L’industrie pharmaceutique a pour mission la production de substances médicamenteuses qui répondent aux besoins et aux attentes des patients, ceci en conformité avec les réglementations en vigueur. Le nettoyage, l’un des piliers de la lutte contre la contamination, a été longtemps considéré comme l’activité industrielle la plus pauvre. Il s’agissait du « ménage » de l’atelier de fabrication, où interviennent les collaborateurs les plus fatigués ou les moins doués. Cette démarche confondait une tâche facile et faiblement technique comme la tâche ménagère, avec une activité critique pour les industries du médicament « le nettoyage ». Il en découle des conséquences graves sur le produit fabriqué ; les accidents aux USA en étaient témoins [10]. Par ailleurs, la maîtrise de la contamination doit faire face à une demande de plus en plus diversifiée, complexe et spécialisée. Ceci s’explique notamment par l’apparition de nouveaux besoins, l’accroissement des exigences en matière de propreté, l’évolution des contraintes réglementaires et la maîtrise de la contamination en amont et en aval de la production. Face à ces fortes évolutions, le secteur de la maîtrise de la contamination s’est adapté par l’apparition de nouvelles exigences accompagnées par l’apparition des nouveaux métiers de qualification et de validation. Le nettoyage est donc considéré comme une opération de production à part entière. Il est à la fois le premier maillon de la chaîne de production étant donné que nous avons besoin d’un équipement propre pour fabriquer un produit pur, et en est le dernier car on nettoie toujours à la fin de l’utilisation. Cette vision n’est qu’une vérité qui s’impose sachant que selon les principes réglementaires des bonnes pratiques de fabrication (BPF), non seulement l’identité, les impuretés intrinsèques, l’activité pharmacologique d’un médicament sont considérés, mais aussi sa sécurité vis-à-vis de tous les types de contaminants [13]. L’utilisation de procédures de nettoyage et de décontamination d’efficacité connue est maintenant une exigence des BPF, considérant un nettoyage insuffisant du matériel de la production comme source habituelle de contamination croisée. De cette exigence sort la notion « d’efficacité connue » elle-même devenue une exigence réglementaire pour les surfaces de l’équipement en contact avec le produit. Il s’agit de la validation de nettoyage qui représente une preuve documentée qu’une procédure de nettoyage approuvée fournira des équipements adaptés à la fabrication de médicaments [3]. La finalité de cette thèse est d’essayer de proposer une stratégie globale de validation de nettoyage des équipements de production applicable sur l’ensemble des équipements du site de Winthrop Pharma Sénégal (WPS).
CONTAMINATION ET MOYENS DE LUTTE
CONTAMINATION
La contamination d’un produit se traduit par la présence d’un élément étranger (liquide, solide, gazeux), dans un fluide, sur une surface ou dans un espace protégé. La contamination d’un produit fabriqué dans l’industrie pharmaceutique est due à l’environnement, au matériel de fabrication, au personnel, à la matière première…
SOURCE DE CONTAMINATION
* Contamination liée à l’environnement : Elle a pour origine :
❖ L’air ambiant : poudre de produits ou de matières premières dans l’air ambiant, microorganismes apportés par des poussières ou des particules.
❖ Les locaux de fabrication : ce sont les surfaces n’entrant pas en contact direct avec le produit fabriqué : sols, murs, portes, plafonds,…
❖ Le personnel : cheveux, squames cutanés, fibres de tissus, gouttelettes salivaires…
* Contamination liée aux matériels de fabrication :
❖ Contamination due aux lubrifiants nécessaires au bon fonctionnement de l’équipement ou due aux frottements de pièces responsables du re-largage des métaux lourds.
❖ Contamination due aux solutions de nettoyage non éliminées par le rinçage ou des résidus de produits précédemment fabriqués.
La contamination par le matériel ou l’équipement de production représente la source principale de contamination de produit fabriqué.
