Soixante ans d’aménagement foncier en France
L’aménagement foncier est un phénomène ancien qui a accompagné toutes les civilisations et façonné le territoire que nous connaissons aujourd’hui. En France, il s’est concrétisé sous la forme d’une procédure en 1941 par une loi relative à la Réorganisation de la propriété foncière qui avait alors pour but de permettre la « mise en état d’exploitation des terres incultes dont l’état à cette époque ne permettait pas la culture ». Cette procédure prendra tout sons sens au lendemain de la seconde guerre mondiale 1939-45 pour la remise en état des terres agricoles, la redéfinition des parcelles et la redistribution des propriétés, et cela plus particulièrement dans le quart Nord-Est du pays (cf. carte n°1, ci-contre). En effet, cette guerre a fait des millions de morts, a parsemé les terres agricoles de milliards de munitions et a fait disparaître toutes traces d’un semblant de parcellaire que ce soit sur le terrain et/ou dans les archives cadastrales. Il était donc nécessaire de d’établir une nouvelle limitation des parcelles, de procéder à leur attribution et à leur remise en état pour permettre un retour de l’exploitation agricole.
La période qui suivit fut celle de la révolution agricole par la mécanisation et l’intensification de l’exploitation. Elle va s’échelonner des années 1950 aux années 1970 et concernera principalement les zones que nous avons évoquées précédemment ainsi que les zones de forte production agricole céréalière que sont les plaines de la Beauce, de la Champagne et de Picardie . L’extension et le perfectionnement des pratiques agricoles mécanisées, ainsi que les Lois d’Orientation Agricole du début des années 1960 ont amplifié considérablement l’utilisation des procédures de remembrement au profit de la production agricole de masse.
La Loi Complémentaire d’Orientation Agricole de 1962, par son fameux “Article 10”, va confier une nouvelle attribution à l’aménagement foncier en faisant obligation au maître d’ouvrage des infrastructures de financer un remembrement pour compenser les inconvénients dus à l’emprise des grands ouvrages tels que les autoroutes, les routes nationales ou départementales, les voies ferrées, les barrages… . Les réseaux routier et ferroviaire se sont alors développés depuis la région parisienne, d’abord plus densément vers les régions industrielles du Nord et de l’Est de la France, puis de façon radiale vers l’Ouest et le couloir rhodanien. La construction de ces infrastructures ont alors donné lieu à de multiples opérations de remembrement “Article 10” mais ne représentant que 3 % des hectares (ha) remembrés dans les années 1970, notamment en raison des crises pétrolières successives, puis 30 % dans les années 1980 et enfin 60 % dans les années 1990 .
Soixante ans d’aménagement foncier en Charente
L’évolution de l’agriculture charentaise
Depuis 1988, le phénomène de concentration des exploitations agricoles s’est accéléré. Sur les 13 500 exploitations que comptait la Charente à cette période, il n’en existait plus que 7 900 en 2003, soit à peine plus de 50 %. La taille moyenne des unités restantes a progressé régulièrement : de 29 hectares (ha) en 1988, 39 ha en 1995, 45 ha en 2000 et plus de 50 ha aujourd’hui. Parallèlement la Surface Agricole Utile (SAU) exploitée a chuté de presque 3 % entre 1988 et 2003, soit plus de 10 000 ha qui donc été convertis en terrains constructibles, en infrastructures, ou en boisement ou friches.
On évalue qu’au moins 8 500 actifs ont quitté le secteur depuis 1988. Sur une population totale du département de 340 000 personnes en 1988, on estimait que 9% travaillaient ou vivaient sur une exploitation agricole. En 1999, les actifs dans ce secteur professionnel étaient environ 11 600 soit 3,42 % de la population totale.
Dès 2000, cultiver la terre dont on est propriétaire devient de plus en plus rare (fairevaloir direct). L’exploitation des terres en fermage est devenue le mode de faire valoir majoritaire avec plus de 200 000 ha soit 54 % de la SAU totale exploitée. Cette tendance n’a fait que s’accentuer avec, en 2003, près de 235 000 ha soit 62,5 % de la SAU totale exploitée.
Agrandissement des exploitations, concentration des troupeaux, développement des cultures céréalières et oléagineuses ont conduit à une spécialisation de chaque région agricole de la Charente. En fonction des capacités pédologiques et des structures foncières préexistantes, les différences entre chaque terroir se sont accentuées au rythme des restructurations des systèmes et moyens d’exploitation. Ainsi, dans le Confolentais (Charente Limousine) prédominent l’élevage ovin et bovin; les principales terres céréalières se situent dans l’Angoumois-Ruffecois ; le Montmorélien conjugue élevage, exploitation forestière et céréalières ; enfin le Cognaçais, terre de viticulture, devient de plus en plus céréalier dans un contexte de crise viticole.
Les Remembrements en Charente (Période 1950-2005)
Nombre de communes remembrées
Entre 1950 et 2005, sur les 404 communes du département, 202 ont été aménagées. Ceci représente la moitié des communes, mais non du territoire car seulement 136 ont vu leur surface cadastrale s’aménager à plus de 50 %. Sur 202 communes, la plus grande partie (129) a été aménagée une première fois entre 1960 et 1980, conséquence de la loi d’Orientation agricole de 1960. Depuis 1980, les chiffres sont en forte diminution pour totaliser 43 communes sur une durée similaire, puis 13 depuis 2000. Les deuxièmes aménagements concernent 21 communes principalement réparties entre l’Angoumois-Ruffécois (10), le Cognaçais (4) et le Sud-Montmorélien (4). Hormis la commune de Fouqueure réaménagée en 1991, les deuxièmes remembrements dans le Centre et Nord-Charente ont été réalisés en majorité dans les années 1960-1980, soit moins de 30 ans après la première opération des années 1950. Au contraire, les seconds aménagements dans le Sud Charente ont tous eu lieu dans les années 1990 soit 30 ans après les premiers remembrements des années 1960. Ceci reflète la façon de procéder dans les années 1950, car lors des premiers remembrements charentais, il a été fait la distinction entre les périmètres des zones de marais et des zones de cultures. Les zones de marais ne concernaient souvent qu’une ou deux centaines d’hectares. Ainsi, les seconds remembrements des années 1960 ont été un complément des premiers et concernaient entre 500 et 2000 ha par opération.
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Table des matières
Introduction
Partie I :
Contexte de l’Aménagement foncier en France et en Charente
I.1. Soixante ans d’aménagement foncier en France
I.2. Soixante ans d’aménagement foncier en Charente
I.3. Le contexte réglementaire de l’aménagement foncier
I.4. Les principes du Développement Durable et leur concrétisation dans les procédures d’aménagement foncier
Partie II :
Analyse et critique de l’application des procédures d’aménagement foncier
II.1. Le rôle des différents acteurs de l’aménagement foncier
II.2. Les chartes d’aménagement foncier en France
Partie III :
Proposition d’outils pour un aménagement foncier durable en Charente
III.1. Les objectifs de l’aménagement foncier en Charente
III.2. Bases de la charte d’aménagement foncier de la Charente
Conclusion
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