Avec le vieillissement de la population, l’augmentation de l’hypertension artérielle et du diabète, le nombre d’insuffisants rénaux chroniques est en constante augmentation. Lorsque le traitement médicamenteux ne suffit plus à traiter les nombreuses complications de cette maladie, un traitement de suppléance peut être mis en place. Il permet de suppléer la fonction rénale et d’épurer le sang des toxines. Il en existe trois : la greffe et deux modalités de dialyse : l’hémodialyse (HD) et la dialyse péritonéale (DP). Notre sujet concerne la dialyse péritonéale qui utilise le péritoine comme membrane d’échange. Grâce à un cathéter, une solution est infusée dans la cavité péritonéale. Elle se charge en déchets qui vont être évacués avec le drainage. Il s’agit de la technique la moins utilisée, mais elle présente un avantage important, celui d’une plus grande autonomie pour le patient car elle peut être réalisée à domicile. Néanmoins, la présence du cathéter au niveau de la cavité abdominale représente une porte d’entrée pour les micro organismes ce qui peut engendrer l’infection du péritoine, la péritonite, principale complication de la DP.
La prévention de la péritonite englobe plusieurs variables : humaines, matérielles, techniques, et fait l’objet de recommandations. Des facteurs de risque propres au patient ont été identifiés comme la dénutrition protéino-énergétique, complication fréquente de l’insuffisance rénale. De plus, les insuffisants rénaux présentent une immunodépression modérée ainsi qu’une inflammation chronique de bas grade ce qui les rend sensibles aux infections. Or, si la dénutrition est difficile à traiter, une supplémentation en oligo-éléments essentiels peut être mise en place. Celle-ci permettrait de compenser les anomalies immunitaires des patients et améliorer leur réponse contre les infections bactériennes.
L’insuffisance rénale chronique
Généralités
Définitions
L’insuffisance rénale chronique est définie par la baisse irréversible du débit de filtration glomérulaire rénal évoluant depuis plus de 3 mois. Il s’agit d’une maladie grave qui peut aboutir au décès si elle n’est pas prise en charge. Lorsque l’IRC est à un stade terminal (IRCT), un traitement de suppléance peut être mis en place. Il permet de remplacer la fonction rénale déficiente. Les trois traitements de suppléance sont la transplantation rénale et les deux méthodes de dialyse : l’hémodialyse et la dialyse péritonéale.
Epidémiologie
Le registre du Réseau, épidémiologie et information en néphrologie (REIN) centralise les données épidémiologiques relatives à l’insuffisance rénale chronique terminale traitée en France. La maladie est en progrès depuis plusieurs années, avec une évolution annuelle de +4 à 5% de patients traités. Avec un âge médian d’environ 70 ans, la maladie touche en particulier les personnes âgées. L’hypertension artérielle et le diabète sont les deux premières causes de mise sous dialyse et représentent près de la moitié des nouveaux cas en France. De plus, le diabète est une comorbidité associée très fréquente : 43 % des nouveaux patients sont diabétiques (REIN, 2012 ; REIN, 2013).
Les conséquences de l’IRC et leur prise en charge
Le rein est un organe vital. Ses rôles dans l’organisme sont l’excrétion des déchets azotés, le maintien de l’homéostasie (hydroélectrique, acido-basique) et une fonction endocrinienne avec synthèse hormonale. Les deux premières fonctions sont assurées par la production d’urine. Les conséquences de l’IRC sur l’homéostasie du milieu intérieur sont nombreuses. Nous présenterons l’urémie, le syndrome général associé à l’IRC, ainsi que les principaux éléments du traitement médicamenteux. Enfin, les conséquences de l’IRC sur le système immunitaire feront l’objet d’un développement particulier. En effet, nous proposons de corriger ces dysfonctions immunitaires par une supplémentation en zinc. Nous les détaillerons afin de pouvoir les comparer aux effets du zinc ultérieurement.
L’urémie
Le défaut de fonction rénale entraîne l’accumulation de toxines urémiques. On désigne par le terme « urémie » le syndrome clinique associé à l’accumulation de ces toxines. Une toxine urémique est une substance dont la concentration augmente en cas d’insuffisance rénale et dont la concentration élevée est responsable d’un effet toxique spécifique. Une centaine de ces substances a été identifiée. L’urée est la première de ces substances à avoir été identifiée. Elles sont classées selon leur poids moléculaire (Vanholder, 2003) :
– l’eau et les molécules hydrosolubles : ions (proton, potassium, phosphate…), déchets du catabolisme tels que l’urée, la créatinine, l’oxalate, l’acide urique, etc…
– les molécules de taille moyenne : peptides tels que la parathormone (PTH), le facteur D du complément, la β2-microglobuline, des cytokines telles que l’interleukine-6 (IL-6), l’interleukine-1β (IL-1β), le tumor necrosis factor-α (TNF-α),
– les molécules liées aux protéines : l’homocystéine, la leptine, la mélatonine, etc…
Les signes cliniques généraux sont l’asthénie, la rétention hydro-sodée, l’anorexie, le dégoût de la viande, le prurit. Les urines se raréfient, le patient présente une oligourie (diminution de la production d’urine) voire une anurie (CUEN, 2014). Les principales anomalies associées à cette maladie sont une hypertension artérielle et des troubles cardio-vasculaires, des troubles du métabolisme phosphocalcique, une acidose métabolique, une hyperkaliémie, une anémie et une dénutrition.
