Construire une séquence d’apprentissage pour passer du récit à l’oral par le jeu théâtral

Du jeu théâtral à la mise en scène avec marionnettes en CE1

Définition : le jeu théâtral comme support pédagogique

Le jeu théâtral est un outil pédagogique précieux en ce qu’il nécessite de travailler en groupe. Or, l’école est le lieu par excellence où les élèves apprennent à vivre avec les autres, partager, travailler, communiquer. De plus, il est intrinsèquement lié à la notion de « ludique » si importante dès l’école maternelle pour se construire, se structurer et apprendre. C’est donc, selon nous, un support très riche. Il permet de travailler le langage oral comme moyen d’expression et de communication au sein d’un groupe. Il nécessite une écoute active tant pour évaluer ses pairs que pour exprimer ses émotions, son ressenti. Les élèves qui préparent une représentation sont également amenés à discuter, voire débattre, pour se mettre d’accord sur la façon de jouer. C’est cet objet collectif abouti qui sera donné à voir au spectateur. Chacun a donc un rôle à jouer pour réussir une représentation. Les élèves doivent l’apprendre l’importance de chaque maillon. Souvent encore trop centrés sur eux mêmes au cycle 2, le jeu théâtral peut les aider à s’améliorer de ce point de vue.

Le jeu théâtral permet à l’élève de se représenter l’écrit. Celui qui anime une histoire avec des marionnettes s’implique dans la précision de compréhension du texte (chercher les intentions des personnages, les déplacements, les liens entre les actions, les étapes…). Celui qui observe le spectacle se fixe mentalement des images mobiles du texte le rendant ainsi vivant et très attractif. Tout cela participe à lever les implicites mais aussi à la mémorisation de la structure narrative. Le travail sur le corps qui est mis en scène dans un espace, avec les autres est un apprentissage en soi. Les élèves peuvent développer leurs possibilités corporelles d’expression. Enfin, l’un des objectifs pédagogiques du jeu théâtral est de développer l’imaginaire et la créativité des élèves par des jeux d’improvisation, moment où les élèves jouent en public sans texte prédéfini, ce qui laisse une grande place à l’imagination et à l’inspiration du moment ! Le lien avec autrui est indissociable de la pratique du théâtre : il faut savoir écouter, regarder et échanger avec ses partenaires et son public. Jouer ensemble donne le sentiment d’appartenance à un groupe et peut développer des solidarités entre les enfants par l’engagement dans un projet commun dont la réussite les concerne tous.

Nos difficultés pratiques pour l’année 2016 – 2017

Cependant, n’ayant pas eu le temps de commencer à travailler le jeu théâtral dès le début de l’année, il était difficile au mois de décembre, période pendant laquelle notre réflexion a débuté, de l’intégrer à des fins de représentation en fin d’année. Le travail à effectuer par rapport au corps était trop important. Alors, nous nous sommes interrogées : comment intégrer le jeu théâtral à notre pédagogie en réduisant nos objectifs ?

