Les blocages de l’adulte et les grâces de l’enfant » fait la démonstration que l’enfant dispose de potentialités d’apprentissage linguistique dans son jeune âge qui se réduisent considérablement voire disparaissent si elles ne sont pas exploitées avant le seuil fatidique de la onzième année. C’est particulièrement vrai pour la dimension phonique des langues : l’enfant, au cours de son développement, tend à ne plus percevoir les oppositions sonores qu’il n’entend pas dans sa langue maternelle (« stabilisation sélective des synapses ») ; l’oreille devient « nationale ».
[Hagège Claude, L’Enfant aux deux langues, Éditions Odile Jacob, 1996]
La dimension affective de l’apprentissage d’une langue étrangère
Le terme de dimension « affective » englobe largement : les sentiments, les émotions, les croyances et les attitudes qui conditionnent de manière significative notre comportement. Elle s’oppose à une vision purement cognitive de l’enseignement. Le paradigme affectif est apparu comme primordial dans des recherches sur les modalités d’enseignement qui stimule le mieux l’apprentissage au niveau neurologique.
Ainsi, d’après Oatley et Jenkins, professeurs anglais en psychologie cognitive : « les émotions ne sont pas des compléments. Elles sont au cœur même de la vie mentale des êtres humains et font la jonction entre ce qui est important pour chacun de nous et le monde des personnes, les choses et les événements ». [Oatley K. et Jenkins J.M. (2006), Understanding Emotions]
Il est donc important de prendre en compte l’anxiété que peut représenter la perte des codes langagiers et culturels face à une langue étrangère ; l’inhibition liée à cette dimension interculturelle ou encore l’estime de soi, c’est-à-dire ne pas se sentir à l’aise pour prendre la parole devant l’autre. A ces facteurs s’ajoute la motivation, qui doit, elle aussi trouver sa source dans l’affectif en tissant un lien avec la LVE.
Là encore, dans le cas d’une langue maternelle, c’est bien, aussi, le lien avec la mère, celui qui rassure, qui entraine une acquisition naturelle d’une langue. En classe, il s’agit donc d’instaurer un climat favorable à l’apprentissage en s’attachant à faciliter la relation de chaque élève au groupe.
Nourrie de ces divers apports théoriques, il semble plus clair d’aborder notre étude.
En effet, le contexte scolaire et social ainsi que la prise en compte du potentiel physiologique de l’enfant et de la dimension affective d’un apprentissage nous permettront d’éclairer l’analyse de nos résultats au regard de nos hypothèses
Bilan
Limites de la recherche
Le questionnaire s’adressait à des élèves de CM2 qui sont des enfants, peut-être aurait-il fallu soumettre un questionnaire aux parents pour obtenir des données plus précises, plus développées et peut-être aussi plus fiables.
L’esquisse d’un milieu socio-économique est une question extrêmement délicate et demanderait plus d’une ou deux questions pour le dessiner en ce qu’il revêt plusieurs contours. Peut-être que la prise en compte de ce dont dispose chaque élève au niveau culturel dans le foyer aurait pu étayer le questionnaire proposé. L’objectif serait de ne pas stéréotyper un milieu socio-économique en ne tenant compte que du métier des parents.
L’échantillon de 38 élèves n’est pas suffisant, l’implication d’une autre classe, dans un lieu géographique différent aurait permis d’établir un point de comparaison pour des données plus objectivables.
L’écrit réflexif est un travail court qui ne m’a pas permis de m’intéresser en profondeur à chaque apprenant. Cela aurait demandé des temps d’entretiens individuels pour comparer, par exemple, ce qui est visionné et entendu sur les enregistrements vidéo et audio et l’intention même de l’élève ; ses réflexions à un moment précis. Ainsi, nous aurions pu mieux comprendre ce qui se joue pour l’élève dans ces activités et apporter des réponses adaptées à ses besoins.
Par ailleurs, il aurait été intéressant d’effectuer un travail sur les diverses méthodes pédagogiques employées en classe de langue pour comprendre ce qui stimule et motive ou au contraire ce qui freine le plus les apprenants de cycle 3 dans l’apprentissage de l’anglais. Cette étude préliminaire aurait permis d’expliquer ce qui dans le fait d’établir une correspondance avec une autre classe et d’apporter une dimension réelle à l’apprentissage, donne profondément du sens à l’acquisition d’une langue étrangère.
