Contexte de la formation linguistique à visée insertion-intégration

Contexte de la formation linguistique à visée insertion-intégration

La formation à visée insertion est actuellement bouleversée par de nouvelles orientations gouvernementales, notamment, le contrat d’accueil et d’intégration, le projet de décentralisation et la volonté du gouvernement actuel d’appliquer à ce secteur, le nouveau code des marchés publics de manière stricte. Au niveau institutionnel et financier, ces mutations se traduisent par une déstructuration des réseaux de formation qui agissent depuis toujours à partir d’objectifs associatifs de partage des savoirs. Ces nouvelles orientations ont des répercussions sur la pérennité des actions qui caractérisent habituellement le secteur de la formation linguistique de base.

Données historiques, sociopolitiques et économiques des situations 

L’enseignement du français aux adultes évolue dans son organisation et dans son contenu. Les politiques linguistiques et le contexte social et économique apportent des changements auxquels les praticiens doivent s’adapter. Les avancées de la recherche ont également contribué à faire évoluer les situations. Nous décrivons tout d’abord l’évolution de cet enseignement à travers l’histoire pour éclairer la situation présente pour le moins complexe.

Origine de la mise en place d’une formation de base 

Chacun des trois secteurs, alphabétisation, lutte contre l’illettrisme et didactique du FLE trouve ses racines dans l’histoire de la langue française et de son influence sur le monde d’un point de vue politique, social et économique. Dès le XVIIème siècle, les élites intellectuelles et aristocratiques ont vécu sur l’idée que le français était leur lien privilégié. A l’étranger, la langue française a été la première à s’affirmer en termes politiques, à s’analyser en tant que langue, instrument d’unification et de prestige . On apprend encore le français pour les valeurs qu’il a porté. La colonisation se préoccupe peu de rayonnement culturel et d’influence linguistique. La langue doit alors suffire à ce minimum de compréhension qui sert à dresser de bons ouvriers. Les missionnaires français considéraient comme une mission sacrée d’alphabétiser de “ nouveaux chrétiens ” sur les cinq continents. L’alphabétisation a été l’un des vecteurs de la colonisation. Elle devient ensuite un vecteur de révolution. La liquidation de l’analphabétisme (toutes langues confondues) doit permettre d’élever la conscience politique et idéologique des masses et de développer leur capacité de lutte et de production culturelle. Ce fut l’ambition des dirigeants de pays comme le Brésil, l’URSS ou le Vietnam. Aujourd’hui, dans le monde, le nombre des adultes n’ayant pas accès à une formation de base organisée, stagne autour de 870 millions depuis 1980. Notons que la proportion des femmes analphabètes est supérieure à celle des hommes . Désormais, à l’échelle mondiale, l’analphabétisme fonctionnel, synonyme d’illettrisme en France, n’est plus limité aux besoins d’apprentissages de lecture et d’écriture mais s’étend à tous les savoirs de base. En France, les principaux domaines d’intervention éducative (FLE, alphabétisation et lutte contre l’illettrisme) ont eu maintes fois l’occasion de se côtoyer au fil de l’histoire. Lorsque l’alphabétisation des migrants naît au début des années 60, ce sont le plus souvent, des associations caritatives qui mènent des actions de bénévolat. Citons, par exemple, l’Amicale pour l’Enseignement des Etrangers (AEE). On parle alors « d’alphabétisation de survie » dont l’objectif est d’apporter les éléments minimaux de la communication pour que les immigrés puissent s’adapter à la société. Des militants CGT et PCF et des mouvements d’inspiration chrétienne mais également des intellectuels revendiquent la reconnaissance du droit à la formation.

Au milieu des années 70, les pouvoirs publics définissent une politique spécifique en direction des travailleurs immigrés ; des lieux de formation de formateurs et de diffusion pédagogique apparaissent. C’est le cas de l’Association d’Enseignement et de Formation des Travailleurs Immigrés et leurs familles (AEFTI) et du CLAP, (Centre Liaison Alphabétisation et Promotion) par exemple qui fédère des cours privés pour migrants . La didactique des langues étrangères mène une abondante réflexion sur la meilleure manière d’enseigner le français aux immigrés.