Médication de l’insuffisance rénale
En dehors du traitement de suppléance, certaines conséquences de l’insuffisance rénale peuvent être traitées de façon médicamenteuse. En fonction des besoins du patient, le traitement peut comprendre :
– pour la rétention hydro-sodée et l’hypertension artérielle : un diurétique de l’anse, soit le furosémide à forte dose (jusqu’à 500 mg/j) et un bloqueur du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) : inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou antagoniste des récepteurs de l’angiotensine-II (ARA-II),
– pour les perturbations du métabolisme phosphocalcique : une supplémentation orale en calcium, une supplémentation en vitamine D3, un chélateur permettant de diminuer l’absorption de phosphate comme le sévélamer (Renvela®, Renagel®),
– pour l’acidose métabolique : du bicarbonate de sodium,
– pour l’hyperkaliémie : une résine échangeuse d’ions permettant de diminuer l’absorption de potassium : le sulfonate de polystyrène sodique (Kayexalate®) ou calcique (Resikali®),
– pour l’anémie : un agent stimulant l’érythropoïèse (ASE), une supplémentation en sels de fer.
Le traitement médicamenteux comprend donc plusieurs supplémentations en nutriments (fer, calcium, vitamine D3). Elles sont nécessaires à la correction des perturbations hormonales dans le contexte de l’insuffisance rénale, y compris chez les patients dont le statut nutritionnel est satisfaisant.
Dénutrition
La dénutrition protéino-énergétique est fréquente chez l’insuffisant rénal chronique. Il s’agit d’un fort indicateur de risque de mortalité. Les critères diagnostiques sont cliniques et biologiques. On retrouve des taux d’albumine, de préalbumine et de cholestérol abaissés, une sarcopénie (perte de masse musculaire) et une perte de masse corporelle (NKF KDOQI, 2000). Cette dénutrition est multifactorielle et liée à une diminution des ingesta alimentaires et à une augmentation du catabolisme.
L’IRC est une maladie anorexigène. L’anorexie est liée à l’urémie et au dégoût de la nourriture qu’elle entraîne. Il s’agit d’une adaptation de l’organisme à l’accumulation de toxines provenant du métabolisme des protéines (KDOQI, 2006). L’inflammation et la rétention de cytokines anorexigènes (IL-1β, IL-6, TNF-α) entraînent une anorexie inflammatoire. Le patient présente aussi une rétention de la leptine, l’hormone de la satiété. De plus, des régimes diététiques sont prescrits, avec des apports contrôlés en sel, en phosphore, en potassium, en protides, en sucre (si diabète), en lipides (si risques cardiovasculaires associés). S’ajoutent les facteurs de risque liés à l’âge : le statut socio-économique, les capacités mentales et le degré de dépendance, la polymédication, l’état de la denture, les hospitalisations répétées… Les causes de pertes nutritionnelles sont l’acidose métabolique, l’inflammation chronique, le stress oxydant, la déperdition de nutriments lors de la dialyse (Société de Nutrition et de Diététique de langue Française, 2001). Par ailleurs, il existe chez le patient dialysé une relation entre la malnutrition, l’inflammation et l’athérosclérose que l’on nomme le syndrome MIA (malnutrition inflammation-atherosclerosis) (Zyga et al., 2011).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I. CONTEXTE CLINIQUE DU PATIENT EN DIALYSE PÉRITONÉALE
I. L’insuffisance rénale chronique
1. Généralités
a. Définitions
b. Epidémiologie
2. Les conséquences de l’IRC et leur prise en charge
a. L’urémie
b. Médication de l’insuffisance rénale
c. Dénutrition
d. L’immunodépression
3. Conclusion
II. La dialyse péritonéale
III. La péritonite
1. Epidémiologie
2. Aspects cliniques
3. Etiologies
4. La prévention
a. L’éducation du patient
b. Le matériel
c. La technique
d. Le contexte
5. Evolution du taux de péritonites : un plateau est atteint
6. Conclusion
IV. La fibrose
1. Aspects histologiques
2. La transition épithélio-mésenchymateuse
3. Les causes
4. Prévention de la fibrose
5. Conclusion
CHAPITRE II. STATUT DU ZINC CHEZ LE PATIENT EN DIALYSE PÉRITONÉALE
I. Généralités
1. Propriétés chimiques
2. Rôles du zinc
3. Métabolisme du zinc
a. Homéostasie
b. Besoin et apports
c. Toxicité
4. La carence
5. Conclusion
II. La carence en zinc chez les patients en dialyse péritonéale
1. Arguments biologiques
2. Les causes
a. La dénutrition
b. La malabsorption
c. Perte dans l’effluent de dialyse
d. Excrétion urinaire
e. L’urémie
III. Conclusion
CHAPITRE III. RÔLES DU ZINC DANS LA PRÉVENTION DE LA PÉRITONITE ET DE LA FIBROSE
I. Rôles du zinc dans la réponse aux infections bactériennes
1. Rôles du zinc dans le système immunitaire inné
2. Rôles du zinc dans le système immunitaire adaptatif
a. Lymphocytes T
b. Lymphocytes B
3. Conclusion
II. Intérêts du zinc dans la prévention des infections
1. Chez l’animal
2. Chez l’homme
3. Conclusion
III. Intérêts du zinc dans la prévention de la fibrose péritonéale
1. Effet anti-inflammatoire du zinc
2. Les produits de la glycation avancée
3. La transition épithélio-mésenchymateuse
4. Conclusion
IV. Effets de la supplémentation en zinc chez les sujets chez les insuffisants rénaux chroniques
V. Conclusion
CONCLUSION