D’autre part, une étude plus poussée des systèmes de langue connus des enfants bilingues d’après la comparaison de leurs systèmes phonologiques, lexicaux et morphosyntaxiques auraient réellement permis d’approfondir la question de l’aide qu’apporte une seconde langue maternelle à l’acquisition d’une troisième langue étrangère.
Enfin, pouvoir mesurer l’apport interculturel d’un cours de langue et le mettre en corrélation avec la compréhension de la tolérance par les élèves comme une valeur sine qua non à la possibilité d’un « vivre ensemble » aurait été pour moi un prolongement à l’étude, signifiant.
Apports personnels
J’ai pris beaucoup de plaisir à effectuer cette recherche dans la mesure où elle a suscité des interrogations dès le début de l’année et a orienté mes questionnements vers le sens des apprentissages.
Il m’a fallu resserrer cette notion sur une discipline, j’ai donc choisi de m’intéresser plus en détails à l’acquisition de l’anglais par les élèves.
J’ai ainsi eu l’occasion de renouer avec les théoriciens de l’enseignement apprentissage des langues étrangères pour créer des liens entre mes connaissances et compétences en Français enseigné comme une Langue Etrangère et comprendre ce qui est applicable au contexte captif de l’enseignement de l’anglais aux élèves de cycle III d’une école primaire de France.
Par ailleurs, j’ai pu allier pratiques pédagogiques et théories comme le préconise Michel Fabre à travers sa formule : « la théorie pratique » pour tendre à être meilleure pédagogue.
C’est cette veille pédagogique permanente et ce mouvement de balancier entre pratique et théorie que je continuerai à mettre en œuvre, pour sans cesse mieux cerner les élèves des classes où je serai amenée à enseigner et mieux répondre à leurs besoins pour sans cesse adapter mon enseignement et me renouveler avec le même enthousiasme.
Pour le travail qui nous concerne, se poser la question de l’impact du déterminisme socio-économique, de l’imprégnation culturelle ou de l’activation de certaines aptitudes par la pratique d’une autre langue maternelle, comme facteur impactant l’apprentissage d’une langue étrangère, c’est une recherche qui m’a permis de réellement confronter des courants théoriques à une classe bien réelle.
Cette démarche m’a permis d’établir une cohérence entre : mes convictions (valeurs), mes conceptions (savoirs) et mes actions (pratiques). [FABRE M. (2011), Eduquer, enseigner pour un monde problématique, Paris : PUF]
Ma conviction c’est que donner du sens à une langue étrangère c’est permettre à l’élève de comprendre que c’est une langue de communication et que communiquer avec l’Autre (comme alter ego différent) signifie s’ouvrir l’accès à une autre manière de penser, à une autre culture et donc s’enrichir. Voir dans la différence une richesse, c’est rendre l’élève tolérant, curieux et respectueux. Il peut alors, comme le disait Montaigne dans ses Essais « suspendre son jugement ». Cette attitude le construit comme citoyen humaniste.
Mes conceptions, eut égard aux études de linguistiques et didactiques des langues réalisées lors d’un Master à l’Université Rennes II, sont imprégnées de connaissances sur l’enseignement des langues comme revêtant des aspects phonologiques, morphosyntaxiques, lexicaux et pragmatiques, etc. et s’appuient sur l’analyse de l’erreur pour déterminer l’interlangue d’un apprenant, en d’autres termes, c’est dire que l’erreur renseigne sur les processus d’apprentissage.
Or, jusqu’alors, une partie de la théorie que j’avais acquise concernant l’enfant bilingue, le contexte socio-économique et l’immersion culturelle n’avait jamais été éprouvée par des apprenants d’une de mes classes. Pour moi, les théories étaient souvent assimilées à des vérités constitutives d’une culture. Pouvoir expérimenter ces « vérités » a été pour moi révélateur d’une certaine distanciation à opérer pour éviter de s’enfermer dans des a priori ou des croyances stéréotypées.
Autrement dit, j’ai remis en question le fait que l’enfant bilingue assimile mieux une L3 que l’enfant ne parlant qu’une seule langue maternelle. La théorie selon laquelle une situation réelle de communication donne du sens aux apprentissages et permet de mieux acquérir une langue a quant à elle été vérifiée avec la classe de CM2 où j’enseigne cette année.
Enfin, dire qu’un élève issu d’un milieu favorisé réussira systématiquement mieux qu’un autre élève moins favorisé d’un point de vue socio-économique ne suffit pas dans la mesure où l’école peut aussi parfois lui apporter d’autres perspectives en donnant un sens ancré dans le réel à ce qu’il apprend.