Le choix de la marionnette

Nous nous sommes concentrées sur l’oral en laissant de côté le travail sur le corps. Le choix de la marionnette a été un bon compromis répondant à ce cahier des charges. En effet, animer un objet telle qu’une marionnette à gaine ou marotte permettait à l’enfant de ne mobiliser qu’une partie de son corps, puisqu’il reste caché derrière un castelet. C’est un moyen de libérer la parole et le jeu des plus timides. Comme le précise Jean-Pierre Tusseau dans son ouvrage, Réussir ensemble avec les marionnettes, il est beaucoup plus facile pour un enfant « de s’investir dans un personnage d’une autre mesure, qu’il a construit petit à petit, qu’il s’est progressivement approprié, que d’affronter lui-même, sans intermédiaire, sans médiation ni médiateur, le public. Le castelet lui offre le refuge sécurisant de son rempart de bois ou de tissu » . Ces objets aident les élèves à lever leurs inhibitions. Ils permettent « à l’enfant de s’exprimer et de savoir ce qu’en pensent les autres sans être impliqué d’une manière directe puisqu’il y a, à la fois, la poupée et le rideau protecteur entre lui et ses camarades » , ajoute Danielle Thomas dans Lutter contre l’échec scolaire, des marionnettes pour vous aider. La manipulation de la poupée de tissu permet également de développer chez l’élève sa psychomotricité fine grâce aux gestes et au rythme qu’impose l’objet. Nous avons d’ailleurs constaté dans nos deux classes un réel et rapide engouement de nos élèves dans ce travail. Les plus timides osaient parler plus fort qu’à leur habitude. Ils surprenaient leurs camarades et cela entrainait une véritable émulation. Cela les encourageait à poursuivre et aller plus loin en jouant avec leur voix, les intonations. Les spectateurs attendaient leur tour avec impatience tout en prenant part au spectacle avec leurs réactions positives et encourageantes pour leurs camarades. La marionnette et le castelet ont eu un réel pouvoir libérateur sur les élèves. L’objet inanimé prenait vie grâce à la concentration, au jeu des enfants, à l’écoute et à l’attention des spectateurs.

L’utilisation de cet outil oblige à être dans l’action de faire et non dans la psychologie. La marionnette implique d’être dans la parole, le mouvement. Paul Claudel, dans Lettre au professeur Miyajima en 1926, disait « la marionnette est une parole qui agit» . L’illusion n’est donnée que si l’acteur croit à son personnage. La marionnette va également permettre de clarifier la situation dramatique. Elle permet donc un travail sur le texte et principalement sur le sens. Il est nécessaire d’être précis dans ce que l’on dit car chaque geste a un sens.

Comment faciliter l’entrée dans l’oral avec la marionnette ? 

Pourquoi le cadre est-il important pour la création ?

Le vide fait peur. C’est pour cette raison, entre autres, que tout acte de création nécessite de partir de contraintes de formes et/ou de fond. Ce n’est qu’à cette condition que la création devient possible et surtout qu’elle peut s’exprimer avec le plus de liberté possible. Le castelet qui sécurise et circonscrit un espace de jeu physique, n’était pas assez contraignant pour que les enfants puissent inventer et créer en jouant. Nos quelques essais infructueux d’improvisation nous ont montré leur besoin de fournir un cadre plus restreint et plus propice à lancer leur imaginaire.

Pourquoi le conte s’avère être un support structurant idéal ? 

Autre support structurant et rassurant : le conte. Les enfants le connaissent depuis la maternelle et peut-être même avant. La structure archétypale, typique du conte est présente inconsciemment dans l’esprit des enfants. C’est-à-dire qu’elle n’est pas formelle et concrète mais à force de récurrence, les enfants s’attendent, lorsqu’on leur lit un conte, aux différentes étapes du schéma narratif quinaire à savoir : situation initiale, élément perturbateur, épreuves et péripéties, dénouement (élément de résolution) et situation finale. Les personnages sont simples et stéréotypés (héros, adjuvant(s), opposant(s), le destinataire de la quête, celui pour qui le héros agit, et le destinateur, celui qui pousse à agir). Les lieux du conte sont souvent connus de tous mais jamais situés précisément (une forêt, un bois, une maison, un château…). Le conte comporte souvent des phrases qui sont comme des ritournelles (« Il était une fois », « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants », « tire la bobinette et la chevillette cherra » …) ou encore des refrains comme dans les contes en randonnée, à structure répétitive. Le conte est également très présent dans les instructions officielles à tous les cycles.