NATURE DE LA CONTAMINATION
Trois grands types de contamination peuvent être mis en évidence :
❖ Contamination particulaire : correspond à la présence d’excipients ou de principes actifs n’entrant pas dans la composition de produits fabriqués, de particules métalliques issues de frottements de l’équipement, particules provenant de cartons ou de palettes…
❖ Contamination microbiologique : la biocontamination est due à l’introduction des microorganismes (virus, bactéries, levures ou moisissures) dans le produit fabriqué. Cette contamination provient du personnel (cheveux, mains,…), des machines ou d’équipements de fabrication (recoins non nettoyés et qui peuvent favoriser la prolifération microbienne).
❖ Contamination chimique : c’est une contamination par les principes actifs, résidus des excipients, lubrifiants, produits de maintenance, produits intermédiaires ou produits finis, résidus des agents de nettoyage, produits de dégradation des médicaments ou agents de nettoyage,…
La contamination chimique est nommée contamination croisée, elle est dû au transfert des contaminants d’un produit vers un autre au moyen d’un ou de plusieurs vecteurs tels que les mains des opérateurs, l’eau, une surface contaminée,… Dans l’industrie pharmaceutique, généralement on classe les contaminations en 3 types :
➤ Contamination croisée (qui est la plus importante) ;
➤ Contamination particulaire ;
➤ Contamination microbiologique ;
Le guide des bonnes pratiques de fabrication définit la contamination croisée comme « toute contamination accidentelle ayant pour origine la libération incontrôlée de gaz, de poussières d’aérosols, de vapeurs, à partir de matières premières et produits en cours de fabrication, de résidus provenant du matériel et de vêtements des opérateurs » [3].
LUTTE CONTRE LA CONTAMINATION
L’éradication de la contamination n’échappe pas au schéma global de toute lutte à savoir des mesures préventives et des mesures curatives.
❖ LUTTE PREVENTIVE
La prévention est sans doute le meilleur moyen pour lutter efficacement contre toute contamination liée à l’environnement et ce quel que soit sa nature (bactérienne, chimique ou particulaire).
Le traitement préventif permettra de maintenir dans un état « propre » un matériel nettoyé et de le stocker avant réutilisation sans que celui-ci puisse être souillé par l’activité ambiante du site de production. Les actions permettant un traitement préventif peuvent être organisées autour de plusieurs axes principaux [9] :
➤ Etablir des barrières anti-contamination autour de l’activité protégée : Les «barrières anti-contamination » sont des barrières physiques. Ce sont des locaux eux-mêmes avec des exigences de propreté croissante, des procédures d’accès en direction des zones sensibles. Quelques concepts de base peuvent être appliqué: [3]
➤ Les locaux de fabrication doivent être situés dans un environnement qui, tenant en compte des mesures prises pour protéger la fabrication, ne présente pas de risque de contamination pour les produits.
➤ L’obligation d’utiliser des « système clos » dans la fabrication.
➤ La nécessité d’installation des SAS et des systèmes d’extraction d’air.
➤ La création de zones à atmosphère contrôlée (ZAC) est une barrière anticontamination la plus efficace : des gradients de pression décroissante de zones sensibles vers les moins sensibles permettront de lutter efficacement contre la contamination aéroportée.
➤ Les locaux doivent être disposés selon l’ordre logique des opérations de fabrication effectuées et selon les niveaux de propreté requise.
➤ Limiter la surface exposée aux contaminations : les parties de l’équipement qui ne servent pas directement à la fabrication sont implantées hors de la zone sensible et situées en zone dite technique.
➤ Limiter la génération de contaminants liés à l’activité elle-même en agissant sur les facteurs suivants :
o Matières premières ;
o Equipements ;
o Méthodes ;
o Personnel ;
o Locaux.
