Contamination de surfaces des volailles
Législation en vigueur
L’acide lactique est, avec ses sels de sodium, calcium et potassium classé GRAS (Generally Recognised as Safe) aux USA. Aucune teneur maximale n’est indiquée dans la réglementation, hormis pour les conserves de viande et les produits de charcuterie-salaison, où son emploi comme correcteur d’acidité est limité à 1 gramme par kilogramme de produit (Anonymous, 1987). En revanche, pour pouvoir porter la dénomination « yaourt », les produits laitiers concernés doivent contenir au minimum 0,6 grammes d’acide lactique pour 100 gramme de produit (Anonymous, 1988). Il peut donc en principe être utilisé librement dans les produits alimentaires, pourvu que sa présence soit mentionnée sur les emballages en tant qu’additif.
Cependant, la règlementation en vigueur actuellement en Europe n’autorise pas l’utilisation d’autre substance que l’eau potable pour éliminer la contamination en surface des produits alimentaires sauf si l’utilisation de cette substance a été approuvée par le « comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale », selon les articles 3 et 12 du règlement CE 853/2004 (Anonymous, 2004). Cette formulation permet d’envisager l’utilisation de certaines substances permettant de décontaminer les carcasses, et la question est régulièrement posée aux différents organes scientifiques de l’union européenne, en particulier l’EFSA (European Food Safety Authority). L’avis le plus récent au niveau européen, rédigé en 2006 suite à une demande d’autorisation par la société PURAC, concerne l’efficacité de l’application d’acide lactique sur des carcasses de volaille (Anonymous, 2006b). L’EFSA ne donne pas d’évaluation de l’efficacité d’un tel traitement, à cause d’un manque de précision de la part de la société PURAC sur le but exact du traitement, les méthodes d’application et les concentrations d’acide lactique envisagées.
Cependant, cet avis précise clairement que l’application d’un tel traitement de décontamination serait considérée comme une aide au procédé et devrait impérativement être suivie d’un rinçage.
Au niveau français, un avis de l’AFSSA datant de mars 2007 considère que la prévalence de Salmonella spp. dans les élevages de poulets de France métropolitaine n’est pas suffisamment importante pour justifier du recours à des techniques de décontamination sauf dans le cas d’actions ponctuelles (Anonymous, 2007c). Ces techniques pourraient par contre être utilisées sur d’autres espèces avicoles, ou bien pour lutter contre d’autresmicroorganismes comme Campylobacter spp. et d’autres pathogènes, pour lesquels il existe peu de moyens de maîtrise au niveau des élevages. L’avis conclut que le recours à la décontamination chimique de carcasses de volailles pourrait être envisagé à condition que l’innocuité des substances utilisées et leur efficacité sur les pathogènes soit validée et que les déséquilibres de la microflore causés par le traitement au cours du stockage soient pris en compte. En fait, la position réservée de l’union européenne, et surtout des autorités françaises, face à l’application de méthodes de décontamination chimiques est d’avantage fondée sur la crainte d’une démobilisation des opérateurs de la filière, éleveurs et industriels, qui seraient susceptibles de relâcher leur vigilance par rapport aux normes d’hygiène en vigueur. Dans cette optique, il n’est pas impossible que les choses changent et que l’utilisation de solutions d’acide soit autorisée dans un avenir proche.
Effets de rémanence du traitement
Au delà de l’effet de décontamination immédiat, suite aux traitements, une quantité résiduelle de produit chimique est susceptible de rester localisée à la surface des pièces de viande et d’en assurer une protection. Très peu d’études ont tenté de mesurer ces teneurs résiduelles. Même les mesures de pH de la peau sont rares et généralement réalisées dans le but d’évaluer les modifications organoleptiques du produit après traitement.
Ces quantités résiduelles, bien que trop faibles pour s’avérer bactéricides, peuvent suffire à exercer une certaine activité bactériostatique sur les bactéries ayant survécu au traitement de décontamination. Cet effet de rémanence du traitement peut permettre de prolonger la date limite de consommation des produits, même dans le cas d’un stockage en froid positif,ce qui intéresse particulièrement les industriels des pays exportateurs de viande (Australie, Nouvelle Zélande). Du point de vue de la santé publique, cet effet est également intéressant car de nombreuses bactéries pathogènes continuent à se multiplier à des températures assez basses et peuvent atteindre des concentrations dangereuses pour l’homme après quelques jours de conservation dans les réfrigérateurs domestiques. Plusieurs travaux scientifiques soulignent l’importance de cette rémanence. Ainsi, lors du traitement d’ailes de poulet par immersion dans un mélange d’acide lactique à 0,5% et de benzoate de sodium à 0,05%, après 8 jours de stockage à 4°C, les populations de Salmonella, Campylobacter jejuni, Listeria monocytogenes et Escherichia coli O157:H7 se sont avérées significativement plus faibles que sur des témoins non traités (réductions de l’ordre de 1,2 log pour Listeria spp.supérieures à 2,0 log pour Salmonella spp. et Campylobacter spp.) et la croissance des bactéries psychrotrophes a été retardée de manière significative (Hwang et Beuchat, 1994). Par ailleurs, sur des carcasses de poulet traitées à l’acide lactique à 1%, la réduction de la flore totale est supérieure après 6 jours de conservation à 4°C, atteignant 2,3 log pour un traitement par immersion (Okolocha et Ellerbroek, 2005). De même, sur du muscle de bœuf, après un traitement à l’acide lactique à 2% et durant 5 jours de conservation à 4°C, la réduction du nombre de Salmonella typhimurium atteint 1,14 log, et la réduction du nombre de Listeria monocytogenes 2,54 log, alors que les réductions immédiates n’étaient que de 0,70 et 1,09 log respectivement. Dans le cas de Salmonella spp. on peut même considérer que l’acide lactique poursuit son activité bactéricide car il induit une réduction bactérienne significative par comparaison au témoin. Pour Listeria monocytogenes qui est psychrophile, la croissance bactérienne se poursuit au cours du stockage sur les témoins non traités. La croissance bactérienne est cependant plus faible sur les échantillons traités. Par conséquent, il s’agirait plutôt pour Listeria monocytogenes d’une activité bactériostatique de l’acide lactique (Gonzalez-Fandos et Dominguez, 2006; Ozdemir et al. 2006).
Il faut cependant noter qu’à notre connaissance, aucune étude n’a concerné l’effet sur la rémanence d’un rinçage éventuel des surfaces réalisé après l’application du traitement. Cela pose problème d’un point de vue législatif. Les positions actuelles de l’union européenne et des autorités sanitaires françaises sur ce domaine sont développées au paragraphe II.2.3 ci dessus. Rappelons simplement que l’avis le plus récent de l’EFSA (European Food Safety Authority) indique que l’application d’une substance chimique telle que l’acide lactique pour la décontamination des carcasses de volaille devrait obligatoirement être suivie d’un rinçage.
En ce qui concerne l’évaluation de l’effet des solutions de décontamination immédiatement après traitement, l’absence de rinçage s’explique par la technique de dénombrement des bactéries utilisée, impliquant toujours une agitation forte ou un broyage des échantillons dans un liquide tel que l’eau ou l’eau peptonnée, constituant de facto un rinçage intensif. En revanche, l’inexistence de données concernant l’impact du rinçage sur l’effet de rémanence des traitements constitue un manque qu’il conviendrait de combler.
Par ailleurs, l’effet de protection des traitements vis à vis d’éventuelles recontaminations reste complexe. Deux phénomènes antagonistes entrent en jeu simultanément. La teneur résiduelle en produit de décontamination limite de manière générale la croissance des bactéries mais la disparition des flores de compétition du fait du traitement peut favoriser la croissance des pathogènes. Par exemple, Nissen et al. (2001) ont mené une étude sur des muscles de poulet et de bœuf et des peaux de porc préalablement traitées par de l’acide lactique à 0,2M (1,8%), refroidies et inoculées respectivement avec Salmonella enteritidis, Yersinia enterocolitica et Escherichia coli O157:H7 Après conservation à 10°C durant 5 jours à pression atmosphérique et 21 jours sous vide, la concentration en pathogènes augmente dans tous les cas au cours du temps et est généralement supérieure sur les pièces traitées par l’acide. La décontamination favoriserait ainsi la croissance de certains pathogènes dans le cas d’une recontamination ultérieure. Ceci est attribué à une diminution de l’effet de compétition liée à la réduction de la flore totale suite au traitement par l’acide lactique.