C’est donc par mes choix pédagogiques, mes pratiques que je suis en mesure d’agir sur l’enseignement-apprentissage des élèves. A la suite des résultats du trimestre 1, découvrant que le facteur majoritaire de réussite, selon les modalités de ma recherche, était en lien avec un apport hors école de l’anglais, j’ai cherché à réaliser un projet de correspondance entre élèves, en anglais.
Ayant quelques contacts avec l’école française Arthur Rimbaud à Dar es Salaam en Tanzanie, à 7000 kilomètres de distance, j’ai proposé ce projet à un professeur en charge de la section anglais dans cette école (le fonctionnement est différent des écoles en France puisque les enfants en Tanzanie évoluent dans un contexte anglophone). Cet échange s’effectue en complément de cours d’anglais mêlant pédagogie communicative et actionnelle. Voyons dès lors comment cette recherche a influencé ma pratique professionnelle.
Mises en place
Une fois l’analyse réalisée et le critère de contact avec l’anglais extérieur à l’école décelé comme important dans l’acquisition de la langue, il s’agissait de pouvoir mettre en place une situation dans laquelle, un contact avec l’anglais est perçu comme utile et non scolaire. En d’autres termes, il me fallait trouver une situation de communication réelle et extérieure à l’école.
C’est la raison pour laquelle j’ai contacté l’école française Arthur Rimbaud en Tanzanie, pays anglophone où les enfants scolarisés sont à 50 % français et à 50% non français. L’anglais, dans cette école est parlé lors des récréations et en petits groupes de niveaux et par âge. Jenny Kremer, est responsable de la filière anglais dans cette école maternelle et primaire, elle est californienne et ne parle que peu français. Les élèves de cette école ont donc un bon niveau en anglais (A2+ à B1+ selon le CECRL). D’autre part, la Tanzanie est un pays anglophone où l’anglais est utilisé quotidiennement dans les échanges commerciaux par exemple.
Dès lors, une communication en anglais avec des élèves de cette école prenait tout son sens. D’un point de vue linguistique, une correspondance de ce type présente de nombreux apports aux niveaux : lexical ; réutilisation de tournure syntaxique vues à automatiser ; prononciation de nouveaux sons (phonologie et prosodie) ; motivation ; dimension affective du langage et aspects interculturels et civilisationnels.
Par ailleurs, certains élèves de l’école française de Dar esSalaam ne connaissent pas la France, ni la culture française, ils ne l’envisagent qu’à travers le prisme des programmes scolaires et de l’environnement de l’école française. Dès lors, pour eux, un échange avec des élèves d’une école française en France revêt un certain intérêt.
Après une première prise de contact avec Jenny, il m’a paru intéressant de trouver un accord sur les thématiques d’échanges. La première s’est imposée d’elle-même : pour entrer en contact, il faut se présenter.
Mes élèves et les siens se sont donc présentés en images et par écrit. [Annexes 3]
Ma classe sous forme de fiche d’identité (nom, prénom, âge, nationalité, etc.) en ajoutant les goûts et la présentation des membres de leur famille. La classe d’élèves en Tanzanie ayant un niveau plus élevé s’est présentée de manière plus approfondie. Les deux classes ont ensuite échangé sur leurs écoles et leurs pays respectifs, sur leurs activités, puis leurs goûts et leurs cultures. Ce qu’il est intéressant de retenir c’est que ce projet est un cadre que s’approprient les élèves pour communiquer, mieux se connaitre, tout en développant ses compétences dans une langue étrangère.
Ainsi, les élèves réinvestissent tous les savoir-faire acquis en anglais et ceux qui sont en cours d’acquisition. Outre le réinvestissement des notions étudiées, les élèves développent d’autres compétences puisqu’en créant le besoin de communiquer, ils cherchent à dépasser ce qu’ils savent déjà dire, à enrichir leur phrase d’un lexique nouveau, à apprendre d’autres temps que le présent, d’autres structures morphosyntaxiques, etc. ce qui est très positif dans l’acquisition d’une langue. Par là même, les élèves sont associés à l’élaboration de leurs savoirs et savoir-faire.
Le projet de correspondance est, dans cette perspective, un détour pour confronter les élèves à des obstacles et provoquer des situations d’apprentissage dans le but de développer ses compétences en anglais et d’élargir sa vision de l’altérité.
Par ailleurs, l’échange s’est réalisé, suite aux conseils d’Alain Courriault, par le biais d’une boîte mail protégée, celle de « laposte.net » via une adresse créée pour la classe.
Ce sont au départ des documents scannés (textes et dessins) ou bien des fichiers de traitement de texte (textes et images) ou encore des mails qui sont envoyés.
Ensuite, des fichiers sons sont réalisés (ils ont d’ailleurs constitué la tâche finale d’une séquence ici, un « Qui est-ce ? » à l’échelle de la classe). En effet, chaque élève s’est décrit physiquement, une photographie de chacun d’eux a été envoyée avec ces descriptions sonores pour que les élèves de Tanzanie proposent des réponses : d’après la description que j’entends, c’est tel ou tel élève que je reconnais sur telle ou telle photographie.
Le jeu interactif motive les élèves qui entrent plus vite dans les séances d’anglais et dans les tâches finales en ayant envie d’améliorer sa prononciation, sa mémorisation du vocabulaire et sans peur de « mal faire » mais avec l’envie de « faire mieux ». La cohésion de classe dans le travail collaboratif s’améliore puisque c’est bien une classe qui correspond avec une autre classe.
CONCLUSION
Au cours de cette étude, il est apparu que donner du sens aux apprentissages en langue étrangère pour un élève de cycle 3, est en lien avec une inscription des tâches d’apprentissage dans le réel. En d’autres termes, il semble qu’il faille donner l’occasion, le plus souvent possible, à un élève d’utiliser l’anglais comme langue de communication. Par cette recherche, j’ai donc pu m’intéresser aux pédagogies de projet ainsi qu’à l’approche actionnelle qui, en langue étrangère, tourne les apprentissages vers la réalisation d’une tâche finale ancrée dans le réel. La pédagogie de projet me semble également une démarche d’enseignement-apprentissage intéressante en ce que les contenus ne sont pas pré-écrits ou pré-décidés par l’enseignant. En ce sens, l’élève est réellement acteur de son apprentissage dans un cadre de travail qui le rend créatif et autonome.
D’autre part, d’un point de vue personnel, ayant déjà une certaine expérience dans l’enseignement apprentissage d’une langue étrangère, j’ai pu, par cette recherche, développer mes connaissances des processus cognitifs à l’œuvre chez l’enfant lorsqu’il acquiert une L2.
De plus, j’ai enrichi ma compréhension du milieu scolaire « éducation nationale » et de l’enseignement dans un contexte où l’élève est captif. Je suis convaincue que ces connaissances acquises pourront servir mon projet de travailler avec des élèves allophones primo-arrivants, en lien avec le CASNAV. En effet, ayant obtenu la certification complémentaire de l’éducation nationale en Français Langue Seconde (FLS), l’étude de l’acquisition d’une langue étrangère reste pour moi un champ d’innovations pédagogiques à explorer sans cesse.
Par ailleurs, à la question « que peut encore l’école ? » face au creuset d’inégalités que d’aucun pourrait constater, il est encore possible de répondre que, quoiqu’il en soit, la force et le devoir de l’école est d’apporter à tous la même chance.
Il est probable que les classes soient hétérogènes d’un point de vue socioéconomique, cependant, c’est le rôle de l’école d’assurer l’égalité en donnant à chacun des outils pour réussir.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : Contexte d’émergence des langues étrangères à l’école primaire
CHAPITRE I : Les langues vivantes étrangères à l’école
1. Pourquoi apprendre et enseigner les LVE à l’école ?
2. Que disent les programmes officiels ?
3. Mes hypothèses de travail
CHAPITRE II : L’enseignement de l’anglais dans mon contexte d’exercice
1. Description de l’école
2. Mes classes d’anglais
PARTIE II : Cadre théorique de l’apprentissage précoce des LVE
CHAPITRE I : L’apport des linguistes et psycholinguistes
1. La méthode naturelle et la méthode scolaire
2. L’approche phonologique
3. La dimension affective
CHAPITRE II : Méthodologie
1. Recueil des données
2. Echantillon
PARTIE III : Données recueillies et analyses des données
CHAPITRE I : Résultats
1. Observations
2. Analyses
CHAPITRE II : Bilans
1. Limites
2. Apports personnels
3. Mises en place
4. Apports professionnels
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
SITOGRAPHIE
ANNEXES
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