LUTTE CURATIVE
Le nettoyage est l’opération principale de la lutte curative permettant de limiter les risques de contamination. Il constitue une étape clef et obligatoire de tout procédé de fabrication. Les locaux et le matériel, en contact direct avec les produits en cours de fabrication, doivent être nettoyés et désinfectés selon des procédures écrites détaillées afin de limiter le risque de la contamination croisée. Le matériel doit être nettoyé, étiqueté « nettoyé » ou « non nettoyé », et rangé dans un endroit sec et propre [9].
LE NETTOYAGE
DEFINITIONS
NETTOYAGE
On désigne par le terme « nettoyage », l’ensemble des processus qui visent à éliminer des salissures ou souillures présentes sur une surface. Autrement dit, le nettoyage est « un processus d’élimination, et non d’étalement, des déchets et des contaminants particulaires, biologiques et chimiques généralement générés par l’activité elle-même (personnel, processus, produit) et déposés sur une surface » [34]. La norme AFNOR 50-109 [16] définit le nettoyage comme une « opération qui consiste à éliminer d’une surface donnée toute souillure visible ou invisible ». Dans la plupart des cas, le mot « souillure » ou « salissure » est remplacé par le terme « contamination ».
DECONTAMINATION
C’est une opération qui consiste à séparer ou à éliminer les souillures généralement invisibles présentes sur une surface. Ces contaminants peuvent être d’origine chimique, microbiologique ou particulaire. Il est important de préciser que le terme décontamination est utilisé à la place de celui de nettoyage. D’après Laban, il existe une différence entre le terme « nettoyage » et le terme « décontamination ». Ainsi le « nettoyage » viserait à éliminer les souillures généralement visibles d’une surface pour atteindre un niveau de propreté prédéterminé, alors que la « décontamination » éliminerait les souillures généralement invisibles, dans le but d’atteindre l’ultra propreté [25].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I. CONTAMINATION ET MOYENS DE LUTTE
1. CONTAMINATION
1.1. SOURCE DE CONTAMINATION
1.2. NATURE DE LA CONTAMINATION
1.3. LUTTE CONTRE LA CONTAMINATION
2. LE NETTOYAGE
2.1. DEFINITIONS
2.2. ETAPES DE NETTOYAGE
2.3. CINETIQUE D’ELIMINATION DES SOUILLURES
2.4. FACTEURS INTERVENANT AU COURS DE NETTOYAGE
3. TECHNIQUE D’EVALUATION DE LA PROPRETE
3.1. METHODES QUALITATIVES
3.2. METHODES QUANTITATIVES
II. GENERALITES SUR LA VALIDATION DE NETTOYAGE
1. DEFINITION
2. HISTORIQUE
3. GUIDES ET NORMES REGLEMENTAIRES
4. BUTS DE LA VALIDATION
5. VALIDATION ET COÛT
6. DIFFERENTS TYPES DE VALIDATION DE NETTOYAGE
6.1. VALIDATION PROSPECTIVE
6.2. VALIDATION CONCOMITANTE
6.3. VALIDATION RETROSPECTIVE