Au Cycle 2, qui nous intéresse plus particulièrement dans ce projet, il est un support pour travailler l’oral, notamment pour raconter, mettre en voix, théâtraliser, en lecture pour comprendre et interpréter. Il donne également des repères autour des genres littéraires, il aide à développer l’imaginaire et à transmettre des valeurs. Les élèves peuvent y retrouver des questionnements qui font écho à leur propre vie. C’est parfois un moyen de régler des conflits intérieurs ou bien avec leur entourage. Bruno Bettelheim explique dans Psychanalyse des contes de fées que les contes « suggèrent toujours avec beaucoup de subtilité comment il convient de résoudre ces conflits et quelles sont les démarchent qui peuvent nous conduire vers une humanité supérieure » . Certains thèmes sensibles tels que l’abandon, la jalousie ou la mort sont véhiculés dans les contes. C’est ce que Marthe Robert, spécialiste du conte, souligne dans sa préface des Contes de Grimm, à propos du conte parfois « grave sous l’air qu’il se donne de distraire » . Ce support pédagogique est intéressant dans ce qu’il fait intervenir pour sa compréhension. En effet, le conte est une machine qui ne fonctionne pas seule : elle fait appel à la complicité entre l’auditeur et lecteur. Le pacte de lecture est double : il faut accepter l’entrée dans le merveilleux tout en ayant le recul de se dire « on nous raconte une histoire ». C’est ce que Georges Jean appelle le « pouvoir des contes » . Le projet va mettre en avant ces éléments notamment à travers un aller-retour entre le recul opéré par la mise en scène et l’implication dans chaque personnage pour faire vivre cette histoire.

A tout cela s’ajoute le processus d’acculturation qu’induit le conte, mêlant les aspects cognitifs, langagiers, culturels, sociaux et psychiques. Les contes peuvent être abordés sous des angles d’interprétation différents, faisant entrer en compte un degré de symbolisation plus ou moins conscientisé. Cependant au cycle 2, nous nous sommes axées uniquement sur la narration du conte, évinçant l’analyse approfondie de la morale. Nous recherchions une structure simple qui fasse appel à un imaginaire familier pour tous les élèves. C’était d’autant plus important que ce cadre très simple devait servir de base à un travail d’invention en détournant le conte.

Si nous tombions d’accord sur cette structure idéale pour notre projet, nous avons dû faire un choix dans la multitude des contes patrimoniaux.

Pourquoi choisir le conte du Petit Chaperon Rouge de Charles Perrault ?

Nous avons choisi plus particulièrement le conte du Petit Chaperon Rouge car il est universel et donc connu de tous nos élèves, a minima sa trame globale. Ainsi, nous évitions tout problème de compréhension et nous facilitions les tâches de mémorisation aux élèves. Parmi toutes les versions du conte du Petit Chaperon Rouge qui existent nous avons choisi celle de Charles Perrault. D’une part, parce que c’est la première version du conte et d’autre part parce que le texte est court et synthétique. De plus, il comporte un nombre limité de personnages et notamment dans les différentes scènes ce qui simplifie le dialogue et le jeu. Par ailleurs, l’histoire se déroule sur une journée, dans trois lieux bien distincts ce qui facilite les représentations du temps et de l’espace chez les élèves ainsi que la chronologie des évènements du récit. Nous avons fait le choix de ne pas travailler avec les élèves sur la morale qui se trouve à la fin du texte.

Premier objectif : du récit du Petit Chaperon Rouge vers un dialogue entre marionnettes

Après la lecture du conte source puis un travail sur la compréhension du texte, notamment lever les implicites, nous avons, chacune de notre côté, demandé aux élèves de raconter l’histoire en faisant parler les marionnettes à gaines représentant les personnages de l’histoire. Une première étape a été de s’interroger sur comment manipuler ces objets. Puis, nous avons amené les élèves à se recentrer sur l’histoire dialoguée. Il s’agissait de raconter l’histoire en adaptant le récit écrit vers le dialogue de l’oral. Le travail s’est effectué en trois grandes phases (cf annexe 1). Tout d’abord, il a été question de définir des critères de réussite avec les élèves en manipulant les marionnettes. Puis, de les mettre en groupe pour dialoguer avec ces dernières afin de raconter l’histoire du Petit Chaperon Rouge. Pendant qu’un groupe racontait en faisant dialoguer les personnages, les autres regardaient avec la grille d’observation qui reprenait les critères de réussite élaborés collectivement (cf. annexe 4). Enfin, les élèves étaient amenés à évaluer et à s’autoévaluer par la captation des propositions. Cette étape nécessitait d’accepter de recevoir une critique constructive pour améliorer son dialogue. Elle avait pour but annoncé la représentation du produit fini de cette première phase du projet devant nos binômes respectifs.