Inversement, Van Netten et al (1998; 1997) ont étudié l’évolution de peaux de porc ayant subi une immersion dans des solutions d’acide lactique à 2% (traitement de décontamination) ou dans de l’eau seule (témoin). Ces peaux sont ensuite inoculées avec des bactéries pathogènes (Campylobacter jejuni, Salmonella typhimurium, Escherichia coli O157:H7, Staphylococcus aureus, Yersinia enterocolitica et Listeria monocytogenes) adaptées à l’acide lactique et aux basses températures par des techniques de culture spécifiques. Ils montrent que le nombre de bactéries évolue dans ce cas de manière semblable pour des peaux traitées et des témoins non traités. Ces résultats ont été observés à partir du premier jour de conservation et quelle que soit la température de stockage (4°C ou 12,5°C). Dans cette étude, le traitement de décontamination n’a donc pas d’effet sur les recontaminations ultérieures.
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Table des matières
Introduction
Bibliographie
I. Contamination de surfaces des volailles
I.1. Les microorganismes pathogènes
I.2. Fixation des bactéries à la surface des volailles
I.3. Niveaux de contamination et normes en vigueur
II. Traitements chimiques de surface pour la décontamination des viandes
II.1. Composés utilisées pour décontaminer les viandes et autres produits carnés
II.2. Utilisation de composés acides
II.2.1 Mécanisme d’action
II.2.2 Facteurs susceptibles de modifier l’efficacité des traitements par des solutions d’acides organiques
II.2.3 Législation en vigueur
II.3. Effets de rémanence du traitement
II.4. Effets non souhaités
II.4.1 Apparition de résistances bactériennes
II.4.2 Altération des propriétés sensorielles
III. Traitements thermiques de décontamination
III.1. De la thermo-inactivation en milieu liquide à celle des carcasses
III.2. Traitements de décontamination par l’eau chaude
III.3. Traitements par l’air chaud et la vapeur
III.3.1 Air chaud
III.3.2 Traitement par la vapeur – température de surface inférieures ou égales à 100°C
III.3.3 Traitement par la vapeur – température de surface supérieure à 100°C
IV. Réponse des bactéries aux traitements de décontamination
IV.1. Réponse générale au stress
IV.2. Réponse des bactéries à un traitement acide
IV.3. Réponse des bactéries à un traitement thermique
IV.4. Combinaison de stress
Matériel et méthodes
I. Introduction
II. Méthodes d’inoculation
II.1. Choix des peaux utilisées
II.1.1 Origine et préparation des peaux congelées
II.1.2 Origine et préparation des peaux fraîches
II.1.3 Souches bactériennes utilisées
II.2. Préparation de la solution d’inoculation
II.3. Dispositifs d’inoculation
II.3.1 Dispositif utilisé au CIRAD-Réunion
II.3.2 Dispositif utilisé à l’INRA de Theix
III. Dispositif de traitement acide
IV. Traitement thermique
IV.1. INRA
IV.2. Dispositif utilisé au CIRAD-Réunion
V. Méthodes de dénombrement des microorganismes
V.1. Protocole appliqué à l’INRA
V.2. Protocole appliqué au CIRAD
V.3. Réductions décimales et analyse statistique
VI. Détermination de la teneur résiduelle en acide lactique
VI.1. Extraction de l’acide lactique
VI.2. Dosage par HPLC ionique
VII. Effet des traitements sur les propriétés organoleptiques des produits
VII.1. Évaluation de l’effet des traitements thermiques sur la peau
VII.2. Analyse sensorielle
Résultats et discussion
I. Traitement thermique
I.1. Stratégie expérimentale
I.2. Température de surface du produit
I.2.1 Dispositif de l’INRA de Theix
I.2.2 Pilote du CIRAD-Réunion
I.3. Effets des traitements sur Listeria innocua
I.4. Effets des traitements sur Salmonella Enteritidis
II. Traitements acides
II.1. Décontamination acide de Listeria innocua
II.1.1 Réduction immédiate de la population après traitement
II.1.2 Évolution cinétique des populations de Listeria innocua inoculées seules ou en mélange au cours du stockage
II.2. Décontamination acide de Salmonella inoculées en mélange
III. Traitements combinés
III.1. Effet de traitements combinés sur Listeria innocua
III.2. Effet d’un traitement combiné sur Salmonella Enteritidis
IV. Impact des traitements sur les qualités organoleptiques du produit
IV.1. Teneurs résiduelles en acide lactique
IV.2. Évaluation des effets des traitements thermiques sur la peau
IV.3. Analyse sensorielle
Conclusion
Références bibliographiques
Glossaire
Table des illustrations
Liste des tableaux
Annexe. Code source de la macro « MPN.xla »
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