La loi de 1971 sur la formation continue a pour objet, dans sa perspective politique, de permettre l’adaptation des actifs aux transformations et conditions de travail et de faciliter leur promotion sociale. L’action mise en place dans les quartiers ou les entreprises prévoit un traitement indépendant pour les populations immigrées et françaises. Un Secrétariat d’État à l’immigration est créé en 1974. La circulaire Granet Dijoud de 1975 précise les orientations générales de la politique gouvernementale et instaure le Fonds d’Action Sociale (FAS) comme financeur de l’alphabétisation. On peut noter, toutefois, que certains cours sont également financés par le patronat au moyen d’associations spécialisées comme « le cours de français du travail » dans et hors entreprise. Ce fut le cas chez Michelin. Les cours FLE pour les enfants le mercredi après-midi débouchent sur le repérage de formateurs volontaires pour les stages CREDIF (Centre de Recherche et d’Etudes pour la Diffusion du Français) et plus tard vers les CLIN (CLasses d’INitiation).

La mise en oeuvre d’une politique globale d’intégration des enfants de migrants concerne les ministères de la ville, de l’intégration et de la culture. Cette politique vise à corriger les inégalités scolaires en faisant porter ses efforts sur la maîtrise de la langue française pour permettre une bonne poursuite d’études débouchant sur une qualification. Une note d’information du Ministère de l’Education Nationale de janvier 1995, atteste que l’on peut chiffrer à un peu moins d’un million le nombre des élèves de nationalité étrangère scolarisés en France métropolitaine soit 7,9 % de l’effectif global des premier et second degrés. Des Classes d’Initiation (CLIN) sont encore proposées aux élèves pour leur permettre une mise à niveau de leurs connaissances. Par ailleurs, des Cours de Rattrapage Intégré (CRI) sont dispensés quelques heures par semaine à de petits groupes d’enfants scolarisés en classe ordinaire. En 1994-1995, 280 CLIN et 613 CRI ont été ouverts ; ils ne regroupent que 15 élèves au maximum. Au niveau du collège, du lycée professionnel et plus récemment en lycée, les jeunes nouvellement arrivés en France sont scolarisés en classes d’accueil (CLA), lorsqu’un effectif suffisant est réuni, ce qui est rarement le cas. Ces classes doivent fonctionner en structures ouvertes et offrir dès le début le maximum de cours en commun avec les autres élèves. Le nombre de classes d’accueil dans le second degré est passé de 185 en 1983 à 479 en 1994-1995 et le nombre d’heures spécifiques d’apprentissage du français est passé de 100 heures supplémentaires en 1983 à 427 pour 1995 – 1996. Malheureusement, les collèges et lycées qui ne peuvent pas bénéficier de ces dispositifs sont encore très nombreux. Les classes pour les enfants non scolarisés antérieurement (CLA-ENSA) ont été créées à Paris en 1991 pour accueillir des jeunes de 12 à 17 ans. Une seule année d’adaptation est prévue alors que lorsqu’ils sont analphabètes, ils affrontent l’école pour la première fois. Même si l’objectif de ces structures est de réaliser le plus rapidement possible l’insertion des élèves dans le cursus « normal », il n’existe pas suffisamment de suivi. Les CASNAV (Centres Académiques pour la Scolarisation de Nouveaux Arrivants et enfants du Voyage) sont disparates et d’un nombre inégal d’une région à l’autre. Il existe également un gros effort associatif de soutien scolaire dans les quartiers où les primo-arrivants sont nombreux. Toutefois, on peut craindre que les mesures restrictives annoncées par le gouvernement actuel laissent peu de place au travail du secteur associatif.

Pour faciliter cet enseignement du français, le précédent Ministère de l’Education Nationale apporte son soutien à des recherches et expérimentations visant à la production de matériel pédagogique, concernant l’apprentissage du français par les élèves non francophones. Ces travaux s’attachent à divers aspects du français en tant que langue seconde (enseignement de la langue comme outil de communication dans un contexte exclusivement francophone dont les stratégies sont différentes de celles couramment pratiquées dans les cours de FLE). L’enseignement de la langue est considéré comme le véhicule de tous les apprentissages scolaires, l’instrument de socialisation de l’enfant, mais aussi l’adaptation de l’apprentissage du français lié aux langues d’origine. Ces dernières années, les efforts portent davantage sur la prévention de l’illettrisme avec, notamment, la mise en place des contrats locaux d’accompagnement à la scolarité (CLAS) créés en 1996 dont l’action consiste à apporter une aide aux devoirs pour les enfants des quartiers dits « sensibles » .

