CONSTRUCTION DE MODÈLES ÉLÉMENTAIRES D’UNITÉS COMMERÇANTES 84bis
Le système de règles du nouveau modèle d’importateur
L’apparition de cette nouvelle forme d’incertitude liée aux modifications du cadre réglementaire conduit à remettre en question les principes fondamentaux qui assuraient le fonctionnement des unités relevant du modèle d’importateur « marchand ». Elle favorise le développement d’un nouveau modèle d’importateur, dans lequel les règles renvoyant au monde marchand sont complétées par des ressources matérielles et relationnelles permettant de faire face à l’incertitude réglementaire.
l’organisation du processus de production
L’organisation interne du modèle repose sur la combinaison de ressources renvoyant aux ordres capitaliste et domestique. Elle est tournée en premier lieu vers la réalisation d’économies d’échelle sur des opérations de transport à longue distance et de stockage de longue durée portant sur des lots importants. L’investissement dans des magasins de stockage et l’importance de la surface financière permettent la programmation des ventes et une prévisibilité minimale des coûts et des prix. En effet, elles permettent d’attendre un rétablissement des prix en cas de chute imprévue du prix de vente, comme le montrent les exemples ci-dessous, ou de raréfier le riz sur les marchés urbains pour faire pression sur le gouvernement et obtenir une exonération des taxes à l’importation. C’est ainsi qu’en janvier 1988, le gouvernement a dû consentir une réduction du taux de protection face à la flambée des prix d’environ 30% provoquée par une pénurie orchestrée par ces commerçants (Coelo, 1994). Ex: S.B.B. affirme qu’il lui arrivait de stocker du riz dont le prix de revient est trop élevé en attendant un prix de vente “convenable” Ex: [02] a stocké pendant un an pour écouler du riz importé sur le marché haut de gamme, à la suite d’une baisse imprévue des prix due à l’arrivée précoce de la nouvelle récolte en 1993.Dans ce modèle, le rôle des unités dans la qualification du produit est inexistant: les approvisionnements, qu’ils proviennent du marché international ou de l’Office du Niger, portent en effet sur des produits standardisés en volume et en qualité.Des liens privilégiés avec le pouvoir politique constituent le deuxième type de ressources mobilisées par le modèle d’importateur capitaliste/domestique. Ce capital relationnel est converti dans l’activité commerçante où il permet la réduction de l’incertitude réglementaire sur les importations. Il donne en effet accès au marché des salariés des services publics et à l’exonération des taxes à l’importation sur les volumes concernés. Le plus souvent, la stratégie consiste, une fois l’exonération accordée – généralement pour un tonnage et un temps limités – , à faire rentrer des quantités supérieures aux intentions d’importation et à les écouler sur le marché, en les étalant dans le temps, comme ce fut le cas pour les années 1991 et 19922.
les règles régissant l’approvisionnement
Le choix des sources d’approvisionnement est conditionné par la possibilité d’obtenir des volumes élevés, d’un produit standardisé et à un coût faible.Les achats sont réalisés en priorité sur le marché international et, secondairement, auprès de l’Office du Niger. Sur le premier marché, les achats sont déclenchés par la faiblesse des prix et la possibilité d’obtenir des exonérations de taxes à l’importation. Les achats à l’Office du Niger sont utilisés en complément, en cas de hausse des cours mondiaux ou lorsqu’ils sont exigés par le gouvernement pour bénéficier des exonérations de taxes à l’importation (système de “jumelage”). Les procédures de vente de l’Office du Niger crédit pour les gros tonnages et tarif dégressif selon les quantités – s’accordent précisément avec les besoins des importateurs de type “capitaliste-domestique”. Dans les deux cas, l’homogénéité du produit est garantie par des normes: très contraignantes sur le marché mondial, nous avons vu qu’elles le sont moins pour le riz de l’Office, qui est de ce fait moins apprécié des importateurs. La concurrence est pratiquement inexistante sur ces marchés qui requièrent l’accès au crédit bancaire. Les volumes sont donc concentrés entre les mains d’un petit nombre d’unités: en 1989, quatre importateurs sont responsables de 74% du volume total des importations et cinq de 88% des achats de riz à l’Office du Niger (Coelo, 1994).
