Les Réacteurs à Haute Température (RHT) présentent des caractéristiques uniques de sûreté passive, de rendement et de souplesse dans le choix du cycle du combustible. L’association de trois spécificités essentielles leur confère leurs caractéristiques : un combustible à particules particulièrement confinant et réfractaire, un refroidissement par circulation d’un gaz inerte tel que l’hélium et, enfin, l’utilisation de grandes quantités de graphite comme modérateur et matériau de structure. Développés dans les années 1960-70, les RHT sont condamnés dans les années 80 suite aux difficultés rencontrées lors du passage du prototype à l’échelle industrielle. Depuis, les progrès réalisés dans l’industrie des turbines à gaz et les matériaux haute température ont réouvert la voie aux RHT à cycle direct, offrant des perspectives nouvelles de rendement thermodynamique élevé.
Aujourd’hui, la filière des réacteurs à caloporteur gaz est de nouveau considérée à travers des programmes nationaux et internationaux de R&D :
– le GT-MHR (« Gas Turbine Modular Helium Reactor »), conçu par General Atomics et développé par un consortium internationnal,
– le PBMR (« Pebble Bed Modular Reactor ») développé par ESCOM en Afrique du Sud,
– des réacteurs de recherche, en Chine (HTR10) et au Japon HTTR (« High Température engineering Test Reactor ») et le projet GTHTR-300.
Le projet GT-MHR est financé principalement par les gouvernements américains et russes ; Framatome y participe depuis 1995 via un projet européen. Le choix du GT MHR s’explique par son aptitude à consommer du plutonium, d’où le projet de construire un réacteur en Sibérie pour résorber une partie du plutonium provenant de la désactivation de missiles russes, tout en produisant de l’énergie électrique. Le GT MHR est considéré comme un concept de référence des RHT à cycle direct, car c’est un projet pour lequel on dispose d’un design relativement avancé.
Caractéristiques du réacteur RHT
L’hélium, porté à 850°C et environ 70 bars dans le cœur, passe dans l’enceinte de conversion d’énergie. Il se détend directement dans la turbine qu’il met ainsi en action. L’échangeur récupérateur permet d’utiliser une partie de l’énergie thermique en sortie de turbine pour préchauffer l’hélium avant qu’il ne pénètre à nouveau dans le cœur, après passage dans les compresseurs. Afin d’augmenter le rendement, la température à l’entrée des compresseurs est abaissée à l’aide des échangeurs intermédiaires, reliés à une source froide externe.
La caractéristique principale des RHT est l’utilisation d’un caloporteur gazeux. Le choix de l’hélium présente les avantages suivants :
– possibilité de choisir la température de fonctionnement indépendamment de la pression,
– absence de changement de phase,
– bon coefficient de transfert thermique,
– transparence aux neutrons,
– bonne compatibilité à toute température avec les matériaux métalliques,
– quasiment pas d’activation sous rayonnement.
Néanmoins, le choix d’un cycle direct avec de l’hélium implique des difficultés techniques à traiter :
– l’hélium est un moins bon caloporteur que l’eau,
– la haute température en sortie de cœur rend le choix des alliages de structure difficile,
– la forte pression induit des problèmes de dimensionnement des pièces,
– l’hélium, qui est un gaz léger, a tendance à fuir facilement et il est chargé en impuretés, ce qui entraîne des problèmes de corrosion et d’oxydation.
Les RHT sont en outre caractérisés par un combustible céramique. Il est constitué de particules millimétriques sphériques comprenant un noyau d’oxydes d’uranium et/ou de plutonium revêtu de couches de protection à base de graphite et de carbure de silicium. Ce revêtement permet d’obtenir un taux de combustion de 700 000 MW.jour/tonne, contre 50 000 avec un gainage métallique dans les réacteurs à eau pressurisée. Les particules sont agglomérées dans une matrice de graphite, sous forme de bâtonnets cylindriques pour le GTMHR. Les qualités exceptionnelles du combustible des RHT confèrent aux réacteurs la propriété d’être intrinsèquement sûrs. L’autre avantage décisif du RHT est son rendement énergétique exceptionnel, espéré de 47%, dû à son fonctionnement selon un cycle thermodynamique direct (cycle de Brayton). Un module de RHT est conçu pour fournir une puissance électrique de 285 MW à partir de la puissance thermique dégagée par la chaudière de 600 MW. Grâce à ce rendement accru, la quantité de déchets de haute activité à longue durée, rapportée à la puissance, est notablement diminuée.
Cahier des charges de la turbine du RHT
On s’intéresse au cahier des charges des matériaux du premier étage de la turbine du GTMHR, qui est le plus contraignant. Les principales caractéristiques sont les suivantes :
– la température d’entrée de l’hélium est fixée à 850°C,
– l’intervalle d’inspection est de 60 000 h (~7 ans),
– la turbine est en rotation à 3000 tours/minute (50Hz),
– le diamètre du disque mesure environ 1,5 m.