Le contexte politique et social est déterminant dans toute action de formation destinée aux enfants comme aux adultes. Parallèlement à la naissance de dispositifs destinés aux enfants, la formation des adultes profite de la recherche en ingénierie éducative de la didactique des langues et de l’enseignement initial. En effet, ce sont précisément les nouveaux publics immigrés peu scolarisés qui sont à l’origine d’une approche fonctionnelle et communicative voulant s’adapter à tous les profils d’apprenants. Le courant fonctionnel et communicatif produit des outils spécifiques qui proposent un modèle didactique mettant en avant la prise en compte des besoins langagiers. Le Centre de Recherche et d’Etudes pour la Diffusion du Français (CREDIF : dissout en 1996), initie cette conception à travers des méthodes pertinentes. Rappelons que sous l’impulsion d’une recommandation de l’UNESCO (1947) visant à faciliter l’éducation de masse dans les pays en voie de développement, le gouvernement français avait lancé dès 1951 un projet pour accélérer la diffusion du français. Ce projet avait pour nom le « français élémentaire». Il visait un public mal déterminé.

Il faut se souvenir que la didactique du FLE est née de la pratique de l’enseignement de la langue ; elle s’est renouvelée pour s’adapter à la diversité des apprenants. C’est d’ailleurs sur ce principe qu’est né le Niveau Seuil. Les organismes de recherche comme le CREDIF et le BELC (Bureau d’Etude pour les Langues et les Cultures) ont produit les premières méthodes audiovisuelles en milieu endolingue. Ainsi, les méthodes du CREDIF que sont : Voix et images de France 1960-1968. Didier Hatier International et De vive voix 1972, sont des outils Structuro-Globaux Audio-visuels (SGAV) qui concernent les débutants et faux débutants adultes FLE (parlant déjà le français) que sont alors les travailleurs immigrés. La priorité est donnée à l’oral afin de répondre à l’urgence de leur demande. La politique linguistique de l’époque encourage l’enseignement du Français pour ce public nouveau. C’est à ce moment-là que le FLE en milieu endolingue se distinguenettement du FLE milieu exo lingue. Le Français à l’étranger s’adapte au contexte local et s’appuie le plus souvent sur une méthodologie traditionnelle (traduction-version, ou MAO, MAV) alors que le FLE en France vise une approche plus pragmatique. Jacques Cortes met au point une méthode CREDIF intitulée « Le machin » (1979) spécifiquement adaptée aux ouvriers de la Régie Renault.

Les années 80 voient naître une modification du contexte socio-économique qui rejette du marché des personnes peu qualifiées. De ce fait, l’exclusion se généralise. La politique gouvernementale veut augmenter le niveau de formation générale des salariés peu qualifiés, un nouveau concept apparaît : l’illettrisme. La formation s’oriente vers l’accès à l’écrit pour tous. Les adultes ayant besoin d’apprendre le français ne sont plus seulement les étrangers . La formation des migrants s’intègre à la formation plus globale de publics privés d’emploi. De fait, le public concerné peut être français ou immigré, illettré ou analphabète. Les organismes de formation évoluent et élargissent leurs vocations. L’Université, de son côté, s’éloigne de la recherche spécifique pour les apprenants de bas niveau pour s’orienter vers des publics plus « compétents ». Les organismes du secteur social et/ou militant ne veulent laisser personne de côté. Ils prennent le relais et ont en charge les actions d’alphabétisation et de lutte contre l’illettrisme. Parallèlement, les classements sociaux, en faisant émerger la notion de Bas Niveau de Qualification BNQ, conduisent à la création de dispositifs communs aux individus sans emploi qu’ils soient français ou étrangers. De fait, une grande partie de la population immigrée participe à des actions de formation continue. La notion d’alphabétisation tend à disparaître, on préfère désormais le terme plus générique de « formation de base ».

