Construction de modèles de bâtiment pour la prévision de charge
Le premier objectif est de développer une méthode permettant de prévoir le comportement thermique d’un bâtiment tertiaire. Cela permet d’anticiper les pointes de consommation et de déterminer à l’avance les meilleures stratégies de gestion de la climatisation. Les modèles vont être sélectionnés sur leur capacité à prévoir les besoins de climatisation et la température intérieure. Lors de la sélection des modèles, il ne faudra pas perdre de vue qu’ils devront aussi permettre la mise en place de stratégies d’optimisation énergétique. Or, tous les modèles ne sont pas adaptés pour répondre au second objectif de la thèse.
Modélisation thermique des bâtiments pour la prévision de charge : le choix des modèles inverses
Il existe de nombreuses méthodes pour prévoir la consommation des bâtiments. Ce paragraphe présente un inventaire de celles présentes dans la littérature et un aperçu des avantages et des inconvénients de chacune d’elles.
La modélisation complète d’un bâtiment (« boite banche » ou « modèle de connaissance ») permet de prévoir ses besoins thermiques. Cela nécessite de connaitre avec précision la composition des parois et les métrées (Da silva, 2011), ce qui n’est pas toujours facilement accessible. De plus, il est souvent nécessaire de regrouper les pièces en zones thermiques homogènes, ce qui oblige à prendre des hypothèses fortes et à disposer de bonnes connaissances du comportement thermique du bâtiment. Même avec un tel modèle précis du bâtiment, les besoins thermiques simulés sont souvent éloignés de la réalité, ce qui oblige à caler certains paramètres du bâtiment pour mieux représenter la réalité (Bertagnolio, 2012). Une fois le modèle « boite blanche » du bâtiment réalisé, il est possible de prévoir les besoins thermiques du bâtiment par simulation. Il faut tout de même avoir la possibilité de prévoir les entrées du modèle comme les données climatiques (température, ensoleillement), les profils d’occupation et connaitre les consignes (température et ventilation). Même dans les modèles les plus complets, certains phénomènes sont négligés (par exemple, la variation du débit d’infiltration d’air en fonction des pressions extérieures et intérieures) ce qui peut créer un biais dans les prévisions de charge. Un autre point négatif des modèles « boite blanche » est le temps de calcul. En effet, environ 10 minutes de calcul sont nécessaires à un ordinateur de bureau pour simuler une année entière au pas de temps 6 minutes (contre environ 0.01 seconde pour un modèle simplifié type « RC »). On sait qu’il sera nécessaire d’exécuter plusieurs centaines de simulations pour la mise en place de stratégies d’optimisation et cela représente un coût de calcul important.
La modélisation physique de type « boite blanche » n’est pas retenue comme une solution adaptée à la problématique de prévision de charge et d’optimisation de la climatisation, car elle n’est pas généralisable (déploiement sur de nombreux bâtiments en peu de temps) et présente un coût de calcul trop important. Un modèle détaillé de bâtiment de type « boite blanche » sera utilisé comme base d’apprentissage pour les modèles inverses.
La modélisation inverse est une alternative intéressante pour la prévision de charge. Elle permet de modéliser un système dynamique à partir des données d’entrée et de sortie. Des fonctions mathématiques génériques sont choisies pour leur capacité à représenter le phénomène que l’on veut modéliser. Les paramètres (constantes) de ces fonctions sont calculés de manière à minimiser l’erreur de prévision du modèle (Kurpisz & Nowak, 1995). En général, on cherche la fonction la plus simple possible qui soit capable de représenter le phénomène. Les fonctions mathématiques choisies pour représenter le phénomène peuvent avoir un sens physique; dans ce cas particulier on parle de modèle « boite grise » ou modèle semi-physique. Les fonctions peuvent aussi ne pas avoir de sens physique; on parle alors de « boite noire ». La frontière entre ces deux familles de modèles inverses est floue. En effet, pour certains types de modèle « boite noire », il est possible de retrouver des informations physiques sur le système étudié (Richalet, 1991).
Création d’un jeu de données pour l’apprentissage des modèles
Ce paragraphe présente le bâtiment de référence utilisé pour l’apprentissage et la validation des modèles inverses. Les données utilisées sont issues d’un modèle de bâtiment détaillé (multizones) qui est lui-même basé sur un bâtiment réel. On choisit d’utiliser des données issues de simulation pour la comparaison des modèles inverses et la mise en place de stratégies d’optimisation (chapitre 3) pour les raisons suivantes :
– Les données sont complètes et ne contiennent pas d’erreur ou de bruit de mesure
– Il est possible d’imposer au bâtiment des changements de stratégie ponctuels
– Les gains dus à l’occupation et à l’ensoleillement sont parfaitement connus
– Les consignes sont connues .
– Les infiltrations d’air sont connues
Ainsi les erreurs de prévision proviennent uniquement des modèles et non pas des incertitudes dues aux mesures ou aux phénomènes non maitrisés dans le bâtiment. Le bâtiment étudié est un immeuble de bureaux de 8700 m² construit en 1990, situé à Paris. Le modèle est découpé en 3 zones thermiques supposées homogènes, en fonction du type d’occupation des étages. La première zone thermique correspond au rez-de-chaussée qui est composé de la halle d’accueil, de la cafétéria et de bureaux. La seconde zone thermique correspond aux étages 1 à 8, qui contient des bureaux et des salles de réunion. Et enfin, la troisième zone thermique correspond au dernier étage qui est composé d’un open-space. La densité d’occupation n’est pas la même pour chaque zone thermique. La figure 2 présente le plan détaillé d’un étage du bâtiment.