7. CHOIX DE L’APPROCHE DE VALIDATION
III. PREREQUIS
1. CONFIGURATION ET UTILISATION DES LOCAUX ET EQUIPEMENTS
2. QUALIFICATION DES EQUIPEMENTS
3. QUALIFICATION DU PERSONNEL CHARGE DE NETTOYAGE
4. QUALIFICATION DES MOYENS DE NETTOYAGE
5. ETABLISSEMENT D’UNE PROCEDURE DE NETTOYAGE
6. VALIDATION DES METHODES ANALYTIQUES
IV. STRATEGIE DE LA VALIDATION DE NETTOYAGE
1. MATRICE EQUIPEMENT(S) / PRODUIT(S)
1.1. CHOIX DE PRODUIT « PIRE DES CAS» OU « WORST CASE »
1.2. REGROUPEMENT DE MATERIEL « SIMILARITE »
1.3. AVANTAGES ET LIMITES DE LA METHODE DE GROUPAGE
2. SELECTION DES CONTAMINANTS À RECHERCHER
2.1. CONTAMINANTS CHIMIQUES
2.1.1. RESIDUS MEDICAMENTEUX
2.1.2. RESIDUS ISSUS DES MOYENS DE NETTOYAGE
2.2. CONTAMINANTS BIOLOGIQUES
3. CRITICITE DU MATERIEL
4. PLAN D’ECHANTILLONNAGE
4.1. ECHANTILLONNAGE DIRECT DES SURFACES
4.2. ECHANTILLONNAGE INDIRECT DES SURFACES
4.3. METHODE DE PRELEVEMENT PAR LE PLACEBO
4.4. TAUX DE RECOUVREMENT
4.5. AVANTAGES ET INCONVENIENTS DE CHAQUE METHODE DE PRELEVEMENT
5. CRITERES D’ACCEPTATION
5.1. CRITERES D’ACCEPTATION DES CONTAMINANTS CHIMIQUES
5.1.1. RESIDUS MEDICAMENTEUX
5.1.2. RESIDUS DES AGENTS DE NETTOYAGE
5.2. CRITERES D’ACCEPTATION MICROBIOLOGIQUES
6. METHODES D’ANALYSE
6.1. METHODES D’ANALYSE DES CONTAMINANTS CHIMIQUES
6.1.1. METHODES RAPIDES
6.1.2. METHODES D’ANALYSE PLUS ELABOREES
6.2. METHODES D’ANALYSE DES CONTAMINANTS MICROBIOLOGIQUES
6.2.1. AMELIORATION DES METHODES DE REFERENCE
6.2.2. METHODES ALTERNATIVES
6.3. METHODES D’ANALYSE DES CONTAMINANTS PARTICULAIRES
6.3.1. COMPTAGE PARTICULAIRE
6.3.2. IDENTIFICATION DES PARTICULES
7. DETERMINATION DU NOMBRE D’ESSAI
8. VALIDITE DE NETTOYAGE
8.1. TEMPS DE LATENCE ENTRE LA FIN DE LA PRODUCTION ET LE DEBUT DE NETTOYAGE (DEHT)
8.2. TEMPS DE LATENCE ENTRE LA FIN DE NETTOYAGE ET LE DEBUT DE LA PRODUCTION (CEHT)
9. SURVEILLANCE D’UN PROCEDE DE NETTOYAGE
9.1. INSPECTION VISUELLE ET OLFACTIVE
9.2. PARAMETRES
10. REVALIDATION
10.1. REVALIDATION EN CAS DE CHANGEMENT
10.2. REVALIDATION PERIODIQUE
V. AVANTAGES ET INCONVENIENTS DE LA VALIDATION DE NETTOYAGE
DEUXIEME PARTIE
I. PRESENTATION DE WINTHROP
1. HISTORIQUE
2. ORGANISATION
3. RESSOURCES
3.1 LOCAUX
3.2 EQUIPEMENTS
3.3 PERSONNEL
II. OBJECTIFS DE L’ETUDE
1. OBJECTIF GENERAL
2. OBJECTIFS SPECIFIQUES
III. METHODOLOGIE
1. MATERIEL
1.1 POUR LE NETTOYAGE
1.2 POUR L’ANALYSE
1.3 EQUIPEMENTS CONCERNES
1.4 CONTAMINANTS RECHERCHES
2. METHODE
2.1 CONDITIONS PREREQUISES
2.2 CHOIX DE PRODUIT « WORST CASE »
2.3 CHOIX DES POINTS DE PRELEVEMENT
2.4 METHODE DE NETTOYAGE
2.5 METHODE DE PRELEVEMENT
2.6 CULTURE, DENOMBREMENT ET IDENTIFICATION DES GERMES
2.7 CRITERES D’ACCEPTATION MICROBIOLOGIQUE
3. RESULTATS ET COMMENTAIRES
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES