Depuis de nombreuses années, le niveau moyen des élèves en mathématiques en France est en deçà des moyennes européennes et internationales. Selon l’étude internationale TIMSS , coordonnée par l’International Association for the Evaluation of Educational Achievement et menée sur des élèves de CM1, la moyenne européenne était de 527 points en mathématiques en 2015. La France a atteint le score de 488 points. Pour y remédier, depuis 2018, des évaluations nationales ont été mises en place en début d’année scolaire pour les élèves de CP et CE1. Ces évaluations sont un moyen pour l’enseignant d’identifier avec précision les forces et les faiblesses de chaque élève afin de mettre en place des remédiations qui pourront faire progresser l’élève. Selon les résultats des évaluations de septembre 2019, on constate une légère hausse de la maîtrise des savoirs fondamentaux depuis la rentrée 2018.
L’enseignement des concepts et des savoirs mathématiques se fait tout au long de la scolarité de l’élève et commence dès l’école maternelle sous le titre « Construire les premiers outils pour structurer sa pensée ». Pour rendre accessible le savoir savant, l’enseignant doit effectuer sa transposition. Plus les élèves sont petits, plus la transposition du savoir est éloignée du véritable savoir savant. Le vocabulaire est parfois approximatif et les concepts ne sont pas suffisamment approfondis. Des didacticiens, comme Guy Brousseau par exemple, s’accordent alors à penser que des obstacles didactiques (causés lors de l’enseignement d’une notion) viennent s’ajouter aux obstacles épistémologiques (inhérent à la nature même des savoirs).
J’ai décidé de centrer ma recherche sur la construction avec des élèves de CE1 qu’un carré est un rectangle particulier. Nombreux sont ceux qui, à l’âge adulte, éprouvent encore des difficultés face à cette notions. Ce mémoire de recherche est pour moi l’opportunité de m’interroger sur mes pratiques professionnelles et de trouver des outils qui vont me permettre d’analyser des situations et de repenser mes situations d’enseignement.
La construction du problème, un nouveau paradigme
Le cadre théorique de la problématisation
Aujourd’hui, l’apprentissage par problématisation est un phénomène d’actualité qui est de plus en plus utilisé dans l’enseignement français. Depuis les années 1980, les recherches sur l’enseignement scientifique montrent que l’on cherche de plus en plus à construire le problème et non seulement à le résoudre. La démarche scientifique est la découverte d’une situation problème que l’on va essayer de résoudre. C’est pourquoi des chercheurs et professeurs en sciences, comme Michel Fabre, vont montrer que la problématisation permet d’acquérir un certain nombre d’apprentissages scolaires.
En France, l’un des grands précurseurs de l’apprentissage par problématisation est Christian Orange. C’est un professeur et didacticien d’université anciennement titulaire de la chaire de « didactique comparée » à l’Université Libre de Bruxelles. Il a passé une dizaine d’années dans l’académie de Nantes au sein des IUFM des Pays de Loire entre 2000 et 2012. Pendant ces années, les recherches et les ouvrages de Christian Orange vont être à l’origine de la création du cadre de recherche sur l’apprentissage par problématisation de Nantes. C’est une véritable révolution pour toutes les disciplines scolaires, particulièrement pour les sciences puisque ce cadre permet de repenser certaines situations d’enseignement. Ce mémoire de recherche s’inscrivant dans ce cadre de recherche, je vais m’’appuyer sur les recherches de Christian Orange, notamment sur son ouvrage Enseigner les sciences : Problèmes, débats et savoirs scientifiques en classe , ainsi que sur son article : Problématisation et conceptualisation en sciences et dans les apprentissages scientifiques.
Les relations entre problèmes et apprentissages ont été, sous diverses formes, travaillées dans plusieurs champs scientifiques : psychologie, sciences de l’éducation et didactiques, etc. (Orange, 2005, p70).
Cependant, il est complexe de comprendre ce qu’est la problématisation. C’est pourquoi Christian Orange tente d’expliciter, en référence à de grands chercheurs comme Bachelard, Canguilhem et Popper, ce qu’est la problématisation en sciences, afin de développer les principes de ce cadre mais aussi de découvrir les avantages que peut avoir sa compréhension sur l’enseignement des différentes disciplines et sur la formation des futurs enseignants puisque cela leur donne la possibilité d’apprendre une nouvelle méthode d’apprentissage.
Les premiers constats de Christian Orange montrent qu’il est nécessaire d’introduire le processus de problématisation par la recherche du problème, de sa solution, en s’appuyant sur des connaissances déjà acquises. Comme le souligne Popper, la science commence par des problèmes. Cependant, ce processus n’est pas simple et une forme de circularité peut s’installer :
– La résolution d’un problème entraine la résolution d’autres problèmes grâce aux connaissances acquises.
– la résolution d’un problème entraine la modification des connaissances lorsque les solutions s’opposent à celles proposées.
Christian Orange définit la problématisation comme étant l’étude d’un problème où l’on va essayer de chercher des solutions en explorant et en délimitant le champ des possibles. Afin d’amener les élèves à construire un problème, le rôle de l’enseignant va être avant tout de les inciter à problématiser en proposant une première question qui va déclencher ce processus (question déclenchante) et les engager dans le problème. C’est une étape essentielle puisqu’elle doit mettre en avant l’explication d’un fonctionnement ou d’une procédure, si nous sommes en mathématiques. Sans cela nous ne sommes pas dans un apprentissage par problématisation. Il faut donc que l’enseignant choisisse la situation déclenchante en prenant en compte la connaissance à construire et les obstacles possibles, tout en ayant en tête son objectif d’apprentissage.
La question déclenchante qui amène au débat
Lorsque la question déclenchante est posée, les élèves vont être confrontés à un problème qu’on appelle problème explicatif ou situation d’accroche. Les élèves vont partir de leurs représentations initiales afin de s’appuyer dessus pour proposer une solution (esprit créatif). Ces représentations permettent la construction intellectuelle d’une explication possible et se basent sur les repères et les observations de l’élève mais aussi ses connaissances et tout ce qui l’entoure. Cependant, dans la plupart des cas, ces connaissances, ne permettent pas de trouver la solution directement. Il y a un long processus qui se met en place afin d’aller construire le savoir savant. Il se construit en s’engageant dans un processus de démonstration et d’argumentation. C’est ce qu’on appelle l’esprit de contrôle.
La problématisation ne se limite pas seulement à donner une solution à un problème mais résulte d’une activité intellectuelle qui met en jeu la recherche de contraintes et de nécessités autour d’un problème. La première étape est de faire émerger les contraintes (contraintes empiriques) du problème en s’appuyant sur tout ce qui est observable. Les élèves proposent des solutions qui se fondent sur leur quotidien et leur vécu. Ils identifient les repères pour que l’explication puisse s’organiser. Les élèves doivent être capables de se dire que finalement certaines choses ne sont pas possibles. C’est ce que l’on nomme l’esprit critique. Ces contraintes servent avant tout à faire évoluer les représentations initiales à l’aide de raisonnements afin d’explorer le champ des possibles (registre des modèles) et la construction des nécessités: ça ne peut pas être autrement. Cette exploration a pour résultat un caractère essentiel des savoirs scientifiques : leurs nécessités, c’est-àdire l’apodicticité du savoir. Christian Orange qualifie ces nécessités comme étant « une condition de possibilité, repérée et thématisée » (Orange, 2012, p. 130). Ainsi, le développement des nécessités se fait par une interaction entre le registre empirique et plusieurs références émergeant de manière explicite ou non. Ce travail de mise en tension du registre empirique et du registre des modèles constitue ce que C. Orange appelle « le travail du problème » (Orange, 2012, p. 42). L’argumentation et le débat en classe permettent d’engager cette problématisation.
|
Table des matières
INTRODUCTION
SOMMAIRE DU MEMOIRE
1. CADRE THEORIQUE : ENSEIGNER PAR LA CONSTRUCTION DE PROBLEMES
1.1. La construction du problème, un nouveau paradigme
1.1.1. Le cadre théorique de la problématisation
1.1.2. La question déclenchante qui amène au débat
1.1.3. Les débats scientifiques en classe
1.1.4 Les interactions langagières au sein de la construction d’un problème
1.2. Évolution des concepts à enseigner sur le rectangle, de la maternelle au cycle2
1.2.2. De la reconnaissance visuelle à la démonstration du rectangle
1.3. Les obstacles de l’élève face à la notion de rectangle
1.3.1. Définition des différents obstacles rencontrés par les élèves
1.3.2. Les obstacles qui entourent les notions de carré et de rectangle
1.3.3. Rectangle prototypique et obstacle didactique
1.4. Enseigner les mathématiques c’est aussi être confronté à des obstacles
2. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES DE RECHERCHE
2.1. La problématique
2.2. Les hypothèses de recherche
3. METHODOLOGIE DE RECUEIL DE DONNEES ET D’ANALYSE DE DONNEES
3.1. Méthodologie de recueil de données
3.1.1. Un apport théorique au service de mes choix didactique
3.1.2. Séquence pédagogique mise en place dans une classe de CE1
3.2. Méthodologie d’analyse de données
4. ANALYSE DES DONNEES
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES