PREVALENCE DES DERMATOSES
Les dermatoses constituent un motif fréquent de consultation dans les pays tropicaux. En effet, en Afrique Subsaharienne, la fréquence des affections cutanées est estimée à 21% à 87 % selon l’OMS. [19,32]. Mahé et al avaient retrouvé que 30% des malades dans les centres de santé au Mali consultaient pour un problème dermatologique [2]. Toure et al rapportaient que les dermatoses représentaient 11 % des consultations à Bamako au Mali [30]. Une autre étude malienne rapportait que les maladies de la peau représentaient le troisième motif de consultation dans les centres de santé [14]. Chez les enfants par exemple, la prévalence des affections dermatologiques est estimée entre 34 à 80% [1,31]. Au Nigéria, Henshaw et al, avaient rapporté une prévalence moyenne de 55% des maladies de la peau dans un centre de santé à Lambeth [10]. Au Cameroun, Bissek et al, avaient retrouvé une prévalence des affections cutanées de 62%, au cours d’une enquête communautaire portant sur 400 volontaires dans 4 villages au Cameroun [19]. Komba et al, rapportaient que la prévalence des dermatoses était de 53 % chez les écoliers de Dar es Salam en Tanzanie [19,33]. En Ethiopie, Figueroa et al, avaient retouvé une prévalence à 80,4% dans une population pédiatrique [19,34]. En Egypte, Kamal et al, avaient retrouvé une prévalence dans une population rurale de 86,93% [36]. Dans une enquête rurale similaire à El-Tall El-Kabir (Egypte), un taux de prévalence des maladies cutanées de 72,3% avait été enregistré. [35,36]. En Afrique du Sud, une étude réalisée dans une population rurale retrouvait une prévalence des dermatoses de 29,1% [37,38]. De nombreuses enquêtes communautaires dans les zones rurales ont montré un taux élevé des maladies de la peau. Dans l’enquête de Figueroa et al., sur deux communautés rurales du sud-ouest de l’Éthiopie, près de 60% des ménages d’une communauté auraient signalé des dermatoses. Lorsque les résidents de ménages, ne signalant pas de dermatoses, étaient examinés par des dermatologues, jusqu’à 67% se sont avérés avoir une pathologie cutanée [19,34]. Dans une enquête auprès des ménages de deux villages du nord-ouest de la Tanzanie, une dermatose était trouvée chez 27% des individus examinés. [19,37]. Les maladies cutanées sont également courantes dans les zones urbaines. Une étude des centres de santé non spécialisés de Bamako, au Mali, a révélé que jusqu’à 26% des consultations étaient motivées par des affections cutanées dans certains centres [2,19]. On a également remarqué que l’urbanisation accrue influençait le profil des maladies de la peau, en particulier les zones qui ne sont pas correctement assainies et qui ont peu ou pas de commodités sociales. Selon l’annuaire statistique du ministère de la santé du Sénégal, les affections dermatologiques faisaient parties des dix premiers motifs de consultations en 2013 à Dakar [39]. La fréquence des affections dermatologiques en Afrique Subsaharienne est associée pour la plupart à des facteurs socio-économiques et environnementaux. Il est généralement admis qu’une approche de santé publique de la dermatologie dans ce contexte est particulièrement appropriée ; mais peu de recherches épidémiologiques ont été effectuées pour examiner quels facteurs socioéconomiques particuliers sont des déterminants importants de la prévalence des maladies de la peau [37]. Les variations des taux de prévalence entre les différentes enquêtes en Afrique Subsaharienne pourraient s’expliquer par les différentes méthodes d’enquête, en particulier les définitions des maladies de la peau, les variations de la taille des échantillons. Elles seraient liées également aux lieux (milieu rural et urbain) et à la période d’étude (saison des pluies) pouvant être des facteurs contributifs aux maladies cutanées transmissibles [35,36].
Les dermatoses immuno-allergiques
Les dermatoses immuno-allergiques (DIA) sont un ensemble nosologique qui associe les dermatoses spongiformes et les dermatoses des états d’hypersensibilité. En Afrique Subsaharienne, le profil des affections cutanées était dominé autrefois par les dermatoses tropicales. Cependant depuis une quinzaine d’années on observe l’émergence surtout en zone urbaine, des dermatoses telles que les eczémas jadis qualifiées de « pathologies des pays du Nord » [44]. Les dermatoses immuno-allergiques, dominées par l’eczéma, représentent ces dernières années le premier motif de consultation dans les services de Dermatologie. Au Cameroun, Bissek et al, retrouvaient en première position les dermatoses allergiques avec une fréquence de (34,3%) [18]. Au Mali, l’étude de Mahé et al notaient que 1’eczéma représentait le premier motif de consultation (20,4%) [2]. Au kenya, on notait également une prédominance des dermatoses immunoallergiques avec l’eczéma qui représentait le premier motif de consultation avec 21,7% des demandes de soins [24]. Au Sénégal, l’étude de Kéita et al avaient retrouvé que l’eczéma était la dermatose la plus fréquente sur l’ensemble des pathologies cutanées recensées, avec un pourcentage 18,57% [5]. Au Nigeria, plusieurs auteurs ont rapporté une modification de l’épidémiologie des dermatoses. En effet, les maladies allergiques figurent en première position dans plusieurs séries avec une nette prédominance des eczémas [18]. Parmi les différentes formes cliniques d’eczéma, l’eczéma atopique est le plus représentatif avec un taux de 65% sur l’ensemble des eczémas [5,30]. Ukonu et al, au Sud du Nigeria, notaient que la dermatite atopique était la plus fréquente parmi toutes les dermatoses avec une fréquence de 20,9 % [13]. Toutes les données de la littérature ont montré que la prévalence de la DA varie selon l’origine géographique, l’ethnie et le niveau d’urbanisation. La fréquence de la DA a doublé, voire triplé en 30 ans en Occident [5]. Cette fréquence élevée de l’eczéma en Afrique pourrait s’expliquer par l’urbanisation croissante, l’utilisation abusive et anarchique de divers produits chimiques, cosmétiques et la pollution environnementale. Les chiffres sont variables, mais la conclusion générale est que la fréquence de la D.A est aussi élevée dans toutes les populations, quelle que soit le pays considéré et la couleur de la peau [5]. Plusieurs études européennes ont montré que la DA, comme l’asthme et la rhino-conjonctivite allergique augmentaient dans la population générale depuis la deuxième moitié du XXe siècle, alors que les grandes maladies infectieuses régressaient sous l’influence des vaccinations de masse, de 1’avènement des traitements antibiotiques et de multiples autres facteurs en rapport avec la variation du niveau de vie. La théorie hygiéniste proposée par Strachan et amplifiée par Bach formule un modèle intégrant les effets de 1’environnement sur une prédisposition héréditaire pour expliquer cette tendance épidémique. Les recours aux soins sont plus fréquents dans certains groupes, mais c’est probablement autant dû à des considérations sociales qu’ethniques [5].
Les Toxidermies
La fréquence des toxidermies n’est pas négligeable dans nos pays du fait de l’expansion de l’automédication, le recours très important à la phytothérapie, la mise sur le marché, chaque année, de centaines de nouvelles molécules thérapeutiques et surtout leur facilité d’utilisation, la circulation de médicaments contrefaits et la polymédication. Au Nigeria, Ogunbiyi et al, avaient retrouvé une fréquence de 0,4 % sur l’ensemble des dermatoses. Dans une autre étude nigerienne, Yahya et al, retrouvaient une fréquence de 2,7 % Au Mali, Mahé et al, avaient retrouvé une fréquence 0,6 % [2]. Au Johannesbourg, Hartsorne et al, avaient retrouvé une fréquence de 0,9 % A Bangui, Kobangué et al, avaient trouvé un taux de 3,5 % [21]. Une étude tunisienne (5] avait noté une prévalence de 1,08 % parmi les patients consultant en dermatologie lors d’une étude prospective menée sur une période de 12 mois dans le service de dermatologie de l’hôpital Hédi Chaker de Sfax. Au Sénégal, Kéita et al, avaient colligé 22 cas de toxidermie, soit une fréquence de 2,17 % [5]. Diatta et al, avaient colligé 200 cas en 14 ans dans le service [5].
Conclusion
Les affections dermatologiques constituent un problème de santé important. En Afrique Subsaharienne, plusieurs travaux ont été réalisés sur le profil épidémiologique des dermatoses avec des données hétérogènes. La grande majorité de ces travaux notaient une prédominance des dermatoses dites tropicales. Actuellement du fait de l’urbanisation croissante, de la pollution environnementale et du changement des modes de vie, il est important de connaître le profil des dermatoses. Or, il existe peu d’études disponibles sur ce sujet. L’objectif de notre travail était de :
– Décrire les caractéristiques sociodémographiques et professionnels des patients
– Déterminer les motifs de consultation
– Déterminer selon le groupe nosologique les pathologies rencontrées
– Déterminer les dermatoses rencontrées en hospitalisation
– Evaluer la mortalité chez les malades hospitalisés ainsi que les causes de décès.
Nous avons mené une étude prospective descriptive portant sur les données de malades reçus dans le service de Dermatologie de l’hôpital Aristide Le Dantec sur une période de 09 mois (Février à Novembre 2020). Durant cette période, sur 3203 malades reçus en consultation, nous avons colligé 720 malades correspondant à un quart des malades. Le sexe ratio était de 0,7. L’âge moyen des malades était de 32 ans avec des extrêmes de 7 jours à 87 ans. Les patients venaient de 12 régions différentes du Sénégal sur les 14. Les patients résidant dans la région de Dakar représentaient 87% (n=626) des malades. Les malades résidant dans le département de Dakar représentaient 52,3% (n=330), Pikine 23,4% (n=149), Guédiawaye 15,1% (n=98), Rufisque 7,1% (n=49). Les élèves/étudiants 32% (n=231) et les femmes au foyer 15% (n=109), étaient les plus représentées et 90 % des malades n’avaient pas de prise en charge. Les dermatoses immuno-allergiques 32% (n=231) étaient les plus fréquentes dominées par l’eczéma, suivies des dermatoses infectieuses 28% (n=206) et des dermatoses inflammatoires 14,8% (n=107). L’eczéma, l’acné et les pyodermites représentaient les premiers motifs de consultation. Les dermatoses tumorales occupaient la 4ème place selon les groupes nosologiques, représentées essentiellement par les tumeurs bénignes. Les DHB représentaient le premier motif d’hospitalisation suivi des toxidermies. Nous avons recensé 3 décès en hospitalisation. En milieu tropical, nos travaux démontrent un changement du profil épidémiologique des dermatoses dominées par les dermatoses cosmopolites avec un recul des dermatoses tropicales.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : EPIDÉMIOLOGIE DES DERMATOSES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE
I. PREVALENCE DES DERMATOSES
II. ASPECTS SOCIODEMOGRAPHIQUES
II.1. Age
II.2. Sexe
II.3. Profession
III. REPARTITION DES DERMATOSES
III.1. Les dermatoses immuno-allergiques
III.2. Les dermatoses infectieuses
III.2.1. Mycoses superficielles
III.2.2. Dermatoses bactériennes
III.2.3. Dermatoses parasitaires
III.2.4. Les dermatoses virales
III.3. Dermatoses tumorales
III.4. Les connectivites
III.5. Les Toxidermies
III.6. Les DBAI
III.7. Les génodermatoses
DEUXIEME PARTIE
I. OBJECTIFS
I.1. Objectif général
I.2. Les objectifs spécifiques étaient
II. METHODOLOGIE
II.1. Cadre d’étude
II.2. Type d’étude et population d’étude
II.3. Période d’étude
II.4. Critères de sélection
II.6. Procédures de recrutement et collecte des données
II.7. Saisie et analyse des données
II.8. Aspects éthiques
II.9. Résultats attendus
II.10. Chronogramme
II.11. Bénéfice de l’étude
III. RESULTATS
III.1. Caractéristiques socio-démographiques
III.1.1. Age moyen des malades
III.1.2. Répartition selon le sexe
III.1.3. Répartition des malades selon la résidence
III.1.4. La répartition des malades selon la catégorie socio-professionnelle
III.1.5. La répartition des malades selon le type de prise en charge
III.1.6. Répartition des malades selon la provenance
III.2. Répartition des dermatoses par groupe nosologique
III.2.1. Les motifs de consultation
III.2.2. La répartition des dermatoses selon le groupe nosologique
III.2.2.1. La répartition des dermatoses immuno-allergiques
III.2.2.2. La répartition des toxidermies
III.2.2.3. La répartition des dermatoses infectieuses
II.2.2.4. La répartition des dermatoses parasitaires
III.2.2.5. La répartition des dermatoses inflammatoires
III.2.2.5.1. Les formes cliniques de Psoriasis
III.2.2.5.2. Les formes cliniques de Lichen
III.2.2.6. La répartition des dermatoses tumorales
III.2.2.7. La répartition des maladies de système
III.2.2.8. Répartition des dermatoses bulleuses auto-immunes
III.2.2.8. Répartition des génodermatoses
III.2.2.9. La répartition des troubles pigmentaires
III.2.2.10. Répartition des autres dermatoses
III.2. La répartition des dermatoses selon la topographie
III.3. La répartition des dermatoses en hospitalisation
III.3.1. Répartition selon la tranche d’âge
III.3.2. Répartition des malades hospitalisés selon le sexe
III.3.3. Répartition selon les régions d’origine
III.3.4. La répartition des dermatoses par groupe nosologique en hospitalisation
III.3.5. La répartition des dermatoses en hospitalisation
III.6. Répartition du nombre de décès et les causes
IV. DISCUSSION
IV.1. Caractéristiques socio-démographiques
IV.1.1. Age
IV.1.2. Sexe
IV.1.3. La résidence
IV.1.4. Prise en charge des malades et classes socio-professionnelles
IV.2. Motifs de consultation
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES
ANNEXE
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