les règles régissant les ventes
Les ventes des importateurs sont orientées essentiellement vers deux types de débouché: les salariés des entreprises et services publics, sur une base contractuelle, et les demigrossistes des centres urbains, sur une base de confiance et de familiarité.Compte tenu du fait que ce sont les mêmes unités qui commercialisent à la fois les importations et le riz usiné de l’Office du Niger, qui représentent l’essentiel de la production commercialisée, leur petit nombre et l’importance de leurs capacités de stockage les met en mesure de fixer les prix à la vente. Selon N. Dembélé (1990), les marges réalisées sur le riz importé varient entre 30 et 40 FCFA /kg, contre 5 à 10 FCFA sur le riz de l’Office du Niger.Nos enquêtes n’ont pas permis d’identifier les modalités concrètes par lesquelles les importateurs parviennent à s’entendre pour limiter la concurrence entre eux. Il semble toutefois que cette coordination passe par un accord sur la période à laquelle le riz importé est acheminé. En effet, selon le directeur de la Chambre de Commerce et d’Industrie, “il arrivait rarement [à cette époque] que les importateurs amènent le riz en même temps! Cela est arrivé une seule fois”.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE : FLEXIBILITE, COORDINATION ENTRE ACTEURS ECONOMIQUES ET EFFICACITE 12bis DES MARCHÉS
I. LA QUESTION DE L’EFFICACITÉ DU MARCHÉ DANS LA THÉORIE NÉO-CLASSIQUE ET LES THÉORIES DÉRIVÉES
1.1 Le modèle néo-classique : une approche normative de la flexibilité et du fonctionnement des marchés
1.2 les approches contractualiste et transactionnelle de l’organisation : une flexibilité adaptative
II. UN CADRE D’ANALYSE DES PROCESSUS DE COORDINATION INTERNE AUX ORGANISATIONS : LES APPROCHES CENTRÉES SUR L’UNITÉ DE PRODUCTION
2.1 L’hétérogénéité des logiques de production : la dichotomie secteur formel/informel
2.2 L’analyse anthropologique des unités de production
III. POUR UNE ANALYSE INTÉGRÉE DE L’ORGANISATION, DU MARCHÉ ET DE LA FLEXIBILITÉ : UNE APPROCHE EN TERMES DE SYSTÈME ET DE CONVENTIONS
3.1 Le « méso-système productif » : un cadre pour la prise en compte de la diversité des modes de coordination
3.2 La coordination en univers incertain : les conventions
3.3 Les relations entre l’organisation et le marché
3.4 Des conventions aux organisations productives
3.5 Les postulats théoriques qui découlent de l’inscription de la recherche dans l’approche conventionnaliste
IV. CONCLUSION : RETOUR SUR LES HYPOTHÈSES DE LA RECHERCHE
4.1 Délimitation du méso-système étudié
4.2 Les hypothèses de la recherche
DEUXIÈME PARTIE CONSTRUCTION DE MODÈLES ÉLÉMENTAIRES D’UNITÉS COMMERÇANTES ET CARACTÉRISATION DES UNITÉS DE COMMERCIALISATION DU RIZ AU MALI
INTRODUCTION DE LA DEUXIÈME PARTIE
CHAPITRE 1. CONSTRUCTION DE MODÈLES ÉLÉMENTAIRES D’UNITÉS COMMERÇANTES 84bis
I. LES PROBLÈMES DE DÉCISION DANS L’ENTREPRISE DE COMMERCE : UN MODÈLE SYNTHÉTIQUE
1.1 Les décisions liées au système de production 85bis
1.2 Les décisions liées au système de relations avec l’environnement
II. UN ESSAI DE CARACTÉRISATION DES FORMES « ÉLÉMENTAIRES » D’UNITÉS COMMERÇANTES
2.1 La méthode de construction des modèles élémentaires et ses limites
2.2 Le modèle élémentaire marchand
2.3 Le modèle élémentaire capitaliste
2.4 Le modèle élémentaire domestique
2.5 Le modèle élémentaire civique
Conclusion du chapitre 1 : les apports des modèles élémentaires d’unités commerçantes 118
CHAPITRE 2 : CARACTÉRISATION DES UNITÉS COMMERÇANTES DU RIZ AU MALI
I. LA MÉTHODE D’ENQUÊTE
1.1 Le choix de zones d’enquête
1.2 Segmentation de la population des unités commerçantes et constitution d’un échantillon
1.3 Le recueil des données
II. L’ANALYSE STATISTIQUE
2.1 Construction d’indicateurs du fonctionnement des unités commerçantes
2.2 Elaboration d’un groupe de variables et d’individus pour l’analyse statistique
2.3 Les modalités de traitement des données
2.4 Les résultats
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE
TROISIÈME PARTIE MODÈLES D’UNITÉS COMMERÇANTES ? COOPÉRATION INTER-UNITÉS ET DYNAMIQUE DU SECTEUR DU COMMERCE DU RIZ
INTRODUCTION DE LA TROISIÈME PARTIE
CHAPITRE 1. L’ORGANISATION DU SECTEUR JUSQU’AU DÉBUT DES ANNÉES 1980: LES DÉFAILLANCES DE LA COMBINAISON DES COORDINATIONS CIVIQUE ET CAPITALISTE SONT PALLIÉES PAR LES COORDINATIONS DOMESTIQUE ET MARCHANDE
I. LA RÉGULATION ÉTATIQUE DU SECTEUR RIZICOLE : UN COMPROMIS INSTABLE ENTRE LES LOGIQUES CIVIQUE ET CAPITALISTE 169 1.1 Les principes de régulation du dispositif étatique
1.2 Le dispositif à l’épreuve de la réalité : la non réalisation des principaux objectifs
1.3 Un compromis instable, remis en question par les conventions marchande et domestique
II L’EXTENSION DES CONVENTIONS DOMESTIQUE ET MARCHANDE PERMET DE PALLIER LES DÉFAILLANCES DU SOUS-SYSTÈME CIVIQUE/CAPITALISTE
2.1 Un modèle de commerçant importateur fondé sur les conventions domestique, marchande et capitaliste
2.2 Un modèle de commerçant de riz local fondé sur la primauté de la convention domestique sur la convention marchande
Conclusion du chapitre 1
CHAPITRE 2. DE 1981 À 1986/87, LES EFFETS DE LA LIBÉRALISATION LIMITÉE AU COMMERCE EXTÉRIEUR : DESTABILISATION DU DISPOSITIF ÉTATIQUE ET ÉMERGENCE D’UN NOUVEAU MODÈLE D’IMPORTATEUR
I. DES RÉFORMES FRAGMENTAIRES DU SOUS-SYSTÈME CIVIQUE/CAPITALISTE
1.1 Le nouveau système d’approvisionnement entre des logiques multiples
1.2 Le maintien du système de relations avec les utilisateurs dans un marché concurrentiel
1.3 Le renforcement des logiques civique et capitaliste dans l’organisation interne 203
II EMERGENCE DU MODÈLE « IMPORTATEUR MARCHAND »
2.1 L’organisation des moyens de production
2.2 Les relations avec les fournisseurs
2.3 Les relations avec les utilisateurs
III. LES PROPRIÉTÉS MACRO-ÉCONOMIQUES D’UNE ÉCONOMIQUE COMPOSÉE DU SOUS-SYSTÈME » CIVIQUE/CAPITALISTE » ET DU MODÈLE « IMPORTATEUR MARCHAND »
3.1 La rigidité du dispositif réglementaire civique/capitaliste
3.2 combinée à la capacité d’anticipation limitée des unités relevant du modèle importateur-marchand
3.3 ont globalement un effet déstabilisateur sur les prix et les quantités
Conclusion du chapitre 2
CHAPITRE 3. DE 1987 À 1993 : LES EFFETS DE LA LIBÉRALISATION LIMITÉE AU MARCHÉ INTÉRIEUR : DÉMANTÉLEMENT DU DISPOSITIF RÉGLEMENTAIRE ÉTATIQUE, ÉMERGENCE DE NOUVEAUX MODÈLES ET DE NOUVELLES CONVENTIONS
I. LE DISPOSITIF CIVIQUE/CAPITALISTE FACE À LA CROISSANCE DE LA CONCURRRENCE : UNE ADAPTATION INSUFFISANTE
1.1 L’0ffice du Niger confronté à un concurrence croissante
1.2 L’introduction limitée de la coordination marchande dans le dispositif civique/capitaliste entraîne le déclin de l’Office du Niger
II. LES IMPORTATIONS : LA DOMINATION DU MODÈLE « D’IMPORTATEUR CAPITALISTE/DOMESTIQUE »
2.1 L’apparition d’une nouvelle incertitude, liée à l’instabilité des politiques d’importation
2.2 Le système de règles du nouveau modèle d’importateur
III. L’EMERGENCE D’UN MODÈLE DE « TRANSFORMATEUR DOMESTIQUE » : L’ALLIANCE DES CONVENTIONS DOMESTIQUE ET CAPITALISTE 3.1 Les règles régissant l’organisation interne : une coexistence des logiques domestique, capitaliste et marchande
3.2 Les instruments du compromis domestique/ capitaliste/ marchand
IV L’ÉMERGENCE DU SOUS-SYSTÈME MARCHAND : LE MODÈLE MARCHAND, SON ÉVOLUTION VERS LE MODÈLE FORAINS ET LES COMMUNAUTÉS DE FORAIN
4.1 Le modèle marchand
4.2 La logique marchande entrave à terme la pérennisation des unités
4.3 Forains, gérants et « communauté de forains » : la coordination domestique comme solution à l’instabilité propre au modèle marchand
4.4 La sensibilité des conventions communautaires aux aléas et les conventions régissant les relations entre les communautés de forains
V. LE DÉVELOPPEMENT D’UNE « ORGANISATION DE MARCHÉ » : LES INTERMÉDIAIRES DES MARCHÉS URBAINS
5.1 Le modèle de coxer « marchand »
5.2 Le modèle de coxer « domestique/capitaliste »
Conclusion du chapitre 3
CHAPITRE 4. LES EFFETS DE L’AUGMENTATION DE LA COMPÉTITIVITÉ DE LA PRODUCTION LOCALE À PARTIR DE 1993
I. LES MODIFICATIONS DU CADRE MACRO-ÉCONOMIQUE À PARTIR DE 1993
1.1 La rupture de la politique commerciale en 1993
1.2 Les modifications de l’offre et de la demande 292bis
II. LA TRANSITION DU MODÈLE « IMPORTATEUR CAPITALISTE/DOMESTIQUE »VERS LE MODÈLE »DE VARIÉTÉ »(GROUPE IV) ET LE SOUS-SYSTÈME « DE VARIÉTÉ » : L’EXTENSION DE LA CONVENTION CAPITALISTE À LA COMMERCIALISATION DU RIZ LOCAL 294bis
2.1 Les nouvelles ressources mobilisées par le modèle de variété
2.2 Les relations avec les « agents » pour l’achat de riz local : relation contractuelle de sous-traitance ou forme conventionnelle ?
2.3 Un exemple d’adaptation à des contraintes capitalistes accrues : l’approvisionnement de la région de Kayes par l’unité [04]
III. LES TRAJECTOIRES DES MODÈLES MARCHAND ET FORAIN
3.1 Déplacement des incertitudes gérés par les modèles marchand et forain
3.2 Les trajectoires des modèles
Conclusion du chapitre 4
CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE
CONCLUSION GÉNÉRALE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
TABLE DES MATIÈRES I à V
LISTE DES GRAPHIQUES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
ANNEXES
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