Les caractéristiques d’une turbine RHT sont comparées, dans le tableau I1, à celles de deux turbines aéronautiques et d’une turbine terrestre. Ce tableau permet de mettre en évidence les spécificités d’une turbine RHT en termes de dimension, de température de fonctionnement, de conditions de chargement et d’environnement.
Cahier des charges du matériau des aubes
Les aubes seront portées à une température légèrement inférieure à 850°C. Cette température est compatible avec les températures de fonctionnement habituelles des turbines à gaz. Le matériau de l’aube sera sélectionné dans la gamme des superalliages à base de nickel, la spécificité nucléaire interdisant de considérer les alliages à base de cobalt. Les matériaux retenus sont des alliages à base de nickel à solidification dirigée couramment utilisés dans les turbines terrestres. Un revêtement permet de protéger les aubes de l’environnement (érosion et corrosion).
Chargement mécanique
Le chargement d’une turbine RHT diffère à la fois du chargement des turbines aéronautiques et des turbines terrestres. En effet, une turbine aéronautique subit beaucoup de cycles arrêt/démarrage, correspondant aux différentes phases de vols. Les disques sont donc dimensionnés en fatigue oligo-cyclique. Quant aux turbines terrestres, les intervalles de temps sans maintenance sont de l’ordre 10 000 h, soit des durées beaucoup plus faibles que pour les turbines de RHT. Comme le nombre de cycles arrêt/démarrage est important, la fatigue est aussi le critère de dimensionnement, bien que la questions du fluage commence à se poser. Le nombre de cycles arrêt/démarrage de la turbine RHT n’est pas encore fixé, mais la durée de vie de 60 000 h sans maintenance, imposée par les difficultés d’intervention en environnement nucléaire, implique de dimensionner d’abord le disque en fluage.
Environnement sous hélium impur et aspect nucléaire
L’environnement sous hélium chargé d’impuretés, issues du graphite et du dégazage des structures, induit une atmosphère à faible potentiel d’oxydation, carburante ou décarburante en fonction de sa teneur précise en H2, CO/(CO2) CH4, N2 et H2O. La corrosion des alliages pour disque dans cet environnement spécifique doit donc être étudiée. Les particules présentes dans le gaz entraînent un risque d’érosion des aubes ou des disques. Pour une application en cycle direct, la présence de cobalt est donc un problème, car des particules érodées contenant du cobalt pourraient circuler dans le cœur et s’activer pour former du cobalt 60. L’utilisation ou non d’alliage contenant du cobalt pour réaliser les disques de turbine est une question toujours ouverte.
Retour d’expérience
L’étude des RHT a commencé en Angleterre en 1964 par le projet Dragon. Le développement s’est ensuite poursuivi de façon symétrique en Allemagne (AVR et THTR300) et aux ÉtatsUnis (Peach Bottom et Fort St Vrain) du milieu des années 60 au début des années 80. Soit le fonctionnement du réacteur était testé sans turbine en cycle vapeur indirect (Fort St Vrain et THTR300), soit la turbine était testée sans cœur dans une boucle d’hélium (projets HHV et EVO). Dans le projet HHV, la température maximale du disque était inférieure à 400°C et les disques étaient réalisés en alliages austénitiques ou ferritiques. Ces prototypes n’ont pas permis de tester la turbine dans des conditions de chargement correspondant au cahier des charges du GT-MHR (suite à des problèmes mécaniques, les prototypes n’ont pas fonctionné longtemps à haute température). Cependant, des études portant sur le fluage sous air et sous hélium impur de l’IN713 LC ont montré que la dispersion des temps à rupture en fluage était similaire pour les deux environnements [Jakobeit 1984].
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Table des matières
INTRODUCTION
1 Contexte de l’étude : les Réacteurs à Haute Température (RHT)
1.1 Caractéristiques du réacteur RHT
2 Cahier des charges de la turbine du RHT
2.1 Cahier des charges du matériau des aubes
2.2 Cahier des charges du matériau du disque
2.2.1 Dimensions et température
2.2.2 Chargement mécanique
2.2.3 Environnement sous hélium impur et aspect nucléaire
2.2.4 Retour d’expérience
3 Choix du matériau pour disque de turbine RHT
3.1 Objectifs de la thèse
CHAPITRE 1 : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1 Caractéristiques des superalliages pour disques de turbines
1.1 Bref aperçu sur l’historique des superalliages
1.2 Principaux alliages pour disques de turbines
1.3 Procédés d’élaboration des disques de turbines
1.3.1 Voie lingot-forgeage
1.3.2 Métallurgie des Poudres
1.3.3 Traitements thermiques et microstructure
1.4 Élaboration et microstructure de l’Udimet 720
1.4.1 Faisabilité d’un disque de turbine de RHT en Udimet 720
1.4.2 Traitements thermiques de l’Udimet 720
1.4.2.1 Traitement thermique HS
1.4.2.2 Traitement thermique CR
1.4.3 Adaptations possibles des traitements HS et CR
1.5 Contrôle de la taille de grain et de la précipitation γ’
1.5.1 Influence de la température de mise en solution sur les précipités γ’
1.5.2 Matériaux MdP et croissance de grain
2 Mécanismes de déformation de fluage des superalliages
2.1 Généralités sur le fluage
2.1.1 Définition
2.2 Approche macroscopique
2.2.1 Modèles de prédiction du temps à rupture ou de la déformation critique
2.2.1.1 Relation de Monkman-Grant
2.2.1.2 Modèles de type Larson-Miller
2.2.2 Modèles basés sur la vitesse de déformation stationnaire
2.3 Approche microscopique
2.3.1 Les différents mécanismes de fluage
Sommaire
2.3.1.1 Fluage-dislocations
2.3.1.2 Fluage-diffusion et glissement intergranulaire
2.3.1.3 Influence de la taille de grain
2.3.2 Carte d’Ashby
2.3.3 Modèles de comportement de fluage
2.3.3.1 Modèles de fluage basés sur mécanique d’endommagement continu (CDM)
2.3.3.2 Comparaison des lois CDM avec d’autres méthodes de prédiction
2.4 Description des modes de franchissement des précipités γ’
2.4.1 Les différents mécanismes
2.4.1.1 Contournement
2.4.1.2 Cisaillement
2.4.2 Transition entre les mécanismes
2.4.2.1 Approche de Bhowal, Wright et Raymond
2.4.2.2 Approche de Jackson et Reed
2.4.2.3 Approche de Locq, Marty et Caron
2.5 Récapitulatif
CHAPITRE 2 : MATERIAUX ET TECHNIQUES EXPERIMENTALES
1 Matériau de l’étude
1.1 Composition et mise en œuvre
1.2 Traitements thermiques
1.3 Les différentes microstructures obtenues
1.3.1 Comparaison de l’Udimet 720 HS et CR
1.3.2 Relation entre le traitement thermique et la croissance de la taille de grain
2 Mode opératoire des essais mécaniques
2.1 Essais sur éprouvettes lisses
2.1.1 Essais de traction
2.1.2 Essais de fluage
2.1.3 Essais de relaxation
2.2 Essais sur éprouvettes axisymétriques entaillées
3 Synthèse
CHAPITRE 3 : RESULTATS DES ESSAIS MECANIQUES
1 Essais de traction à 20°C, 650°C, 700°C et 750°C
2 Essais de fluage
2.1 Bilan des essais de fluage menés à rupture
2.2 Exploitation macroscopique des résultats
2.2.1 Évolution du temps à rupture en fonction de la contrainte : Représentation de LarsonMiller
2.2.2 Sensibilité de la vitesse à la contrainte : diagramme de Norton
3 Essais de relaxation à 650°C, 700°C et 750°C
4 Essais de fluage sur éprouvettes axisymétriques entaillées
Sommaire
4.1 Bilan des essais
4.2 Effet de l’entaille sur le temps à rupture
5 Synthèse
CHAPITRE 4 : OBSERVATION DES MECANISMES DE DEFORMATION ET D’ENDOMMAGEMENT
1 Observations au MET des mécanismes de franchissement des dislocations aux
premiers stades de déformation en fluage
1.1 Bilan des essais de fluage interrompus à 650°C et 750°C
1.2 Observations au MET de la structure de dislocations après fluage à 650°C
1.2.1 Udimet 720 HS déformé de 1,3% et 3,5% (650°C, 750 MPa)
1.2.2 Udimet 720 CR déformé de 1,6% (650°C, 750 MPa)
1.3 Observations au MET de la structure de dislocations après fluage à 750°C
1.3.1 Udimet 720 HS déformé de 1% (750°C, 140 MPa) et de 3% (750°C, 280 MPa)
1.3.2 Udimet 720 CR déformé de 1% (750°C, 140 MPa)
2 Observation de l’endommagement
2.1 Observation de l’endommagement à 650°C
2.1.1 Faciès de rupture
2.1.2 Coupes longitudinales
2.2 Observation de l’endommagement à 750°C
2.2.1 Faciès de rupture
2.2.2 Coupes longitudinales
2.3 Observation des éprouvettes entaillées
3 Synthèse
CONCLUSION
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