Les bureaux sont situés sur la périphérie des étages alors que les salles de réunion sont au centre. Le modèle de référence ne prend pas en compte cette répartition et considère une occupation uniforme par étage. Pour simplifier la modélisation, les façades ouest et sud-ouest sont modélisées par des surfaces planes.
La climatisation du bâtiment est assurée par un réseau de chaleur et de froid, et l’émission par des ventilo-convecteurs. Les systèmes de production et d’émission ne sont pas modélisés, car on souhaite se placer dans un cas le plus général possible. On raisonne donc en besoin de chauffage et de refroidissement. Pour ce cas de référence, les puissances fournies par la climatisation sont purement convectives. Le renouvellement d’air est modélisé par un débit d’air neuf, les CTA (une à chaque étage) ne sont pas considérées ici. Le bâtiment étudié est entouré de tours de bureaux qui créent des masques solaires importants, pris en compte dans la modélisation des apports solaires grâce à un module dédié. Les apports solaires, l’occupation et le renouvellement d’air sont des phénomènes complexes dont les valeurs ne sont pas disponibles habituellement sur les bâtiments. Une section spécifique expliquera comment obtenir ces données à partir d’informations simples et mesurables sur site.
Le pas de temps choisi pour la simulation est de 6 minutes. Il est assez faible pour représenter la variation de besoin thermique ou de modification du confort et assez élevé pour pouvoir négliger l’impact de la régulation des systèmes et l’inertie de la plupart des émetteurs.
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Table des matières
Introduction
1 Contexte et objectifs
1.1 Contexte de la thèse
1.1.1 Une volonté de réduire les consommations énergétiques dans le secteur tertiaire
1.1.2 Le bâtiment comme acteur de la flexibilité offre-demande
1.1.3 Focus sur le chauffage et le refroidissement
1.1.4 Focus sur les bâtiments du parc existant
1.2 Les objectifs de la thèse
Bibliographie
2 Construction de modèles de bâtiment pour la prévision de charge
2.1 Modélisation thermique des bâtiments pour la prévision de charge : le choix des modèles inverses
2.2 Création d’un jeu de données pour l’apprentissage des modèles
2.3 Définition de critères pour la mesure des performances des modèles
2.4 Analyse et élaboration de modèles inverses « boite noire »
2.4.1 Modèles paramétriques linéaires « boite noire »
2.4.2 Modèle « boite noire » non linéaire : exemple des réseaux de neurones
2.4.3 Bilan sur les modèles « boite noire »
2.5 Elaboration de modèles contraints dits « boite grise »
2.5.1 Analyse bibliographique
2.5.2 Elaboration et test de modèles « boite grise »
2.5.3 Validation du modèle R6C2 par une étude de sensibilité
2.5.4 Validation du modèle avec des stratégies d’effacements
2.5.5 Bilan de l’étude des modèles « boite grise »
2.6 Limites d’utilisation du modèle R6C2
2.6.1 Validité du modèle dans le temps
2.6.2 Validation du modèle R6C2 sur différents bâtiments et climats
2.7 Obtention des entrées/sorties du modèle R6C2 sur un site réel
2.7.1 Instrumentation d’un bâtiment type et interprétation des mesures
2.7.2 Calcul des gains solaires adapté au modèle R6C2
2.7.3 Gestion des prévisions météo
2.7.4 Bilan sur l’obtention des entrées des modèles
2.8 Conclusion
Bibliographie
3 Conception de stratégies d’optimisation énergétique et d’effacement
3.1 Analyse bibliographique
3.2 Contraintes sur les stratégies d’optimisation
3.2.1 Le confort des occupants
3.2.2 Contraintes de pilotage
3.3 Présentation des stratégies d’optimisation
3.3.1 Calcul des performances des stratégies de conduite optimale
3.3.2 Stratégie 1 : optimisation de la relance en chauffage
3.3.3 Stratégie 2 : optimisation tarifaire
3.3.4 Stratégie 3 : effacement en puissance
3.3.5 Bilan sur les stratégies d’optimisation et d’effacement
3.4 Analyse paramétrique : test de la généricité des potentiels de gain
3.4.1 Variation du climat
3.4.2 Variation des caractéristiques du bâti
3.4.3 Variation de la structure de prix de l’énergie
3.4.4 Bilan de l’analyse paramétrique
3.5 Conclusion
Bibliographie
4 Cas d’étude : une école élémentaire à Nancy
4.1 Présentation du bâtiment
4.1.1 Information générales
4.1.2 Relevé des masques
4.2 Capteurs et mesures
4.3 Etude du modèle de bâtiment en régime libre
4.4 Validation du modèle R6C2 en période d’occupation
4.5 Test hors ligne des stratégies d’optimisation et d’effacement
4.5.1 Stratégie 1 : optimisation de la relance de chauffage
4.5.2 Stratégie 2 : optimisation tarifaire
4.5.3 Stratégie 3 : effacement en puissance
4.5.4 Bilan sur les stratégies « hors ligne »
4.6 Optimisation en temps réel du bâtiment
4.6.1 Objectifs et contraintes de l’optimisation
4.6.2 Identification et validation du modèle R6C2
4.6.3 Résultats de l’optimisation en temps réel
4.6.4 Bilan de l’optimisation
4.7 Conclusion
Conclusions
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