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Table des matières

INTRODUCTION
Première partie Problématique globale de référence – justification d’une interdidacticité
Chapitre I. Définition Notionnelle des différents CHAMPS : points communs entre disciplines d’enseignement et concepts socio-politiques
1. Trois secteurs d’enseignement du français complémentaires : FLE FLS FLM
1.1. Enseignement du FLE (Français Langue Etrangère)
1.2. Enseignement du FLS (Français Langue Seconde)
1.3. Enseignement du FLM (Français Langue Maternelle)
2. Un secteur négligé en FLE : la formation à visée insertion et intégration
2.1. Assimilation, intégration et/ou insertion : des concepts liés à la formation de base
2.2. Alphabétisation et lutte contre l’illettrisme (intégration et/ou insertion sociale)
La synthèse en termes de compétence de base nous est donnée dans la définition suivante
Chapitre II. Contexte de la formation linguistique à visée insertion-intégration
1. Données historiques, sociopolitiques et économiques des situations
1.1. Origine de la mise en place d’une formation de base
1.2. Sociopolitique actuelle de la formation de base
2. Organisation institutionnelle de la formation de base
2.1. Financements et co-financements des organismes de formation
2.2. Les organismes et leurs partenaires
2.3. Les dispositifs de la formation linguistique de base
2.4. Cadre organisationnel des actions
2.5. Précisions sur les contenus visés
Chapitre III. Diversité des publics dans l’Enseignement/apprentissage du français
1. Portrait des publics adultes reçus en formation de base
2. Profils didactiques des publics reçus en formation
2.1. Public relevant de la lutte contre l’illettrisme
2.2. Public relevant du FLE et/ou de l’alphabétisation
2.3. Public relevant du FLS et/ou de l’alphabétisation
3. Analyse critique des modes de classification des publics
Chapitre IV. La question particulière des enseignants/formateurs dans la formation de base
1. Formateur dans le secteur social, un métier évolutif
1.1. Du bénévolat à la professionnalisation
1.2. Profils actuels des formateurs du secteur social
1.3. Les compétences nécessaires à l’exercice du métier
1.4. Les besoins exprimés par les formateurs
1.5. Formateur : une contractualisation précaire
1.6. Quelques facettes du métier d’enseignant de FLE et les conditions de travail
2. L’offre de formation à destination des enseignants formateurs
2.1. Evolution des contenus des formation de formateurs
2.2. Évolution de la discipline FLE dans l’organisation de ses diplômes
2.3. Quelques diplômes de la formation continue pour enseigner le français en formation de base
Deuxième partie Propositions pour une meilleure adéquation entre les besoins exprimés en formation de base et les réponses formatives
Chapitre I. Implication de La D.L.C. didactologie des langues et des cultures
1. Les disciplines connexes de la « formation de base » et leurs apports
2. Les disciplines connexes de la « didactologie des langues et des cultures » et leurs apports
3. Une approche didactique : le cas de la compréhension écrite
Chapitre II. Gestion du diagnostic et des progressions
1. Evaluation « diagnostic » ou évaluation « certificative »
1.1. Evaluation des processus d’apprentissage – évaluation formative
1.2. Evaluation et situations réelles d’enseignement/apprentissage
2. Les outils d’évaluation et leur complémentarité
2.1. Les outils de « diagnostic »
2.2. Des référentiels susceptibles de guider la formation des enseignants/formateurs
3. Adaptation nécessaire des certifications aux profils des publics
Chapitre III Connaître et choisir les manuels d’enseignement/apprentissage
Chapitre IV une démarche Educative revisitée en formation de base
1. Evolution des démarches ces trente dernières années
2. Le projet, moteur d’un enseignement/apprentissage
Chapitre V. L’écrit, un élément nécessaire de communication et une compétence toujours relative
1. Une composante motrice, le graphisme
1.1. Envisager le graphisme pour les publics relevant du FLE
1.2. Quelques approches du graphisme en formation de base ?
2. Approches méthodologiques de la compréhension écrite
2.1. Approches méthodologiques de la production d’écrit
2.2. Mise en place d’une pratique de lecture organisée par l’AFL
Chapitre VI. Quelques pistes pour aborder d’Autres savoirs de base
1. L’oral, première compétence communicative en formation de base ?
2. La grammaire en formation de base
3. Une compétence spécifique à la formation de base : raisonnement logique et mathématique
Chapitre VII . La culture, élément transversal Complémentaire et essentiel
1. La culture à travers les supports de la formation
2. Quelques approches possibles en DLC pour aborder la culture
3. Culture et valeurs dans le cadre de la formation à visée insertion
CONCLUSION

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