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Table des matières

Introduction
1. Construire une séquence d’apprentissage pour passer du récit à l’oral par le jeu théâtral
1.1. Du jeu théâtral à la mise en scène avec marionnettes en CE1
1.1.1. Définition : le jeu théâtral comme support pédagogique
1.1.2. Nos difficultés pratiques pour l’année 2016 – 2017
1.1.3. Le choix de la marionnette
1.2. Comment faciliter l’entrée dans l’oral avec la marionnette ?
1.2.1. Pourquoi le cadre est-il important pour la création ?
1.2.2. Pourquoi le conte s’avère être un support structurant idéal ?
1.2.3. Pourquoi choisir le conte du Petit Chaperon Rouge de Charles Perrault ?
1.2.4. Premier objectif : du récit du Petit Chaperon Rouge vers un dialogue entre marionnettes.
1.3. Du conte source au conte détourné : comment amener les élèves à créer un dialogue pour les marionnettes ?
1.3.1. Pourquoi choisir le conte détourné pour inviter les élèves à créer ?
1.3.2. Apporter une forme idéale pour le dialogue : le texte théâtral.
1.3.3. Comment le pluridisciplinaire peut aider les élèves à investir un personnage à travers un objet inanimé ?
2. L’étude comparative de nos deux expériences autour du conte et de la marionnette
2.1. L’entrée par la marionnette désinhibe et motive
2.1.1. Pourquoi le contact avec la marionnette a été si facile pour des élèves de 7/8 ans ?
2.1.2. Comment ce projet a permis de dépasser le cadre scolaire et a participé à la motivation générale ?
2.1.3. Quelles incidences ce projet a-t-il eu sur le comportement des élèves en classe ?
2.1.4. Des premiers résultats encourageants
2.2. Etre acteur et spectateur, apprendre à produire pour être vu, apprendre à regarder pour améliorer sont des objectifs incontournables d’un projet autour de la marionnette : quelles conséquences cela a-t-il eu sur les deux classes ?
2.2.1. Endosser deux rôles alternativement, acteur et spectateur : en quoi cette complémentarité est-elle source de richesse ?
2.2.2. Le rôle de la vidéo comme moyen de rétroaction
2.2.3. Le rôle de l’enseignant change : il devient spectateur avec ses émotions au même niveau que celles des élèves.
2.3. Est-ce que partir du conte détourné a été bénéfique pour la créativité des élèves?
2.3.1. Une même séquence, un même obstacle
2.3.2. L’analyse de deux étayages différents pour parvenir à inventer une suite
2.3.3. La comparaison des productions des deux classes : les dialogues des élèves
3. Décentration et perspectives pour l’avenir
3.1. Le bilan du travail effectué en classe
3.1.1. Les réussites
3.1.2. Les erreurs et remédiations
3.2. Ebauche de la séquence suivante : nos réflexions
3.2.1. L’écriture de la dernière scène
3.2.2. La mémorisation va-t-elle être un obstacle ?
3.2.3. L’évaluation
3.3. Comment ce projet nous a amenées à avoir un regard sur le cycle 1
3.3.1. Comment adapter notre démarche à un autre cycle ?
3.3.2. Comment penser le détournement de conte au cycle 1
3.3.3. Comment évaluer ce projet en maternelle ?
Conclusion
Bibliographie

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